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MEMOIRES
L k SOCIETE
DES
ANTIQDAIRES DE LA HORINIE.
SA1NT-0MER
JMPR1MERIE DE CI1AXVIN FILS , RUE DE L’OEIL.
1851
MEMOIRES
DE LA.
soaiftr*
DE LA
saoiami*
TOME 9 —1851.
Doc Irina invesligando restituet.
PREMIERE PARTIE.
A Sl-Omer
A Paris
Tumerel / Libraire , rue Naiionale.
Legier , Libraire , Grand' Place.
Deraciie , successeur de Lange , rue
du Bouloy , N° 37.
M DCCC LI.
COSPTE-RENDU
DE LA SOCIETE.
COMPTE-BENDU
dies mavaox
w
LA SOCIETE ,
Par M. Henri de LAPLANE
SECRETAIRE PERPETUBL AD/.
Messieurs et Honorables Collogues,
Les statute com me les precedents , de la Societe
des Antiquaires de la Morinie , imposent au se-
cretaire perp4tuel 1’obligation de retracer par in-
tervalies a l’assemblee le preois de ses derniers
travaux. A la priere de- notre digne et excellent
collaborateur , M. Louis de Qivencht qui double-
ment frappe dans ses affections les plus chferes (1)
(1) tf. m Gitekc^t, secretaire pcrpdtael 9 < le malheor de perdre
«e pea de temps sod fils alod ( M. Cssai ) et sa fille cfadrie ( M1("
Cesaunb ) module de toutes les vertust enge qoe le ciel en visit a
la terre et dent. le sooveelr Tins tangtemp* daps la mdmoire de
ceox qoi Toot connoe , comme dans le c<ew des paavres que sa
main bieefaisante soulageait k cbaque heore du jour.
est retenu loin de nous , nous allons essayer do
remplir cette t&che, mats vous le devinez, messieurs*
dans raccomplissement de ce devoir nous osons
esperer beaucoup de votre bienveii lance. 11 est des
homines qu’il faut supplier quelquefois, et qu’on
ne r emplace jamais.,...
La compagnie compte a peine vingt annees d’exis-
tence et depuis longtemps deja ( on nous permettra
de le dire ) elle occupe un rang distingue parmi
les Societes savantes etablies dans le Nord de la
France. Poursuivant son oeuvre modeste, sans
relache et sans ostentation , elle marque toutes les
periodes de sa vie par des travaux utiles : chaque
jour amfene de nouvelles recherches , voit grandir
son importance et s’accroitre le nombre des ser-
vices rendus par elle a- 1’histoire du pays. S’ef-
formant d’eclairer les points nebuleux de nos an-
nales , elle cberche & inspirer le gout des etudes
serieuses. Quoi de plus attachant que d’examiner
le sol foule par nos aieux en se rappelanl les
evenements dont it fut le theatre? Comment ne
pas aimer & se raeler a la vie de nos peres * a
connaitre leurs moeurs * leurs vertus * leur courage ,
leurs. vicissitudes ? Peut-on parcourir nos belles
provinces sans etre emu a la vue de ces vastes
champs de balaille oh si souvent , sous toutes les
dominations qui se sont succedees, vinrent se vider
lesplus sanglanles, les plus meroorables querelles?,.
Heureuse confraternite des sciences et des lettres *
elle franchit 1'espacc , brave les mers, traverse
les montagnes et porte partout la lumiere , graces
lui soient rendues ! Notre compagnie lui doit l’hon-
neur d’etre en relations suivies non settlement
avec la plus grande partie des savantes compagnies
franqaises, mais encore avec les Academies de Russie,
d’Angleterre , d’Espagne , de Suisse , de Belgique
et des principales villes de I’Europe : Paris , Lon-
dres, Madrid, St-Petersbourg , Bruxelles, Anvers,
Zurich et presque tous les departements de la
France, comptent de nos correspondants toujours
empresses de repondre a notre appel et d’entretenir
avec nous le mutuel eqhange de nos publications
respectives. N’est-ce pas , Messieurs , le moyen le
plus facile, le plus sur de se tenir au courant
des progres des sciences et des arts , de s’initier
aux secrets des d£couverte$ nouvellest
Ainsi secondee au dedans par l’activite de sea
membres , au dehors par le zele de ses corres-
pondants et par 1’appui. des comites etablis dans
toutes les parties de sa circonscription , la Societe
porte ses investigations dans 1’efendue du terri-
toire de la vieille Morinie ainsi que sur les sou-
venirs qui s’y rattachent ; Rechereher , dtcrire
ct ritablir , tel est le but de nos constants efforts
qui n’auront pas ete sans succes.
Huit volumes avec leurs planches ou leurs
atlas forment jusqu’aujourd’hui le complement des
VI —
publications de la Soeiete des Antiquaires d'e Is^
Morinie.
Un instant, detournes de votre pacifique mission
par de plus serieuses preoccupations cremes a la
suite des evenements politiques du mois de fevrier
4,848 , voqs n’ayez pas tarde a reprendre la con-
tinuation de votre oeuvre. Si le chiffre de vo.s.
membres actifs est reste stationnalre , il n’en est
pas de meipe de celiy d.e vqs travaux dpnt le
nombre est devenu. tel que le temps et nos resr
sources financieres suffisent a peine a. leixr publi-
cation. La date de la derniere seance publique
remonte deja as§ez haut, (7, fevrier \ 848 ); si par
suite de qirconstances independantes, de la volontje
de tons , ces assemblies solennelles n’ont pu se
renpuveler , vous. etes loin neanmoins , Messieurs,
d’etre demeures inaclifs : de nombreuses etudes,
n’ent pas oesse d’enrichir voa collections!. Le 8® et
dernier volume a papu depuis cette epoque , il
contient , vous le savez : 1® des Observations suit
le ehronogramme eommdmoratif de la fondatian
de I’Sglise eolldgiale de St - Pierre d’ Aire , par
M. Jules Router, I’un de vos correspondents;
— 2^® Un nUmoire swr let causes amquelles on
doit altribuer le grand nombre de monuments ro-
tigieux , Mevds du XII® au XV* sihcle dans les pro-
vinces siluies au. nord de la Loire comparativement
au petit nombre de ces monuments conslruits pen-
dant la mSme pdriode dans les provinces placdes au.
— VII —
sud de ce fleuve , par M. E. Woillez egalement
correspondent ; — 3° ce memoire est suiv d’un
rapport de notre honorable collogue, M. l’abbe
Clovis Bolabd , sur cette question : Pourquoi du
XII® au XV® sibcle le nombre des monuments reli-
gieux est-il plus considerable au Nord quau Sud
de la Loire ? — 4° on y voit la biographie de notre
illustre compatriote Robert de Fiennes , conneta-
ble de France , par M. Edouard Garnier , eleve
de l’ecole des chartes , travail suivi d’un rapport
additionnel de M. Alexandre Hermand ; — 5®
une notice historique et archiologique sur Veglise
cottigiale de Lillers , par M. Amed6e (1’IIagerue ,
tresorier du coalite d’AiRE ; — 6® un rapport de
M. Louis Deschamps de Pas sur une dicouverle
d'objets gaulois et gallo-romains, faite dans les jar-
dins du faubourg de Lyzel , pres St-Omer ; — *1°
une notice sur Surques , par notre correspondent M.
Leclercq de Neufville ; — 8° un mimoire sur I'i-
glise paroissiale du nouvel Hesdin, par M. l’abbe
Robert , cure de Merck St-Lievin ; — 9® un
rapport sur I'ancienne ville de Mardyck et les
recherches dont elle peut Stre 1‘objet , par M. Louis
Cousin ; — 10® un mimoire sur Quentovic , par Mi
1’abbe Robert , deja nomnie ; — 11® un compte
rendu des fouilles faites au Mouflon , sous la di-
rection de M. de Neufville, par MM. Courtois
et Delmotte, membres titulaires ; — 12* enfin
le tome 8® se termine par une notice de M.
— Vtll —
Alex. Hermans stir qtielques monnaies f rappees k
St-Omer.
Aussitot apres l’apparition de ces travaux vous
avez hate l’impression du IX* volume dc vos me-
moires dont la premiere partie est sous vosyeux.
Kile renferme : une notice de notre collegue, M.
Deschamps , ingenieur des ponts et chaussees, sur
un trail 6 relatif h la peinture sur vcrre au moyen
Age; — 2® une dissertation sur une miniature qui se
trouve sur un manuscrit de la bibliothbque de Bou-
logne-slii-Mer, par M. l'abbe Francois Lefebvre,
membre correspondant. Ce travail est accompagne
du dessin de cette miniature (1); — 3® des re-
cherches star la question d' antbrioriti entre les deux
monastbres primitifs de la mile de St-Omer dans
ses rapports avee I'histoire des commencements de
cette ville, par M. Alex. HerMand;* — 4® un tra
vail de M.- Courtois , secretaire -archiviste , inti-
tule : Lecture et publication d'un placard de Charles-
Quint a la bretecque de la Maison Jloyale de
St-Omer en Van de grdce \ 531 et tableau de tnceurs
a St-Omer et en Artois au XVI* sibcle ; — 6® une
notice sur les manuscrits de la bibliothbque de
Bergues-St-Winoc ; par M. Jules Lepreux ; — 6®
une notice historique sur quelques midailles de N.-D
de Boulogne , par M. Jules Rouyer.
Telle doit etre la premiere moiti£ du tome IX*,
<l> Cc tlmfa parartira Jans Pallas avec la 2"e partie du volume.
IX
die forme 350 pages environ et aurait pu ,
sans doute , s’augmenter encore; mais on a
du s’arreter k cette i unite afin d'etre en mesure
de prouver a MM. dn conseil general que la Society
s'efforce de justifier autant qu’il est en elle par
ses publications reiterees la haute sollicitude dont
elle est annuellement 1’objet de la part des elus
du pays.
D’autres memoircs sont pr6ts pour Pimpression
de la seconde partie de ce volume et pour le
commencement du suivant ; ils n’attcndront pas
Iongtemps. Parmi eux figurent : 4* une notice de
M. Dufaitelle sur un Cul dc lampe du musie de St-
Omer , dessin6 par M. Auguste Deschamps ; — 2®
un travail relatif d I’ancienne crypte de N.-D de
Boulogne , par M. Morey , membre correspondant a
Paris ; cette notice est accompagnee de jobs des-
sins ; — 3* un. memoire de M. Louis de Bakcker,
correspondant h Bergues ■ sur Vancienne Flandre
maritime ; ce travail est suivi de quclques obser-
vations presentees par M. Alex. Hbrmand designe
par la compagnie pour en faire l’examen ; — i®
une dissertation sur le culte des fontaincs , par M.
I’abbe Santerre , correspondant a Paris , suivie
d’un rapport de M. Edmond de Liot ; — 4° notice
sur Qcentovic, par M. L. Colsin.
Mais en memo temps , Messieurs , que vous
acheverez votre IX° volume et qiie vous entre-
prendrez le Xc pourlcquel les maleriaux ne manquent
— X —
pas; un autre non moins interessant p&raitra, par V09
soins , en dehors de vos publications ^habituelles :
la Societe, vous ne l’avez pas oublie , doit a M.
Taillar , conseiller a la Cour de Douai et a M.
Marnier , avocat k Paris , tous deux nos collegues,
la communication d’un manuscrit de la bibliothc-
que nationale , ayant pour titre : Litre des Loix ,
Usaiges et Coustumes de la ville et comti de Guisnes.
Ce livre , dont une copie a ete faite par M. Mar-
nier, ainsi que Ie porte une note marginal e tracee
sur l’original , a ete soumis a votre examen , et ,
sur l'avis d’une Commission prise dansjvotre sein ,
vous en avez ordonn£ la publication a cause de son
importance. C’est un corps complet de droit com-
munal a l’usage d’une petite ville du nord de la
France au XVe siecle; il fournit des renseigne-
ments curieux pour l’histoire de la domination an-
glaise sur les bords de la Manclie.... 11 semble-
rait avoir quelques rapports avec un autre recueil
semblable qui se trouve au British museum a
Londres (1) , intitule : The Book of newe or*
DONNANCE AND DECREIS FOR THE COUNTY OF GuiSNES
MADE DEVISED AND ORDEYNED , BY THE KINGES
JUSTICES , AND COMMISSIONERS APPOINTED FOR
THAT SAME WHICH WERE DELIVERED TO THE BaYLYE
and La we ad Guisnes , aforesaid in the kinges
OPEN COURT , HOLDEN THERE THE FIRST DAYE OF
(1) In tbe cosson faustina E. VII. ff. 40.
FEBRUARH ANNO REGN1 REGIS HENRICI OCTAVI VI-
GESIMO (1525) (1).
Ce recueil , Messieurs , est deja livrd k l’im-
pression avec les notes et observations dont nous
sommes redevables k la plume exerc6e de plusieurs
de nos savants collegues ; il formers un volume
de plus de 300 pages sera orn£ d’un ancien plan de
laville deGuiNES (2) et aura , n'en doutez pas , un
int6ret reel par les documents nouveaux qu’il fournit
sur les coutumes d’un territoire voisin qui passa
ton gtemps. sous la main de I’Angleterre.
Cette faveur d’une publication extraordinaire en
dehors de vos Memoires , vous t’accorderiez aussi
avec le meme empressement a un autre travail
non moins utile pour noire histoire .. Vous nous
devinez , Messieurs , nous voulons parler de la
nouvelle edition de la cbronique de Lambert d’Ar-
dres , que termine en ce moment notre collfcgue
de Lille, M. le marquis de Godefuoy de Meml-
glaize , le digne successeur. des savants arclii-
vistes de Flandre et. d’ Artois.. Ce consciencieux
annotateur a pu comparer, les differents manus-
crits anciens,entre autres ceux de Paris , de Bruges,
celui du Vatican, a Rome et celui de St-Omer ,
precieux autographe transcrit en entier. de la main
(1) Vide the chronicle of Calais edited, by J.-G. Nichole ( prin-
ted for the Cambdem society p. 130. >
(2) Plan communique par IL Derheims , p«r« , de Calais , qui Pa
deaaiae d'apres 1'excmplaire de la tour de Londrea.
— XII —
de Dom Guillaume de Whitte , bibliotliecaire et
archiviste de I’abbaye de St-Bertin au XVI* siecle.
Si nous soatmes bien informes, un giossaire de
tous les pomp de lieux cites, joint a une carte
topographique vienjlront en aide a i’intelligence du
lecteur ; M. de Godefroy n’a rien neglige pour
completer ses recti erches ; nous faisops des voeux
pour que celte publication d’un haut interet ne se
fasse pas longtemps attendre.
Avons-nous besoin maintenant de rappeler ici
qu’independamment de ces publications qui occu-
pent les instants et absorbent les finances de la
Compagnie , plusieurs d’entre nous trouvent encore
le moyen de' charmer leurs loisirs en tragant ,
cbaque jour , de nouvelles lignes sur les sujets
les plus importants de notre histoire locale?
Quelque temps encore. Messieurs, et bientot, Iezele
des Membres de la Societe des Antiquaires de la Mo-
rinie aura mis au jour d’autres ouvrages qui ont
aussi leur interet.
1° M. Alex. Hermand, notre honorable vice-
president , s’occupe d’un grand travail sur l’his-
toire monetaire des Morins et des Alrebates , dans
ses rapports avec la religion druidique ; 2® de con-
cert avec M, Louis Deschamps , il prepare la
collection des empreintes sigillaires de la ville de
St-Omer (1); — 3° M. le president Quekson ecrit
(1) Les dessins de ces sceaux scront executes par noire collogue ,
U. Auguste Descbamps.
XIII —
l’histoire des Sinoguets ou Patriots de St-Omer
en 1578; — 4° M. Coortois, avocat, notre se-
cretaire-arekiviste , qu nagueres a public une no-
tice sur l’ancien faubourg de St-Martin hors des
murs , va rappeler encore quelques souvenirs re-
latifs aux invasions des Normands dans nos pa-
rages, etc.; — 5® M. Edmond Liot de Nortbecourt
poursuit avec activity sa traduction de Malbrancq
dont pres de 1200 pages sont deja terminees;
— 6® M. Dufaitelle fait , entre autres travaux ,
des Etudes sur les anciennes rues de la ville de
St-Omer ; — 7® M. Leclercq de Neufville , k
Surques , songe a rappeler les moeurs ct usages
de quelques communes du Boulonnais ct de l’Ar-
tois ; — 8® M. Victor Derode , secretaire de no-
tre comite de Dunkerque , dejk connu par son
histoire de Lille, publie en ce moment l’histoire
de Dunkerque ; — 9° M. le comte Achmet d’IBS-
ricourt , maire de Souchez , depuis longtemps
connu dans le monde savant , se livre avec une
infatigable activite k de nombreux travaux liisto-
riques et bibliographiques ; — 10° Enfin , nous
essayons nous-meme de retracer la vie des 83 abbcs
qui , pendant plus de douze siecles d’une glorieuse
existence , gouvernerent le vieux monastere de.St-
Bertin. Arretons ici cette nomenclature, notre
tache serait longue, Messieurs, si nous voulions
indiquer la complete enumeration des ouvrages re-
lates a l’histoire locale , qui sont sortis ou a la
— XIV —
veille de sortir de la plume de tous les membres
de la Societe des Antiquaires de la Morinie.
Ces ecrits , cemme leura devanciers ,. seront ae-
cueillis , sans doute , avec cette faveur qui sembLe*
s’attacher naturellement a tout ce qui touche aux.
souvei rs de nos. pferes : Leurs auteurs , en aidant
a popularises l*etude de L’histoire auront constate
en memo temps l’influence des compaguies savau—
tea etablies dans Le but de la propager .
Ce a’est pas tout. Messieurs, pour encour-
rager mieux encore le gout des connaissances.
bistoriques ,. vos efforts ne se bornent pas a remuer-
les archives et a produire le fruit de vos inves-
tigations. Cherchant a mettre a profit pour I’utilite
commune les lumieres de tous , vous faites au-
nuellement un appel general. a vos collaborateurs.
de la France et de I’etranger, puis au milieu de
cette lutte pacifiquedes intelligences,, vous presentez.
des couronnes aux vainqueurs.
Yotre dernier programme transmis & toutes les.
secietes avec lesquelles vous etes en relations lit—
teraires mettait au concours les questions suivantes.
proposees en 1850 pour -f 851 :
> 4* Une medaitte d’or de 2*50 fr. sera aceordee
» au meilleur travail sur l’histoire , soit d’une
» commune importante , soit d’un groupe de vil —
» lages du dlpartement du Pas-de-Calais ou de
* 1’ancienne Morinre.
» 2° Une m6daille d’or de m6me valeur sera
> donnee a ia meilleure notice biographique sur
» le marshal de France Arnoud d’Audrehem,
connu au moyen *age sous la designation d'An-
NOULD d’AlJBENHEN. >
Le concours pour 1850 accordait une medaille
(Tor de 500 fr. au meitleur m6moire sur l’his-
toire des corporations marchandes connues autre-
fois sous le nom de Ghildes dans l’extrfime nord
des Gaules. Cette grande question n’a pas 6t6
traitee dans les limites 6tablies par le programme.
La Societe s’est reservde de la reproduire plus
tard a cause de 1’importance qui s’y attache.
Quelques mois nous apparent de la cldture de
l'admission au concours ; un memoire nous est
parvenu ; d’autres , sans doute , arriveront encore
avant l’expiration du delai fixe. Ils apporteront ,
nous en avons la confiance , une solution favorable
aux problem es pos6s , et vous serez beureux ,
Messieurs , s’il vous est perrnis de ddcerner k
1’auteur d’un bon travail , le prix de la victoire.
En attendant, de nouvelles questions se pre-
parent par les soins de votre commission permanente
pour le concours de l’annee prochaine.
Mais en reclamant la lumifere par tous les
— XVI
moycns en votre pouvoir, vous ri’avez pas oublic
d’interroger la terre jusque la muette, pour evoquer
scs souvenirs.
Apres les fouilles de St-Bertin , de Quentovic , de
Calais, de Cassel vous avez sonde le vieux Mardycum,
aujourd’hui Mardyck, un peu orguetlleusement pout-
etre designe sous le nom de ville et qui n’est main-
tenant qu’une humble agglomeration de chaumi&res.
Son histoire, celle de son port auquel ce lieu
dut toute son importance decline , sera ( nous
assure-t-on , ) retracee par Tun de nos honora-
bles collegues de Dunkerque, M. de Bekthand.
Votre comite par l’organe de son president M.
Louis Cousin , vous a deja fait part des premieres
explorations qui, sous vos auspiees, se continuent
toujours sur ce point ; un peu plus tard il aura
1’honneur de vous en soumettre le resultat defmitif
lorsque les travaux auront pu se completer.
Par l’entremise de M. Felix de Neufville ,
correspondant a Surques , vous avez egalement
explore au Moujlon un tumulus qui a ete decrit
dans le dernier volume de vos memoires par MM.
Courtois et Delmotte, mcmbres titulaires. Pou-
vons-nous mieux faire que de renvoyer nos lec-
teurs a cette description ?
L’emplacement de l’ancien monastere de Bergues
Sl-Winoc dependant autrefois de celui de St-Bertin
a aussi fixe votre attention. Vous avez vote une
allocation pour sender les entrailles du vieux
Groenberg qui , selon toute apparence peuvent
renfermer quelques utiles enseignements histori-
qucs . Les recherches sur ce point n’ont pu s’effec-
tuer encore ; el les ne seront pas negligees lors-
que le moment -paraitra favorable ;■ le zele de vos
correspondents locaux vous en donne l’assurance.
N'oublions pas les fouilles de Calais; elles
ont et6 instructives et peuvent aider a- resoudre
quelques problem es inconnus jusqu ici. Les objets
trouves sont lithographies depuis quelque temps ,
graces aux soins de votre comit6 ; nous attendons le
rapport de notre obligeant collegue , M. Henri
Derheims , pour le publier.
En outre , d’apres le d6sir exprime par quel-
ques uns d’entre vous , des fouilles doivent s’ope-
rer sur quelques parcelles du territoire d’HocQWN-
ghem et d’ARDiNGHEM ; ces coins de terre ne
tarderont pas non plus a etre explores . Vous a -
vez a cffiur , Messieurs , de ne rien negliger de ce
qui peut aider k une decouverte nouvelle .
Penetres de cette pensee , plusieurs de vos mem-
bres parcourent depuis quelque temps le pays,
examinant (’emplacement, les vestiges, la position stra-
tegique de nos anciennes forleresses voisines , telles
que Therouanne , Cassel , Tournehem , Rihoult ,
Watten , Renty , Eperlecques, Ardres, Guines,
— XVIII —
la Montoire , Hames , (1) le Fort Batard ,
etc. dans le but d’etudier 1’histoire instructive et
altrayante de la defense de nos contrees au rooyen-
age.
Sentinelle avancee , chargee de veiller a la garde
des anciens monuments qui traversant les ages ont
pu echapper a Taction du temps et des hommes ,
votre intervention a deja rendu bien des services;
souvent elle a exerce une influence heureuse a
1'aide de laquelle plusieurs de nos edifices ont
ete maintenus , restaures, embellis ou disputes
a la destruction. N’avez-vous pas puissamment
aide et ne secondez-vous pas energiquement en-
core la rcstauration complete de ces deux elo-
quents temoins des XIV® et XV* siecles qui ,
a Test et a Touest de notre cite, rappellent les
meilleurs jours de Tarchitecture religicuse? (2).
En mime temps que vous vous preoccupiez
du dehors Messieurs, vous ne negligiez pas de
faire revivrek Tintlrieur quelques-uns de ces sou-
venirs qui sont la gloire de noire patrie : D’apres
votre decision, le 3 mai 1849, on plagait sur une
(1) he cbdteau de lidmes eat devena cdlebre comme prison d’Elat
pendant roccupalion du Calaisis par lea anglais , dc 1347 & 1360.
CcU4 de la Montoibb , cede ancicnne residence de Comtrs de
Guinea, prdaente peut dire lea plus belles mines qoe nous ayons
dans les environs.
(2) La (our de Tantien monaslere de $t*Bertin et Fcglise Nothb-
Daub, ancicnne cathddrale de St -Oner.
— XIX —
facade de la rue de Dunkerque k St-Omer , ces
lignes memoratives gravees en or sur le marbre
en l’honneur de l’une de nos illustrations audo-
maroises :
Simon Ogier , po^te latin
NAQUIT DANS CETTE MAISON DU BLANC-RAM (1),
LE 3 MAI 1549.
Rappelant ainsi k nos contemporains et conservant
pourles generations futures la memoiredu lieu, oil, il
y a trois siecles, vit le jour notre savant compa-
triote jusque-lk peu connu (2).
La , Messieurs, ne se sont pas borne vos soins ;
dans la pensee de rappeler aux vivants les nobles
exemples de ceux qui ne sont plus; vous avez
voulu faire revivre (’inscription funeraire de Gerard
d’HAMERicouRT , (3) 69® abbe de St-Bertin ,
1er eveque de St-Omer, le pere des pauvres,
le protecteur de la jeunesse , le bienfaiteur du
pays qui , au milieu du deuil general qui
couvrait la cite , fut inhume le 21 mars 1 577 ,
dans le sanctuaire de la premiere 6glise des jesuites
dont il 6tait le fondaleur.
(1) Ainsi se nommait la maison n° 104 , probablement & cause
de son enseigoe qui representait , dit-on , un rnoulon blanc.
(2) Yoir les ouvrages de Simon Ogier , a la bibliotheque de
St-Omer, etc. — Idem dans celles de MM, Mallet et Hermand ;
les exemplaires complete sont assess rares.
(3) Cette inscription fut enlevee et brisee a la revolution : elle se
retrouve dans les dcrits de Dom de Witte, l’infatigable auteur du
grand cartolaire de St-Bertin ( bibl. de St-Omer . n°* £03, 8Q6, etc.)
Votre intention reparatrice n’a pu jusqu’ici re-
cevoir son execution ; elle ne sera point toutefois
perdue devue:Ie voeu de.la Societe s’aeeomplira,
ee sera pout elle I’acquittement d’un pieux devoir.
Nous pourrions,. sans doute, enumerer encore bien
d’autres actes publics de votre sollicitude ecfairee ;
mais nous craignons d’etre entraine trop loin ;
deja peut-etre n’avons nous que trop abuse de
votre bienveillante attention.
Ce que nons venons de dire suffit, ce nous
semble, pour 6tablir qne, dans les Timites de sea
attributions , la Societe des Antiquaires de la
Morinie ne fail-lit point a son importante mission et
que toujours elle se montre digne de la bienveillance
qui lui est accordee.
Pour nous conformer aux prescriptions du re-
glement , permettez-nous maintenant quelques mots
sur les modestes details de votre administration
interieure.
Les ressources financieres de la Soeiete , un
instant ebranlees par les recentes commotions poli—
tiques, ont repris leur equilibre. Elies se composent
de nos cotisations personnelles, du produit de
la vente de nos publications , d’une allocation
annuelle du conseil general et de quelques en-
couragements accordes a nos travaux par le
ministfere de l’instruclion publique. Nous avons
besoin , vous le savez , Messieurs , de la conti-
XXI
nuation de ces indispensables secours pour pour-
suivre notre oeuvre scientiflque. Esperons qu’ils nous
seront conserves.
Interprfcte des sentiments de la compagnie , votre
bureau, malgr6 les vides qui se font sentir dans
ses rangs, s’eflorce de pourvoir a tout et de ne
laisser aucun interet en souffrance ; il croit avoir
a cet egard justice votre confiance.
Yotre bibliotheque s'accroit de jour en jour par les
dons du gouvernement , les hommages des societes
correspondantes , les donations particulieres et par
les souscriptions autoris6es par vous. Malheureu-
sement , il faut bien le dire , quelques parties de nos
importantes collections ne sont plus completes. Nous
avons la confiance qu’avec la bonne volonte de tous ,
les Iacunes pourront parvenir a se combler!
Plus tard nous aurons 1’honneur de vous sou-
mettre l’inventaire de vos richesses bibl iographi—
ques ; contentons-nous de dire aujourd’bui que
parrs? les livres imprimes qui ornent vos collections
on remarque :
1° Les superbes volumes des documents inedits
de I’hisloire de France , publies par le gouverne-
ment sous les auspices du ministere de l’instruction
publique;
2° Les importantes publications dont nous som-
mes redevables a nos collogues d’Angleterre , de
Russie , de Suisse, de Belgique, etc,
— XXII
3* Celles de la Societe des Antiquaires de France,
et une grande partie des memoires publies sur
nos villes de province etc. etc.
Au nombre de nos recentes acquisitions manus-
crites , nous voyons :
4* Les anciennes chartes de Merck , tracees en
original sur d’interminables rouleaux de vieux par-
chemins, ronges par le temps ; elles sont un don
offert a la Societe par M. l’abbe Robert.
2® Un autre titre non moins curieux , egale-
ment en parchemin , avec un plomb porta nt
d’un cot6 les effigies de St -Pierre et de St-
Paul , de l'autre ces mots : Pius Papa V. C’est
une bulle originate et confirmative de la fondation
du college des jesuites et de celui des pauvres
de St-Bertin , a St-Omer , par Gerard d’HAMri-
ricourt , donnee a Rome , sous la date des nones
de juin 4571. Ce precieux document historique
parfaitement conserve a une dimension de 82 cen-
timetres sur 63 ; il nous a 6te presenle par notre
honorable collegue , M. l’abbe Clovis Bolard ,
aumonier des hopitaux civil et militaire de cette ville,
au notm de Messieurs du bureau de bienfaisance de
St-Omer. Ce titre est litteralement transcrit dans le
grand cartulaire de Dom de Witte : On pourra
maintenant comparer l’original avec les copies.
3® Une reproduction textuelle des premieres
feuilles d’un manuscril de Dom. J^A^i Bauuin , an-
— XXIII —
cien religieux du monastere de Glairmarais ; ce
manuscrit fait actuellement partie de la biblio-
theque de Mons ('HainautJ. Les pages qui en ont
ete extraites sont un hommage de M. Fainne ,
Md de charbon k St-Omer , au nom duquel M.
Du fas sell e les a deposes sur votre bureau. Elies ont
pour titre :
> Becueil de ce qui est advenu plus digne de
» mimoire depute Van de salut 4576 jusques en
» \ 586 , tout recueilU par Fr. Jean Ballin , re -
• Ugieux de Clermaretz-lfo-St-Omer • L’epoque
que retrace cet ecrivain , est pleine d’interet ; ce
manuscrit est d’autant plus curieux que le prin-
cipal ouvrage de Ballin est egare et que le petit
livre de cet auteur qui existe sous le nom d’An-
nales a la bibliotheque de St-Omer ne peut guere
justifier ce. titre. — On sait d'ailleurs que la chro-
nique d’HENORic ne commence qu’en 4594 et finit
en 46SI3.
Vous avez enricbi vos rayons , Messieurs , d’un
exeinplaire de l’inventaire general des archives
d’Artois , par Godefroy. Le premier volume
textuellement reproduit d’apres la copie de la bi-
bliotheque de Calais prise elle-meme sur celle des
archives d’Arras , est entierement termine. Le
second dont nous devons l’obligeante communica-
tion au fils de l’auteur , se transcrit en ce moment
d'apres l’original certifie. Bientot nous pourrons y
XXIV
ajouter les cinq in-folio de l’inventaiie dcs archives
de Flandres.
La copie de ce manuscrit facilitera nos recher-
ches historiques; elle manquait k St-Omer ; ainsi
vous aurez rempli une nouvelle lacune.
Yous recueillez en outre les anciens plans to-
pographiques des points les plus saillants de la
contree; ne vous doit-on pas : 1° la description
militaire de Tberouanne, alors que cette antique cite
succombait sous les coups de Charles-Quint k la
tete des armies coalis^es contre elle (1) (1553);
2® la publication du plan de Watten et de son
fort, en 1644 ainsi que la carte du pays k cette
6poque (2) etc. , etc. ; 3® vous allez reproduce le
trace de la ville et du chateau de Guines sous la
domination anglaise, d’apres les originaux conserves
a la tour de Londres. D’autres plans non moins
curieux vous seront sans doute r6serv6s encore:
le beau cabinet de MM. Derbeims , nos honorables
collfegues de Calais , est une mine flconde en ri-
chcsses de ce genre , leur aimabie obligeance vous
a permis d’y puiser k pleines mains (3).
(1) Allas du tome V des mdmoires de la Socidtd des^ Antiquaires
de la Morinie.
(1) Id 1. IV , p. 51.
(3) cVst a MM. Derheims que nous sommes redevable* des plans
de Therouanne , de Guinet , d'Hdmes , etc. , etc. tous ofliciel-
lement certifies par le garde des archives.
M. Mahoy , horiogcr a SI )mer , a eu la bonte de nous com-
muniquer egaleimnt une autre copie de Pancicn plan de Guines,
provcnant de la m<?mc origine.
Ajoutons an mot ; on nous annonce la renppa-
t'ition d’un document precieux pour I'histoire de
notre province. L’ancien cartulairc de Therouanne,
longtemps egare , est actuellemeni , dit-on , dans
la biblioihequc de notre savant collegue de Bruges,
M. l’abbe Carton , membre de l'Academie royale
de Bruxelles , etc. Felicitons-nous , Messieurs , de
cetle heureuse decouverte ; ainsi confiec , la lumiere
ne saurait plus rester sous )e boisseau , ellc rejaillira
sans doute jusqu’a nous. Nous nous empresserons
de vous reparler de cet interessant volume aus-
sitot qu’il nous aura ete permis de 1'examiner
nous meme.
Nous avan? ons , Messieurs > notre tache s’aocom-
plit; mais nous ne pouvons la terminer sans ex-
primer un sentiment douloureux ; nos rangs se sont
eclacis.... les fonctions publiques de quelques-
uns , la sante de quelques autres , les ont eloignes
de nous... D'autres encore ne sont plus... la mort,
toujours impitoyable , a frappe r a notre tete ce
venerable et spirituel vieillard qui , pendant plu-
sieurs ann^es , presida nos travaux : le general
vicomte du Tertre , ancien depute, commandeur de
la L4gion-d’Honneur , chevalier de St -Louis , de
Charles 111 , de St-Ferdinand d’Espagne et de plu-
sieurs autres ordres , a ete enleve depuis peu a
la Societe , a sa famille , a ses amis , a 1’age de
76 ans.... Ses funerailles ont eu lieu avec la distinc-
tion due a son rang , a Sl-Martin-au-Laert , oil
XXVI
reposcnl scs depouilles mortelles. L’lionm ur de
vous parler dc lui reviendra naturellement a celui
d’entre vous que vos suffrages designeront plus
tard pour prendre sa place vide encore.... Nous
devons nous borner maintenant a deposer sur la
tombe a peine fermee de notre ancien president,
1’expression des regrets unanimes de ses collegues.
Au milieu des pertes souvent irreparables que
d'apres les lois de notre fragile nature nous som-
mes forces de subir; dans ce roulement perpetuel
de la vie humaine , oil les existences d’aujourd’hui
ont succede a celles d'hier et oil celles de demain
remplaceront a leur tour celles d’aujourd'hui ; si
les homines disparaissent pour faire place i d'autres
hom mes , les societes seules restent debout etne meu-
rent pas , inalgre les orages dont par intervalies
elles sont traversees : ainsi le veut dans seseter-
nels decrets la volonte immuable de la Providence...
Aulant qu'on peut comparer les petites clioses
aux grandes, il en sera de meme , Messieurs , pour
notre modeste association scientifique : dans son
humble sphere, inalgre les epines dont sa route
est parsemee , elle continuera son ceuvre avec la
eonfiance d’accomplir une utile mission.
Uno avulso non deficit... alter !...
Grice a nos efforts communs, (’importance des
itudes bistoriques, quelque fois meconnue , grandira
et s’aiclimalera parmi nous. En attendant. Messieurs*
— XXVII —
unissant nos travaux k ceux des nombreux comit6s his-
toriques ou archeologiques qui couvrent le pays, ma-
lisons de zele et de devouement pour « illustrer
» notre petite patrie locale , element de la grande
» patrie commune (1). > Atteindre ce but ne serait-
ce pas , la meilleure des recompenses et le plus
beau succfes que la Society des Antiquaires de la
Morinie puisse ambitionner ?
(1) M. Jules Des n oyer*?, — Rapport des travaux de la Societd de
I’hisioire de France , bulletin n° 5 , tnui 1851 , p. 80.
NOTICE
sun
UN TRAIT® RELATIF A LA PEINTCRE
AU MOYEN-AGE.
NOTICE
SUE
DR TRAITS RELATIF A LA PEIKTORE
AU MOYEN— AGE j
par PIERRE DE SAINT-OMER ,
INSURE DANS LE MANUSCRIT N# 67 if DE LA
BIBLIOTHEQUE NATIONALS.
Les bibliethfeques de Paris et des d£partements
renferment une'foule de documents in£dits qui
seraient de nature k nous int6resser, non-seulement
par leur importance arch£ologique ou historique ,
mais encore comme emanant d’individus de notre
pays , dont on connait k peine les noms. D6jk le
premier volume du catalogue des manuscrits con-
tenus dans les bibliotheques des departements ,
publie par le ministere de Instruction publique ,
nous a r6vel6 une lettre attribute , selon l’auteur
— I —
da catalogue , k un moine de St-0mer , nomine
Oslo , personnage qae M. Hermand vous a demon tr6
fctre le meme que l’ex-chatelain de St-Omer, du m£me
nom, prfes parent de l’un des fondateurs de l’ordre des
Templiers, et qui apres etre entre dans 1’ordre da
Temple lui-meme, s’intitalait ordinairement : Fraler
de Sancto Audomaro , comme il est indique dans
ladite lettre.
Esperons que la suite de ce catalogue nous
r^velera encore d’autres richesses, et que peu a
peu nous finirons par connaitre tout ce qui , inte-
ressant notre pays, est dissemin6 dans toutes les
bibliotheques de France.
Je viens aujourd’hui vous soumettre l’analyse
d’un manuserit de la bibliotheque nationale , dont
je dois la connaissance h notre honorable collegue
M. Dufaitelle. C’est un traite sur la peinture, ecrit
par un nomm£ Pierre de Sl-Omer. Le titre de
cet ouvrage est : Liber magutri Petri de Sancto
Audomaro de coloribus faciendu. 11 se trouve dans
le reciieil portant le n° 6741 (manuscrits latins).
Je crois assez interessant de donner in exlemo la
table de ce manuserit.
Dans son introduction au manuserit de Theopbile
public par M. de l’Escalopier , M. Guichard donne
aussi cette table, mais seulement telle qu’il l’a
extraite du catalogue imprim6 des manuscrits de
cette bibliotheque (1) ; elle y est necessairement
(t) L«e. <it. p:ig. xxu.
— 5 —
abregee. La void telle qu’elle eat ecrite sur le
premier feuillet du manuscrit:
CONTINENTUR HOC VOLUMINE.
1* Tabula de vocabulis synonymis et aequivocis colo-
rum rerumque et accidentium colorum , ipsique
or arti pictoriae conferentium nec non ope -
rum exerciliorum que propitiorum ac contin -
gentium eorum.
2* Alia tabula licet imperfecta et sine initio.
3° Experimenta de coloribus.
4® Experimenta diversa alia que de coloribus,
5* Liber Theophili admirabilis et doclissimi magistri
de omni sdentia picturaee arlis.
6® Liber magistri Petri de Sancto Audomaro de
coloribus faciendis.
7® Eraclii sapientissimi viri , liber primus et tnc-
tricus de coloribus et artibus romanorum.
Ejusdem liber secundus item melricus.
Ejusdem liber tertius. sed prosaicus de coloribus
et artibus pictis.
8* De coloribus ad pingendum capitula scripta et
notata a Johanne Archerio sive Algerio an. d.
4398 ut accepit a Jacobo Cona flamingo pic -
tore commorante tunc Parisius.
9® Capitula de coloribus ad illuminandum libros ,
ab eodem Argerio sive Algerio scripta et notata
— 6
an. 1398 ut accepit ab Antonio de Compendia
illuminalore librorum in parisius et a magisiro
Alberto Perzello perfectissimo in omnibus tnodis
seribandi mediolani seholas tenente.
1 0# Aultres receptes en latin et fran^ois per magis-
trum Johannem le bbgue licentialum in legibus
et generalium magistrorum monetce regispref -
fario parisius qui prcesens opus sen capilula in
hoc volumine aggregata propria manu scripsit
anno Domini 1431 celatis sues 63.
ILLUSTRA DEUS OCULUM.
Conime on le voit , cet ouvrage n’est autre chose
qiTun recueil de recettes relatives a la peinture,
ecrites par un amateur. Dans son introduction pre-
citee , M. Guichard pense que le manuscrit
n° 6741 de la bibliotheque nalionale a etc ecrit
dans la deuxieme moitie du 15* siecle. Je serais
plutot d’avis qu’il a ete ecrit a la date de 1431,
par Jean le Begue. La mention faite dans la table
citee plus haut, propria mam scripsit , le prouve-
rait si cette table n’etait pas d’une epoque poste-
rieure a la composition de l’ouvrage (1). Mais ii
(1) La table a ete ecrite vers 1570 environ. Cette date , derite sur
le convert , de !a mime dcriture que la table , me le fait penscr :
l’orthographe dcs mots ou Ton voit employer la diphtongue m an
lieu de la voyelie e simplement , est une nouvelle preuve de la
dale plus receute de cette table.
— 7 —
existe k la fin du volume la mention suivante , do
la meme main que le reste du manuscrit :
Compositum est librum isle a magistro Johame
le Begae licentialo in legibus greffario generalium
magistrorum monele regis , parisius anno Domini
\ 431 , etatis sue 63.
Le mot librum s’applique , il me semble , k tout
le corps de l’ouvrage , et non seulement aux receltes
qui en forment la derniere partie.
Au reste , quoiqu’il en soit , il est certain par
la composition dos matieres du volume , que tous
ces ouvrages sont anterieurs k 1431.
Les n°* 8 et 9 portent leur date de 1398. Le
n° 7 •, quoique sans date , parait dtre assez ancien.
Le n° 5 est le premier livre de l’ouvrage de Theo-
phile , qui a ecrit , au plus tard , dans le 1 3? siecle,
un traite intitule : .Diversarum arlium Schedule, (1).
Mats en ne vient nous indiqiier la date de celui
compose par Pierre de St-Omer , de coloribus fa-
ciendis. Si l’on avait le manuscrit original , on
pourrait peut-etre en juger par l’ecriture, I’epoque
approximative. Cependant voici un fait qui pourrait
nous mettre sur la voie ; il existe k la bi-
bliothkque nationals un autre manuscrit in-8° ,
catalogue sous le n® 8484 , qui contient au bas
(1) C. F. TOuvrage de M. de l’Escalopier qui a publid le traitd
de Tbdophile et riotroductioj) de M. Guicbard.
— 8 —
de la premiere page la mention suivante , d’une
Venture assez recente :
In codice 658 S. Germani de pratis hi vernu
tribuuntur Petro Pictori canonico S. Audomari.
Ce Pierre Pictor serait-il le meme que celui qui
a ecrit l’ouvrage sur les couleurs dont nous nous
occupons. La chose est possible. Le manuscrit
n° 8484 contient diverses pieces, loupes de la
mkme main, a l’exception de la demure , intitulee :
Sermo S. Bemardi abbatis.
Le commencement , qui est en vers , n’ayant
qu’une seule rime pour deux vers conseculifs ,
parait ktre seul attribue a Pierre Pictor , chanoine
de St-Omer , et puisque tout le volume a etd
evidemment 4crit par le m&me individu , il s’ensuit
que ces vers ont du etre faits 4 une epoque ant4-
rieure , aussi peu 61oign4e que Ton voudra de la
composition du recueil. Pour celui-ci , l’inspection
de 1’ecriture nous donne incontestablement l’epoque
du 1 3e siecle. Rien ne nous apprend dans l’examen
du manuscrit ce que faisait ce chanoine de St-Omer.
Mais, h cette epoque oil les noms de famille n’etaient
pas encore completement en usage , et oh Ton
donnait aux personnes des surnoms, derivant de
leur profession , ou de Tart qu’ils pratiquaient le
plus habituellement , il est probable que ce Pierre,
chanoine de St-Omer , s’adonnait surtout k la pein-
ture des manuscrits , ce qui lui aura valu le surnom
tie Piclor. Quoi de plus nature! d’admettre alors
que puisque nous retrouvons un ouvrage traitant
specialement de la peinture , ecrit par un nommd
Pierre de St-Omer , celui-ci , et Petrus Piclor ctt-
nonicus Sancti Audomari, l’auteur des vers contenus
au commencement du manuscrit n° 8484 , ne sont
qu'un seul et meme personnage. Un autre fait me
porterait > encore 4 le penser.
L’ouvrage de coloribus faciendis contient divers
membres de phrase qui prouvent que son auteur
n'etait pas un laique. Ainsi k I’artidle 1 6 , intitule
de croco et de diversitatibus ejus, on trouve la
mention suivante :
Et enim que dam .herba albo silis foliis et audi-
cibus cujus / lores nos crocum , laid vero safran
vocant.
Dans 1’arlicle 54 , oil il est question de iKemploi
de l’4tain torsque l'on n’a pas d’or , parmi les
preparations k faire , on trouve pour la dur£e fle
l’une d’elle,, cette mention :
.... Quantum spatium est cantare missam...
•Tout prouve et je crois , Messieurs , que voua
serez de mon avis, que notre auteur etait un
ecclesiastique ; et commeil ne porte point de nom
patronimique , on peut admettre qu’il dcrivait k
une epoque oil ces noms n’etaient point en usage,
d’oii decoulent les conclusions que j’ai posees plus
•haut.
2
— 10 —
Une fois ce point ad mis, resterait encore un
autre k resoudre. Quel pouvait £tre notre auteur,
Pierre de St-Omer. Je ne puis, en l’absence
d’aucun renseignement positif, et je crois la chose,
sinon impossible , du moins tr^s— difficile , dire
quel grade il avait dans le chapitre de St-Omer.
Ce chapitre se composait de vingt-huit chanoines
et d’un pr£v6t. Comme on le voit , le champ dcs
recherchcs est assez large. Plusieurs prevdts oat
port6 ce prenom de Pierre dans le cours du 13®
siecle , mais rien ne nous dit si 1’auteur de nclrc
ouvrage 6tait revctu do la dignitk prevotale. Je ne le
pense pas. Nous avons vu plus haut les raisons
qui m’ont porte k penser quo notre auteur etait
le memo que cclui qui a dcrit une partie du ma-
nuserit n° 8484, lequel est qualific seulement de
canonicus Sancti Audomari. Si ce dernier avait joui
de quelque dignite , telle que celle de prevdt ,
certainement lc bibliothecaire de StrGermain-dcs-
Pr&3, l’eut indiquee. Nous sommes done reduits
k rcconndtre que Pierre de St-Omer 6 tail simple
chanoinc.
Quant k la presence de ces manuscrits k Paris,
ellc peut s’expliquer par les faits suivants: Ade-
nulphe d’Anagnia , pr6v6t de l’eglise de St-Omer
vers le milieu du 1 3* sifccle , £tait chanoine de
Notre-Dame de Paris. 11 refusa l’archev£che de
Narhonne et se retira k l’abbaye de St-Yictor , ou
il mourut le 2 avril 4280, Le necrologe de cette
— 44 —
abbaye dit qu’en preuve de l’affection qu’Adenulphe
Iui portait, il lui avait fait don de 400 sous pa*-
risis , et que depuis lorsqu’il s’y 4tait retire , il
leur donna d’excellents livres ( libros optimos ) ,
acquis et recueillis par lui avec un grand soin ,
parmi lesquels on distinguait Tancien et le nouveau
testament (4). Qu’y a-t-il de plus nature! de sup-
poser que ce prevdt pendant son s6jour k St-Omer
coit devenu possesseur du traite de Pierre de
St-Omer sur la peinture et du pofeme qui com-
mence le recueil n° 8484, manuscrits qui se-
raient alors passes dans la bibliotbfeque des Vic-
torins. Plus tard , 1’abbaye de S t-G ermain-d es-Prds
a sans doute fait copier le poeme qui commence le
recueil n* 8484, traitant complement de sujets
sacres , tandis qu’au contraire cn 4 434 , Jean le
Bcgue qui composait un recueil de recettes rela-
tives a la peinture, aura emprunt6 le premier
traite pour le copier et l’inserer dans ledit recueil.
Gela nous expliquerait en meme temps pourquo
les manuscrits originaux ne sc retrouvant pas , on
n’en a que des copies qui n’en sont pas moins
precieuses. Quoiqu’il en soit , en l’absence d'aulres
faits plus positif3 , je livre cette bypothese a l’ap-
preciation des archeologues.
L’ouvrage de Pierre de St-Omer traite, comme
1’indique le titre , de la maniere de faire les cou-
, (1) Histoire Iittdraire de France , tom. XXI , pag. 298 ct 296.
— 12 —
leurs, et un peu aussi de celle de s’en servir. II
e9t plus explicile que le traite de Theophile pour
la premiere par tie, mais ill est beau coup plus
succinct pour ce qui coucerne la seconde. L’auteur
a. du certaiuement avoir connaissance de ce traite,
car il y a des articles., dans le manuscrit qui nous
occupe , qui sont copies mot pour mot dans Tlieo-
phile. De m£me que ce dernier , Pierre de St-Omer
enseigne en tres-peu de mots , il est vrai , et comme
en passant, que pour peindre sur des murs ou
du bois , il font delayer les couleurs a l’huile. Au
reste , ce fait n’a rien d’etonnant. M. Guichard ,
dans son introduction au traits de Theophile r public
par M. de l’Escalopier (1) , demontre facilement
que la peinlure a l’huile etait conoue dfes les dou-
zieme et treizieme siecles; mais qu’on ne s’en ser-
vait pas, parce que c’etait une tres4ongue affaire vu
qu’il fallait laisser secher sa peinture au soleil ,
a chaque couche que I’on donnait, tandis que les
freres Van-Eyck , trouv&rent un vernis siccatif qui
leur permettait de faire secher leurs tableaux sans
les exposer au soleil. A ce titre, ils sont done
bien les inventeurs de la peinture & l’huile , puis-
qu’ils ont trouve la maniere de s’en servir.
Ces preliminaires pos^s , nous alTons maintenant
examiner le manuserit de Pierre de St-Omer , et
en donner une courte analyse dcs chapitres, sur-
(1) Pag, IXVl et suivanles.
— 13 —
lout de ceux qui m’ont paru les plus interessants.
Le peq de temps que j’ai eu pour examiner le
manuscrit m’a empeche , du reste , d’en prendre
autre chose que l’analyse plus ou mt as de tail lee,
il est vrai , mais toujours assez exacte du moins,
je l'esp^re, pour donner une idee des procedes
employes h l’epoque oil Scrivait l’auteur (1).
Le titre est le suivant :
Incipit liber magistri Petri de Sancto Audomaro
de coloribus faciendis et primo prohemium
1. De modo faciendi viriiem color em ex sale,
2. Quomodo fit ace turn.
J'ai reuni ces deux articles , parce qu’a propre-
ment parler , il n’en font qu’un , puisque pour
faire le vert dont il est parl£ dans le premier , il
faut employer le vinaigre , et qu’on donne sa pre-
paration dans le second. Theopbile. , dans son cha-
pitre XLII (2) , donne la methode pour preparer
le vert sale , qui est k peu de chose pres la meme
que celle de notre auteur , savoir : faire tor rafter le
sel pour pouvoir le reduire en poudre fine , enduire
(1) Les titres des chapitres da manascrft soot en rouge , et les
initiale sont suecessivement rouges et bleues. Toules les recettes
portent un numdro d’ordte k partfr du commencement du manuscrit.
(2) V. M. de l'Escalopier , pag. 68 et note pag. 308. Je renverrai
dans les articles sutvanis en note aux chapitres de l'ouvrage de
Tbdophile qui • out rapport a ceux du manuscrit dont nous nous
occupons.
— u —
de savon des lames de cuivre , les asperger de
sel et les exposer ensuite a la vapeur de vinaigre
dans un vase clos et dans un endroit chaud ,
tel qu’tme 6curie. On retire ensuite les lames de
cuivre au bout de quatre semaines, et on les
gratte pour en retirer la couleur verte. L’auteur
fait 6videmment une distinction entre ce vert et
celui appel6 liabituellement vert-de-gris , dont il
est question dans l’article suivant.
3. De albo et viridi colore quomodo fiunt et
distemperanlur (1).
Exposer des lames de cuivre ou de. plomb , a
la vapeur de vinaigre dans un vase clos , pendant
trente jours , dans da . fumier. Pour peindre sur
bois , broyer avec de l'buile ; pour les employer
sur du parchemin, les delayer dans du bon vin
tr&s-clair ou du vinaigre.
4. De aqua vel viridi colore ad scribendum.
Broyer de la poussifere verte avec le doigt a
plusieurs reprises dans du vin ou du vinaigre ,
jusqu’k ce que Ton ait la couleur voulue ; ajouter un
un peu de safraa ( crocus ) pour la rendre plus
Belle ; laisser reposer , decanther et concentrer ,
(1) Traits de Thlophile , cbapitre XL11I et XLIY. Bf. de rEscalopier,
pag. 70.
C’est de cette manure qae se prd parent encore aujourd’hui la
ceruse et le verdet du commerce. TWophile appelle ce vert viridi*
hispanicut .
— 15 —
soit au feu , soit & uh air doux, on h l’ombre du
soleil le soir et le matin.
5. Deminio faciendo de albo colore antedicto (1).
Mettre de la ceruse dans un vase ouvert , au
inilieu de charbons , de manifere a ce que la
flamme ne puisse la toucher , faire cuire deux nuits
discontinues en ayant soin que les cendres ne
volent pas.
6. Quomodo jit viride eris quod grecurn dieitur
sen command.
Prendre un vase creux oh Ton met du vinaigre
tros-fort, suspendre des lames de cuivre dans ce
vase de manure qu’elles ne touchent pas le vinaigre,
clcre le vase , et le mettre pendant six mois dans
un endroit chaud. Ouvrir ensuite le vase, racier
le3 lames de cuivre et s^cher au soleil (2).
7. De viride Rolhomagense fiendo.
Prendre des lames de cuivre ou d’airain tr5s-
pur , les frotter de savon , puis les suspendre au-
dessus du vinaigre comme k 1’article 6 , laisser
dans un endroit chaud pendant un mois. Le reste
comme ci-dessus.
(1) Traitd de Theopbile , chap. XL1V. M. de 1'Escalopier, p, 71.
Le mode de preparation indiqud ne donne que la couleur appelde
mine orange , V. Kdrimde de la peintere & l’huile page 123,
(2) Cette preparation est & pea de chose pr&s la mime que celle
du n® 3 ; nous rencontrerons encore souvent ce fait dans le couri
de cette analyse.
— 16 —
8. Item de viridi eris qui sit .pro seribendo.
Meier du miel avec du vinaigre, mettre ce melange
pendant douze jours dans un vase de cuivre ou
d’airain , et l’ensevelir dans du fumier de cheval.
Racier ensuite la couleur et secher au soleil.
9. Item de fiendo viridi ahter eris.
Pour faire du vert terrestre f.terrenwm) prendre
dans le milieu de mai une grande quantity d’herbe
appelee aquileia , la piler dans un mortier , re-
cueillir le jus , deposer dans un vase et faire secher
au soleil jusqu’a ce qu’il soit dur ; pour l’employer,
le delayer dans l’eau ou bien avec un ceuf pour
les bois et les murs.
10. Item de viridi faciendo .
Preparation analogue au 6., seulement laisser
pendant neuf jours dans un endroit chaud. Si la
couleur n’est pas assez verte-, ajouter le vert
precedent , si elle tend a noircir , ajouter de l’or-
piment (1).
41. Item eris viride sic fit.
Mettre du vinaigre dans un vase .d’airain ou de
euivre et le faire bouillir fortement, separer >le
vert qui est au fond , le broyer et remettre le
(i) Cet article dans le manuscrit commence par celte phrase :
Si eis facer e celorem viridem accipe nudum hois.., .. Je n’ai pu
determiner quel dtait cet ingredient a mdJanger avec le vinaigre
ou Turme pour faire la preparation de cette couleur ' verle, et
qui abrege probablement la duree de Toperation.
- n —
vinaigre dans un autre vase. Rccommencer aims
plusieurs fois jusqu’a ce que an ait suffisamment
de couleur.
42. Quomodo pulcrum fit viride.
Meier du safran ( crocus ) au vert d’Espagne.
43. De folio quomodo distemperatur (4).
L’auteur explique ce que Ton entend par folium
eu ces terraes :
Purpurem color quern folium meant laid qui lanam
ndb lingunt , vel potius anglici in quorum terra
conficitur nuorinam meant.... etc.
Pour 1’employer on se sert de l’urine ou d’une
preparation faite avec des cendres de frene , lors-
qu’on veut s’en servir sur les murs; et avec de
la colle de fromage pour les parchemins.
4 4. Quomodo viscum de casco fit (2).
Laver un fromage neuf dans l’eau plusieurs fois
pour chasser le lait et piler ensuite dans un mortier
de marbre , en y ajoutant de l’eau pour avoir une
liqueur visqueuse blanebe comme le lait. Pour s’en
servir avec le folium , on fait rechauffer la couleur
(1) Thdophile , chap. XL. V. M. de PEscalopier , page 65.
(2) Theophile , chap. XVil. V. M. de I'Escalopier, page 31.
Theophile n’indique l’cmploi du folium qu’avec des cendres ; le
moyen decrit par Pierre de St-Omer avec de la colle de fromaget
parait lui appartenir , e’etait peut*4tre cclui dont il faisaic usage,
3
— 48 —
et on la melange avec eette colie au moyen d'lin
baton ou d'un couteau , en ayant soin que le vent
ne l’atteigne pas.
15. De folio tcamurierui purpureo colore quomodo
distemperatur teu fit (1).
Prendre du bois d’orme , le brtiler et separer
les fleurs de cendre qui apparaissent sur le charbon;
broyer dans un mortier avec de 1'urine de maniere
que le melange prenne la consistance du pain non
cuit; en faire des tourteaux, et cuire pendant un
demi-jour sur des plaques de fer. Piler ensuite de
nouveau ju3qu’& ce que ces tourteaux soient reduits
en poussi&re et faire passer & travers un linge.
Ayez ensuite des vases pleins d’urine qu’on fait
bouillir trois ou quatre fois , melangez le folium
avec l’urine encore chaude , lavez ensuite et faites
secher. Prenez ensuite avec une spatule la cendre
preparee precedemment , faites des lits successes
de cette cendre et de folium , broyez le melange
et laissez le pendant trois jours aupres du feu.
Vous aurez ainsi une couleur pourpre. Si on veut
l’employer a teindre , il suffit de la dissoudre dans
l’eau.
16. De croco et de diversitalibus ejus.
Tous les crocus ne sont pas bons pour peindre.
Yoici la definition qu’en donne notre auteur : Et
(1) La ralihodc indiqucc ici est prlcialmeat celle que Th&phiie
ddcrit dans son chapitre XL.
— 19 —
enim quedam herba albo tilts folivs et radictbus eujus
floret nos crocum , laid vero safran vocant. 11 faut
humecter ses doigts de salive, frotter un peu la
fleur , si les doigts sont jaunes , la plante vient
d’ltalie ou d’Espagne et elle est bonne. Pour se
servir du crocus , l’auteur le met dans l’eau aupres
du feu et l’etend avec un pinceau.
1 7. Quod folii tria sunt genera et de modo dis-
temperandi purpureum.
11 y a trois genres de folium, le pourpre, le
rouge et le saphir. MSme preparation qu’au para-
graphe 4 5 , seulement on melange un peu de chaux
vive avec la cendre employee.
48. De azurio quomodo distemperatur et cum
quibus liquoribus.
Broyer avec du lait de chfeyre , du lait de femme
ou de la glaire d’oeuf.
4$. Quomodo preparatw et purgetur azurum.
Le bro-yer dans L’eau avec le doigt a plusieurs
reprises , laisser reposer et ne prendre que ce qui
va au fond, parce que la couleur la plus pesante
est la meilleure , metanger avec une glaire d’oeuf
pour empecher la decomposition , laver et conserver
dans un vase de bois avec de l’huile, coniine
pour les couleurs broyees (4).
(1) Notre auteur donat ici , suivant son habitude f la maniere
d’eaiployer la couleur avaat celle de la fqire. Je n’oi pas retrouvd
— 20
20. De azurio quomodo efficitur.
Prendre un vase qui n’a jamais servi , y mettre
des lames d’argent trfcs-pur , le couvrir et le sceller,
mettre le vase dans la vendange ( vindemia J pen-
dant quinze jours, retirer et gratter les lames ,
on a alors de I’azur tres-pur.
21 . De alio azurio non tain bono fiendo.
Prendre un vase de cuivre , remplir k moitie de
chaux et le reste de vinaigre , le cl ore et mettre
dans un lieu chaud , fumier , vendange , etc. ,
pendant un mois , gratter le vase et dessecher au
soleil.
22. Item aliter fiendo azurio cum tueeo fiorum
pertarum .
Prendre des fleurs bleues ou de couleur celeste,
les broyer , en exprimer le jus , et le mettre dans
un vase avec de la ceruse par lits successifs.
23. De nigro colore quomodo fit diverti mode.
On fail du noir avec du charbon de bois ou de
cuir „ except^ avec le chene ; on broye a l’eau ou
avec une glaire d’oeuf ; et avec de l’huile pour les
murs et les bois.
tfiM Theophile auetmc maniert de preparer le bleu. On en denire
lei diverges mdihodes Ires -diffe rentes les tines des aulres. Tomes
lour Dissent »oe eaulsur a base metallique , ct qui explique sa
stability dans beau coup de manuscrile , ce qui n'aurait pas lieu aver
let conic ura vdgelalw.
— 21 —
24. Item alio modo de nigro faciendo.
Prendre l’ecorce de bois d’aulne, jeter par parties
avec du fer dans de l'eau , ajouter un peu d’encre
et faire bouillir. Pour teindre un objet on le met
dans celte liqueur bouillante depuis le matin jus-
qu’k tierce : si la couleur n’est pas bonne , remettre
1’ objet en ajoutant de l’encre.
23. De vermiculo faciendo (1).
Mettre dans une ampoule de yerre une partie
de vif-argent et deux de soufre blanc ou jaune ,
mettre sur trois pierres au milieu des charbons ,
couvrir l’orifice d’une tuile , et ne retirer du feu
que lorsqu’on voit une fum£e rouge.
26. De alio modo ad faciendum vermieulum .
Mettre dans une ampoule de verre deux tiers de
soufre et un tiers de vif-argent de manifere & rem-
plir jusqu’au col de l’ampoule , entourer d’argile
k trois reprises et mettre au milieu du charbon
eomme dessus.
27. De minio faciendo aliter sandaroco diclo (2).
Guire au feu de la ceruse , broyer avec de l’eau
,(1) Thdopbile , cbap. XU. V. M. de l’Escalopier , page 567. La
maniere de faire le cinabre indiqude par Thdophile , se rapprocbe.
da vantage du second mode employe par noire auteur. C’est du
reste h peu pris le moyen suivi actuellement poor se procurer du
vermilion. Yoir Merimde , traitd de la peinture & l’huile , pages
129 et suivantes. n
(2) Theophile , cbap XLIV. V. ML de l’Escalopicr , page 70. Ce
precede a dtfja ele indique plus haul au paragraphe 5.
— 22 —
gomm£e ou de 1’ceuf pour peindre sur parchemin,
et avec de l’huile pour peindre sur bois.
28 Quomodo miseeatur minium cum vcrmiculo.
Si le vermilion est bon , en mettre deux parties
contre une de minium , s’il est vieux ne mettre
que la moiti£ ou le tiers et le reste en minium.
29. Quomodo lavatur minium.
Pour rendre la couleur an minium qui est vieux,
et d’une vilaine teinte, le melanger avec de l’eau
et du vin , ce dernier dans la proportion du tiers
ou du quart , laisser reposer , jeter l’eau et le
vin ; et melanger la couleur avec de la glaire d’oeuf.
30. De sinopide.
Le sinople est- plus rouge que le vermilion ,
c’est du tres-beau vermilion.
31. Quomodo eomponitur okhus color seu mem -
brana (1).
Cette couleur s’emploie pour les chairs. Elie se
forme de vermilion et de blanc de ceruse. 11 faut
y melanger un peu de vert, ou mettre de 1’orpi-
ment et de l’azur. ,
' 32. Quomodo efficiiur lacha.
Prendre des petits fragments de bois de Bresil (2)
(1) Membrana , c'est-&-dire couleur de chair . Theophile ch. X.
Y. M. de TEscalopier , pag. It.
(2 ) Le bois de Bresil , Brazilii lignum , esl un bois de teinture
appeld aussi Brdzillet , on le tirait de 1'Inde. On explique p!ua
bas, art. 35 , la maoiere de faire la laque.
— 23 —
les felre bouillir dans un vase propfe avec du vin
rouge ; faire bouillir 6galement la laque avec de
l’urine , mdlanger le tout avec un peu d’alun, for-
tement broyer , rlduire et faire secher au soleil.
33. Item de faciendo sinopide de mellana.
Prendre la gomme laque , broyer et detremper
dans le vinaigre ou l’urine , ajouter de la farine
de peau bien preparee , en faire des pastilles que
Ton fait chauffer jusqu’a ce que Ton ait une bonne
couleur rouge (1).
34. Sicut supra de eodem synopide aut faciendo.
Prendre de la gomme laque et de la garance ,
et cuire avec un peu d’eau; laisser refroidir et
broyer dans un mortier ; remettre le melange avec
de l’eau sur le feu dans une bassine , en prenant
soin que l’eau ne bouille pas , mais fremisse seu-
lement , mettre sur I'ongle de temps en temps
pour s’ assurer de l’epaisseur , laisser refroidir et
faire des pastilles.
35. De lacca.
Au mois de mars , couper transversalement et en
divers endroits des branches de lierre , les ptfrcer
recueillir la liqueur et cuire avec de l’urine , cette
liqueur se tourne en couleur de sang.
(1) Le lexte renferme une phrase que je ne suis pas sur d’avoir
bien traduite , mime approximativement. La voici : apres avoir
indiquc de prendre de la gomme laque , l’auteur dit : deinde fari -
nam cusliceam bend d surfure mundatam adjmgens.%t, Je la donoe
ici , es per ant que quelqu*un plus habile la devinera.
— 2i —
36. De tannea gcriptura vel pietura (1).
Quand on n’a pas d’or ni d’argent , il faut
prendre de 1’etain que i’on fond en plaques d'un
demi-pied de longueur , com me celles que Ton
emploie aux fenGtres ; les gratter en totality avec
un couteau; mettre les ratissures dans un mortier
en metal de cloche , ajouter de l'eau et broyer
avec une meule. Quand celte meule ne pourra
plus tourner , mettre le melange dans un vase
tres-propre , decanther , dessecher l’etain au soleil
ou au feu , passer la poudre a travers un linge
fin , et recommencer l’operation pour les parties
qui ne passeraient pas. On met cette poudre
detain sur les parties k dorer , sur lesquelles ou*
aura etendu avec un pinceau d’ane de la colle faite
avec du cuir de boeuf de la manure suivante.
37. Quomodo viscum vel gluten fit de corio bovis
vel vacce (2).
Mettre du cuir prepare avec de l’eau dans un
vase sur le feu pendant trois heures , ajoutant de
l’eau quand c’est necessaire ; au bout de ce temps
retirer l’eau et en mettre de nouvelle ; on laissera
cuire jusqu’a la sixieme heure ; au bout de ce
temps remettre de l’eau claire , mais seulement
une ou deux fois, Laisser reduire au tiers et re-
(1) Theophile , chap. XXXVI. V. M. de 1'Escalopier , page 60.
(2) Theophile , chap. XVIII. V. M. de TEscalopier t page 32. La
manicre indiquee par Theophile est au fond la mdma que celle*
ci qui cnlre dans plus de details.
froidir deux jours ; s’il en restc au doigt lorsqu’elle
est coagulee , la colie ne vaut rien. 11 faudra alors
recuire pour qu’elle devienne dure et n’attache plus
au doigt. Pour I’employer , en prendre un peu et
fondre sur un feu doux , l'etendre ensuite avec
le pinceau , et avant qu’elle soit refroidie , repandre
la poudre d’etain, de maniere que tout soit cou-
vert; operer sur des parties pas trop grandes;
enlever 1’etain en excedant et laisser secher jus-
qu’au lendemain. ■
38. De cognitione boni ttanni.
L’echauffer dans la main et ecouter s’il fait un
petit bruit en se dilatant , voir ensuite s’il plie
bien au lieu de casser net.
39. De incam to quomodo efficitur (I).,
Prendre de l’ecorce d’epine noire , que 1’on met
dans un vase et ouire comme de la viande ; ex-
traire l’eau qu’avait absorbe l’ecorce, et cuire de
nouveau cette eau jusqu’a ebullition ; quand la
liqueur sera rlduite , transvaser et bouillir de nou~
veau ; transvaser encore dans un petit vase et
bouillir une troisieme fois. Quand l’encre est assez
6paisse , il faut la retirer parce qu’elle est assez
cuite.
Pour s’en servir , en delayer un peu avec du
(1) En marge est ecrit d’une dcriture plus rdeente alramentum.
Theopbile indique exactrmcnt le meme moyen pour faire de Tencre
que celui-ci. Voir ebap. XLV , M. de TEscalopier , page 71.
4
— 86 —
vin , en faisant attention que lea ordures tom bent
au fond. Prendre garde que le vase soit exposd %
la chaleur. On peut se servir de cette liqueur pour
ecrire pendant quatre jours ou unc semaine ; si
elle est trop pale et qu’elle traverse le parcbemin
comme l’eau , l’encre n’est pas bonne et doit 6tre
recuite.
40. Quomodo in muro vel in pergameno ponitur
aurum (1).
Si vous voulez poser de Tor sur le mur, le
carton , le bois ou le marbre , broyer separement
du minium et du brun ; prenez trois parties du
premier et quatre du second , et d£trempez-]es
avec de la colie de parchemin ou de cuir ; etendez
le melange trois ou quatre fois avec un pinceau.
sur les parties que l’ori veut dorer; raclez ensuite
avec un couteau , mettez de 1’urine dessus , et
lorsqiie ce sera a peu pres sec , Etendez 1’or que
vous polierez delieatejment deux ou trois fois avec
un drap legerement chauffe > ou avec la main.
41. Item de ponendo auro .
Broyer fortemept du platre , delayer dans un
(1) Theophile chap. XX$I, V. M. de I’lseilopier f page St. .
L’auteur da manuscrit dont nous nous occapons apres avoir dlcrit
la raaniere de poser Tor et de le polir . ajoute ces mots : vel sicut
ego facio , ce qui prouve que les rtcettes qu’il donne il les avait
employdes , et qoe ce n’est point seulement un traitd tbe'orique f
mats bien an traite pratique de la fabrication des coulenrs
— 27 —
glaire d’ceuf do la celle ou gluten fait avec de la
graisse de taureau , melanger le platre avec cette
liqueur , mettre ce melange sur les parties ou Ton
veut mettre de Tor , laisser seclier et recommencer
1’ operation deux a trois fois ; racier pour applanir ;
brunir avec de la colle de peau et etendre Tor ;
laisser ensuite seclier et polir avec une dent de
chien.
42. Item ad ponendum aurum.
Prendre de la teinture nouvelle de bpis de Bresil,
avec un glaire d’ceuf; peindre avec.ce melange les
parties que Ton veut dorer ; mettre Tor aussitot ,
laisser secher un demi-jour ou un jour; brunir
avec une dent de chien , d’abord doucement , en-
suite plus fort , enfin tres fort , de maniere que
la sueur coule du front. Ce moyen est employe
lorsqu’on fait usage de parchemin de veau ; Si Ton
a de la peau de belier , il faut ajouter un peu de
gomme arabique a la liquedr formant mordant.
43. Modus distemperandi gummas ad ponendum
aurum.
Mettre la gomme dans un linge tres-propre et
plonger dans un vase de verre avec de l’eau pen-
dant un jour et une nuit ; si on veut hater la dis~
solution , broyer un peu avec le doigt.
44. De. adjunctis habendis in ponendo aurum (1).
Operer dans un endroit un peu chaud et non
(1) 4e n!ai pu lire biea exac^ement le deuxieme mot de ce litre.
— 28 —
humide; si le parchcmin est trop humide ou trop
sec, le brunissage ne se fera pas.
45. Item ad ipsum aurum ponendum.
Melanger la gomme arabiquc avec du moniacu-
lum (1) , detremper dans l’eau* cliaude et mettre
au soleil pour fondre ; detremper egalement du
platre dans du glaire d’oeuf et former un amal-
game de cette derniere liqueur claire avec les
gommes precedentes. Quand on voudra dorer des
fleurs ou des animaux ou autres cboses , on £tendra
un peu du melange precedent , on soufflera dessus,
et il ne restera plus qu’a poser Tor et a brunir.
46. De quibusdam generibus gummi aut glutinis.
On peut se servir de la colie de poisson , de
celle faite en cuisant les os de la tele du loup
marin , et ajouter un peu de gomme arabique.
47. Quomodo temper antur colorei in libris po-
nendis et de quibu$ licoribus (2).
Toutes les couleurs sont broyees ou delayees avec
Le sens de (’explication m’a fait adopter le mot adjunctum q»i*
sign: fie cireonstcmce.
(1) M. de l’Escalopier n’a pa traduire le mot moniaculum. 11
pense que e’est un mordant quelconque peut-etre du sel ammoniac
( voir son ouvrage sur Tlieopbite , page SOI ). Ce pendant it resulterait
du procede indiqoe par notre auteur , que e’est abe espace de
gomme v car le manuscrit porte posiiivement le mot gummas a
I'endroit ou il parle du melange a faire avec le platre detrempe
dans le glaire d'ceuf. 11 resullerait de la que ce mot avail di verses
significations.
(2) Theopbile , chap. XXXIX. V. M. de I’Esealopier , page 64.
Cet article est prtsque texludlement idetitique avec celui do ma-
— 29 —
la gomme arabique excepte le vert, la c6ruse , le
minium et le carmin. Le vert sal6 ne vaut rien
pour les livres. Le vert d’Espagne se delaie avec
du vin ; et si 1’on veut faire des ombres , ajouter
un peu de sue d’lris , de cbou ou de poireau.. Le
minium et la ceruse doivent etre broyes avec un
glaire d’oeuf. Pour se servir de 1’azur , il faut!
melanger avec du savon, laver, et ensuite delayer
avec une glaire d’oeuf.
48. Quod ex mixturit colorum adjunctione pluri-
mine ipsorum varietales punt.
Get article ne fait que repeter ce qui est exprime
dans le litre , nous passerons au suivant.
49. j De aelramento et incauslo et de nigro et
viridi colure.
Prenez la graine mure du chevrefeuille qui est
appelee en anglais gacetrice (1 ) , broyez bien dans
un mortier; faites bouillir du fer decape ( erug-
matum ) dans du vin , ajoutez-y les graines pre-
cedentes , vous aurez une encre verte brillante. Si
vous voulez faire un vetement vert , employez cette
couleur ; si vous voulez un vetement noir , prenez
de l’encre.
89. Quod gumma cum perhibet fluxum incausti.
Pour empecher l’encre de couler , ajoutez-y de la
gomme.
nuscrit de Theophile ; ce qui me porte a croirc , ainsi queje 1'ai
dit plus baut a que jiotre auteur avail eu coummsaoee du mauuscrit
du premier.
(1) La phrase laline dont la traduction est ci-dessus est la sui«
vaute : Adapts grana matura caprefolii hoc eti anglice gacetrice.
— 30 —
51. Item ie vridi (sic) flendo secundum nor -
atafmo*.
Prendre 1’herbe appeUe gremispeet , bou 'Hr avee
du vin on de la cervoise jusqu’a ce qoe la liqueur
devienne jaune ; decanther , ajouter du vert grec
en poudre en suffisante quantite pour saturer la
liqueur , et mettre dans une bassine de cuivre au
soleil pour murir.
52. Quomodo efficitur auripenlrum.
Delayer le crocus avec de la colie tres-claire ,
placer dans le melange des lames detain k peine
polies; mettre au soleil, et le crocus devient orpi-
ment par l’influence du soleil et de retain (1).
53. Item que sunt vasa euprea linieio fell dau-
raturam menlitur.
Racier un vase de cuivre avec un coo tea o ,
brunir avec une dent d’onrs; passer dessus plu-
sieurs fois un pinceau tremp6 dans du del en ayant
soin de bien laisser secher cbaque fois.
54. Ad colorandum cuprum.
Faire rougir le cuivre , le draper , lui mettre
une couleur, et remettre au feu.
55. Item de modo actenuandi lamina * stami ut
aural e videantur ex carencia auri ulendas pro ope-
ribus.
Prendre des lames d’etain tres-fines , enduites
(1) II ne fa lit pas confondre ceite couleur avec ctlle qu’on troove
actuellement dans le commerce et qui , dlaut un sulfure d'arscuic,
ne pect dire employee qu'a l’huile.
— Si-
de crocus jaune , les mettre dans un linge , let
pldnger dans l’eau gomraee , et laisser jusqu’a ce
qu’elles s’y ramollissent. 11 faut alors les retirer
et prendre garde qu’elles se cassent. Si le crocus
est trop frais , faire seeker separement les fleurs
au soldi dans un linge; delayer ensuite dans un
glaire d’oeuf, frotter les lames avec cette liqueur;
laisser secher , puis les plonger de nouveau trois
fois dans la meme liqueur, en laissant secher & chaque
fois ; polir ensuite avec un onyx ou bien avec de
l’huile de lin.
56. Item ut supra de modo aurandi folia sett
laminae stmni actenmtas (4).
Faites bouillir dans un vase avec de l’eau une
partie de myrrhe et d’aloes et mettez dedans les
feuilles d’etain , en les y laissant autant qu’on veut;
prenez ensuite la seeonde ecoree du bois pourri
que vous ferez bouillir dans l'eau. Yous plongerez
les lames d’etain de nouveau dans ce dernier li-
quids et vous ferez secher sur une table (2).
57. Item ut supra.
Prendre de l’huile de lin et de la poix , et faire
(1) Thdophile , chap. XXVI. V. M. de l’Escalopier , page 44.
(2) J’ai suivi ici en partie la le$on de Theophile ; il se trotnre
dans cette recette une phrase que je n’ai pu comprendre et que voici. :
Beinde medianam corticis primi nigri fac bullire in sartagine .
Je n'ai pu trouver quel dtait l’arbre appele primum nigrum , a moins
que ce ne suit l’epine noire. Thdophile dans son chap. XXVI dit
virgas ligni putridi et de craiute de faire un contre-sens , J’ai
prefers traduire la phrase en substituent ees mots & ceux contenus
dans notre manuscrit.
— 32 —
(wuilHr avec une mesure de vernis au safran. Vous
pourrez inettre ensuite les feuilies d’etain dans la
melange et vous ferez secher au soleil.
58. Item ut supra .
Mettre de l’huile de lin et du cuir dans un
vase neuf et faire bouillir peu a peu sur un feu
clair ; ajouter de l’alun , du sang de dragon et de
la poix ; puis fondre le tout en faisant attention (1).
89. Item ut antea.
Recueillez des branches de nigrum primum (2),
mettez-les huit ou quinze jours au soleil ; jetez-les
ensuite dans un vase avec du cuir de maniere que
le vase soit rempli ; ajoutez de l’huile de lin ou
de canope autant que le vase pent en contenir,et
soumettez le tout k Faction d’un feu lent, jusqu’k
ce que le cuir soit en charbons , passez par un
linge, ajoutez de la poix et de l’encens blanc,
puis recuisez plusieurs fois.
L. DESCHAMPS DE PAS,
INGEN1EUR DES POSTS -ET-CHAUSSEES ,
Membre titulaire de la Sociitt des
Anliquaxres de la Morinie.
(1) La recede indiquee ainsi que la suivante ne sont que pour
obtenir des vernis qui doonent a retain la couleur de Tor.
{%) L'embarras est le ineme ici qqe pour la rccette n® 56. Cclle-
el commence par ces mots : Collige virgtUas de nigro p rimo. Jc
Imme le .soin d’expliquer ces mots a de plus avaats que moi.
J*avoue moo insuflisance.
NOTICE
SUR LA
MINIATURE DUN HANUSURIT
BE
LA BIBLIOTHfcQUE DE BOULOGNE-SUR-MER.
H.OTICB
SUE
LA MINIATURE D#UN MANUSCRIT
M
U BIBLIOTH£QOB D1 BOULOGNE 'SCB'ICK,
m M. F. LEFEBVRE.
« La peiature eat le livre des ignoraoia qsi
» ne aauraient pas en lire d*aatres. »
(Concile (TArrai en 1205).
Une revolution a passe sur notre pays, et la
Morinie a vu renverser les merveilleuses creations
dont son sol dtait couvert. — Presque tout fut d6-
truit et h peine puiron sauver quelques debris des
riches bibliothfeques de ses monastferes. Mais main-
tenant que 1’on est revenu de ces fureurs et qu*on
se reporte a ces temps lointains si pleins de poesie
— 36 —
et d’amonr, it ces temps de foi et de conviction
oft le mouvement donne a la societe partait da
calrae et de la solitude du cloitre ; maintenant ,
dis-je, n'est-il pas de notre devoir de reparer ,
s’il est possible , les pertes immenses que nous
avons faites , en venant nous inspirer aux illustres
debris du moyen-age.
L’architecture a ’ fait un grand pas , une revo-
lution immense s’est opdree. dans les esprits ; on
comprend maintenant la nScessite d’une architecture
nationale qui parle plutdt aux coeurs qu'aux sens.
Ce que Ton a fait pour l’architecture , il serait
a desirer qu’on le fit pour la peintqre et pour toutes
les branches qui s’y rattachent. II serait k desirer
que toutes les societes d'archeologie pussent mettre
au jour les charmantes miniatures des manuscrits
qui ont 6chapp6 a la tourmente r&volutiannaire ,
et ainsi devoijer les riche$ses qui sont encore
enfouies dans les bibliotbeques.
C’est cette pens6e qui , aujourd’hui , me fait
entreprendre une etude sur la miniature d’un
manuscrit qui se trouve dans la bibliotheque de
Boulogne. Heureux si je pouvais , par ce faible
essai , inspirer. a quelqu’un l’idee d’eutneprendre
un travail sur. les manuscrits. proven ant de l’ab-
baye. de St-Bertin et qui sont conserves; dans difr-
ferentes bibliotheques du Pas-de-Galais. On ren-
drait un grand service a l’art en meme temps
qu’a l’histoire , et on acquitterait la dette de re-
— 37 —
connaissance due aux moines de St-Bertin , qui
ont taut fait pour la gloire , la civilisation et le
bien-etre de la Morinie.
La miniature qui nous occupe aujourd’hui reprd-
sente I’apotheose de Lambert, 40s abb£ de St-
Bertin. Dans ce dessin , le miniaturiste a reuni en
quelques figures, les principaux caracteres de la
vie.du pieux abbe. Plac6 au milieu de la gloire
des cieux , Jesus-Christ , assis et les pieds sur des
nuages, attend l’kme de l’abb6 Lambert, que des
anges enlbvent dans les cieux et viennent poser
k ses pieds. De chaque cdte du Seigneur et comme
devant servir d’avocats , se trouvent personnifi4s
les vertus et les travaux de l’abb6. Tandis qu’au
bas , revetu des insignes de sa dignity , son corps
est etendu dans un tombeau. Mais avant d’expli-
quer cette miniature , avant m^me d’en donner le
caractere artistique , il est indispensable d’esquisser
a grands traits la vie de l’abbe Lambert, en Tap-
propriant au sujet de notre miniature , afin de la
faire comprendre; nous passons done un grand
nombre de details interessants fournis par Iperius
et par les cartulaires de St-Bertin.
' Admis fort jeune k l’abbaye de St-Bertin , Lambert
fut envoye k Paris pour y 6tudier les sciences , et
ses succes furent si grands qu’a son retour dans
le monastere , on le chargea d'y enseigner les
belles-lettres et la theologie. Ses vertus le firent
bientdt nommer Prieur. Ce ne fut qu’avec repu-
— 38 —
gnance qu’il se vit clever a celte charge ; sa pro-
fonde humility se trouvait blessee de tant d’hon-
neurs, aussi donna-t-il bientot sa d&nission. Mais
k la mort de Jean , premier du nom , 39e abbe
de St-Bertin , Lambert reunit tous les suffrages
des religieux et fut nomine abbe en 1095. II fut
beni par Gerard , eveque de Terouanne.
« Zele pour la gloire de Dieu , d’un caractere
« ferine et energique , le nouvel abbe porta toute
» sa sollicitude sur ses moines et sur son abbaye,
» dont on peut le regarder comme Ie second foil-
» dateur. Des les premiferes annees de son admi-
• nistration , Lambert continua les travaux de ses
» predecesseurs et s’occupa avec activite des grandes
» constructions qu’on faisait alors dans l’abbaye ,
• et le 1er mai 1106, le bienheureux Jean,
» eveque de Terouanne tit la d£dicace de 1’eglise.
» Lambert fit k l’abbaye des embellissements et
> des ameliorations considerables. II fit batir , a
» grands frais , des moulins hors de 1’enceinte du
» monastbre , et distribuer de l’eau dans tous les
» endroits necessaires , au moyen d'un aqueduc
» souterrain. 11 construisit une chapelle en l’hon-
• neur de la Sainte Yierge , une infirmerie , un
» cloitre , un dortoir , et flanqua de deux tours
'* la facade de l’abbaye. L’eglise lui ddt la plus
• grande partie de sa couverture en plomb ,
» presque toutes ses cloches , une croix d’or et
» une chasuble d’un travail precieux , une foule
— 39 —
» d’autres ornements , tels que chasubles , chases,
» dalmatiques , candelabres , le tout en or et eu
» argent et orn6 de pierres precieuses , un devant
t d’aulel en or d’un riche travail , deux autres
» en argent et un ciboire. De plus, il recouvra
» les fiefs ali4nes et les biens tombfo entre les
» mains des laiques, Cartulaire de St-Bertin ).
Apres avoir releve les ruines de l’abbaye , le
nouvel abba avait porte tous ses soins k rappeler
la vie dans ce corps de religieux qui ne rougis-
saient pas de ne porter du moine que le nom et
l’habit. La pauvrete et l’obeissance , ces deux bases
fbndamentales de tout ordre religieux , avaient
disparu , et la vanity et l’orgueil etaient venus
prendre leur place. Aussi pour gu£rir ce mal qui
ne faisait que s’augmenter chaque jour , il fallait
une reforme , une renovation immense ; l’abbd
Lambert la tenta , mais sans succfes d’abord (de- •
cembre 1100) (1). A la voix qui les rappelait k
la rfegle ct k la penitence , les moines se rkvol-
terent et meconnurent l’autorite de leur abbe ;
mais la patience du pieux reformateur devait triom-
pher de tous les obstacles qu'une fureur aveugle
lui opposait.
Le bienheureux Jean (1101) se preparait k aller
a Rome , Lambert se joignit k lui et sous le pre-
texte de se rendre dans la ville eterneile , il
(1) Toir wtulair*.
— id *
quitta sod couvent , et com me simple moine , alia
faire profession a Fabbaye de Cluny. lit etait son
dernier espoir.
An souffle de St-Bertin , la Morinie avail vu
s’elever et grandir une des plus belles et des plus
nobles associations monastiques. Les homines du
nord , peuples epars et nouvea ux, avaient besoin de
stabilke; l’abbaye de St-Bertin fut /pour eux comme
'tan point de centre , un rendezvous commuh.
-Faisarrt briller partout le double flambeau de la
science et de la foi , les moines avaient sauve la
Morinie ; raais & l’4poque oil nous sommes arrives ,
les institutions de Colomban n'avaient plus assez de
force pour contenir ces religieux dans l’obeissance
et le devoir, une nouvelle regie etait necessaire. « Ce
fut la plus forte , la plus vaste , la plus diserfetement
combinee; » ce fut celle de St-Benoit qUi fut choice
par Lambert; moine de Cluny, il devait bientdt
reVenir dans son roonast&re rapporter 1’ordre et la
paix.
Jean de Commines (ou de Warn'est'on) etant de
retour de Rome , les religieux apprireDt avec eton-
nement Faction de leur abbe , et les plus sages
d’entre eux lui envoyerent des deputes poUr Fen-
gager a revenir; mais ce ne fut que d’a'pres les
ordres positifs de St-Hugues , abbe de Cluny ,
qu’il so idecida a retourner au milieu de ses f re res;
il partit done, emmenant avec lui quelques reli-
gieux de cet ordre pour rend re la force et Fehefgie
- II —
6ux institutions de St-Colomban , cn les relevant
par les decrets de St-Benoit. Depuis son depart)
les esprits n’etaient gueres tnieux disposes , et il
fut meme oblige de faire eloigner une par tie de
ses moines par la force seculiere. Des lors, la
reforme qu’il avait projetee put s’accoinplir , et
Une nouvelle vie , une ere de renaissance , une
renovation complete comroenca pour l’abbaye qui
bientot compta plus de ISO religieux.
Du monastere de St-Bertin , la regie de Cluny
fut portee , par ses soins , dans les eglises de
St-Martin , d’Ypres , et dans celle de Formezelle }
puis dans les abbayes d’Auchy-les-Hesdin , de
Bergues-St-Winoc , et de St-Wast.
Les travaux et les vertus de 1’abbe Lambert
donnerent une telle reputation a son abbaye, qu’on
l’appela le monastere des monasteres. La charity
fut surtout une des vertus dominantes de Lambert.
Le cartulaire de St-Bertin nous parle d’un bati-
ment qu’il fit construire pour recevoir les etrangers
dans son monastere. De plus, il concourut a la fon-
dation d’une maladrerie pres de la ville de Sl-Omer,
ainsi qu’a celle de plusieurs aulres etablissements
de charity. Il eta it d’une si grande liberalite envers
les pauvres que pour les secourir dans une annee
de disette , il vendit une table d’autel en argent.
En 1 1 23 , l'abbe Lambert ayant perdu 1’usage
de la parole et des membres, a la suite d’une pa«*
Q
— 42 ~
ralysie , nomma , d’apres le conseil de Jean de
Commines , Simon de Gand , comme vice-abbe ;
mais ce dernier fut bientot depose et remplace
par Jean 2e. L’abbe Lambert mourut le 22 juin
H25 (1).
Revenons k la miniature , objet de ma notice.
La maniere dont cette composition est traitee
rappelle la fin du \ 2® siecle. Le mouvement donne
a cette epoque a l’architecture commence k s’y
faire sentir , quoiqu'on y rencontre cependant en-
core des elements bysantins. Le colons s’y deve-
loppe , les demi-teintes et Ies essais d’ombres sont
bien marques, et Ie dessin d’une execution trfcs-
babile, laisse pressentir le mouvement qui doit briser
definitivement les vieux types et elever un art
nouveau. On y reconnait une 6poque de transi-
tion. Les draperies surlout ont atteint une assez
grande perfection , les plis sont saillants, ils se
prononcent fortement, dessinent des courbes di-
verses et forment des creux larges et profonds.
Les traits de ce dessin sont marques en noiret
a la plume , puis legerement enlumines, pour les
vetements, en vert et en bleu ; quant au reste des
vetements en rouge , il ne semble pas qu'il y ait
eu aucun fond. Les contours sont marques en noir;
le reste des traits et des ornements sont traces a
la plume en rouge. Cette miniature se sent encore
(t) Sur la vie de I’abbe Lambert. V, /« cartulaire de Sl-Bertin
at tperitii.
— 43 —
des peintures carlo vingiennes , mais il y a beau-
coup plus de delicatesse et de fini. En general ,
les mains sont plus grandes que nature , les
yeux sont encore dilates et effares, et les joues ne
sont marquees que par des taches rouges sans
aucune ombre.
Assez habiles , les miniaturistes attachent peu de
prix aux encadrements et aux fantaisies by san tines,
et s’adonnent a l’etude de la nature et a 1’imi-
tation des objets reels. Les enroulements qui en-
tourent notre miniature sont trfes lagers, et la
peinture y est plus soignee que dans le reste des
sujels ; on y remarque plusde nettete, de colons,
de perfection. En general, le dessin a de la pre-
cision et de la fermete ; on reconnait que l’art se
developpe , qu’il s’appuie sur une society nouvelle,
sur des idees plus grandes et plus en rapport avec
les sentiments qui animaient les peuples d’alors.
Maintenant arrivons k l’expl cation detaill6e de
la miniature.
Place dans une triple aureole oblongue en forme
de feuille d’ olivier , et que plusieurs archeolo-
gues ont appelee vesica piscis , Jesus-Christ siege ,
la tete ornee du nimbe crucifer , et les bras eten-
dus ; il semble appeler l’abbe Lambert a jouir de
la gloire eternelle. Il tient entre ses mains , un
phylactere sur lequel on lit ces deux vers leonins :
Pro bene gestorum mentis Lamberti tuorum
Sit decus in cadis semper libi serve fidelis.
— u —
Les ornements qui font partie do ses vetcments
sont tout-a-fait bysantins.
De chaque cdte du Christ se trouvent les vertus
et les travaux du pieux abbe; ils sont places dans
dcs dcmi-circonferences. A droite , l’Aumone et la
Ste-Vierge , a gauche, la Patience et St-Bertin.
Ces quatrc sujets renferment toute la vie de
l’abbe Lambert.
L’Aumdne Ja tete ornee d’une couronne murale,
prescnte d’une main un pain marque d’une croix,
et de l'autre un vase. L’inscription qui se trouve
autour du demi-cercle porte :
Ad modicos Christi patuit semper manus isti.
L’original porte isle , mais il est facile de remar-
quer que ce dernier mot a ete retouche et je crois
que la lecon primitive doit etre isti , tous les vers
etant leonins.
La Yierge tient entre ses mains une eglise
flanquee de deux petites tourelles et la montre k
son fils. L’inscription presenle :
Hanc fabricam templi dal Lumber lus tibi fili ,
La Patience est representee sous les traits d’une
femme baissant la tete sous un glaive et ayant les
mains enchainees. Son velemcnt semble etre la
grande chasuble; sur sa poitrine se trouve une
croix. L’inscription montre :
... .sit ma<jnoruin paler hie sub fasce malorum.
— 45 —
Le premier mot du vers a 6te en partie effbcd,
on ne peut pas le lire. On pourrait peut-fitre
hasarder man t ou mieux encore fulsit.
St-Bertin en habit de moine et revStu de la cha-
suble tient le livre de la rfegle et tend sa main
vers le Seigneur. L’inscription porte :
Complaceat Christe tibi successor mens iste.
Au-dessous de la Viergc et de St-Bertin se trouve
l’ame de 1’abbe Lambert port4e par des anges.
La representation de cette ame n’apparait que sous
la forme d’une demi-figure oil la partie sup6rieure
est seulement developpee ; le reste se trouve cache
par les draperies. Voici comment le P. Cahier ex-
plique cette singularity :
< Soit dans l’Orient , soit dans l’Occident , Dieu
> et les anges se voient souvent peints h mi-corps,
» a quoi les nuages qui enveloppaient ces figures
» ont pu d’abord donner occasion. En outre, toute
> idee de la vie purement materiel le etait ainsi &
» peu pres supprimee (I). Cette idee se trouve
> encore soit dans nos t£tes ail£es d’anges , soit
> meme jusqu’a certain point dans les bustes et
> les statues en gaine de l’antiquite. Par suite de
» cette idee on a voulu dans la representation des
» purs esprits et meme des corps glorifies ou des
» ames separees de leurs corps , sinon retrancher
(1) V. Durand rational , lib. 1 , c. 3 , n* l.
— 46 —
» du moins masquer tout ce qui tient de plus
» prfes k la terre et k la vie terrestre
» L’intelligence et la volont6 une fois exprimees
» par la representation de la tete et de la poi-
» trine, il semble a ces idealistes que tout ce
» qui rappelle les fonctions de la vie materielle
• serait de trop (1).
Cette kme a conserve la tonsure monacale et
Ikve ses bras vers Ie Seigneur. La draperie qui
la soutient est un des morceaux les plus remar-
quables de la miniature, a cause de la perfection
dy dessin ; peu de miniatures de cette epoque ont
autant de fini , de perfection. Au bas se trouve
6tendu dans son tombeau Ie corps de Lambert
avec les insignes de sa dignite ; il porte l’aube
trainante , la tunique et la grande chasuble. Les
dessins du pallium et des orfrois qui decorent ces
ornements son t tires de l’art bysantm. Lambert tient
dans sa main sa crosse abbatiale qui est d’un travail
des plus simples. Le bas de cette miniature a ete
retouche , les souliers de l’abbe ont entierement
disparu sous une couche tres epaisse de noir; de
plus quelque ciseau ignorant ou mal habile, a rogne
le bas de la page et nous a prives d’une partie
de l’encadrement , ainsi que de quelques details
du tombeau.
(1) Accord de la religion et des sciences, { Annales de philosophh).
BBCHBBCOBS
SUR
LA QUESTION D’AStf BIOWT! IT DE PATBRNITE
ENTR6
LE8 DEUX MOINAStERES PRIMITIFS
DE LA VILLE DE SAINT-OMER ,
DANS SES RAPPORTS AVEC l'hISTOIRE DES
COMMENCEMENTS DE CETTE VILLE.
RECUERCHES
SUE
LA QUESTION D’ANTtRIOMTl ET BE PATEBNITt
ENTRB
LES DEUX MONASTERES PRIMITIFS
DE LA YILLE DE SAINT-OMER,
dan set rapports avec 1‘histoire des commencements
de cette ville ,
par M. Alexandre HERMAND.
Les recherches que je livre aujourd’hui & la
publicity datent de plusieurs ann4es. Jai tardd &
leur faire voir le jour afm d’avoir le temps de
murir les idees nouvelles que j’y exprime; au-
jourd’hui ma conviction est complete , et je cfede
aux bienveillantes reclamations exprimdes par M.
Wallet, dans sa Description du pad de I’andenne
7
— 50 —
eathidrale de St-Omer (1); j ’execute la promesse
que noire docte - concitoyen me rappelle. J’aborde
la question d’anteriorite et de paternite , sujet d’une
discussion jadis palpitante d’actualite et pleine d’ ir-
ritation pour deux corps religieux poses sur le sol
de la ville de St-Omer , le chapitre canonial de
Notre-Dame et l’abbaye de St-Bertin.
La richesse du clerge en France , des son ori-
gine , fut principalement concentree dans les mains
du clerge regulier. La consequence inevitable de la
grande fortune des monasteres , fut d’y developper
les passions humaines , et de mettre les moines en
luttc avec toutes les puissances. Ils luttaient , pour
des interns de toute espece , avec les eveques ,
avec les souverains , avec les seigneurs , avec les
pouvoirs judiciaires et communaux; ils luttaient
entre eux, et les questions d’amour-propre et de
preseance etaient debattues k I’egal de celles ou
les plus graves interets etaient en jeu. Ces ques-
tions se presentaient constamment lorsque la proxi-
mite de deux monasteres les mettait souvent en
presence , en contact.
Tel etait l’etat des cboses dans la ville de
St-Omer; les moines et les chanoines poses dans
son enceinte , etaient souvent en disaccord , en
rivalite. Ensemble , ils faisaient par tie de reunions
dte toutes natures ; ensemble ils allaient aux pro-
. •» ' . ‘
d> ?.
— SI —
cessions ; ensemble Us avaient des proprietes com-
munes; ensemble ils eurent long-temps les droits
de tonlieu sur la ville de St-Omer ; ensemble ils
avaient dans leur patronat les paroisses de la ville
et de sa banlieue ; les uns'pres des autres , ils
possedaient des corps saints , veritable source de
richesse , d’orgueil et de puissance durant un long
temps.
Fondee sur de graves interets d’abord , la lutte
entre ces deux corps puissants, fut continues par des
considerations d’amour-propre. Des le commencement
du 9e siecle, a la suite de la separation des deux monas-
teres, qui occasionna une guerre tres-vive et necessai-
rement momentanee , une premiere contestation fut
soulevee, au sujet de la suprematie, entre )es moines
et les chanoines ; resolue alors et momentanement
en faveur des premiers , elle ne fut que le prelude
de discussions facheuses. L’une d’elles prit surtout
des proportions presque incroyables et dura pen-
dant des siecles. Le vif desir de posseder le corps
du saint fondateur Omer , ou mieux Audomar , et
surtout de detruire la facheuse concurrence qu’il
faisait a celui de St-Bertin , se revela chez les
moines par un acte de violence (4). L’audacieux
rapt tente , n’ayant pas reussi , les chanoines res-
terent en possession presque incontestee (2) et bien
(1) Voir d la fin, la note A.
(2) La formule que le corps de St-Omer reposait dans Tebbiye
de Sitbiu v conservee dar.s les dipl^mcs , etait une protestation peu
ostensible.
— 52 —
jalousee de tear precieuse relique, jusqu’au milieu
du onzieme circle. A cette epoque , les moine*
afficherent publiquement leurs protestations contre
la possession des ebanoines; ils pretendirent avoir
la ch&sse ou fierte renfermant le veritable corps
de Saint Omer , objet de leur coostante convoitise.
Leurs pretentions ayant ete repoussees par 1’auto-
nt6 ecelesiastique , ils ne se regardcrent pas eomme
definitivement battus. A plusieurs et assez fre-
quentes reprises, jusqu’a la tin du 1 5* siecle , une
lutte serieuse se manifeste, avec l’intervention de-
venue necessaire de la puissance seculiere jointea
l’autorit4 ecelesiastique. Elle fut enfin terminee par
un arret du parlement en faveur des ebanoines,
reconnus desormais possesseurs du vrai corps du
bienheureux fondateur de la ville , leur patron.
Entre-temps , la defense des interets communs
entre les chanoines et les moines, la defense de
leurs droits de toute nature et de leurs privileges
contre les puissances diverses , ainena des treves
et des alliances entre les deux corps religieux.
Leur entente accidentelle etait toutefois encore in-
terrompue par des questions de partage des biens
provenant de la meme source , par une recru-
descence de la lutte pour la possession du corps
de Saint Omer, et par des pretentions de superiority
et de preseance. A une epoque moins ancienne ,
k mitre et la crosse que l’abbe de St-Bertin ,
voulait porter jusques dans l'enclos des chanoines.
— 13 —
en presence de l’eveque , fat ua nouvelle cause
de discorde. La bonne harmonic ne put done ja-
mais s’etablir entierement entre les adversaires;
la jalousie , la rivalite damour-propre et d’interfets,
la pensee reciproque de superiority , toujours de
plus en plus forte, furent des obstacles insur-
montables a une veritable paix. 11 n’y eut plus
depuis un long temps , entre les deux corps reli-
gieux, que de courts instants d’une apparence de
coneorde, ou mieux de treve irmee.
L’erection d’un eveche au milieu des chanoines,
la conversion de leur Prevdt en Ev^que , avail
done augmente leurs pretentions, auxqueltes s’ad-
joignirent les exigences de leurs nouveaux chefs.
Dans les processions , les chanoines avaient jus-
ques alors cede aux moines et pris alternativement
le pas ; s’appuyant sur la suprematie de leur chef-
Eveque , ils voulurent avoir partout et toujours la
preseance, la preeminence. Les moines resisterent k
cette pretention , en invoquant leur antique pos-
session des honneurs contestes, et surtout leur
histoire de la fondation des deux monasteres.
L’Eveque et les chanoines repondirent par une
version historique toute differente , et il faut le
dire , en grande partie nouvelte. C’etait, en definitif,
a qui serait l’aine des deux corps religieux , a qui
appartiendrait l'anteriorite d’etablissement , et k qui
serait le fondateur, le pfere enfin du corps rival!
Des memoires volumineux et tres-nombreux furent
— 54 —
composes (4) ; on nouveau dbbat s’engagea , par la
voie judicial re, et une importante question d’histoire
locale fut soulevbe et dbbattue. Les pretentions
exborbitantes et exclusives , les exagerations reci-
proques rendirent toute conciliation impossible. Le
procfes suivit son cours et les juges ecclesiastiques
et laiques ne voulaient pas surtout se prononcer sur
ce qui avait trait & 1’histoire des deux monasteres.
La discussion bistorique fut continuee par les ecrivains
de chacune des deux corporations et par la plupart
de ceux des ordres religieux auxquels elles appar-
tenaient. EUe btait loin d’approcher de son terme ,
d’amener une solution , quand arriva la destruc-
tion des corps religieux , par le souffle revolu-
tionnaire de la fin du 48® siecle; plaideurs et
proces furent ensemble anbantis. Pour se convaincre
que la victoire bistorique que cliacun des deux corps
s’etait orgueilleusement attribute, n’appartenait k
personne, il suffit de voir l’incertitude dans laquelle les
historiens modernes, complement desinteresses et
partant impartiaux pour la plupart , sont restes au
sujet de l’anteriorite et des droits de paternite de
l’un des monasteres sur l'autre. MM. Quenson ,
(1) Voir aossi les dipldmes belgiqoes , t. 4 , p. 144 , la Gallia
Christiana et tine foule d’ouvrages diffdrents ; voir aussi la notice
manoserite des dignitds de Vdglise de St-Omer , p. 146. A la page
200 , eetle notice , qui fait parlie de ma bibliolheque, montre cette
mention utile pour reconnaltre son auteur : Raynard . badly cf Aire
et bailly de St-Omer pour le ftoi Philippe ; il a sigm dans une
eharte de Lambert , Pan 1103. Voyez mon hisloire , p. 354.
— bo —
Wallet , Piers , Derheiras et de Laplane ont diff6-
remment envisage la question d’origine des deux
monasteres de Sithiu; Us n’ont pas os6 se pro*
noncer absolument en faveur de I’uu ou de l’autre
des deux systemes historiques en presence ; P.
Caullet n’a pas et6 Men inspire dans les idees qu’il
a formulees (1) et M. P. Roger a encore 6t6
moins heureux que lui dans le peu de roots qu’il
a ecrits a cette occasion (2).
A la question historique si vivemont debattue
et restee jusqu’a ce jour non resolue , se rattache
essentiellement l’origine de la ville de St-Omer;
sans cela elle ne nous interesserait que bien me-
diocrement. Sa non-solution laisse des incertitudes
sur les commencements de notre ville ; il est in-
dispensable de chercher a les faire cesser. Si la
verity historique ne s’est pas- manifestee encore ,
c’est que les 4crivains , ou mieux les folliculaires
des deux adversaires, ont eu le triste talent d’ero-
brouiller , d’obscurcir des fails dejk peu clairs par
leur anciennete , et de mettre une apparence d’op-
position entre les documents d'oii ils sont tir6s.
Ces folliculaires avaient leurs motifs pour agir
(1) Dans sa eourte notice historique sur St-Omer , p. 56, il donne
l'anterioritd a Pdgliae Notre -Dame $ il a suivi eo cel Topinioa
ex prime© par le cbanoine Henoebert f d#os le tome % , de ton
his Loire generate d’Arlois.
(2) Archives historiques et eccldsiasliques de la Picardie et de l’Arlois,
I. I, p. 190. „ •
— iO —
comme ils Font fait; tous, its eurent la mission
d’exprimer un systeme historique exclusivement
favorable an corps religieux qu’ils defendaient. Les
parties en presence etaient trop voisines l’une de
I’ autre, elles avaient trop de points de contact
irritants , leur amour-propre 6tait trop en jeu poujr
qu’ elles se fissent des concessions mutuelles , &
l’aide desquelles on serait arrive a l’expression de
la verite.
Une veritable narration des commencements de
la ville de St-Omer est done encore a faire ; e’est
un devoir pour nous de faire des efforts pour arriveri
letablir. Pour cela il faut necessairement rentrer dans
la discussion des faits avances par les auteurs du siecle
dernier, et surtout de leurs interpretations des
sources primitives de notre histoire; heureusement
tiousne sommes pas obliges d’imiter leur eflrayante
prolixite , et de produirc comme eux de veritables
volumes de toutes les dimensions.
- Je n’ai gueres , pour ma part, de documents
nouveaux tres-importants ; mais je me presents
principalement avec une analyse non encore essayee,
je m’appuie sur une interpretation nouvelle de
ceux deja mis en usage. La signification que je
leur attribue, amene une conciliation veritable entre
les systemes opposes. Si je ne me trompe, la di-
vergence d’opinions bistoriques , nee d’interpreta-
jions forcees et interessees , ne pourra plus sub-
— 57 —
sister; lcs documents mis en avant par les parties
opposees, ne se contrarieront plus dans ce, qu’ils
ont d’essentiel et d’authentique. J’arriverai , je
l’espere , a donner satisfaction aux pretentions
legitimes des deux monasteres , car lous les deux
en ont de bien fondees; je ferai marcher d’accord
les dires de 1’histoire 6crite et ceux d’une vraie
tradition. II cst bien temps que le dernier mot
arrive sur une question si vivement et si longtemps
controversee , qui a divise mes honorables devan-
ciers dont je viens de citer les noms ! Sera-ce
le mien ? Je le desire ; il serait trop hardi d’en
formuler positivement l’espoir.
Selon l’abbaye de St-Bertin , Audomar , depuis
nomine Saint Omer, est au 7* sifccle, appele h l’evech^'
des Morins. Aussitot son arrivee a Terouanne , il se
livre a la propagation de la foi chretienne et de la
civilisation. Il avise bientfit , non loin de sa cit6
episcopate , un riche proprietaire , ancien pirate ,
nomme Adroald. Cet homme puissant, qui n'avait
pas de fils , habitait quelquefois son chateau de la
terre de Sithiu ; il etait entiferement plonge dans
les erreurs du paganisme. Audomar I’aborde et
parvient a le convertir au christianisme. Adroald,
dans le but de travailler a son bonheur eternel ,
oifre a l’Eveque des Morins une partie de ses pro-
prietes situees dans le pays de Terouanne.. II veut
8
— 58 —
tu.i dormer la villa Sitbiu avec de nombreuses
dependances, pour y etablir un hdpital. Audomar
accepte avec joie , la pensee de la donation , mais
il en combat l’attribution ; il persuade au donateur
de fonder prSferablement un monastfere. L’Eveque
a pres de lui , dans une espece d’bermitage , au
lien nommS depuis St-Mommelin , trois ouvriers
apostoliques , trois pieux compagnons, Mommelin,
Eberlrand et Bertin , arrives depuis peu de temps
pour le seconder dans sa mission civilisatrice. Lit,
sous la direction de Mommelin , ils ont regu de
nombreux proles. Le gout monacal s’est developpd
autour d’eux} leur demeure est devenue trop
Stroke, G’est le moment d’executer le projet
d’ Audomar et de fonder une veritable maison
monacale. Alors , en 1’annSe 648 (1 ) , a lieu la
.donation de la villa Silhiu et de ses dependai.ces ;
elle est faite directement aux trois moines , et
Bertin , charge de cbercher le lieu le plus favo-
rable de cette villa , pour Stablir les constructions
nouvelles, en confie le choix & la Providence di-
vine. Il monte sur une barque et Ur oil elle s’ar-
rete, au moment oil il entonne les mots : heec requiet
mea in teculum teculi , hie habitabo quoniam elegi
(1) Folquin dit : anno DCXLV qui est annus XI regis Ludovei
fllii Dagoberti. La chartc ne portc que cctte dernterc mention ,
qui correspond a l’annee 648. Folcard , moine dc St-Berlio , ao
XI* siecte , i ’ex prime ainsi t Cunclis que proceribus orbis Ta -
rucnncB anno sexccnlesimo vigesimo sexto dominicas incarnalionis,
anno autem undeeimd regnantis Chlodovet fllii Dagoberti regis...
— 59 —
cam (1 ) , sera la place du nouyel Etablissement.
Berlin fait executer de grands travaux de defri-
chement , puis il preside aux constructions ; il
devient le premier abbE du monastere nommE Sithiu
et dedie primitivement aux apdtres Saint Pierre et
Saint Paul.
Bientot on s’apenjoit que le terrain sur lequel
les batiments ont EtE ElevEs, n'est pas propre &
la sepulture des moines. Bas et humide, il dEve-
loppe des Emanations insalubres. Non loin de Ut
est la butte 6ur laquelle Audomar a fait cons*
truire une premiere Eglise , celle de St-Martin. Ge
lieu est tres-favorable a l’ensevelissement des reli-
gieux ; avec le bon vouloir de 1‘Eveque des Morins,
il sera le cimetiEre du monastere. Audomar et
Bertin , de concert , y construisent un oratoire ,
une chapelle consacree a la Vierge Marie , et prEs
d’elle un logement pour les pretres charges de la
desservir. Par son testament, Audomar fait don
aux moines , de cet oratoire et de ses depen-
dances , sous la condition d’y recevoir la sEpulture
au milieu des religieux. Des qu’Audomar eut cessE
de vivre , la condition de la donation fut remplie,
et des moines allerent habiter & tour de role aupres
du cimetiere. Alors le monastere ajouta a ses invo-
cations , celle de la Yierge Marie ; il comprit deux
maisons monacales dislinctes, sous une seule et
meme direction, sous celle de l’abbe de Sitbiu.
U) Iperius.
— 60 —
Get etat de choses dura jusques vers 1’annee 820.
A cette epoque , un puissant abbe de St-6ertin ,
du nom de Fridogis , mu par son desir de donner
un plus libre cours a ses mauvais penchants ,
secularise la maison d’en haut , devenue importante;
il enleve sa direction aux religieux de la maison
d’en bas. Aux lieu et place des quarante moines
qui s’y renouvelaient tous les mois , il y etablit
trente chanoines. En merae temps il reduit au
nombre de soixante, les moines laisses dans le
vrai monastere de Sithiu. Puis se basant sur le
nombre relatif des habitants de cbaque maison
devenue separement un monastfere , il divise les
proprietes , jusqu’alors communes aux religieux des
deux maisons. 11 en laisse les deux tiers aux
moines du monastere d’en bas et en attribue le
troisiome tiers aux chanoines du monastere d’en
haut. Cela fait , Fridogis, a son titre primitif de
chanoine , quitte les moines dont il conserve tou-
tefois la ' direction , et va vivre seculierement et
avee plus de liberie , parmi les nouveaux chanoines.
Du legitime mecontentement des moines naqui-
rent des protestations contre 1’acte inoui de leur
abbe; elles n’eurent leur effet qu’apres la mort
de Fridogis, advenue en l’annee 834. L’abbe Uugues,
son successeur dans le monastere d’en bas, de-
ploy a une grande activite dans cette occurrence ;
malgre l’influence dont il jouissait , il n’obtint
cependaut pas le retahlissemont complet des.choses
— 61
primitives. Les chanoines subsisterent , mass its
perdirent lour independence. Par une charts de
Folquin , eveque de Terouanne , revetue de Tap-
probation du Roi Louis-le-Debonnaire , Tabbe de
St-Bertin , acquit en 839 , pour lui et ses suc-
cesseurs , le droit de nommer Ywdituus ou cuttos,
veritable chef des chanoines , dont le nom fut plus
tard change en celui de Prevot. Ainsi done, les
chanoines furent soumis a la direction des moines
represents par leur abb6. Toulefois ce droit et
cette direction no furent pas tres longtemps con-
serves ; les malheurs des temps , les ravages des
Normands qui bouleversferent tout , ou toute autre
cause , les fit tomber en desuetude a une date
indeterminee.
Cette narration des moines est ainsi modifiee par
les chanoines.
La donation d’Adrpald , disentails , fut directe-
ment et entierement faite it l’Eveque Audomar ,
qui en transmit verbalement , une partie aux trois
missionnaires fondateurs de la discipline monacale
a Sithiu. Avant Tarrivee de ces hommes evangeliques,
Audomar avait deja bati deux eglises sur la butte
de Sithiu ; d’abord celle dediee a St-Martin , puis
dans son voisinage , une autre vaste et belle eglise
consacree a la Vierge Marie , aupres de Iaquelle
— 62 —
fut elevE de suite un bdpital , selon les conditions
de la donation d’Adroald. La, vivaient en commu-
nautE , dans un veritable monastere , et formant
un elergE assez nombreux , des clercs nstitues
par le saint Eveque des Morins lui-meme , dont
ils etaient les disciples cheris , et pour l’existence
et l’entretien desquels Audomar conserva une partie
iraportante des biens octroyes. Ges clercs etaient
charges de desservir les deux Eglises et de diriger
rhdpital.
L’Eveque de Terouanne, qui donna son nom a
la ville de St-Omer, quittait frequemment sa cite
Episcopate , son elerge principal , pour se reposer
de ses travaux apostoliques , a Sithiu , au milieu
des clercs de l’eglise de la Vierge. C’etait uue
residence qu’il affectionnait tout particulierement.
Ces cboses se passaient avant la venue des trois
missionnaires. Geux-ci vecurent un peu de temps
au monastere de la Vierge ; sur leur demande ,
ils regurent de l’Eveque l’autorisation de construire
un hermitage dans le lieu nommE depuis Saint-
Mommelin. Get hermitage Etant devenu trop petit
pour contenir les nouveaux profes, Audomar leur
permit de batir un vEritable monastere dans File
de Sithiu. Ce monastere dedie d’abord h. Dieu et
A Saint Pierre , puis a Saint Bertin par la suite des
temps, re$ut des mains de 1’EvEque, Mommelin
pour premier et Bertin pour second abbE. A la
mort d’ Audomar , les elercs de Sithiu conjointe-
— 63 —
meat arec lea moines de St-Bertin , ensevelirent
son corps dans 1’eglise de la Vierge d’oii il n'a
jamais ete deplace.
Rien ne fut change dans l’existence des cha-
noines pendant un long temps. Leur anteriority et
leur paternite sur les moines ne sont pas doft-
teuses (1). Leur superiority sur eux exista tou-
jours ; leur independance ne fut done jamais com-
promise. La vie commune dans le monastere de
laVierge, qui datail du temps d’Audomar, dura
jusqu’k la fin du 1 2® sifecle, epoque oil les chanoines
furent veritablemenl secularises.
Ces narrations differentes exprimyes defmitive-
ment dans le sifecle dernier , les moines et les
chanoines chercherent k les ytayer sur des preuves.
Ils fouillerent, les uns et les autres, leurs archives et
produisirent des documents historiques. Par des in-
terpolations plus ou moins forcees, par des reticences,
par des interpretations adroites, ils ytaient parvenus k
leur faire dire ce qu’ils voulaient.
Le chapitre appuyait sa narration et ses exi-
gences , par des textes de differentes vies de Saint
Omer plus ou moins authentiques dans tout leur
(l) Done le chapitre est fondi en litres pour prouver que V ab-
bey* &* St-Bertin est de sa filiation ( mlmotret ).
— 64 —
ensemble, et par des livres anchiens (1). 11 ne
pouvait clter ni chartes , ni diplomes , ni bulles
papales , ni privileges qui lui fussent speciaux ,
avant l’epoque du milieu du 9e siecle. Le plus
vieux diplome qu’il fut jamais en mesure de pro-
duire datait de l’annee 1016 (2) ; les plus anciens
titres trouves dans ses archives sont des bulles de
l’annee 1075 (3). Ces bulles renouvellent des pri-
vileges donnes pour la premiere fois ( fecit privi-
lege ) et verbalement sans doute , aux chanoines
de St-Omer, vers l’an 863, par le Pape Nicolas 1er,
a une date done posterieure a celle attribute a la
separation des deux maisons monacales. La suite
des Prevdts du cliapitre de St-Omer, a pour point
de depart connu, seulement , le commencement du
onzieme siecle. Trois dignitaires plus anciens ne
sont signales que par les chroniqueurs ou les
hagiographes de l'abbaye de St-Bertin. Les noms
de Fridogis au commencement , et d’Hcrric (4)
4 la fin du IXe siecle , ne se trouvaient pas dans
(1) La vdrite de l’hist. de l’dglise de St-Omer , p. 313, etc., etc.
(2) Gallia Christiana, instruments , t. 3, p. Ill; et dipldmes
belgiques , t. 4 , p. 176.
(3) Archives de l’ex-cbapltre de St Omer. Voir le rapport de M.
Vullel de Viriville , dans le t» 6, des memoires de la socidtd des
Aiiliquaires de la Morinie.
(4) La tie de St-Bertin, manuscrits n*' 764 et 619 , de ia bibliotheque
de la ville de St-Omer , se sert des expressions : cuidam monacho
eenobii S. Berlini ediluo silicel ecclesiw prefati presulis memorabUU
per none vivo nomine Herrico , (Vita ye! mirccula S11 Berlini, cap. 37).
les archives des clianoines , qui ne les acceptaienl
pas plus pour chefs sup6rieurs de leur monastfere,
qu’un certain Morus # indiqu6 sous le litre de
custos ou gardien , comme Herric lui-m6me, par
les chroniques des moines.
L’abbaye de St-Bertin , au contraire , basait son
r6cit historique et ses pretentions sur de trha-
anciennes archives , sur des chartes et dee dipldmes
importants et nombreux. Elle produisait de vieux
titres de propri^tes revStus de signatures et de
sceaux les plus recommandahles , et comblait ,
dans I’iuteret meme du chapitre , la laeune de ses
archives. Elle avait une chronologic d'abbds bien
etablie , des les temps les plus anciens.
Embarrasses de ce qu’ils ne pouvaient pas mom*
trer, non-seulement les chartes primitives de leur
institution , mais m£me des dipldmes des premiers
siecles de leur existence independents de St-Bertin,
telle qu’ils voulaient l’etablir , les chanoines cher-
cherent a prouver que tons les ancicns titres si
nombreux du monastere d’en bas , 6taient faux (1).
Ce procede exp6ditif etait mal ehoisi ; il ttait aussi
prgjudiciable aux chanoines eux-m£mes qu’aux
moines ; les uns et les autres seraient ainsi rest£s
(1) Le fausaaire aerait bien ancien. Seloo M. tfudrard , le carta*
latre manuscrit dounant cea chartes et qu*’il a vu ,, eat do 12* ai&de,
Nabillon , de re difrfom , lib. YI , an cite on du 10* aitcle.
sans aucune pifece ancienne , justificative , sinon de
leur bistoire , au moins de leurs proprietes , de leurs
droits de toute nature et de leurs importants
privileges. Les actes dont les chanoines niaient
(’authenticity , £taient des preuves communes aux
deux monasteres. Cet argument aussi complete-
ment negatif, etait nouveau de leur part. Les
chartes constitutives des droits et des privileges de
St-Bertin , au lieu d’etre arguees de faux par les
chanoines , avaient a diverses £poques , ete invo-
quces par eux pour defendre et leurs proprietes
et leurs imm unites. Au I 3® siecle mfime, acceptant
les faits bistoriques de leur union et de leur
separation , ils avaient appel£ ces chartes au secours
de leurs reclamations; le Prevot Robert, en se
basant sur les biens encore indivis-, voulut obtenir
pour les chanoines , la juste moitie des biens par-
tages. En l’annee \ 309 , ceux-ci presenterent meme
une requite au parlement, afin d’avoir communi-
cation des titres de l’abbaye de StrBerlin , qui leur
etaient refuses , dans la crainte des interpretations
qu’ils en tiraient en leur faveur. Jusqu’a une date
assez voisine de celle oil la lutte entre les deux
corps religieux prit un caractere nouveau , et se
revetit d’un manteau historique , les chanoines in-
voquerent l’autorite des dipldmes bertiniens pour
appuyer leurs pretentions a l'independance devant
les superieurs ecclesiastiques et pour etablir le
point de depart de leurs exemptions. Cela ne pou-
— 67 —
vait avoir lieu au 47* sifecle, 6poque oil on le
constate , qu’k la condition d’une tradition biea
etablie dans le chapitre m£me, de sa filiation de
l’abbaye de St-Bertin , malgr6 la volonte expri-
mee k diverses epoques , de revoquer en doute quel-
ques assertions des chroniqueurs de St-Bertin , et
surtout de suspecter de faux les chartes de Saint
Folquin et de l’abbe Hugues, de l’ann^e 839 (4).
A la fin du 4 7* siecle , en 4 682 , pour 6ta~
blir l’anciennete de leurs privileges , les cha-
noines produisirent un factum , oik il est dit , qua
Yiglise de St-Omer , avant 1‘ Erection de Vdvbchi ,
est une des plus anciennes dglises du royaume ,
drigde de rigulibre en sdculibre & la fin du 8*
sibcle (2). A une petite erreur de date prfcs ,
c’est la version des bistoriens de I’abbaye de
St-Bertin.
Quelques annees aprfes , en 4 696 , l’Eveque de
St-Omer voulut etablir quelques statuts pour son
chapitre, conform6ment aux prescriptions du concile
(1) Cette tradition eat exprimde positivement dans uii manuscrit
derit en 1646 , et qui provient de la bibliotb£que de M. de
Valbelle , Evdque de St-Omer.
(2) Dignitdfl de l’dglise de St-Omer , p. 147. L’aateur qui a pro-
dull dans son ouvrage des ex (rails ou des analyses de toutes les
pieces importantes du chapitre de St-Omer, parait lui-mdme coq-
vaincu de l’ancienne union et de la separation des deux dglises ;
son travail, fait sous Tinfluence immediate des chanoines, a pour but
la glorification du chapitre de St-Omer.
— 68 —
de Trente ; les chanoines qui se regardaient comme -
immediatement soumis au S. Siege, et qui vou-
laient conserver , selou leurs serments , les droits ,
les libertes et les privileges de leur eglise , rejeterent
ces statuts comme mils et les regardferent comme non-
avenus. On fit valoir qu'il se voit dans les manuscrils
trls ancient et authentiques qui se conservent dans le
monastbre de St-Bertin, d St-Omer, el particulibrement
dans Yhistoire de Jean d‘ Yperius, abbi de St-Bertin,
que I’iqlise de St-Omer , jadis riqulibre et la mSme
que celle de St-Bertin, et' toutes deux ou pluldt
eettfi iqlise , une pour lors, et depuis divisde en
deux , quand celle qui est atyjourd’hui St-Omer ,
a M sicularisie et iriqie en colUqiale , ce qui
arriva vert la fin du 8® tilde , ces iqlises ont
depuis leur commencement et origine , joui de
plusieurt droits, immunitis el privileges qui leur
itaient communt (1).
Les Eveques de St-Omer eux-mfimes , dans des
proces du commencement du 1 8® siecle , argument
de l’ancienne union des eglises de St-Bertin et de
St-Omer, alors que c’£tait dans leurs interets (2).
Eux aussi s’appuyaient alors , sur les textes de
Folquin et d’Yperius, et sur les chartcs dont ils
combattirent depuis l’aulhenticite.
(1) Mk p. 177,
12) Louis et Fran go is <*e Valbelle , dae* de* ecriU fait* pear
•outenir un proces centre le Uarquit de Trvtenauss.
— 69 —
. La longue acceptation par le cbapitre, des litres
primitifs de I’abbaye de St-Bertin , ressort du
teste meme de la vie de Saint Erkembode , con-
tenue dans un manuscrit des chanoines , compose
an milieu du onzieme siecle (1 ) ; elle ressort encore
de I’insertion dans leur breviaire , au milieu du 16*
siecle (4 550) , du fait de la separation des deus
monastferes , accepte par la plus grande partie des
auteurs qui font autoriti (2).
Cependant la tactique nouvelle du chapitre de
St-Omer , jeta l’inquietude parmi les moines de
St-Bertin ; aussi s’empresserent-ils de montrer que
(’authenticity de leurs chartes avait ete reconnue
et defendue par les plus habiles diplomatistes des
47* et 4 8e siecles , par les Mabillon , les Lecointe,
les de Brequigny , les Lemire , les frferes de Ste-
Marthe , les Adrien de Valois , les Pagi , les Bul-
teau , les de Longuerue , etc. , etc. 11s cherchbrent
(1) L’aoteur do manuscrit , maintenant k la bibliothdqoe de la
ville de St-Omer , sous le n° 698 , dit avoir dcrit plus de quatre
cents ans apres la mort da saint, fixde par lui k Fannie 734 ;
c*est done au milieu du XI* siecle quit a composd cette vie.
C’est bien k tort qu’on a voula attribuer la vie de St Erkembode
k un abbd de St-Bertin du nom de Jean et surtout k Yperios,
qui vivait k la fin du 14' siecle. Cette vie a ltd imprimis dans
les acta sanctorum , 12 avril. Voir Fadditlon k la vlritl de 1’hist.
de l’lglise de St-Omer ; Hennebert , t. 2 , p 353 , et M. Wallet ,
Description de l’ancienne cathldrale de St-Omer, p. 91-95.
(2) Par Adrien de Valois , Dom Mabillon , Bulteau , Molan , Aubert
Lemire , Ga«et , Malbcancq , I’afebe da Longoerae , les auteurs de
Gallia Christiana * etc. , etc.
— to —
en mSme temps a prouver que cette authenticate
decoulait meme de l’anciennet6 indubitable des
copies qui en avaient ete faites , comme de quelques
fails incoutestables exprimes par elles et accepts dans
tous les temps par le chapitre, sans antres temoigna-
ges. En cherchant ademontrer l’antiquite veritable et
la bonte de leurs cbartes , les moines n’avaient fait
que la moitie de leur besogne ; il fallait encore en
justifier dans toutes les parties, l’interpretation
donnde par leurs historiens (1). C’etait tres dif-
ficile assurement , et sur ce point Ton ne pouvait
invoquer un acquiescement plus ou moins ancien;
dans aucun temps , les chanoines n’avaient accepte
tous les dires des historiens de l’abbaye ; ils
avaient entre autres , depuis long-temps rejete
comme inexacte , la version de leur soumission
nouvelle It I’abbe de St-Bertin , apres la separation
du commencement du 9e siecle (2). Pour en avoir
plus tdt fait de cette pretention des moines, ils
avaient, des les siecles passes, deja ditque les diplomes
snr lesquels ils l’etablissaient , etaient supposes (3).
(1) La vie de St-Bertio do maouscrit 819 9 qui parait copile d’uqe
autre fort ancienue , donne aussi l’ioterprltalion la plus favorable
h l'abbaye,
. (2). Voir la vlriil de l’histoire de I’lglise de St-Omer f p. 14 »
499*412.
(3) DD. eanonici Audomarenses diploma istud volunl esse sup-
posiium , eum ab Fridogiso semper sui Juris fuerinl , et ab eo
prwpositos suos acoeriaut. ( Bteibraqcq, De Mortal* , t. 2, p« 239;
imprime eu 1647 ).
— n\ —
Dans la defense de leurs chartes , les moines qui
en exageraient la portee et la signification , qui les
denaturaient m6me quelquefois, oublierent quelques
indications favorables a leur authenticity , comme &
leur interpretation , dans ce qu’elle avait de vrai ;
je viens les suppleer dans I’int6r6t de la verity.
L’union primitive des deux inonasteres , point
fondamental de la discussion, et le plus contest^
par les dissertateurs modernes du chapitre et des
Eveques de St-Omer , pouvait etre plus complb-
tement prouvee. Les moines n’ont pas fait assez
d’usage de leurs diplomes moins anciens et incon-
testes , qui disent implicitement la meme chose
que les plus ages pretendus faux. Ainsi l’appel-
lation indeterminee de monastere de Sithiu (1)
dont on se servait pendant la duree des 7* et 8*
siecles , ne put avoir lieu qu’a la condition qu’il
n’y eut qu’une seule administration pour les deux
maisons monacales posees sur le sol de la ville
de Saint-Omer. D’un autre c6t6 Tappellation de
monastere de Saint-Omer, employee par des auteurs
(1) L’exprcseion de monaslerium Sitdiu sor laquelle les moines
ont joud pour dire que leur abbaye dtait presque impdrissable , esl
bieu encienne ; on la troupe dans la charte d’Adroald. L’authen-
ticild de cette version n’a pu dtre conteslde que par les personnes
qui n'avaient pas connaissance qu’ou la trouve dans la charte ori-
ginale de la donation de Rocashem de Fannie 745 , charte con*
servde aux archives de la Flandre orientale & Gand , et dont M.
Warnkcenig a donnd an fac simile dans les preuves de son on*
vrage tur les institutions de la Flandre.
— *72
des 8* et 8* sifecles (1), pour des faits appartentnt
certainement a 1’abbaye de St-Bertin, porte la
meme signification. Ges deux designations, posits
Yemen t distinctes apres la separation , ne ponvaient
itre communes aux deux maisons monacales qu’au-
tant qu’elles n’en Assent qu’une par l’administra-
tion , qu’il n’y eut qu’un corps religieux dans la
villa Sithiu, prise dans sa plus grande extension.
II est encore des expressions d'un grand nombre
de chartes ou dipldmes qui indiquent aussi qu’un
seul corps religieux existait primitivement sur le sol de
notre ville. Les mentions que les corps de Saint Omer
et de Saint Bertin reposaient dans le monastere de
Sitbiu, ont cette signification ; elles ne peuvent 6tre
vraies que si les deux maisons religieuses etaient
unies et confondues dans une m£me administration,
et elles sont trop souvent repetees pour pouvoir
etre suspectees de faux. Le corps de Saint Omer
a toujours repose dans la maison d’en haut (2) ;
celui de Saint Bertin dans la maison d’en bas , situee
veritablement dans l’lle. A rant l’epoque de la separa-
tion , cette phrase ou formule : monastlre de Sithiu
oil let corps de Saint Omer et de Saint Bertin jouissent
du repos , est veritablement consacree; on peut dire
qu’elle ne manque jamais. Pendant la vie de Fridogis,
sous (’administration duquel cette separation a en
(1) Voir ci apr&s.
(2) Voir k la fin, la note A.
— 73
lieu , la meme phrase est conservee ; cet abbd
demeurant le chef des deux monasteres separes ,
leur direction concentre dans la meme main ,
permit de continuer par habitude, une mention
inexacte aprfes sa Tnort , advenue en l’annee 834.
Dans les deux dipldmes de l’an 839 , en vertu
desquels le monasldre d’en has acquiert le droit
de nominer le custos ou gardien de 1’dglise du
monastere d’en haut , la formule n’est plus la
meme; elle est amende k cette expression simplifige
et vraie , de monastbre de Sithiu oil repose le corps
de Saint Bertin. Cette nouvelle redaction y est
d’autant plus saillante , plus significative, qu’elle
est opposee dans les memes dipldmes , a la mention
formellement exprimde qifb les deux corps saints
reposaient precedemment dans le monast&re de Sithiu.
Comme consequence de ces deux dipldmes , dont
la signification fut exagdrde, et par forme de pro-
testation contre la separation , les moines reprirent
dans leurs actes, l’ancienne phrase qui laissait
croire a leur possession du corps du saint fonda-
teur dont ils n'avaient que la garde par un delegue.
Toutefois ils eurent la precaution des-lors, de ne
l’employer que lorsque sa signification ne pouvait
que leur dtre utile, en stimulant la veneration
fructueuse des fiddles , pour le lieu oil les reliques
du saint patron Audomar etaient censees deposees.
Mais lorsque cette formule pouvait entrainer une
interpretation nuisible a leurs interdts , les moines
to
avaient le soia de s’en abstenir. Lore done qu’il
etait question d’une donation speciale k l’abbaye ,
its formulaient la mention du repos des deux corps
dans le monastere de Sithiu de maniere a ce qu’on
ne put pas comprendre qu’il siagissait d'un hom-
mage fait aux deux saints , ce qui aurait entraine
le partage des biens et des privileges donnes,
entre les deux monasteres (1). Ainsi , par exemple,
les moines faisaient alors octroyer specialement, en
enongant que les donations etaient faites k Saint
Pierre ou k Saint Berlin, au monastere etabli dans
l’ile de Sithiu ; ou bien encore, apres avoir, au com-
mencement de l’acte , exprime le nom de l'abbe
du monastere de Sithiu ou reposaient les corps des
Saints Omer et Bertin , ettdt-il dit , ils determinaient
avec soin les donations ou les privileges, au monas-
tere de St-Pierre, oil Saint Bertin , le seul nomm6
alors , jouissait du repos (2).
(1) 0 en est one preove sans rdplique ; les droits de lonlieu
partagds pendant des siedes entre les deux monasteres n etaient pas
la consequence d’une autoritd seigneuriale sur la ville de St Omer ,
pour les moines et pour les chanoines ; ils ddcoulaient de la con-
cession d'un marchd , cn 874 , dont les profits furent attribute a
Saint Omer et a Saint Bertin , par le dipldme du Boi Charles-le-
Cbauve.
(2) Dans la confirmation des biens et privileges de l’abbaye par
Charles -le-Chauve, en 877 , apres la mention qu'Hilduin est abbd
du monastere de $t-Pierre qui est appeld de Sithiu , o & les corpa
de Saint Omer et de Saiut Bertin , jouissent du repos , on ex prime
que les privileges sont donnds pour le monastere de St-Pierre ,
ou repose le corps de Saint Berlin. 11 n'y est aucunement ques-
tion des chanoines ; bien loin de la , on determine, dans cette con-
— 75 —
La m6me signification d’union d’abord , et de
separation ensuite , est encore donnde par une
autre form ule des diplomes du monastfere de Sithiu.
Pendant tout le temps oil une communaut6 de
biens et d’ administration unissait les deux maisons
monacales , les chartes exprimaient que le monas-
ter e de Sithiu etait 41 eve sous (’invocation de la
Sainte Vierge et des Saints apotres Pierre et Paul,
merae quelquefois sous celles de Saint Martin et
de Saint Omer. Apres la separation et malgr4 les
chartes de l’annee 839 , l’invocation de la Vierge,
si regulierement reprise jusques alors disparut des
diplomes bertiniens (1). L’ expression de cette men-
tion eut pu compromettre les interets du monastere
d’en has; on eut pu elever la pretention que les dona-
tions reprises dans les diplomes oil elle setrouvait,
devaient etre communes ou parlagees entre les deux
4glises, indiquees par l’effet de leurs invocations spe-
cials. Les moines eviterent adroitement les dangers
de cette interpretation, en supprimant de leurs actes,
firmation, le norobre de 50 moines , ce qui ex cl ot complelement
toute idee d'union des deux monasteres alors.
Eo l*annde 889 , une donation est faile au monastere d’en^bas,
et pour la premiere fois, dans lout 1’acte il n’est que la mention
do repos du corps de Saint Bertin ( Chart. Sit. ).
(1) Cependant le moine Foleard s’exprime ainsi : ^Edi/tcaverunt
etiam orcUium quoddam adhuc vivente suo predileclo Audomaro
Dei antistite , quod ab orientali plaga templi Sancli Vetri cons-
tructum , dedicari fecit ab eodem ponli/tce in venerations sanclw
Dei yenitricis Marios, ( Vita Stl Bcrtini m* n° 773 ).
— 70 —
revocation de la Vierge (1), comme celle de
Saint Omer (t).
L’union des deux monasteres et leur separation,
s’appuient done non seulement sur des chartes
speciales Si ces faits historiques et dont les eba-
noines ont dans les derniers temps contesle l’au-
thenticite , mais elles ressortent de mots et de
phrases, au premier aspect sans importance , em-
ployes dans une foule de dipldmes reconnus vrais.
Ce n’est pas encore la que s’arretent les preuves,
pour la plupart nouvellement donnees , de cette
union et de cette separation; on va le voir.
Si les deux maisons religieuses n’avaient pas fait
(1) Dans un dipldme de Pannde 962 , par un effet sans doute de vue
retrospective inexplicable , on retrouve a I’abbaye de Silbiu , son
ancienne expression de monastdre coostruit en i’honueur de la bien-
beoreust Vierge Marie et des apdtrea Saint Pierre et Saint Paul ,
ou itposent les corps de Saint-Omer et de Saint Bertin. ( Chart. Sit.
p. 149).
Si dani des chartes et entre aotres dans celle de Charles -le-
Chauve qui d tab lit on marchd a Sitbiu en 874 , il e*t exprimd la
defense de diviser les propridtds du monastere , e'est la consequence
des craintes des moines , de voir de nouvean opdrer une separation
entre les divers et importants dtablissemeuts de Saint Bertin.
(2) La consecration veritable de l’dglisc du roonaslere d’en haut
fut toujours a la Vierge Marie , mais ce monaslere avait pris le
nom de l’evdque Audomar ou Omer qui regut le litre de Saint en 723 ,
pour la premiere fois apres sa mort. Le nom de St-Omer fot dteudu k
IVglisc clle-mdme des Tan 1015 ; queiquefois il fut adjoint k
crlui de la Vierge, de cette maniere : Baudouin , prevdt de I’eglise
de la Vierge ct de St Omer ( 1042 ) ; il le fut ainei pendant one
77 -
un seul et mbme monastbre k Sithiu , k quel titre
Saint Erkembode , mort en 737 , Evbque de T6-
rouanne et abbe de Sithiu , eut-il etb enterre dans
l’eglise du monastbre d’en haut , ou son tombeau
est encore conserve (1). Si l’union n’eutpas eu lieu, •
il eut fallu chez Folquin, chroniqueur du 1 0® sibcle ,
une grande malice, pour avancer un fait en lui-mbme
fort peu important, et qui parait sans recherches, sans
intention frauduleuse, reveler la verite.Selon lui, pen-
dant les travaux de canalisation et d’etablissement
de moulins , executes a Arques , vers l’annee 800,
sous 1'abbe Odland, cbaque semaine, il arrivait dans
ce village, a tour de r6le, cinq moines du monastbre
d’en bas et autant du monastbre d’en haut (2).
Si celte union n’avait jamais existe , des interbts
cominuns de propriety , eussent-ils ete aussi nom-
breux qu’ils le furent longtemps entre les moines
et les chanoines? Evidemment non. Au milieu du
certaine periode de temps; puis revocation dcStOmer fut em-
ployee seule et fit presque oublier ia consecration 5 !a Vierge, &
{’expression de laquelle on a fini par revenir cxclusivement.
\t) Inlerea et preefatus Erkcmbodus episcopus et abbas dccessit
d soscuto ( 734 a 742 ) , el in monasterio Sancti Audomari 9
coram altare sanctcB Dei genitricis ( quod dicilur ad campanas )
tumulatur d populo ( ubi usque ho Hi ejus tumba cernilur lapidea ).
( Folqoin , chart, ait. p. 50 ). II y a des mots njoutfs posterieuremerit ,
com me il est facile de s’en apercevoir. Le tombeau de Saint
Erkembode est main tenant place contre la paroi exterieure et orien-
tate du chceur.
(2) Id. p. 67.
— 78 —
10* sibcle , les chanoines et les monies allerent de
compagnie sur les bords du Rhin , avec le corps
de Saint Omer, afin que par sa presence , les de-
tenteurs des biens communs entre eux, fussent
• amends & les leur rendre (1). N’est-ce pas en-
semble qu’ils re$urent en 1’annee 1015, un pri-
vilege pour leurs biens indivis , situes dans l’eveche
de Cologne , privilege dans lequel est exprimee
l'existence de deux monasteres in loco Sithiu (2).
Les dimes des villages de Cormettes , de St-Martin-
au-Laert et de Tatinghem , ne leur etaient-elles pas
communes , et ne les partageaient-ils pas par moi-
tie (3). N’avaient-ils pas encore en 1 1 53 , des hiens
indivis dans le pays de Liege (4). Le cliapilre
n’abandonne-t-il pas » sous certaines conditions , a
1’abbaye de St-Bertin , en 1193, ce qu’il possedait
de compte k demi, avec elle, au village de Cau-
mont (5). N’est-ce pas ensemble qu’en 1175, les
deux monasteres souleverent des difficultes a la
(t) Chart, sit. p. 148. Iperius chap. 27 , et Malbrancq, de Morinis,
lib. TU , p. 553 9 donnent das variaotes iueiactes.
(2) Duobui monasteriU in loco Sithiu dicto , constructs quorum
tmum eft canonicorum 9 allerum uero monacorum. ( Ch. sit. ap-
pendix p. XCIX ) Le grand cartulaire reprodoit la mdme chose en
plusieurs endroits.
(3) 1123 f g4 cart. t. 1 , p. 201 , etc. 9 etc. v encore en 1469,
t. 7 , p. 620 9 et en 1510 pour St-Nartin-an-Laert , t. 9, p. 135.
(4) G4 cart. t. 1 , p. 293.
(5) Id. p. 537 v et Malbrancq 9 t III , p. 358 ; h la p. 436 9
est un ex trait de dipldme ou se trouvent encore ces mots i cum
in villa Sanctorum Bertini cl Audomari Calmont dicta .
— 79 —
communaute bourgeoise de St-Omer , au aujet des
vastes propriety communales (1). N’est-ce pas
entre eux qu’ils s’etaient partag6 sur notre ville
les droils de tonlieu (2). Enfin n’estrce pas par
partage , qu’ils poss6dfcrent le patronat des 6glises
paroissiales de la ville de StrOmer jusqu’k la fin
du 18® sifecle.
Quant a l’Spoque de la separation , sans le se-
cours des chartes speciales , elle se trouverait m6me
assez bien indiquee par les renseignements im-
plicites des diplomes posterieurs. Ceux-ci corro-
borent et les textes des chartes et les dires des
chroniqueurs que nous n’avons plus de motifs de
repousser , pour les deux faits principaux et pour
leurs dates. Voici quelques autres mentions qui
peuvent conduire au m&me r6sultat.
En 1’annee 826 , comme en 838 , Goibert , l’un
des principaux bienfaiteurs du monastfere de Sithiu,
enonce dans les m&mes diplomes , des donations
distinctes en ‘faveur de Saint Omer et en faveur de
Saint Berlin (3) ; la distinction est conserve par le
chroniqueur Folquin , dans sa narration de la mort
(1) Malbrancq , t. Ill , p. 302 ( 1175 ) gd cart. , t. 1 , p. 366.
(2) Le g'1 2 3 cart, en plusieurs endroits, notamment & l*annde 1402,
t. 5 , p. 708. Dans la bulle donnle an cbapitre en 1139 , par
Innocent 2 f on voit : Telonium dimidtom lottos oppidi ( Dignitls
de l’lglise de St-Omer , p. 157 ). II existe dans toutes nos archives
une foule de documents h I’occasion du tonlieu,
(3) Chart, sit. p. 158-160.
— 80 —
de Goibert. En 831 , le meme bienfaiteur exprime
one donation au sepulcre seul de Saint Bertin (1 ) .
Dans le releve fait en 857 , par les moines , des
biens octroyes par Goibert , ceux-ci laissent de
edte , sans les reprendre , les parties de terre
donnees specialement a Saint Omer (2). Guntbert,
fils de Goibert et moine de St-Bertin , executa de
sa propre main , trois manuscrits , dont deux an-
tiphonaires; le plus beau des manuscrits fut pour
St-Berlin ; des deux antiphonaires , I’un fut
offert k St-Omer et l’autre k St-Winoc (3). L’ad-
ministration du monastere d’en haut etait done alors
comme celle du monastere de St-Winoc, separee
de l’administration de l’abbaye de St-Bertin , ou
mieux du roonastfere de St-Pierre ou d’en bas.
Si dans les derniers temps , et a 1’exemple de
leurs predecesseurs , les chanoines avaient limile et
fort retreci le champ du combat, entre eux et
les moines de St-Bertin, s’ils avaient moins mis
«
en jeu leur amour-propre, ils auraient pu combattre
avec un certain avantage.
Les chanoines pouvaient pretendre justement que
la donation primitive et totale , fut faite a Audomar
par Adroald , selon l’expression des vies de ce
(() Chart, sit. p. 156.
(2) Id. p. 161-162.
13) Id. p. 80.
— 81 —
saint Eveque : Deo et beato obtulit Audomaro (1). Ce
n’est pas, comine on pourrait le croire, que si cette
donation n’avait pas 6te octroy6e a Audomar, il n’au-
rait pu batir I'eglise St-Martin , depuis transport^ au
Laert, que tout le monde reconnait avoir 6t6 construite
des les premiferes anuses de son episcopat (2) ; mais
comment l’Eveque de T^rouanne se serait-il trouve
en mesure pour 6tablir la premiere demeure de
ses trois compagnons , l’hermitage de St-Mommelin
connu depuis sous le nom de vieux monastere (3)?
Cet etablissement avait lieu, selon les bistoriens
des deux partis, plusieurs ann£es avant la date
du diplome d’Adroald. Comment encore serait* ce
par le fait d’Audomar que le ciraetiere et I’eglise
de la Yierge aient ete etablis sur la hauteur?
(1) Vie* de Saint Omer, mu de Corbie et do cbapitre de
St-Omer. ( La verite de I'bisloire de i'eglise de St-Omer , piec. just,
p. 309 ).
An 12* siicie , la donation A Saint Omer dtait dans la tradilion ;
Lambert d’Ardres , s’expritne ainsi : Quidam Adroaldu* nomine bealo
eontulit Audomaro.
(2) Voir les different* auteurs et les mdmoires. Quant A moi je
suis convaincu qu’il faut voir dans la construction de i’eglise St-Marlin
un acte d’administration episcopate plutdt qu'un acte de proprid*
laire de la part d’Audomar , surlout si comme on le dil , ce saint
Evdque n'a fait que transformer un temple payen en dglise chre-
tienne. Ce qui m’engage A penser ainsi c’est que les cbanoines de
Nolre-Dame n’etaient pas proprietaires du terrain sur lequel I'eglise
primitive de St -Martin dtait construite , el que cette eglise n'a pas
dtd enserrde dans leur endos.
(3) Oc cst parfaitement d'accord pour regarder ce petit monastere
comme construit avant la date de la donation tcrite d'Adroaid.
11
— 82 —
Audomar , le vrai fondaleur du christianisme dans
notre pays , n’a pu attendre l’arrivee des trois
missionnaires pour arborer I’etendard du christia-
nisme sur la terre de Silhiu ou dans son voisi-
nage. II est le veritable donataire ; il s’est servi
du nom d’Adroald pour transmettre a Berlin ce
qu'il crut devoir consacrer a l’etablissement d’un
monastere. II faisait pour plus de surete , inter-
veuir la signature du premier donateur , dans la
transmission d’une grande partie de la donation ,
comprenant la terre de Sithiu et ses dependances nom-
inees; puis quatorze ans apres, Adroald n’existant sans
doute plus, Audomar a directement donne a l’abbe de
Sithiu, par l’octroi de l’eglise de la Vierge et de ses
dependances , tout ce qui Ini restait des liberaliles
du premier possesseur (1). L’Eveque fondateur
agissait en cela avec une grande prudence, sous
I’empire des idees religieuses de son epoque et
des esperances du 7® siecle , car on comptait alors
sur les moines pour etablir la religion chretienne,
comme au 9®, on compta sur les chanoines regu-
liers pour la consolider. Audomar assurait ainsi
(1) On manoscrit do chapitre dit, qu' Adroald donna d Monsieur
Saint Omer... plusieurs terres el seigneuries d lui appartenants
et enlre aullres une vitle et seigneurie nommte Blendecque ... n
y a eiagdratioo dans l'enoncialion qui a trait a Blendecques, mais
on ne Irouve aucone autre indication du commencement de la
possession des terres que le ebapitre possddait de temps immemorial
dans ce village. 11 semblerait que ces terres furent toujours alta-
chees ao monastere d’en haot ; elles dtaient one de ces depen-
dences de Tegiise de la Tierge dont parle le testament d’Audomar.
— 83 —
l’execution des volontes du vrai donateur ; il don-
nait un gage de duree aux etablissements qu’il
avait fondes ; il ne laissait pas Taction civilisatrice
divisee et en concurrence ; il 4vitait des lattes
toujours prejudiciables. Si une question d’amour-
propre n’avait pas ete en jeu entre les moines et
les chanoines, tout cela aurait ete bientot reconnu,
car il n’y aurait eu qu’un dissentiment historique,
sans grande importance, qu’une bonne interpre-
tation facile a trouver, devait faire cesser. Tous
les titres , la cbarte d’Adroald elle-meme , n6ces-
sitent ou permellent cette interpretation , qu’Au-
domar a regu d’Adroald tous les biens destines
par lui a une oeuvre pieuse ; qu’il a use de la
donation avant l’arrivee de ses trois collaboratcurs
et qu’il a transmis cn deux fois k Saint Bertin
tout ce qu’il avait re?a.
S’il etait reste dans les termes que je viens
d’ exprimer , le cbapitre eut gagn6 la premiere .
partie de.sa cause; mais cela ne faisait pas Taf-
faire de son amour-propre ; il voulut aller beaucoup
au dela. 11 ne fut pas bien inspire dans sa pretention
d’un college de chanoines toujours independant ,
forme a Sithiu par Audomar lui-meme; il ne fut
jamais en mesure de prouver l’etablissement d’un
lidpital aupres de 1’eglise de la Vierge pendant
la vie du saint fondateur (1 ) ; il ne put certes ,
(I) Le nom d 'Escoteric , conserve aux ctablisscmenU qui ont sue-
jamais demontrer que cette eglise fut construite
ftvant l’arrivee de Bertin , et qu’elle eut , a son
origine , les proportions grandioses qu’il voulait
lui reconnaitre. La plupart des tilres sur lesqaels
le chapitre appuie sa version , les principals des
vies de Saint Omer , ne disent pas, comrne il l’a pre-
tendu, qu’avant la venue des trois missionnaires
apostoliques , l’eglise oh le bienheureux Audomar
fut enterre , avait ete Mtie; elles expriment litte-
ralement que ce saint Eveque , avant I’arrivee de
Mommclin , d’Ebertrand et de Berlin , avait cons-
trait une eglise dans le lieu ou son corps repose
en paix: Beatu x Audomarut in prcedicla villa, ante
adventum predictorum virutn , ecclesiam edip.ca.vit
in eo loco in quo suum posat in pace corpweuhim ,
disent-elles (1). L’erreur d’interpretation , n’a pas
6te relevee par les adversaires des chanoines , et
cependant elle est evidente; il ne s’agit ici que
cddd a riiApilat qui exista ccrtaincment dans le cloltre des cha-
noines , peut faire supposcr , comme le disent plusieurs auteurs
anciens , qu’il remooUit asses loin dans le passe. Dans les chapilres
ad r esses en 858 , au Roi Louis , par les Evlques de la province
de Reims el autres , on voit cctle phrase *. hospilalia peregrinorum
ticul sunt scoUorum et qua tempore antecessorum veslrorum regum
construeta et constituta fuerunt . ( Capit, Caroli Calvi , p. 187 ).
(1) La verite de l’histoire de l’eglise de St Omer , p. 399. Je
dois dire cependant que lorsqu’il est parld de la mort de Saint Omer,
on voit ces mots : eumque ( Audomarum ) in pradicta eccletia
quam Hie beatus pontifex in Sithiu eedificavii , cum immense
eircumstantis populi sepelierant luctu. D’aprcs les dipldmes, Audomar
est Ic veritable fondateur de 1’egHsc de la Vierge et la petite con-
fusion que je signaie se comprend parfuiUmenl.
85 —
de l’eglise St-Martio , la premiere construite sur
la hauteur , dans la localite done , oh Audomar
regut la sepulture.
L’eglise de la Yierge n’a pas de cause serieuse,
de but utile, des l'instant oil on lui retire celui
de servir , sous forme primitive de chapelle , au
cimetiere etabli en faveur du monastere de Sithiu,
eleve dans un lieu impropre h la sepulture. En
effet le motif de la fondation du monastfere d’en
haut et de sa basilique , invoque par les chanoines
est completement nul , puisque l’eglise St-Martin,
balie avant celle de la Yierge , et dont parlent les
vies de Saint Omer , devait avoir des pretres pour
la desservir; que ces pretres auraient pu suffire
a la double mission de clergg d’une toute petite
paroisse et de directeurs de 1’hdpital , s’il y en
avait eu un aussi tot gtabli, ce qui n’est pas du
tout probable. Le luxe des deux eglises de St-
Martin et de la Yierge Marie , poshes en memo
-temps et avec intention , si pres l’une de 1’autre,
serait incomprehensible dans un pays presque
sauvage et payen , it une epoque oil les pre-
tres en general etaient encore en petit nombre.
L’etablissement de deux monasteres , si voisins
1’un de l’autre , serait egalement incroyable , s’il
avait eu lieu intentionnellement et au meme mo-
ment. On comprend bien mieux le fait du mo-
nastere d’en haut , dans son humble naissance ,
sous forme de simple chapelle , grandie peu a
— 86 —
peu , aupres de laquelle on posa un modeste cloilre
dependant du monastere d’en bas , pour le loge-
roent des moines charges de la sepulture de leurs
freres ; on comprend parfailement le developpement
de ce cloitre place dans un lieu aere et bien plus
favorable a la sante que celui oil gisait le monas-
tere de St-Bertin.
Nous savons combien de peines infructueuses , le
chapitre s’est donnees dans les derniers temps ,
pour combattre Turnon et la separation des deux
monastercs. Apres la donation totale faite a TEveque
Audomar par Adroald, ce que le chapitre aurait
pu demontrer a son avantage , c’est que la sepa-
ration n’avait pas eu le caractfere de violence pre-
tendu par les moines. 11 aurait appele au secours
de 3on interpretation Tesprit de concorde qui exis-
tait primilivement entre les deux monasteres dis-
joints , puisque des donations leur sont faites dis—
tinctement dans les memes actes , par Goibert et
par Guntbert , et que ces bienfaileurs , pere et fils,
dans une parfaite intelligence , vivaient, le premier,
chanoine au monastere d’en haut , et le second ,
meine au monastere d’en bas (1). Le chapitre
pouvait demontrer que ce n’etait pas, comme son
adversaire le pretendait , des Strangers introduils
dans le monastere d’en haut , lors de sa transfor-
(1) Chart, hit. C’est d'apres les conseils de son fils que Goibert
fit scs dernieres liberalilcs.
— 87
mation , mais que ce furent d’anciens moines con-
vertis en chanoines , conformement a l’esprit do*
minaot au neuvieme siecle ; ii en avail de bonnes
preuves it puiser dans les auteurs m£mes de
l’abbaye de St-Bertin qui les donnent bien invo-
lontairement. Goibert , d’abord moine avec son fils,
se fit chanoine ; il mourut en l’annee 838 , au
monastere d’en haul, d’oii son corps fut rapporte
a celui d’en bas pour y etre enterre dans l’eglise
de St-Bertin (1). Adalard fut offert k Saint Pierre
et a Saint Bertin pour etre moine ; ensuite il se fit
chanoine sous Fridogis; puis il devint abbe du
monastere d’en bas (2). Le chapitre aurait assure
ainsi que l’abbe Fridogis , chanoine de conviction,
sous 1’empire de la pensee favorable de son temps
au nouvel ordre de religieux nommes chanoi-
nes (3) , etait reste dans les limites de la permission
accordee aux moines par le concile d’Aix-la-Cha-
pelle, tenu en 816, de se transformer en cha-
noines (4).
Le chapitre pouvait prouver I’exag^ration pri-
(1) Chart. aiC. p. 160.
(2) Sed post canonicus est effectus sub Fridogiso (id. p* 92).
(3) Raoul Glaber , auteur du onzieme siecle , s’exprime aiosi :
des moines d'un autre ordre , de ceux que nous appelons cha-
noines. ( Traduction de M. Guizot ; Buchon, t. 6 1 p. 189 ).
(4) Paul le diacre. M. Guizot , hist, de la civilisation en France,
t. 2 f p. 286-287 , edit, de 1840. Sacro sancla concilia Ph. Labbei,
t. 7 , col. 1444.
— 88 —
mitive des moines , par l’assentiment de presque
tous les historiens , de beaucoup des modernes de
1’abbaye mfime (1 ) ; il pouvait , dis-je , prouver
que les cbanoines vivaient regulierement sous la
rfegle de Cbrodegand perfectionn£e par le concile
d’Aix-la-Cbapelle , en opposition apparente avec
cette phrase de Folquin : et quia canonicus erat
cum canonkit in sancti Audomari monasterio secu-
lariter vivebat (2). De bonnes preuves d’une vie
commune, au moins en principe, jusqu’au com-
mencement du 4 3* siecle , ont ete donnees par les
chanoines (3) ; sur cet objet ils combattent victo-
rieusement Yperius qui a pris a la lettre , d’apres
ce qu’il voyait de son temps , les expressions figu-
res de Folquin. II en ressort cette interpretation,
que si ce dernier auteur, de la fin du 40® siecle,
s’est servi des mots : vivebat teculariler , c’est
d’aprfes le peu de regularity qu’il voyait chez les
chanoines de son temps , et relativement k la dis-
cipline beaucoup plus severe des moines. On sait
que les chanoines en general tendaient toujours a
se relacher des obligations de la vie commune.
Sous Charles-le-Chauve deja , nous disent les capi-
tulaires de ce Prince , on etait force de leur or-
(1) Dissertation . p. 331.
(2) Chart, sit. , p. 75.
(3) Menoire pour les doyen , cbanoines et chapitre , p. 63 ; la
rente , p. 319.
Le dipldnc de I'annde 1016 , ful fait sous le Prdvdt Heleein : As
monasterio s" Audomari ( loc. oil. ).
— 89 —
donner, entre autres obligations, soil dans les
villes , soit dans les monastfcres , de dormir dans
)e dortoir , de manger dans le refectoire , de rester
malades dans l’infirmerie (1). Etienne de Tournai
mort en 1 203 , faisait un merite special aux cha-
noines de Reims , d’ avoir conserve la vie reguliere
du dortoir et du refectoire communs (2). La ten*
dance & vivre seculierement ressort pour les cha-
noines de St-Omer, du fait certain de leur secu-
larisation au commencement du 13® siecle , comme
consequence d'un relachement progressif des liens
de la vie commune, dont aucun acte connu n’a
prononce la dissolution h une date donnee.
Ce que le chapilre de St-Omer pouvait surtout
demontrer mieux qu’il ne l’a fait , c’est son inde-
pendance perpetuelle aprfcs la separation du com-
mencement du 9s siecle. II n’etait pas necessaire
pour cela de r6cuser la bonte , la validite des
chartes -de 839 , dans lesquelles on voit qu’k 1’ab-
baye de St-6ertin , est donne le droit de nommer
un oeditms ou custos ; il n’etait pas necessaire de
traiter Folquin et Yperius de faussaires et d’impos-
teurs. II s’agissait tout simplement d’interpreter
les expressions des chartes sur lesquelles ces auteurs
bertiniens appuient leurs pretentions exhorbitantes.
Selon les historians de l’abbaye de St-Bertin ces
(1) Anno 846, Capilula Carol! Calvi. (Syrmondus, p. 57.)
(2) Steph. Tornac. ep. 160. Mem. du chap. , p. 65.
12
— 90 —
chartes lui donnferent plus m£me qu’un droit de
patronage sur le monastere d’en haut; les cha-
noines furent dorenavant soumis aux moines ; le
chef des chanoines ne fut plus qu’un delegu6 de
l’abbd , nomme par lui. Ces bistoriens precisent,
dans leur interpretation, le point de depart de cet
etat de chose, mais ils n’en determinent pas la
duree, ce qu’il.leur aurait 6t6 sans doute difficile
de faire , car pour qu’une chose ait une fin , il
faut qu’elle ait eu veritablement un commencement.
Ces historiens invoquent les desordres amenes par
les invasions normandes , pour cacher leur embarras
de preciser le moment oh leur pretendue domi-
nation a cesse.
Les chartes de l’annee 839 de Saint Folquin,
Ev&que des Morins et de Hugues , abbe , sont
identiquement les memes. La deuxieme copie litte—
ralement la premiere pour la confirmer avec le
eonsentement du seigneur Louis , Empereur. Ces
chartes etablissent d’abord que les moines avaient
sollicite l’expulsion des chanoines du monastere
d’en haut, mais que toutes leurs sollicitations
furent vaines et que les chanoines restferent maitres
du terrain. Est-ce bien lit ce qui aurait eu lieu si
vraiment le monastere d’en haut avait ete remis
de nouveau aux mains de l’abb6 du monasthre
d'en has ? Non sans doute , s’il en avait 6te ainsi ,
le nom de chanoines eut entierement disparu ; des
religieux qui r^guliferement pouvaient 6tre soumis
a l’abbe d’une maison positivement monacale, des
moines enfin eussent remplace les chanoines, oil
plutot les chanoines seraient redevenas moines (4).
Nous allons voir que pour etablir leur pretendue
domination snr les chanoines , les moines ont de-
nature la veritable signification des chartes; qu’ils
ont mis une veritable adresse h separer les para-
graphes les uns des autres , pour leur faire dire
toute autre chose que ce qu’ils disent reellement
Que signifient en r^alitd les mots : eot (ctmonicotj
huic loco (S° Bertini) subegi , dont on a tant abustf
Seuls , ils se prfcteraient & l’interpr6tation donnee
par les moines; mais ils sont. precedes et suiyis
de phrases qui les expliquent , et qui disent la,
pretention des chanoines , tout nouveaux qu’ils.
etaient , d’avoir la pr6seance sur les moines (2) :
(1) L'exagdralion du dipldme de l’Evdquo Folquin, qai a die sign aide,
n’est que dans lea expressions ; e’est une esptae de satisfaction
donnde an violent mdeontentemeot exprimd par les moines depuis
la mort de Fridogis ; ils savaient alors par experience le tort que
cet abbe leur avait fait. La decision que le dipldme exprime est
au contraire fort moddrde et aussi dquilable que possible dans I'dlat
des choses. Le verbe expultl k l’occasion des moines du monaslere
d’ea haut , renftre dans Texageratioo general e et n'exprime pas exae-
tement ce qui fut fait par Fridogis qui ne les expulsa pas en to-
tality ni en ge'ndral. Le quod dictu horribil* e$t , qui tombe sur*
Pdtablissement des chanoines, a si peu uoe signification sdrleuse en
dehors de I’enceinte da monast&re d’en has , que l’dvdque de Td-
rouanne laisse subsisler les chanoines. Ce fait vaut k lui seul une
dissertation en faveur de la ldgalild d’etablissement des chanoines.
(2) Denique jam quidem emerterani audack i lemeritalis decipti ,
— 92 —
dicentes primatum locorum ad *e per liner e debere.
C’est contra cette pretention que les mote (loot il
s’agit , ont ete Merits. Resistant it la pr^somption
orgueilleuse des chanoines : quorum pretumpluosw
superbice retitlent (4), disent les chartes , Saint
Folquin annihila leur tentative de superiority, en
leur determinant la seconde position dans les bourgs
de Sithiu ; il les mit ainsi bierarchiquement sous
les moines de St-Bertin , e’est-it-dire dans une
position d’inferiorite relative : eot huic loco subegi
et conation eorum adnichilavi. Les moines furent
done quelques temps , le premier corps religieux
dans ces localites (2) , en souvenir de la paternity
du monastere d’en bas sur le monastfere d’en baut,
et contrairement it la veritable bierarchie eccie-
siastique qui donnait la preseance aux chanoines
comme ilc 1 ’avaient r^clamee (3).
dicentes primatum locorum ad se pertinere debere . (Chart, sit.
p. 86-88 ) etc.
( Id.
(2) Depnis longtemps , dans les dipldmes , le monastere d’en baut
et son Prevdt , passaient ordinairement avant le monastere d’en bas
et son abbe.
- (3) I 71 missi noslri per civilates et singula monasteria tarn cano-
nicorum quam monackorum sive Sanclimonalium ponatieria
etiam religiosa atquee prcecipua canonicorum el monachorum ....
disent les capi tula ires des synodos de Soissons , en 833 , et do
Palais en 858 ( Syrmondos ).
Les souverains affranebirent bientdt de toote domination, les lieox
sur lesquels les eloitres des chanoines elaient etablis. ( Ansegiti
’ capitularium , lib. IV ; Documenla gtrmanias , t. 3 , p. 318).
Rien de plus qu’une superiority d’amour-propre,
n'est done donnee aux moines sur les chanoines
par les paragraphes cites des chartes de 1’annee
839 ; serait-il possible que d’autres paragraphes
octroyent aux abbes de St-Bertin la nomination des
chefs des chanoines ? Non sans doute , cela ne
serait pas consequent , et nous allons voir , par
l’analyse des expressions memos des chartes, que
ee droit exhorbitant ne leur a pas 6t6 donne.
Les chartes s’expriment ainsi : edilitatem seu
custodiam ipsius basilica ( Sanctce Maria ) Sancto
Pelro Sancloque Bertino reddendum, et monachum
ad custodiam ibi ponendum censui et statui. D’abord
remarquons que ce n’est pas la garde ou custodie
du monastfere des chanoines qui est octroyte, mais
simplement celle de leur eglise, edilitas seu cus-
todia basilica, ce qui est bien different et constitue
une fonclion d’un ordre particulier et tout-k-fait
inferieur , ainsi que nous le verrons tout k l’heure.
Pourquoi l’Eveque de Terouanne croit-il devoir
rendre a l’abbaye de St-Bertin la garde de I’eglise
de la Vierge, de celle du monastere d’en haut?
Parce que lk , etait l’ancien cimetiere des moines;
parce que Ik surtout etaient les reliques d’Audomar,
du veritable fondateur des monasteres de Sithiu ,
reliques les plus venerees et auxquelles les moines
savaient bien qu’ils ne pourraient substituer celles
de Saint Bertin , dans la confiance des peuples, pas
— 94 —
plus que dans la teur actuelle. Aupres du patron,
du protecteur par excellence , lea moines conser-
vaient le degir d’etre entering (I); le droit leur
en 4tait rendu par le fait que le gardien du corps
saint et de I’^glise etait l’un des leurs. Au tombeau
de Saint Omer allluaient les malades (2), et leurs
offrandes 6taient pour la maison religieuse qui le
possedait. Sur le monastfere possesseur des reliques
venerees, rejaillissait une consideration souvent frue-
tueuse. Ces benefices, jadis partages entre les deux
monasteres nnis, etaient entiferement perdus pour
celui d’en bas, depuis le jour de la separation;
c’etait une grave et injuste lesion dans ses interets
de toute nature et surtout dans ses interets ma-
teriels. Le Custos de l’eglise et du precieux tom-
beau rent) is & la nomination de l’abbe de St-Bertin,
re?oit dans les chartes le privilege d’officier dans
(I) Par nnterpnhation de quelques Inscriptions trouvdes k St-Bertiir,
jVi fait voir quelle etait l’importance attaches par les moines k dire
enterres aupres de leur fondateur. ( Mem. de la Soc. des Antiq.
do la Morlnie , t. 7, p. 156), Le chroniqueur Folqoin signale, p. 96,
la sepulture dc I’Evdque Saint Folquin au cdtd droit de Saint Berlin.
Quel ne devait pas lire, k plus forte raison, le ddsir des moines de rece-
voir la sepulture aupres du corps de Saint Omer. Ce fut I’Empereur Lesn
(457) qui en abrogeant la defense d’enterrer dans les lieoi habitds,tombee
en desudtude , laissa un libre cours a la volonte des chrdtiens do .
reposer aupres des martyrs et des saints. La question de savolr si
un mort pouvait profiler k dire entered aupres d’un saint fat mdme
posde a Saint Augustin.
(2; Multi enim variis tanguoribus fatigati , cum ad beatt Au-
domari lumulum veniunt , divind largientc gratid , subitum recipiunt
sanitatem. ( Vies de Saiul Omer , loc. cit. , p. 401 ).
— 9ft —
1’eglise des chanoines , quatre fois l’an , aux jours
de solennites determinees : ut et quatuor temporibut
in anno missarurn sollempnia celebrarent ; il re<?oit
en mfeme temps le droit utile de percevoir , ces
quatre jours, les offrandes des fideles : quidquid ad
ipsum altare veniret.
Les avantages octrois par Saint Folquin au mo-
nastere d’en bas , ainsi determines , ne paraissent
aucunement arbitraires ; ils ne sont qu'une faible
indemnity honorifique et pecuniaire , et sous ce
point de vue , une legfcre reparation d’une injustice
veritable : perpendens injustitiam lacrimabilem
qualiter eundem locum ad pristinum honorem valereth
reducere. La decision de l’Eveque prend un caractere
d’equite qu’elle ne pouvait avoir dans l’interpr&ation
erronee et partiale des moines , faite apres coup ,
pour la satisfaction de leur amour-propre. Tout
s’eclaircit, les faits s’enchainent. Les chanoines
furent mecontents des droits accordes a leurs ri-
vaux; les moines les regarderent comme insuf-
fisants et ils ne B’en coDtenterent pas; ils tentferent
bientot, par un acte de violence, d’attenuer les con-
sequences d’un etat de clioses qui leur laissait de
continued regrets, et qui ne donnait pas satis-
faction entiere a leurs demandes , a leurs int£rets ;
ce fut le point de depart de leurs perp£tuelles
tentatives. Un jour de l’an de grace 843 , une
agitation extraordinaire se manifeste dans l’enceinte
du monastfere d’en haut ; en un instant elle se
— 96 —
communique & tons les habitants voisios. Est-ce
an puissant ennemi qui s’approche? Non, c’est
l’abb6 de St-Bertin qui, d’accord avec le moine
Morus , gardien de l’eglise des cbanoines , s’est
enfui avec le corps du saint fondateur, pour l’eloi-
gner k toujours de la terre de Sitbiu. On s’arme
et sous la conduite de l’Eveque de TCrouanne, on
rejoint 1’infidele abbe et 1’on ramene en triomphe
la precieuse relique (1 ) ; l’esperance de la rem-
placer dans la confiance du peuple , par celle de
Saint Bertin, est ainsi decue (2).
La fonctiou de Custos , ancienne dans les cba-
pitres , y etait generalement d’un ordre peu eleve ;
je pourrais en joindre des preuves a celles donnees
par les chanoincs de St-Omer , dans les archives
desquels on voit a toutes les epoques, le Custos
nomine le dernier de tous les dignitaires. Je pourrais
ajouter que l’existence siraultanee du Prevot et da
Custos, dans le chapitre de St-Omer, resulte de
litres fort anciens ; que des bulles papales recom-
mandent a ce dernier une soumission complete aux
(1) Voir Folquin et une foule d'autres auteurs. Dom Guillaume
de Wine, dans la vie miraculeuse de Monseigneur Sand Folquin,
tmprimee en 1618 , p. 7 , raconte ce tail en Tappuyant sur le
legcodairc de Feglise cathedral?.
(V Folqoin , p. 90, assimile k pen pres la protection donnde
par les deux saints patrons ; Saudi Audomari corpus , cujus ope
el auxilio , una cum sodali suo Bertmo 9 dil-il. 11 en est de
nrnK de tous les auteurs bertiniens.
— 97 *-
diverses autorites canoniales (1). J?ai quelque
chose de bcaucoup plus important a dire : une
eustodie de I’Sglise , une custodie speciale aox
lieux saints, existait au monastere d’en-bas, k
l’abbaye de St-Bertin, des les temps ies plus
anciens. Elle se manifeste dans sou histoire au,
commencement du 8" siecle (2) , et dans ses di-.
plomes en 853 (3). Vers le mSme temps on voifc
meme le Gustos ecclesia charge des details des
distributions a operer annuellement pour un anni-
versaire (4). A la meme epoque, le celebre.
moine Guntbert est reconnu pour Custos des lieux
saints (5). En l’annde 874 , le roi Charles octroie
un marche pour Sithiu; les profits furent des-
tines a entretenir les luminaires des saints Omer
et Berlin; une fois l’annde, dit la charte , le
Custos de I’dglise, en attribuera une partie aux ne-
cessity des freres du saint Lieu : custos ecclesim
fratribus ipsius sancti loci, refectionem exinde tri-
buat (6).
En presence des preuves que la charge de
(1) Bade da pape Alexandre 3 de I'annde 1179 : Cutlot qui mi-
nuter diciiur, til in poletlale p rapotili, decani et capituli, prop-
ter om amenta qua in ejut potettate tunt.
(2) Lhagiographe de St-Bertin dit que lorsque le vol fait sous 1’abbd
Erlefride fut commis , le coupable dvita la presence des cutlot ee-
cletia. (Cap. 13).
(3) Ad cutlodiam eancti Petri et icmeti Bertini, (Chart, sith p 94)
(4) Id. p. lio. '
(5) omni tempore vita tua Mi tanctit Locit cutlot. (Id. p. 164).
(6) Id. p. 120. On tronve encore en 1225 un Custos de I’egliee de
St-Bertin. • •
13
— 98 —
Castos existiit au huitifeme sifecle , poor le mo-
nastfere d’en bas, avec les fonclions de simple
administration materielle de I’eglise , pouvons-nous
croire que dans le monastfere d’en haot , le cuttos
basilica ou ecclcsia selon les expressions des cbartes
et do moine Folquin lui-meme (1) , Yediluut ec-
desia selon l’expression du vieil auteur de la vie
de St-Bertin, (2) ait ete le chef des chanoines?
Nous le pourrions d’autant moins que les chartes qui
nous font connaitre le Custos de l’eglise d’en haut ,
expriment une charge a la nomination de l’abbe de
St-Bertin. Le titre de Privot ou priposi etait
^galement en usage au monastfere d’en bas, des
le commencement du 9e siecle ; il y 6tait attribue
aux delegues de l’abbe , pour la direction des
maisons religieuses depend antes de 1’abbaye , de
celles de peu d’importance meme , comme le prouve
cette mention de l’aunee 806 : cella qua dicitur
Hebrona , ubi Ebroinus propositus esse videlur (3) ,
mention corrobor£e par beaucoup d’autres poste-
rieures (i). Dans cet etat de choses , est-il croyable
(1) Ante dietus autem eutlot eeeletia monu, ( Chart. Sith. p. 93.)
(2) II dit Herric edituut tccUsUt 9 comme nous alloot le voir.
(3) Chart. Sith. p. 68.
(4) Parmi4es noms des prdvots et des doyens rdvdlds par les cartulalrea
de St-Bertin, pendant le cours des 9* et 10* sieclen, il pourrait y en avoir
des chefs du chapitre de St-Omer. Beaucoup d’etrangers au monastere
d’en bas signent ses dipldmes. La plupart tootcfois sont bien lea noms
dea digoitaires du monastere de St-Bertin. Guntbert fut elevd aux bonneura
de la prevdtd vers l’annde 850; flildrade dlait prevdt en 890; Wicfride
en 935 ; Hemfride en 938 , 959 et 961. La certitude de rexiateiice da
— 99 —
est-il possible m&me, que le titre de Pr6vot eut 6ti
refuse au del6gu4 de l’abb6, s’il avait eu la direction
de l’important monastfere d’en haut , poor lui
dooner celui de Custos , expression d’une fonction
particulifere k l’cglise , et tout k fait secondaire
dans le monastfere d’en bas? Non cela n’est pas
possible. Je n’hesite pas k dire, dfes k present,
que si le Custos est, pour les historiens de l’abbaye,
le predecesseur du Pr4vot , que si ses attributions ,
sous leur plume, se sont transforms en celles
de la dignite la plus ilevee chez les chanoines,
il n'en sera pas ainsi pour nous , qui sommes
desinteresses et impartiaux. Je n’aurais certes pas
besoin d’en aller chercher d’autres preuves que
toutes celles qui precedent; toutefois, malgre leur su-
rabondance, j’en donnerai encore de trfcs significatives,
tiroes des chartes de 839 elles-m&nes et d’un fait qui
les a suivies de prfes. Le Custos basilica y re«joit, nous
l’avons vu , le privilege d’officier quatre fois l’an dans
prdvots spdciaux k St- Bert in, d&s an moina le 9* af&ofe, est donnde par
Guntbert , moine, qui vers 831, stipule des reserves dans sa donation,
en cas que Pen vie et 1’avarice des prdvots, le forwent k sortir du mo-
nastere ; elle est garantie par la charte de rempereur Charles en
877, qui ordonne que les prevots et les autres ministdriels du monastere
soient cholsis k l'election parmi les moioes ; elle Test par les mentions
de : Wicfridus hujus noslri monasterii Silhiu preposilus en 935, de :
Engelandus loci hujus aulem preposilus en 947. II en est de mime
pour les doyens du icons* tere d’en bas. Amalbert dtait doyen, en 854;
Dotsolon, en 890 ; Witnemare, en 938, et Odoldus, en 961. L/exprcssion
de : Leduinus decanus si monaeus , 6te loute equivoque (Chart. Sit.
p. 98, 125-157)*
— -400 — -
i’eglbe des ebanoines et de percevoir alors lea of*
frandes deg fideies. Sont-ce lk les droits d’un superieur
dans une communaute ? Sont-ce la les limites qni
auraient du Otre donnees, par an saint ev£que , a
celui qui, cororoe chef , aurait du montrer I’exemple
du zfcle religieux ? Je ne formulerai pas de r£ponses ;
elles se trouvent negatives dans toas les esprits.
Le fait qui a suivi de pres l’obtentiou des char*
tes, nous est deja connu. Morus, rooine de St-
Bertin, est le premier Custos de l’eglise des cha*
noines , nomm6 par l’abbe du moaast&re d’en
bas (4). Quatre ans apres il prete son concours
a 1’ enlevement du corps de saint Omer ; il le livre
h son chef, a son abbe. Non-seulement , ce fait
detruit , par sa signification , les pretentions de
domination du monastere d’en bas sur celui d’eu
baut; non-seulement il prouve que les moines
Savaient bien ne pas avoir la veritable possession
du corps de saint Omer, malgre les mentions fas-
tueuses et inexactes de leurs diplomes , puis-
qu’on ne d£robe pas ce qu’on possede veritablement,
mais il d^rnontre que Morus n’etait pas le supe-
rieur des cbanoines. L’action imputee a ce Custos
de l’kglise du monastere d’en baut , n’aurait sans
aucun doute, pas eu lieu de sa part, s’il avail occupe
la premiere place chez les chanoines. Chef et haut
dignitaire , il aurait eu l’esprit de sa charge.
Comment aurait*il pu consenlir a eloigner de sa
(!) Le signum Mori monaehi e»t au bat de* dlpldme* de 839.
— 101 —
tnaison, son plus beau titre de gloire , sa plus
grande cause de prosperity , ce qui lui donnait
alors l’importance a laquelle il aurait tout parti-
culierement participe. Au lieu de livrer le corps
de Saint Omer a Hugues , abbe de St-Bertin et
de St-Quentin , pour etre transport^ dans ce der-
nier lieu , il l’aurait defendu comme un proprie-
taire defend son bieu. L'action attribute au Gustos
par les chroniqueurs , est bien plutdt celle d’un
fonctionnaire inferieur, rest 4 sous la main de son
chef abb4 , et jaloux de la position superieure de
ceux avec lesquels il devait vivre , que d’un digni-
taire glorieux de sa position elevee. Ce dignitaire
mOme aurait 4prouv4 de grandes diihcultes pour
executer son action mauvaise s’il 1’avait con^ue ;
il aurait do tromper ou corrompre celui qui , muni
de la confiance de ses freres , aurait garde de plus
prfes le corps saint.
Les fonctions du Gustos ramen6es k leur verita-
ble caractere , tout d’inferiorit6 et de speciality k
la garde de l’eglise, le droit de le nommercons-
titue un privilege bien inferieur k celui pretendu
par la partie interessee , mais qui cependant n’etait
pcs sans quelque importance. L’embarras eprouve
par les historiens de 1’abbaye de St-Bertin, pour
preeiser le moment ou ce droit cessa , aurait pu
donner la pensee de sa perte immediate apres
l’abus auquel il avait donne lieu , et que Saint
Folquin, lui-meme auteur du droit, avait du reprimer.
— m —
Mais 1’hagiographe de Saint Berlin , suivi par
Yperius , donne a Herric , a la fin du 9® siecle ,
les litres de moine et d 'edituus de l’eglise de
1’evSque Audomar (1). La m£me signification de
duree du droit de Gustodie est donnee par plu-
sieurs diplomes des archives de St-Bertin , et surtout
par celui de l’annee 874, du roi Charles-le- Chauve.
Si sur la demande de l’abbe de St-Bertin, ce
prince octroyant un marche a Sithiu , veut que les
profits servent a entretenir les luminaires de Saint
Omer et de Saint Bertin , c’est qu’evidemment la
garde des deux corps demeurait encore h l’abbaye.
Plus ou moins longtemps conserve , le privilege
donne par Saint Folquin, n’entraina pas la domi-
nation du monastfere d’en bas sur celui d’en haut ;
il ne soumit pas l’administration du dernier a celle
du premier. Aucune trace de ses affaires, apres la
mort de Fridogis , n’existe dans les cartulaires
de St-Bertin , si exacts a reproduire toutes les
operations faites dans l'interet de l’abbaye. Le
moine Folquin lui-m&me , montre, a la date de la
mort du comte Adalolphe , en 933 , une distinction
rtelle entre les interets des deux maisons (2). Ce
comte, abbe de St-Bertin, offre specialement des
dons a Saint Omer , et le comte Arnoud , son
(1) Saint Omer, apparait : cuidam monacho c osnobii S. Bertini edituo
scilicet ecclesiae prefali prcesulis memorabilis person nm viro noslrm
Berrico. (Vita S. Bertini t ma. n* 819.)
|2) Chart, ail. p. 141.
— 103 —
successeur , pour 6 viter la jalousie des moines , fell
des offrandes absolument semblables a Saint Bertin.
L’indepcndance absolue du monastfcre d’en baut
apres la separation, ressort de tout ce qui precede ,
combine avec l’octroi de privileges sp£ciaux , fait
aux chanoines de Sl-Omer , vers l’annge 863 ,
pour la premiere fois , sur la demande du comte
de Flandre, Baudouin , Bras-de-Fer (1).
Ainsi done , preseance accords aux moines sur
les chanoines ; nomination par les moines du gardien
de 1’eglise des chanoines seulement, avec le droit d’of-
ficier quatre fois l'an dans cette eglise, et de percevoir
alors les offrandes des fidfeles, k titre d’indemnite ;
voila ce qui d^coule directement des ebartes de 839.
Ce qu’elles donnent encore , e’est un t&noignage
de l’ancienne union et de la separation des deux
monast&res, dejk demontrees par d’autres preuves.
J’ai pos6 en principe que l’appellation Sithiu ,
6tait primitivement commune aux deux maisons
(1) Cet privileges soot rappelds dans les bulles papales de Tanode
1075, comme ayant did donnds sur la demande du comte de Flandre
- Baudouin, Bras-de-Fer : Renovamueque eliam ilia que bealus Ni-
cholaus , a bealo Gregorio quadrageeimus secundut , eidem eccle-
He fecit , privilegia , petente Balduino quondam tuo progenitor e ,
qui ad eanctorum limina ad eundem papam veniene , promeruii
paciflcari eorum auctorilale cum socero suo karolo imperatore9
cujue filiam copulaverat eo ignorante. ( Arch, de Fex-chapilre ,
dipldmea belgiques , et les radmoires de la Socidtd des Ant. de la
Morinie, t. vi , p. iv).
— 40* —
monacales renfermees dans les murs de noire
ville , et que cello de St-Omer, leur fut quelque-
fois confusement donnee vers les premiers temps;
j’ai non-seulement le devoir de prouver mes asser-
tions , mais j e dois dire dans quelle mesure cette
communaute de noms et cette espfece de cqnfusion
eut lieu , et qu’elle est leur veritable signification.
La determination des divers noms de la ville
de St-Omer , ou mieux des diverses parties qui
l’ont formee , n’a pas pour seule utilile d’aider
aux conclusions de mon travail. Si elle est appelee
& certifier une partie des opinions ci-devant enon-
cees; & les corroborer par ses consequences; a
dire le degre de creance que nous devons ac-
corder aux documents mis en jeu par les deux par-
ties adverses (1); elle est aussi destineea eclairer
l’histoire de la ville de St-Omer , dont les com-
mencements sont intimement lies a la fondation '
des deux monasteres. L’attribution rigoureuse de
ces divers noms doit necessairement entrainer un
point de vue nouveau, dans l’appreciation des
elements qui ont constitue la ville de St-Omer , et
par contre amener des idees plus precises sur son
organisation au moyen-age , comme cette organi-
sation, dans sa forme collective, est appelee retros-
pectivement a verifier ce point de vue nouveau^
Parmi les titres presen tes en extraits justificatifs
$1) De to justification on non* justification des noms prod aits par
les titres , depeodra la foi que nous aurons en eux.
— 405 —
par les chanoines , dans tears memoires , if en eat
un assez modem© , mais qui s’appuie sur des li-
vres anciens. II s’ exprime aiiisi : Adrualdut illustre
en son temps, seigneur de Hebbingahem., qui aprfo
fu nomi Sithieu et mainlenant St-Omer (I). Ce
nom d’Hebbingahem , que les ecrivains du chapitre
n’avaient pas inter&t k inventer , fut vivement
attaque par les historiens de l’abbayc de St-Bortin.
L’un d'eux s’ecria : Nous avons obligation d V auteur
de cel acte de nous apprendre que la terre de Si-
thiu s'appelait auparavant Hebbingahem , personne
avant et aprh lui ne s’est avisi de le dire (2).
Cette appellation fut defendue avec knergie, et
l’historien Hennebert , ebanoine , I’a reproduite
dans son histoire generate d’ Artois (3). Depuis on
s’etait divise d’opinion au sujet de ce nom (4) >
dont les historiens plus ou moins recents , n’ont
meme pas tous parle (3). Son existence est restee
problematique jiisqu’au jour oil je l’ai retrouvk
dans un compte maauscrit et original , des rentes
dues a la maladrerie de St-Omer, pour l’annee
(1) Mcraoire pour les doyen , chanoines 9 etc., p. 46. Vdrite de
rhist. de Peg. de $t-Omer, p. 3 et 12.
(2) Dissertation kistorique et crittqoe surl’orlgine et Tanclennettf
de I’abbaye de St^Bcftin , p. 314.
(3) T. I. p. 25.
(4) Voir M. Quenson , Notre-Dame de St-Omer , p. 6, 29 et 30.
V. Piers , Varidtds liistoriqaas , p. 10. M. Derheims , Hist, de la
tille de St-Omer, p. 48.
'5)‘Dott Devienne et P. Caiillel ri'en paflent pas.
— 406 —
4446 (4). On j voit des rentes 6tabliet sur quel-
ques maisons & Hebbinghem , lieu voisin de la rue
Boulenisienne , non loin de l’esplanade actuelle.
De ce fait qu’une partie de la ville ou de ses
faubourgs portait encore au 45® sifecle, le nom si
controversy, il resulte que l’appellation Hebbin-
ghem appartient certainement k notre topographie,
qu’elle est decidement historique pour nous, et
que les cbanoines ne 1’ont pas inventee. Le ma-
nuscrit qui donne ce nom en regoit une autoritd
nouvelle. Mais son auteur qui 1’avait trouve dans
des livres anciens, oil sa mention est maintenant
un litre en leur faveur, n’a-t-il pas fait une
interpretation tres bardie et mSme tout-k-fait er-
ronee , en disant qn'Hebbingahem , fut apres nomi
Sithieu , et ensuite St-Omer? N’a-t-il pas pris une
partie pour le tout ? Lui qui devait savoir qu'Adroald
donna & Monsieur Saint Omer.... plusieurs terres et
seigneuries d lui appartenants , puisqu’un manuscrit
du chapitre l’a dit, n’aurait-il pas dti s’ exprimer
autrement qu’il ne Fa fait? S’il avait avance que
parmi les seigneuries ou mieux parmi les terres
possed6es par Adroald , il y en avait une nommee
Hebbinghem , il se serait trouve d'accord avec la
seule interpretation permise aetuelleraent. S’il avait
ajoutd qu’une partie de la terre d’Hebbinghem fut
sans doute incorporee dans la ville de St-Omer ,
(1) Compte de* rente*.., appartevans A la maiton *f hospital de*
l0drt$. J’eo ai parle dao* one lecture publique fait* eo 1846.
— <07 —
et certainement dang l’un de sea faubourgs , U
aurait rencontre la v£rit6. Hebbinghem et Sithiu
existaient ensemble et non loin l’une de l’autre ;
le nom de la premiere de ces deux villa a meme
dure plus longtemps quo celui de la seconde ,
mais sans importance , saus ceiebrite , et il ne
se rencontre que tres rarement dans lea documents
historiques.
Le nom de Sithiu est complement dominant;
il apparait a nos yeux , pour la premiere fois ,
dans la charte d’Adroald , de l'annee 648. 11 y
porte le cachet d’.une designation antique bien 6ta—
blie , bien connue , mais sa portee a ete fort exa-
geree , son application trop etendue. Contrairement
aux idees revues , le nom Sithiu y exprime une
surface de terrain fort restreinte , et tres limitee.
Audomar , sous le nom d'Adroald , octroye la villa
nornmie Sitdiu , posie tur le fleuve de l‘Aa, 11 y a
dejk, dans celte expression , une precision de po-
sition d’aprks laquelle on ne peut pas etendre
cette villa , au-delk des rives de ce fleuve. Folquin
corrobore cette interpretation ; selon lui , la terre
de Sithiu etait entierement deserte k l’arrivee de
St-Bertin ; les hommes l’avaient delaissee k cause
des exhalaisons putrides des marais et de l’epais-
seur des bois, pour en laisser la jouissance aux
animaux de toutes espfeces (1). La tradition et
(1) Sithiu cum duobus adisset locat tunc temporis, obnimiammutto -
rum paludum putreditatem vet nemorum demitatem per omnia invenit
— 108 —
quelques interpretations de titres anciens , d’accord
avec l’apparition hative de noms de magistrate civils et
jodiciaires, et I’dtablissement d’une eglise paroissiaie
des le milieu du 7® siecle , disent au contraire que la
partie haute de la ville de St-Omer, intra et eztra-
murot, avait avant cette epoque, ses habitants (1), son
chdteau-forl (2) et son temple payen meme- (3). Voila
done deux localites distinctes , Sithiu et une autre
tres voisine dont le nom n’est pas determine.
Le peu d’importance et par consequent le peu
d’etendue de la terre de Sithiu ressortent de sa de-
signation ordinaire sous le titre de villa et plus
eneore sous celui de villula. -L’appellation villa
Sithiu, la plus fr6quente dans les Charles , est
usitee par les plus anciennes vies de Saint Omer,
en opposition calcul6e avec le titre de view , attri—
bue aux terriloires plus considerables (4). Gomme
Jteurla , nec ad usus hortiinum nisi quod el adhuc incolis non
deal pro capescendis tquamigerorum yeneribus f quid unquam
ulilia, (Chart, hit. p. 17).
(1) Voir lea noms de different* magistrals , a Sithiu , repris a
la fin de cette notice.
(2) Voir la note B , a la fin de cette notice.
(3) Voir le memoire sur riutroduction do christianisme dans la
Moniiie , par fif . 1’abbe Frecbon , t. 6 des memoire* de la Morinie
p. 33.
(4) La distinction y est bien tranchde dans cette phrase : Beutus
Audomarus episcopali more vicos circuiret t pervenit ad quamdam
VO~abulo Sithiu villain. ( Mem. pour TEvdque de Sl-Omer, p. 17,
etc ) Les lieu* aunt ainsi clusse* dan* .ledit dc Piste* , sous
— 109 —
tou jours sa .position y est determinee sur teifleuve
de l’Aa (1). L’appellation villula Sithiu est em-
ployee en l’annee 887 , pour indiquer le lieu de
situation de 50 mesures de terres , posees contre
la riviere d’Aa , et donuees par l’abbaye , en jouis-
sance viagore a 1’Avoue Odgrin , aCn qu’il les mette
en culture et les ameliore ( ad excolendum at
emeUorandum ). Elle determine une distinction veri-
table entre le bourg ou le terrain bali , occupe
depuis un long temps , auquel le nom Sithiu avait
6te etendu, et la terre fort peu importante, la villula,
specialement nominee Sithiu, encore en grande
partie inhabitee au 9* siecle , et composes de ter-
rains ou incultes ou nouvellement livres a la cul-
ture (2).
La concentration de la terre de Sithiu sur les
rives de 1’Aa , est parfaitement exprimee dans
1’acte de donation directe de l’eglise Notre-Dame (3),
Cbarles-Ie-Chauve ; et in omnibus eivitatibus et vicis ae v Hits.
(■ Syrmondus , p. 305-830 ).
(1) SUkiu ex prafata villi nominatum , super agnionem tluvium.
(2) Bunaria L jaeenlia in villula qua dieitur Sithiu super fluvio
agniona. ( Chart, sit. p. 129 , et le grand c&rtulaire.
(3) Saint Omer y parle de l’eglise de la Vierge com me si elle
e'tait batie dans l’lle , et de son corps comme devant dtre rapportd :
in prafata insula , tandis qu’il est constant que ce saint fut enterrd
sor la hauteur. On a fait de ces expressions un motif de suspicion
coctre la charte ellemdme. C’est a tort, seloo moi , car elles me
paraissent au eontraire une indication d’authenticUd. En effet, si un
.fMrasaire avaib fahriqod la charte , il aurait eu le soio d’e viler ce
qui est une erreur matdriellemeut parlant.
— 110 —
pair Audomar lui-mSme. On peut m$me induire
de ce dipldme, comme de plusieurs autres , que la
villa Sithiu n’etait primilivement que I’ile de ee
nom , sans extension au-dela de ses limites. En
effet, que voit-on dans cette donation au monas-
ter e de l’ilede' Sithiu ( insula Sithiu monasterio )?
L’expression insula Sithiu (1), si ordinaire au
monastere d’en bas , prise dans une acception ge-
neral et 4tendtie au cloitre bati sur la montagne,
absofumenl de mfeme que 1’expression villa Sithiu
le fut si freqiiemment depuis. Le monastere d'en
bas, ce principal! lieu d’habitation des moines,
entraine avec lui , dans une designation qui lui
est propre, le monastfere d’en haut place dans sa
dependance et dont le sol avait bien certainement
porte jusques alors, un nom particulier de lieu (2).
L’ile de Sithiu dont on a combattu 1’ existence
tres ancienne , comme moyen de battre en breche
les vieux dipldmes qui en parlent, existait au
temps d’Adroald. L’antique auteur de la vie et
des miracles de St-Bertin , dit non-seulement que
le lieu du monastere d’en bas 6tait naturellement
fortifie : locum naturaliter munitum ; mais il narre
1’histoire d’un voleur qui, au commencement du
(1) La locnlion : monatterium constructum in insula Sithiu , ra>
vieot bien souveut,
(*) Dans les vies de Si-Oroer , en parlanl de la premiere dglise
dievec par Saint Outer , il y a l ’ex press ion : in to ioto, comm*
iiidiquanl une loeatite p&rticuliere*
8* sifecle, aprfes avoir commis son crime , voulut fuir}
il parcourut les*marais alors en partie habites et
eompris dans Tile du monasteye , mais il ae trouva
cerne de tous c6tes par l’eau et par les terres
marecageuses ; n’ayant pas de bateau it sa dis-
position, il fut oblige de revenir vers la seule
entree du monastere, placee k Toccident (1). Cette
ile devait Sire primitivement moins petite que par
la suite des temps ; anterieurement aux travaux de
regularisation du cours de l’Aa, par 1’abbS Odland ,
au commencement du 9® sifecle , elle devait gagner
davantage sur la ville de St-Omer (2) \ avant
l’enceinte tracee par l’abbe Foulques , puis par
le comte Baudouin-le-Chauve , si elle ne s’eten-
dait pas sensiblement d’un cftte vers St-Momme-
Iin (3) et de l’autre vers Arques , elle comprenait
(1) Bevertens per medium monasterium iter arriperei , insu-
lamque peteret que irUra paludem ejusdem monasterii eita est 9
ut ubi apud quendam sibi cognitum reponcrel quod furtim &
Maoris abslulerat ... inde aquatum ac paludis impedimenta cer-
nerel , nam ut nescieniibus loquar locus ille tails est ut per
mille passus et multo amptius nisi navigio non haheat Ingres*
sum y excepla una porta ab Occidents . (Cap. 15).
(2) Voir la note C a la Gn de ceite Notice. D’apres les MHnoires
touchant le fait de Vaman de Sl-Berlin (G4 cart. t. 5., p. 442,
annde 1388) , le Gef de St-Bertin s’dtendait sur la Title Jusqu’a la
naissance de la ruelle conduisant a V A lire St- Jean (Place actuelle
des Concerts). 11 allait done au-dela des linoites Iracdes alors conkne
actuellement par le cours rdgolarrsd de l’Aa, et rappriochd de I’dgUse.
(3) Mox ergo in lerritorio quodam ejusdem villas pariter in *
sistant operi , qui locus ad prassens usque vetus monasterium
ex re ipsa dinoscitur censeti. (Vita Sane ti Bertini per Polcarduas ,
an moms le faubourg qui a re ten a te nom d*fle
(Izel) (I) , et la partie de la vilfe qui Favoisine
et quo la riviere d’Aa enserrait.
Une indication bien puissante qn'il ne faut pas
alter chercher primitivement la villa , la villula
Silhtu , aa-dela des bornes de File primitive , est
donnee par les travanx penibles aaxqnels Saint
Berlin a du se livrer , pour asseoir et edifier son
monast&re. Si cet abbe fbndateur, devenu pos-
sesses de la villa Sithiu , avait eu la propriety
de la colline occidentale , dont le pied baignait dans
le marais si malsain de File , il ne se serait pas
donne toutes les pcines qu’il dut prendre pour
rendre le sol de cette ile propre a porter son mo-
nastere (2) ; il l’aurait construit sur un terrain
monacfaoa Silbiensem , hkoIo xl Man*, n* 773, de la bibliothAqoe
de Sl>Omer). Le lien do vieux monastere h St-Mommelio ne pent
aroir fait partie de bilhio qoe comme dlpendance. La seignenrie da
HautPont et d*aotrea encore les separaient.
(!) L’eglise paroissiale da feaboorg luit posee dans Fenclos de
$i-Bertin * pres de l'eglise abbatiale ; * elle etaii connae sous le
r*om de St-UarUn-en-Me • La propriety de St-Berlin , a’etcn-
dait Josqa’sa lieu nomml la Moire. Piusieurs discussions eurent
lieu entre le magistral de St-Omer et l’abbaye poor la Moire ; mafgre
sa position dans la banlieue , des droits riels y furent reconnus
k Fabbaye. (Arch, de la ville).
(3) Krai enim d eolle oecidenlali cetpet vergens et in modun
lingua devexa planilie vieinam paludem ingredient ; atque ex
ipta palustrt lue que ulrumque exumebat dittolulut salieibut
atnisque frequent. Egrettus h navi pulri profundo pelrinam molem
fl rtnare tewplal divinoque frelut adjutorio pravam loci naluram
magna laborit tui intlanlia tuperal (Folcard, loc. cit')- " **
— m —
haturellement dispose h le receVoir ; il 1’aurait ediflte
dans le lieu , oil quelques annees apres , avec
1’autorisation d’ Audomar , il pla$a le cimetifere de
,ses moines. La preuve qu’il ne faut pas chercher
la terre de Sitbiu au-dela des limites de File na-
turelle, existe enfm dans la comparaisdn des
deux titres primitifs des possessions du monastfere.
Audomar , ai-je dit , est le veritable donataire
des biens d’Adroald ; il en transmet d’abord une
partie a Berlin ; il lui remet la villa Silhiu dans
6on integralite, puisqu’aucune restriction n’est ex-
primee dans l’acte de donation , el qu’au contraire
on y voit les expressions extensives s bum omni
merilo suo , vel adjacentiis sen aspicienliit ipsius
villa. Et cepeudant, en transmettant la terre de
Sithiu aussi entiere , aussi intacte , et avec des
dependences prises partni les liberalites d’Adroald ,
Audomar ne donnait pas tout ce qu’il avait re$u ;
il conservait l’emplacement du monastfere d’en haut
avec tout ce qui en dependait; il y faisait acte de pro-
•prietaire encore , seloh Folquin, Folcard , et tous les
autres historiens de l’abbaye , en y autorisant l’4ta-
blissement du cimetiere du monaslcre d’en bas et
d’une petite basilique consacrSe a la Vierge Marie ,
pour le desservir (1). Cette partie importante de la
(l) Le droit de propriety pour Audomar , est dgalement exprimd
dans la version des chanoines , et la separation des deux partiel
de la vilie y est bicn plus complete encore.
n
Hi —
donation d’Adroald, qu’Audomar no transmit 4
Bertin , que par un diplome posterieur de quatorze
annees au premier , l’abbe de St-Bertin n’en jouit
meme qu’apres la mort de l’Evdque de Terouanne(t).
La partie haute de la ville et le faubourg voisin , ou
gtaient 1’eglise St-Martin et la basil ique de la
Vierge , n’etaient done pas compris dans la terre
de Sithiu , ni dans ses premieres dependances
nominees dans la charte primitive de donation.
Rien ne semble plus rigoureusement exact, et
cette conclusion est la seule que permeltent les
titres.
Par son acte de donation directe de I’eglise de
la Yierge , avec tout ce qui lui appartenait , Au-
domar ajouta une dependance de plus et nouvelle
a la villa Sithiu ; a la mort du saint Eveque , elle
y fut administrativement liee au point d’etre dore-
navant et le plus souvent comprise dans l'appel-
lation Sithiu , devenue commune aux deux centres
reunis des proprieles des moines , lorsqu’on par-
lait d’eux ensemble , sous un point de vue collectif.
Mais lk s’arrete l’emploi du nom de Sithiu pour
la hauteur oil furent depuis des chanoines. Si nous
possedions des documents ecrits avant la mort
d’Audomar et speciaux au monast&re d’en haul,
ou au lieu sur lequel il fut place , nous lui trou-
(t) Jgilur decedente domino Audomaro episeopo XXXV anno post
prcdicli cimeterii et capellcB donationem ac deinceps ipsa
basilica domino Berlino fail subdita (Vita S“ Berlini . m* 819.
115 —
verioos neeessairement un nom particulier , soit
ancien, soit nouveau m£me, car il fallait pouvoir
le distinguer du monastere d’en bas d’une manifere
facile lorsqu’on en parlait separement. Du reste ,
l’appellation Sithiu, restee spdcialement celle de
l’abbaye de Sl-Bertin aprfes la separation (1) , fut
toujours le moins possible employee pour designer
la partie haute de la ville actuelle de St-Omer.
Bien avant la separation des deux monasteres , on
les signalait separement par -le nom du Saint fon-
dateur qui y avait re<ju la sepulture ou de celui
auquel chaque 6glise etait particuliferement dedtee.
L’appellation St-Omer etait dfes-lors attribute spe-
cialement au monastere d’en baut , et le nom de
Sithiu etait toujours surtout celui du monastfere
d’en bas (2).
Folquin en donne de nombreuses preuves (3) ;
(1) II suffit poor s’en assurer d’examiner les dipldmes des car*
tulaires de Sl-Bertin. Tous les aulres litres sont d’accord avec eux.
Les annales vedastines , & 1’annee 879 , s’expriment ainsi : Dal -
duinus ferreus cognomine comet moritur , tepelUurque in Sithiu
monatlerio ... ( Documents german is , t. 1 , p. 517, t. 2 , p. 197,
etc. , etc. )
(2) Actum in tupradicto toco Sithiu in atrio Samcti Bertini ,
dit un dipldme du Roi Charles en 788. Les deux cbartes de 839
sont fakes la premiere , in ecclesia Sanclce Maria , la seconde,
in basilica Sancti Petri apostoli.
(3) Pour prdciser le lieu de la sdpulture de Saint Erkembode ,
mort vers 737 , Folquin dit : in monasterio Stl Audomari coram altare
sanctcB Dei genitricis ( p. 50 ). Pour moutrer le concours des reli-
gieux des deux maisons aux travaux d'Arques en 800 t il s’exprimt
— M6 —
mais ces distinctions aussi positives ne pouvaient
etre etablies que sur les lieux memes. Au loin la
celebrite du nom de Saint-Oraer le mettait en
concurrence avec celui de Sithiu et il servait quel-
quefois a designer les monasteres unis (1) ; il
passa jneme , dans sa signification collective , la
limite de 1’epoque de la desunion des deux mai-
sons religieuses (2).
ainsi : quinque ex Sancti Berlint monaelcrio quinque ex Sancti
Audomari ( p 67 ), Pour indiquer le personnel du monastere de
SKliiu avant l'abbe Fridogis , il se sert des mots ; centum et tri -
ginta manachorum inter utraque monasteria , Sancti Bertini, Sane-
Uque Audomari ; il ajoute ensuile : in capitaneo apostolorum seu
Sancti Bertini loco ..... in Sancti Audomari quoque monasterio
( p. 74-75). Gorbert Qt des dons separds 4 Saint Omer et a Saint
Bertio ; mort cbonoine t in monasterio Sancti Audomari in monfe,
son corps fut ports : ad monasterium Sithiu sepelierunt in basilica
Sancti Bertini ( p. 160, 1G! ). Si 1’hommage d’un antiphonaire avail
etd fait par Gunlbert a l'dglise et non au monastere d'en baot f
il aurait dit a la fierge Marie ; le nom de St-Omer ne conve-
nait pas alors a l’eglise , mais au monastere. Folquin dit encore :
Fridogiitts .... cum canonicie in Sancti Audomari monasterio vi-
vebat ( p. 75 ) Le titre de Beaii prdedda celui de Sancti .
(1) Anno 750. Et Hildericus rex Merovingortim ex genere ortus t
depositus , tonsusque ac in monasterio Sancti Audomari quod
dicitur Sithiu trusus est. ( Gesta abbatam Fontaneilensium , Do-
cumenta germ. t. 2 , p. 289 ).
< Dans les annates francorum , regardees comme Ires anciennes ,
puisqu’on suppose que Reginon et Eg'nard , ou I’auteur de la chro-
nique mise sous son nom les ont copiees , il y a : Hruotfridus
notarius el Nantuarius de Sanclo Otmaro . Dans la chronica Ein-
t\ardi : Nantharius de Sanclo Audomaro. Dans celle de Reginon :
Rolfridus not . et Nanluarius. Dans les annales berlinienncs : Nan •
than us de cwnohio Sancti Bertini. Ces dernieres sont dans le vrai.
(.2) 839. Qua dc re commoli , cum Imperalor Bril anniam per-
- m —
La separation des deux maisons rnonacales, faite du
vivant de Fridogis et consommee a sa mort , en
l’annee 834 , amena la rigoureuse necessity d’avoir
toujours deux noms distincts pour elles. Le noin
Sithiu resta d’abord au monastfere d’en bas et on
lui ajouta ceux de St-Pierre et de St-Bertin ; le
nom de St-Omer continua d’etre celui du monastfere
d’en haut. Ces appellations furent Vendues aux
deux groupes d’habitations qui avoisinaient les
raonasteres. La mission des deux chefs ecclesias-*
tiques, n’etait pas bornee h l’administration de
leurs religieux; ils avaient cbacun le patronage
des laiques dont les demeures, placees aupres
de chaque monastfere, formaient deux bourgades
distinctes , & peu de distance 1’une de i’autre (1),
geret juxta maritimos lines , et in monasterium Sancti Otmari
quod dicitur Sidiu causa orationis pervenisset. ( Annates Laurts .
senses ; Doc. germ. , t. 1 , p. 331 ).
Ansgise abbd de Fontenelle, des anndes 823 & 833 , donne : ad
Sanctum Audomarum libras duas et semis. ( Gesla abb. Fonta-
ncllensiom ; id. t. 2f p. 298 ).
(1) Voir la nole 2 de la page 120. Malbrancq , t. 1 , p. 550
et t. 2 , p. 395 , et lea plus anciens chroniqueurs , disent les
Normands campes entre les deux enclos ; son plan de Sithiu anti-
quum , montre deux groupes bien sdpards. Ces auteurs se sont sans
doute guides sur le texte de la vie de Saint Berlin; on y voit les Nor-
mands arrivant a Sithiu, a la fin du 9" sidcle; par une permission de Dieo,
ces terribles ennemis se portent vers le lieu naturellement for ti fie,
c*est*a-dire contre le monastAre de Sl«Bertin i ad locum naturaliter
munitum , silicet S. Bertini piissimi suorum protector is... Entre lea
deux monasteres: inter duo monasteria , Atait un jardin : po •
marium , especc de fordt plan tee d'arbrcs fruiliers parmi lesquels
— 118 —
qui , en se rejoignant et attendant, constiluferent la
ville actuelle. Les deux enceintes dont les forli-
ficalioos furent augmenlees , a la fin du 9e siecle,
cel les d'en bas par I’abbe Foulques (1) , celles
d’en haut par le conseil d’Herric (2), et qui furent
reunies sous la direction du comte de Flandre ,
Baudouin 2 , au commencement du 10e siecle (3),
expriment positivement le besoiu , d’abord de deux
ooms different , et eusuite d’un seul common aux
deux groupes d’babitations adjoints. Cependant ,
s'elevait oo poirier remarquable. Oo re*o!ut de drfruire ce s arbres
qui pouvaienl servir d’abri a«ix emu-mis : ne forte lalibalo inimicis
esset christiani extirpate deer ever uni. ( Cap. 38, 40 } .
(1) Vers Tan 878 ; sub eujus ( Folcmis ) tempore . ambitus cas-
telti circa monasterium Sancti Berlini eft dimensus et per nu-
1 titter ia dislrtbutus ; sed piurtmus rebus obslantibus , non est per-
fectus . (Chart, sit. p. 126. Voir aussi Malbraocq , t. 2 , p. 362-387
et lea autres aoteors. L’bapiographe it Si-Bertin parte dan* le mdasc
sens : ambitus castellani cum consensu populi et procerum con -
dictalus . mensuratus , ae per poteslates et ministeria ad per fa-
ciendum distribute, receptus ex immodica parte jam cwptus : sed
proh dolor propedientibus peccatis inconsummatus quam pro
gqri amplitudine excusatione nefaria atque in fetid fuit impeditus
et intermissus (Cap. 37 ).
(2) Folquin o*a pas menlioood la vision d'Herric ; d’apres lea
expressions de l’bagiograpbe de St' Berlin , fierric ne peot dire qoe
le pronoteur et non IYiecuteor du travail de fortification. Malbraocq
t 2, p. 390 ; Dene uvi lie , anoales inuscrites de la ville de Si Oner,
p. 39 , attriboent ce travail a Herric.
(3) Baldutuus ( Coitus ) autem comes et abbas wumasterU SHktu .
ambitum caslelU circa monasterium Sancti Bertini construxU ei
per ministeria disposuit ( 918 ). \Ch. silb. p. 139, Voir Malbraocq,
a laonee 902, t. 2, p. 433;.
— m —
avant meme 1’adjonction mat^rielle des deux groupes,
dans les murs d’une enceinte commune , il 6tait
quelquefois necessaire de les indiquer collectivement
sous un seul nom ; Sithiu 6tail alors le veritable
nom legal , comme il l’etait devenu pour les deux
monasteres , lors de leur union administrative; il
le fut encore quelques temps apres la reunion des
deux groupes d’habitations (1) ; mais celui de
St-Omer lui faisait une serieuse concurrence , tou-
jours de plus en plus forte (2). N’est-ce pas avec
le nom de St-Omer que parurent des deniers
frappes sous Charles-le-Chauve et sous Charles-le-
Simple (3)? N’est-ce pas au monastere ou au bourg
d’en haut , que le moine Folquin iui-meme rattache
le chateau-fort lorsqu’il le dit incendie en l’annta
893 (4) ? La predominance du nom de St-Omer
etait inevitable puisque c’etait aupres du monastfere
de ce nom qu’existait la plus grande agglomeration
(1) Un dipldme de l’annee 1015, cnlre autres , s 'exprime ainsi :
Duobus monasteriis in loco Sithiu dicto constructs , quorum
unum est canonicorum , allerum vero monacorum , sub nomine
et veneratione sanctorum Chrisli confcssorum Audomari episcopi
et Sancti Bertini abbalis (Ch. sit. p. XCIX , et legrd cartulaire )•
(2) Lambert d’Ardres a l'annee 1072 , dit en parlant du Comte
Arnould , mort en combat tan t : qui ante majus altare in ecclesia
S. Audomari apud Sithiu sepullus est ( raanuscriU , cap. 28 ; Hist,
des Gaules , t. XI, p. 298). C’est bieo a St-Berlin qu’ArnouId a
ete enierre ; les moines ont meme mis au -dess us d' Audomari v le
mot Bertini , dans leurs manuscrits.
(3) Histoire monetaire de la province d'Artois.
(4) Chart, sith. , p. 136.
— ISO —
des habitations , amenta par Faction meme loin-
taine des merites du saint patron , par l’effet de
la protection du chateau-fort , et par l’iufluence
de l’air pur et sain qu’on y respirait.
La superiorite du bourg (l) d’en haut est indi-
quee par les expressions caracteristiques des vieilles
annales vedastines. En l’annee 880 , les Normands
s’emparent de Sithiu; ils saccagent le monastere
et la cite i excepte ses eglises; ils saccagent le
bourg du monastere et toutes les villa situees aux
en tours : in circuitu (2).Une autre chronique , celle
des Normands , en narrant le nteme dtaastre ,
determine l’attribution du titre predominant de
dvitas, de cite ou les eglises furent preservees , au
groupe d’habitations voisin du monastere d’en haut ,
et par contre le titre inferieur de vie, ou bourg du
monasttae, au groupe place dans le voisinage de
Tabbaye de St-Bertin ; elle dit Sithiu dans son
ensemble , sous son expression collective , envahie
par les hommes du nord et livrta aux flammes ,
excepte l’eglise de St-Omer bien fortifiee grace a •
la Providence divine (3). Si l’hagiographe de Saint
(1) C’eat au pied meridional de la mode chatelaine de St-Omer f
quYst encore une rue nommle du Bourg.
(2) 881. Xorlmanni vero cum infinUa muliitudine monatlerlnm
Sildiu , ingressi 7 Kal. januarii , ipsum monaslerium et civitatem
exceplis ecclcsiis , et vicum monaslerii , el omnet villas in cir-
euitu pcrvagali sunt. (Donum, germ., t. 2, p. 19).
(3) 881 , 7. Kal. januarii , northmanni Sithiu oppidum ingressi
Bertin et le chroniqueur Folquin n’expriment pas
la meme exception, lorsqu’ils parlent de 1’ invasion
des Normands it Sithiu, ils ne disent rien qui la
contrarie (1). 11s la rendent m6me probable,
l’hagiographe lorsqu’il fait voir le monastfere de
St-Omer muni d’une fortification particulifere faite
avec beaucoup d’art (2), tandis au contraire qu’il
montre 1’abbaye de St-Bertin d’abord abandon nee
a sa seule defense naturelle (3) ; Folquin en ne
citant que le monastfere de St-Pierre et de St-
Bertin, comme ay ant ete incendie (4).
Selon la plupart des auteurs voilk pour la m6me
locality , trois noms successifs dont les substitu-
tions sont precisees, Hebbinghem , Sithiu , St-Omer.
Le nom St-Omer est certainement celui de
notre ville entiere depuis des sifecles ; mais avant
de le devenir , nous l’avons vu attribuer seulement
a sa partie haute , et appartenir specialement au
cum infinita multlludine , ipsum oppidum cum ecclesiis igne ere -
maverunl , excepta Sancli Audomari ecclesia qua Dei procidentia
bene munita erat. (Duchesnes, nnnales , t. 2, p. 527. Docum.
germ., t. 1 , p. 534. Voir aussi Malbrancq , t. 2, p. 387 ).
(1) Cum tola jam terra incensa el depopulata et plurima
hominum fere coiisumpta .... (Vita S*1 Bertini c. 37, p. 62).
(2) Circa monasterium eximii presulis Auddmari , fusle , gleba et
respite sicul artiflciosissime ila et jam firmisse conslruclam.
(3) Voir ci-devant, p, 117, note.
(4) Hujus anno primo (Folconis ) monasterium Sancli Petri et
Sancli Bertini , jam vice altera a nordmannis csl incensum , V
Kalendas augusli. (Chart, sit., p. 126).
Folquin met l'invasion en 878.
16
— 422 —
monastkre d’en haut (4). II n’est pas devenu gd-
ndral et exclusif a un jour donne ; il s’est petit a
petit substitue a uo autre plus ancieunement em-
ploye. Quoique commun k la ville entiere depuis
quelque temps deja , au commencement du 42*
sikcle (2) , il se trouve encore, exceptionnellement
toutefois, dans la charte communale de 4127,
comma oppose k celui de St-Bertin , exprimant
une partie de la ville (3).
Le nom Sithiu , primilivement special k l’une
des parties qui ont forme la ville de St-Omer , k
sa partie basse sur laquelle l’abbaye de St-Bertin
fat posee, est devenu par extension l’appellation
d’ensemble on collective des deux monasteres unis
et des groupes de maisons qui les avoisinaient.
Cette appellation longtemps refugiee ensuite dans
l’enclos du monastere d’en bas , auquel elle
redevint particuliere , est restee quelque temps la
seule legale pour la ville entiere ; elle indiquait
au 44* siecle encore assez souvent, 1’ensemble
de la ville (4).
(1) In villa qua dieitur Sancti Audomari eccleria , dit, en 1208,
la chroniqoe d'Andreg.
(2) Baodouio , comte de Flandre , fait un acte , en 1065 9 apud
Sanctum Audomarum 9 ou est present l’abbd de Sf-Bertin et ou
personae du cbapilre n’apparait. ( Dipl. belg. , t. 1, p, 153 ).
(3) Ab una quaque domo in eadem villa, scilicet ad Sanctum
Audomarum , sanctumque Bertinum 9 dit le 15* parag raphe de la
charte de 1127.
(4) Duobus monasteriis in loco SUHiu dicto 1015. ( Voir ci-devant
p. 119 , oole 1).
Le nom Hebbinghem ne fut jamais general;
il etait celui de l’une des terres assez norabreuses
comprises parmi les villa situ^es : in circuilu monos-*
terii , selon les aonales v4dastines , et dans los-
quelles , a la fin da 9* siecle , les Normands ,
avant d'attaquer Sithiu, mirent paitre leurs che-
vaux (1), dit I’hagiographe de St-Bertin. Ces villas;
proprietes particuliferes des nobles du lieu qoi ,
selon le m£me hagiographe , avaient assez de patri-
moine her6ditaire pour vivre dans l'indkpendanee (2),
furent transformees en fiefs ou seigneuries, sous
1’ empire des idees feodales , et devinrent k la fin
vassales et dependantes de la communaute bour-
geoise ; elles ont prkte leur sol , en tout ou en
partie, au developpement de la ville de St-Omer,
k l’etablissement de ses importants faubourgs (3)
(l) RemUerunt cequot per pabulaloret in ptucua ad villarum
loca. ( ch. 38, m* n° 819).
02) Quia pene nobilitas terres illius ex multo jam tempore ...
abscesseraV nativitatis palria relicta , prater paucos qui ita here -
ditariis prediti erant patrimoniis t til non esset eis necesse subeft,
nisi sanctionibus publicis. ( m* n° 819 , p. 61 ).
(3) Il y avoit avant ce sitge ( 1638 ), quantile de beaux vil-
lages d lentour de la ville , qui servoient comme de faubourg t
fort bien basties et plants de beau verges et allies qui rendoient
le lieu plaisant et extremement rdcrSatif. ( La ville et citd de
Sl-Omer, p. 116 ). Ce manuscrit qui apparteoait a M. Leroy-Aspelly,
est egard.
Au commencement du 14e siecle, une partie des faubourgs de
Sl-Omer avail did detruite, comme ils le furent souvent et notammeut
en 1477. En l’annde 1315 , Louis 10 , Roi de France , octroie au
magistral de St-Omer , une somme de 40,000 livres pour aider A
— 124 —
et de sa banlieUe ; elles serraient de pres les en-
ceintes separees des deux monastferes. C’etait prin-
cipalement sur elles qu’etaient posees les inaisons
des bourgs de Sithiu , puisque leurs habitants
jouissaient d’une assez grande independance, devant
les chefs ecclesiastiques, pour £tre appel^s, au 9e
siecle , It donner leur acquiescement a l’etablisse-
ment des fortiGcations militaires (1), faites meme
en grande partie par eux (2) , et qu’ils avaient
des 1’origine une administration civile et judiciaire
autre que celle des monasteres (3).
L’organisation complexe de la ville de St-Omer,
rebdtlr 1c* faubourgs qui avaient e'te saccage*. (Reg. serv. de-
dication, etc). On no peut cipliquer la grande population de la ville
de Sl-Omer au moyen dge que par le developpement et !e grand
nombre de ses faubourgs. Sans la population extra muroe de
St-Omer on n’aurait pu former les 10,000 homrnes armes de toute
maniere qui aortirent de cetle ville en 1376 , pour se porter *ur
Arques , a tin de delruire les metiers des fabricanls dc draps de
ee village, qui avaient imitdla marque Audomaroise et qui avaient
livrd de la mauvaise marchandise. (G1 cart. t. 5, p. 255, 285,
?02 , 382 , 434 ).
Avec Insistence des faubourgs on peut accepter les chiffres
enormes de mortality duns les diverses Epidemics qui ont sdvi k
St-Omer.
vl) Ambitus caslelli cum consensu populi et procerum. ( Vie de
Saint Bertin , !oc. cit. ch. 37 )
Post consultum tamen super eo prius idonearum per sonar um ,
populo convocalo. ( Id. ),
(2) L’liagiograplie de St-Berlin ct Folquin disent que le travail fut :
per poteslales et minisleria ad perfleiendum dislributus ( m* 819,
p. 62 , et Folq. loc. cil. )
(3) Voir fes preuves a la liu de cctte notice.
— m —
au moyen-age , dont les traces existaient encore
a la fin du siecle dernier , donne des indications
irrecusables de l’existence primitive des villas ou
des terres particulieres ; elle fait connaitre leur
independance premiere de la villa Sithiu, dont
elles restreignent l’etendue et diminuent l’impor-
tance; elle donne des noms qui, pour quelques-
uns , doivent remonter aux premiers temps de
noire histoire. Cette organisation complexe , si vi-
cieuse et en meme temps si pleine de mouve-
ment , si grosse d’agitations et de luttes , ap-
porte done son utile secours pour nous faire
apprecier Fetal des lieux et des choses au temps
de l’Eveque Audomar. En effet , elle ne pou-
vait etre que la consequence du fractionnement
nombreux du territoire audomarois , dans les
temps primitifs , en villas ou terres distinctes et
separees d’administration , comme elles 1’etaient
encore sous le regime feodal avec le titre de grands
fiefs ou mieux de seigneuries (1). Aucun autre
point de depart ne peut exister pour les fiefs prin,-
cipaux enclos dans la ville ou dans les faubourgs
de St-Omer , et qui ont longtemps releve de toute
autre juridiction superieure que de celle du ma-
(1) II exislail dans la ville comme dans la banlieue de St-Omer
plusieurs seigneuries particuliires. Cest ce qu'on a vu dans
VarrU du conseil souverain de JUalines du 17 mars 1542 , et
dans le mtinoire des mayeur et tchevins de St Orner , imprint J
en 1748. ( Consultation pour les habitants de la ci-devant banlieue,
.an 13 , p. 59).
— 126 —
gistrat communal. Rien ne peut faire supposer la
creation de grandes seigneuries sur le territoire
de St-Omer, des l'instant oil il fut devenu com-
munal ; les bourgeois furent ordinairement , sous
l’empire d’une pensee contraire a cette creation ;
its rachelaient les fiefs qui les genaienl lorsque cela
etait possible. Si les terres sur lesquelles ces fiefs
6taient etablis, avaient fait partie de la donation
d’Adroald , comme comprises dans la villa Sitbiu
ou parmi ses dependances ou ses adjacences, elles
eussent ete el seraient resides plus ou moins long-
temps sonmises , soit a 1’administration directe ,
soit & la souverainete, soit a la suzerainete des
monastferes, et c’est ce dont il n’existe aucune
trace. Quelques-unes furent incorporees, en tout ou
en partie, dans l’enceinte de la ville formee par le
comte de Flandre Baudouin-le-Chauve ; sa position
de souverain lui permit de lever les difficultes
devant lesquelles les chefs ecclesiastiques, qui n’agis-
saient que par influence , avaient echou£. Depuis ,
aucune extension ne fut sans doute donnee k cette en-
ceinte jusqu’au jour oil 1’octroi des proprtetes
communales (1) et surtout 1’etablissement d’une
(1) Yperios , loc. cit. , col. 590 , parle de la donation dea pro-
pridlds aox bourgeois de Si Omer , par Roberl-le-Frison. Les cbartes
communales s’expriment de manUre k Iaisser de l'incertilude sor la
situation des biens doonds; les noms de lieux qu’on y volt, sont aujour-
d’liui pour la plupart inconnus 11 est un relevd qui fait beaucoup mieux
com prendre la position et I’dlendue des propr idles communales de
St-Omer. Ce rejcvd exisle dans un dipldme du comte Philippe d’AUace
— 127 —
banlieue qui en fut , un peu plus lard , la con-
sequence (1), transmit k la corporation bourgeoise
une cerlaine partie des droits du maitre* supe-
rieur (2) , qui augmenterent jusqu’a devenir ceux
de gouvemement gin&ral , selon les termes des
chartes anciennes (3). Cela detruisait en partie
rdglant des ddmdlds a leur occasion , entre les bourgeois et les deux
m on as teres unis dans leur intdrdt commun. Ce dipldme de l'an 1175,
qui fait partie do grand cartulaire de St Berlin , est reprodult par
Malbrancq , de MorinU , t. 3 , p. 302 II est mteressant de com-
parer ce relevd avec l’elat des propridtes de la ville de St-Omer
en Tan 1547 , dans le regislre en parchemin des archives de cette
ville , p. 198 et avec ce qu'il en reste aujourd'hui.
(1) Voir la note D i la fin de cette notice.
(2) Le ban de le ville de s. Aumer ne se extend outre le
banlieue ( 1384) ( g(1 cart , t. 5 , p. 389 ). ye payer ni exiger
sans litre de reliefs pour lennement de la ville en banlieue sur
LX litres , grand amende . ( Arch, de la ville , regislre C , folio
120, v° ).
(3) Cette expression est reprise dans plusieurs litres anciens. L’augmcn-
tation progressive de droits ressort d’une grande quantile de pieces des
archives de St-Omer ; ils furent rdduits petit a petit A peu de
cboses.
Dans I’appointement de Tan nee 1378 , entre la comtesse d’Artois
et le magistrat de St-Omer , la connaissance sur les fiefs tenus
de la Comtesse , assis el enclaves en la loy el banlieue de St-Omer,
fut reconnue A ce dernier , mais en presence de I'amman et du
bailli de la comtesse. ( Regislre en parch, p. 236 ). Une sentence
de 1401, mointient les mayeurs et dchevins de St-Omer , joint A
eux le procureur du comte d’Artois , dans la possession et saisine
d’exercer loute justice dans la ville et dans la banlieue. ( Recueil
de chartes... Fertel , 1739 ), Les droits de seigueurie et justice sur
les baillis , amans el eschevins... en ladite ville et banlieue ,
sont reconnus aux magistrals de St Omer , a l’occasion de la partie
de la terre de Burques , situee dans la banlieue 9 comme Us ont
— <28 —
Ies perpltuelles entraves amendes par les di-
verses justices , par les diverses coutumes des
seigneuries nombreuses qui se partageaient le ter-
riloire audomarois. Des-lors il exista moins de dif-
ficultes serieuses pour les bourgeois , a l’incorpo-
ration dans leur .ville , de parties plus ou moins
grandes des seigneuries particulieres , et a l’exten-
sion des fortifications et des faubourgs sur elles.
L’agrandissement de St-Omer se fit a leurs depens,
par adjonctions successives et en les coupant pour
la plupart d’une maniere irregulifere(< ); les faubourgs
prirent surtout , presque tout autour de la ville ,
une telle extension que la population exlra-murot
egala , si elle ne la depassa meme pas , celle
intra-murot.
La concordance des indications fournies par 1’exis-
tence de seigneuries veritables sur le territoire de
St-Omer, avec mon interpretation des litres les
plus anciens , est remarquable , et ne peut etre
reflet du hasard. Les seigneuries foncieres prin-
cipales , ayant une organisation sdrieuse , renfer-
mees en tout ou en parlie, dans les murailles de
attleurs es mettes d'icelle ( baolieoc ) et comme il* ont sur * les
autre* seigneurs apans aman , eschevins et juridiction pare ills ,
par sentence du due Philippe de I'an 1423. ( Recueil id. »p. 42 >.
(I) Pour englober les proprietes du seigneur principal, du chdle-
latn , il faifut toutefpis longtcmps sa permission. En 1218 f !e chd-
telain dunnC cinq mesures de (erre, le long du fosse du cdld de
St-Michcl, pour £tre incorporees dans Ics fortifications.
( AiCh. de Id ville; Rcgislre servant d'indicalion...)
ia ville , ou comprises dans sa banlieue , rep resen -
taient done les andtennes terras ou villa non soumises
a celle de Sithiu, propriitis nobles sur iesquelles les
chefs ecclesiastiques n’avaient jamais eu de juridiction
civile , administrative ou judiciaire. Comme dans la
ville de Gaud (1), quelques-unes eurent longtemps la
pretention primitivement legitime, de n’avoir d’autre
sup£rieur que le Souverain. La plupart conserv&rent
plus ou moins de temps leur independance de i’4che~
vinage communal (2) , pour ne relever imm6diate-
ment que du Chatelain (3). Ge haut et puissant
(1) V. la trad, du 3* vol. de l’hibt. de la Flaodre et de sea instit., par
M. Gheldorf.
(2) Cette independance premiere ressort d’une foule de litres difltf*
rente. On voit que pendant un long temps les maisons sitodes dans la
ville et dads la banlieue et tenues en fiefs , n’dtaient sujettes ni an
guet ni a la garde. Les hommes de fiefs du bailliage de St~Omer»
furent longtemps exempts des droits de portage pour les grains
proveuant de leurs fiefs et dependences,
(3) Le Chdtelain eut durant des sieeles, dans la ville et dan6 la ban*
lieue les droits qui constituaient les seigneuries. Le droit de forage Iol
fut longtemps dQ. En 1274 , Guillaume , cbdtelain de St-Omer vend
au magistrat communal le droit de 4 sols 6 deniers qu'il prdlevatt
aur ebaque etranger devenanl bourgeois.
En 1281 , il vend au magislrat son droit de seigneurie de faire
moulins a vent et a cau dans la ville et dans la banlieue, et to
mime temps quatri: moulins en plein exercice. Le Sdndehal prdten-
dait tenir en fief le droit d'avoir four banal et moulin banal. Bo 1242*
avail eu lieu le rachal du droit de banalilc des moulins du Cbdtelain,
tenus en fief du seigneur d’Artois. Philippe de Quienville possedait dans
la banlieue un moulin qu’il tenait du Chdtelaio. (Reg. serv, d’ind.)
Ed 1274 , Guillaume , chdtelain , donne a Lambert Wolveric , fils
de Jean Wolveric de St-Omer * des droits qui lui appartenaient
17
— 130 -
tiaron avail une cour teodale, des plaids g£n£raux oft
les bourgeois 6taient d’abord tenus d’assister (1), et
d’autres droits qui les atteiguirent assez longtemps; il
6tait sourois au Souverain pour sou fief dominant, dont
la partie intra-muros 6tait encore au 1 4* siecle , ap-
pe!6e \e teigneurie par dedent (2). Le CMtelain pos-
dans cette Title , savoir ; trois deniers par bourgeois qui diale
dans la balle el einq deniers par forain ou diranger ; quatre livres
parisis dues par la ville sur toutes les rentes dont elle jouil sur
I# Gher ( la Ghiere ), pour les lenir en fief de lui , a la charge
d’offrir one blanche lance (one lee one d la Penlecoste. (Inven-
teire ; premier cartulaire d’ Artois.
En 1272 # le cbAtelain vend au magistral de St-Omer le droit
d'Jpreuves des marcbandises qui passaient par la baolieue , dont
ses ancdtres avaient toujours joui , sous la conditiou qu’il le fera
cesser ( Reg. servant dedication ).
En 1281 f Guillaume 9 cbAtelain de St-Omer, vend aux bourgeois ses
droits de seigoeurie dans la banlieue. (Arch, de la ville, bolle 249 n° 2).
Les souveraics n’eurent plus tard de droits de suzerainetd imme-
diate sur les seigneuries qui avaient did dependanles du cbAtelain,
qu’A cause du cbAteau de St-Omer et parce qu'ils dtaient en lieu
et place du cbAtelain dans son autoritd seigneuriale. On trouve souvent
encore en 1823 et beaucoup plus tard, cette phrase : Lesdilt etchevins
de la dile teigneurie font ferment & ta dite Majettt d cause de ta
chattelenie que Von diet le bourgaige. On voit encore dgalement
cette autre phrase : tenu du Roy d cause de son chasteau el
molte chaslelaine dudit StOmer .
(1) Robert de Fiennes , CbAtelain , confirme en 1353, 1’exemption
Assistance, donnde par ses preddeesseurs, etc., etc. ( Arch, de la ville).
(2) Jehan le kalendier , lieutenant du castellain eslant del office
de sergenterie du tigneur par dedent, 1364.
Li troy tergant du tingneur par dedens ... avoient esti en le
maison Jehan Emenzoine en le rue Bollinziene ... et pour ce tans
etchevins li dit tergant estoient aU et entrS en le maison dudit
k
— 431 —
sedait done la domination directe sur les fiefs situes k
l’interieur de la ville comme sur beaucoup d’autres
poses a I'exterieur. Sous la mouvance du clikteau
de St-Omer toujours conservee , toutes ces seigneu-
ries furent , non sans mal et petit k petit , ame-
nees k se soumettre au ressort et k la police de
l’cchevinage communal , qui s’agrandissait par tous
les moyens (1). Plus tard lorsquc la puissance
des communes eut sensiblement decru , l’autoritk
sup6rieure du magistrat de St-Omer fut attaquee par
les Baillis au nom des Souverains ; ils la prkten-
daient usurpee.
Pour obtenir par le moyen de ces fiefs ou sei-
gneuries, la connaissance de l’4tat primitif du
territoire de notre ville , il faut determiner et pr6-
ciser leur position topograpbique ; il faut les dis-
tinguer des fiefs d’un ordre secondaire qui jamais
n’ont ete sieves au rang veritable de seigneuries,
et dont la signification n’est pas la m6me. Ces
fiefs secondaires, dont la juridiction 4tait tres bornee
bourgois , contre les liberUs et franchisee de le ville el contre
leur strement ; ils furent tous trots mandds en balle. Le lundi sui-
vant le Bailli reconnut que les sergents sesloient me (fait de entrer en
le maison dudit bourgois sans eschevins . ( Registre en parcb. p. 248).
II y a ici une espece de confusion entre la seigneurie du CbAlelain
et celle du Comte d’Artois ou Souverain.
(I) 11 parait que le magistrat n'eul d’abord de droits dans lessel-
gneuries ou fiefs, que sur les bourgeois. Li dis sergans ne avoient
requis deux eschevins car li dis Symons esloit bourgois , 1374.
( Id. p. 249 ). Yoir aossi la note prdcddenle.
II s’agisealt d’un delit com mis sur la seigneurie de Ste-Atdegonda
— 132 —
lorsque par exception ils en avaient une, four-
millaient sur le sol audomarois ; ils ne remontaient
pas & l’origine de la ville de St-Omer ; ils avaient
ete formes, soit sur la demande d’un seigneur voisin et
souvent comme lieu d’abri pour lui, dans le genre des
refuges des communautes religieuses situees hors
de la ville (1); soit sur la sollicitation d’un pro-
prietaire local , pour recevoir un patronage utile ,
pendant la plus grande vogue des id£es cons-
titutives de la feodalite , alors qu’on mettait tout
en fiefs , non seulement 1’air qu’on respirait ,
mais les charges de difierents offices, la location
des halles , les recettes des impots , les droits dus
aux portes , ceux de tonlieu , de ruage , les affo-
rages , la pesee des marchandises , le droit d’avoir
des cignes, de prendre du poisson, etc., etc. (2).
Les seigneuries qui limitaient les enceintes des
deux monasteres et monlraient leur possession ter-
ritoriale et leur autorite civile et judiciaire bornees &
inlra-muros. On voit les mimes mentions an sojet d ’ant res seigneuries
intdrieures on situ des dans la banlieue. La puissanee du magistrat coma
inunai alia longtemps en augmentant ; quand les comtes d'Artois
la reconnurent et 1’agrandin nt mime . ce fut toujours avec la
mention que le magbtrat les reprdsentait, et en leur imposant le
concours judiciaire du grand bailli, deldgue direct du Souverain.
It) Plusieurs fiefs inlra-muro* Itablis sur dcs maisons et qui pre-
naient les noms de villages plus ou moins voisins, dlaient immediate*
meat attaches a la seigneurie de ces villages; ils elaienl subordonnes
j i lous les changements de mains de ces seigneuries. ( Yoir Je registre
aux fiefs Unus du cbdteau de St-Omer , aux arch, de la ville.
(2) Yoir la note E,
— 133 —
leur enclos, prouvent 6videmment que la villa Sithiu
etait renfermee dans son ile. Au milieu du 18* sifecle,
buit Ammans ou Baillis representaient encore les
principalcs au siege des 'Vierschaires , reunion de
toutes les justices des fiefs soumis a la domination
communale (1), expression elle-mSme d’une sei-
gneurie d’une autre nature , de creation relative-
ment nouvelle.
Le Haut-Pont , faubourg considerable, compris
dans une enceinte exterieure de la ville de St-
(1) En 1424 , l’ordonnance faite de concert entre les dchevins de
Sl-Omer ct les representants du Souverain , parle des vierscairet
du marquicl, du Haull-Pont t du Brulle , du Coolhof , des tene-
ment appar tenant au corps de le ville el aulres dedeni le ville .
(Reg. en parch., p. 195).
La juridiction des vierscaires dtait compose© en 1769 , de buit
Ammans qui tenaient leurs commissions des seigneurs , et de douze
dchevins communs & toutes les seigneuries. ( Memoire pour les
amans el dckevins de la JuridicLion des vierskaires de la ville de
St-Omer, p. 3).
Dans le me'moire signifid pour M* Jean Petit , conseiller du Roi,
substilut de M. le procureur gdndral au bailliage royal deSt-Omer,
p. 37, 38 , on reconnait la juridiction supdrieure du magistral com-
munal de St-Omer, mais il y est dit qu’elle n'etait que le rdsultat
d’une usurpation. Le magistral a repondu a cette allegation intdressdc.
L’institution des vierscaires avait deux motifs tres-importants. Le
premier etait que le magistrat communal avait ainsi toutes les juri*
dictions seigneuriales rdunies sous sa direction ; le second que
toutes les seigneuries ayant des echevins communs , se tfouvaient
placees sous I’empire de la merae maniere de juger , et de la mime
ceutume , ce qui etait un avantage considerable.
— 134 —
Omer , rnontrait le nom d’une veritable seigneurie
d’une assez grande etendue et d’une aerie use im-
portance pendant des siecles. Cette seigneurie qui
mouvait du chateau de St-Omer (1) et dont le
si£ge etait intra-muros , au lieu nomine la place du
Haut-Pont , avait sa justice particuliere et sa pri-
son (2) ; elle s’etendait non-seulement sur les
faubourgs places a Test de St-Omer, mais k I’m-
terieur de la ville sur les paroisses de Ste-Mar-
guerite , de St-Jean et de St-Martin-en-l’Isle (3);
la place du Vincay, si voisine de l’abbaye de St-
Bertin, etait de sa dependance (4). On voit frequem-
ment, pendant des siecles , apparaitre V Amman ou
(1) Jean Bournel pour le fief nommi Vammanie du Haul-Portf
en St-Omer , devait un combattant d pied, en 1475. ( Manuscrit
des fiefs et arricre-fiefs leuus du chdteau de St-Omer; mes archives
particuliere* ).
(2) Registre en parchemin , p. 249.
t3) Mdmoire pour les amans et echevins , p. 39.
Les droits de l'Amman n’elaient pas entierement les mimes sur
rizcl que sur le llaut-Pont; ils paraissent n’avoir did sur 1’Izel , qu’une
eitension de puissance pour le seigneur du Haut-Pont.
Des discussions eurent lieu & Toccasion de la pretention des sei-
gneurs du Haut-Pont d’instrumenter partout sur les trois paroisses;
en 1417, sire Nicole de Wis&oc , avait cette prdtenlion ; il nomuaa
Jacques Clay Amman . ( Gd cart. t. 6 , p. 210 ).
(4) Une discussion s’engagea, pour cette petite place, entre le ma-
gistral de St Omer et sire Nicole de Wissoc , seigneur du Haut-
Pont ; elle fut terminde coDtre le magistrat , en 1434 , sous Jeanne
de Wissoc, fille de Nicole, veuve de monseigneur de Kerscamp
et femme de Guichart Bournel , dcuyer. ( Reg. en parch. , p. 86).
la place du vincay de lex le maison de I'dglise de Clairmaraii.
(Id. p. 86).
— m —
Bailli du Haut-Pont , comme repr^sentant le sei-
gneur (1). Dans le 15* siecle , la mairie du Haut-
Pont , tenue en fief d’un seigneur sup4rieur , de-
pendant cependant du magistral de St-Omer (2). 11
en fut de m£me lorsqu’elle devint la propri6t6 du
Roi (3).
Cette ancienne terre, complement independante
de l’abbaye de St-Bertin , touchait au nord et au
nord-ouest de file de Sitliiu. Elle avoisinait un
fief moins important , offert en hommage k I’abbaye
de St-Bertin, a la fin du 12* siecle. Ce fief qui
relevait du comte de Warenghe, etait situ6 dans
la paroisse Ste-Marguerite ; il avail le caractfere
(1) En 1330 , on troove repression de seigneurie du ffaur-Ponf.
{ Gd cart. , t. 4 , p. 324 ). En 1373 , Jehan de Wissoc, fils Simon,
comme aman de Haut-Pont , avait instrument^ au Druille , tana
lea dchevins communaux ; il repara »a foute. ( Reg. en parch., p. 248).
Hellin de Wavrin , aelon Anaelme , t. 6 , p. 704 , eiait seigneur
d’un Haut-Pont au 14* siecle. Amman du Haut-Pont au lieu de
seigneur, 1446. ( Gd cart. , t. 6 , p. 602). Ammanie du Haul-Port
1470. ( Id. t. 8 , p. 136 ). Jean Bournel , chevalier v seigneur da
Boncoud , possedait Vamandrie du Haut-Pont , cn 1506. (Gd cart,
t. 0, p. 04 ). Le mime Jean Bournel , est appeld viconte du Haut-
Pont , en 1513. (Id. p. 185, etc., etc.) Droits de la selgneurie
vulgairement Pamansgueppe du Haut-Pont, 1513. (Id. p. 188).
Depuis , cinq individus du nom De Lannoy sont 1’un apres I’autre
seigneurs d’un lieu nomme le Haut-Pont, selon Anselme, t. 8, p. 83,86).
(2) Nos archives nous apprcnnent quYn 1417 , la mairie du Haut-
Pont , qui etait tenue en fief de Monsieur f frere du Roi , due
d’Orleans , etait nlanmoins justiciable du magistrat. ( Piers , hist,
des Flamands du Haul Pont , p. 63).
(3) Mem. pour les amans et dchevins....
— 136 —
essentiel d’une seigneurie veritable ; il possedait lei
droits superieurs (1).
Le roonastere de Clairmarais, fonde au 42*
sieole , sur des terrains octroyes par les corates de
Flandre , le chatelain de St-Omer et le comte de
Guines , etait pose a Test de l’abbaye de St-Bertin.
Ces terrains , fiefs toujours independants de cette
abbaye , concurremment avec le sol de la seigneurie
vicoratiere de Meckem qui relevait da chateau de
St-Omer et reconnaissait la juridiction du magistratde
cette ville (2) , avec celui du fief maresque de Ste-
Aldegonde aussi mouvant du chateau de St-Omer (3)
(1) Jean de Seninghem donne en 1193, a l’abbaye de St-Bertin t
terrain quam A comite de Warenghe , infra bur gum S. Audo-
mart in parochia S. Margarite jacentem , in feodo liber e , cum
fundo et comitatu tenebam. ( gd cart. , t. 1 , p 528 et suivaotes.
Malbrancq , t, 3, p. 353, met Warenghem et one autre variante ).
(2) Terre et seigneurie fonctire et vicontiere nommSe Meckem ,
situSe au marais de VIzel-Broucq , entre le fauabourg de Vlzel
et Vabbaye de Clairmarais , relevante du Roy , d cause de son
ehdleau de St-Omer. (Me# papier# de famille ; acquisition de l’annee
1707 et partage de 1784., etc.) En 1440 , Pierre Claissocnne ,
seigneur de Mickem , reconnait la superiority du roagistrat de St-
Oner. ( Reg. en parch. , p. 143 ).
En 1623, Philippe Folie, fils et hlrilier de Louis, tenait da
•bAteau de St-Omer , le fief de Mecquem , qui fut acbete en 1643,
par Jean 'Baptiste Van Meslraete. (Reg. oux fiefs, p. 85 et note en marge).
(3) Terre maresque.... vivier de Ste Aldegonde ou /ief de Ste -
Aldegonde . (Arch, de la ville et gd cart.) En 1420, dame Isabelle
de Ste- Aldegonde , veuve de Bethis d’OIehain , donna en location
on fief dependant du due de Bourgogne comte d’Artois , a cause
de son cbAteau du Bourg, et nomme les pesqueries du breuc de
Ste-Audegonde , gisanl dans la paroisse de Si-Marlin en rizele.
— 137 —
et avec d’autres encore (1), restreignaient de ce c6t4,
la villa Sithiu dans les limites de l’ile de ce nom<
Veritable et importante seigneurie , 1‘ammante ,
le fief de la mairie du bruille ou brule (2), situd
a l’intdrieur et a l’exterieur des murs , porta long-
temps une espece de bourg ou village particular, en-
clos dans l’enceinte m£me de la ville de St-Omer (3).
( G* cart., t. 8 , p 282). En 1475 f Jean d'Bttle , prapridlaire
du fief de SLe-Aldegoude, est taxe a un combattant, pour ut» fief
qui se comprend en certaine pescherie el lerres mar esq net. (Les
fiefs et arriere- fiefs tenus du chdteau de St-Omer). Dans le regisire
des fiefs du chateau de St-Omer , de Pan 1623 f ce fief nommd
leB viviers ct eaux dc Slc-Aldegonde , est dit contenir 94 mesures
ct dtre situe entre la ville dc St-Omer et Pabbaye de Clairmarais,
En 1516 et 1517, eut lieu le mesurage du lieu nommd Sle-Aldegonde,
situd eutre St-Bertin et Clairmarais. ( G4 cart. )
(1) En 1208 , Pabbaye de St-Berlln re$ut en don de Gison de
Cluse et d’Agi.es sa fun me : terram quam habebanl prope monat -
terium S. Berlini , super ripam fiumlnit (agnionit ) el aliam
ultra stralam contiguam qua vocalur Tawreland . ( Malbrancq ,
t. 3, p. 719),
En 1278 , le marais nomine Vlole , qui relevait du Chatelain de
St-Omer , a JNicuwerlet ( Nie Uriel ), fut vendu & Pabbaye de St-Bcrlin«
( Gd cart. t. 3, p. 454 ).
(2) Bruhl , marecage, Brolium , marais. Et marescum quod dieituf
de Bruille. ( Dipldme de Pan 1215 ; Duchesne , maison de Bethune ,
p. 96, 105). En general, dans les villages de nos environs, 11
y a un brule quand il s’y trouve un marais.
(3) En 1340 , on voit cette phrase : la commune pasture de la dite
que on diet le brulle. ( Gd cart. , t. 4 , p. 340 ).
En 1236 , se trouvent deja ces mots : Domum etiam in brulio *
(Arch, de la ville, bolte 81, n° 38). En 1235 , le chAlelain de
St-Omer, ddctiarge 5 toojours de Ieurs redevances annuelles, les maisofl*
situees dans la seigneurie du brule. ( Reg. serv. d'indic. )
18
— 138 —
Sa surface bitie fut & peu prfcs assimilie aux
parties communales de la ville , vers le 1 i*
sifccle (1).
Cette seigneurie limitait Tile et la villa Sithiu au
sud , et longeait une partie de la rue St-Bertin.
Elle fut administralivement raitacbee au fief nomine
de la chdtellenie ou de la motte chdtelaine, lorsque
tous deux , ils se trouverent, a la fin du 1 4* siecle,
aux mains des comtes d’Artois , devenus proprie-
taires de leur domaine utile, aprfes les Chitelains (2) .
Le fief de la chdtellenie ou de la motte chdte-
laine , n’etait pas eloigne de celui du brute. Sa
position et son peu d’etendue denotent un demem-
Ed 1274 9 le cbdlelain Guillaonje parle de son fief de la mairie
du bruille . ( Invent, chron. dee char les de la cbambre des comptes
k Lille).
Ed 1388 9 il y a i <n r ico de brulio , vidillcel in hospitio
gallics nuncupanlo de labaleste . ( G4 cart. t t. 5 f p. 440 ) ; eu
1407 : rue de la Lombardie derriire Vescolerie au brule. ( Reg. B ,
f 41 V ).
En 1421 , ud clerc ayant cas§4 la verge de I'Amman da Brule9
se soumit k faire an pllerinage & St -Nicolas 9 poor racbeler (’amende
k laqoelle il avait M condamnd, Gui Harrinc v aman du Coolhof
et du Brule , en 1430. ( G4 cart. , t. 0 9 p. 470 ).
(1) Le 15 ddcembre 1382 , la roelle oo allle pavde au BruiUe9
fat ddclarde rue et fldgard common , par deliberation du magistrat
de Sl-Omer. (Reg. aux ddtibdr. de la ville de St-Omer ).
(2) Philippe de Bourgogne parle en 1386 , de son aman que on
diet du Brule , cbargd de faire les inventaires au fief de la Molte ,
en appelant les dchevins de la villc. ( Reg. en parcb. 9 p. 239.
Bldm. pour les amass et dchevins, 1769 ).
— 139 —
brement extremement ancien de la terre devenue sei-
gneurie de Ste-Aldegonde. 11 touchait k Test de Ten-
clos des chanoines. Malgr6 la position superieure que
lui avait donnee quelques temps le chateau qu'il
portait et d’ou mouvaient un grand nombre de
seigneuries (1) , le magistrat de St-Omer y avait,
a la fin du 1 4® siecle , une juridiction en concur-
rence avec celle des ofBciers du Souverain, sp6ciaux a
ce fief (2). La juridiction communale n’y est cons-
tatee toutefois qu’apres le transfert des droits su-
perieurs du chateau de la Motte , au chateau nou-
veau pos6 prks de la porte Boulenisienne ; elle
pourrait tout au plus remonter k l’epoque oil l’au-
(1) La mouvance fat transportde au nouveau chAteau placd aur
l’esplanade, lore de la destruction de la puissance des chAtelains k
St-Omer ; la suzerainetd chAtelaine se fondil dans la souverainetd f
la juridiction fe'odale de la chAtellenie fut rdunie k la puissance
souveraine. En 1386 , dans les mimes lettres oil Philippe de Bour-
gogne reconnait le droit du magistral a It re appeld pour les inven-
taires sur la motte chAtelaine f il renvoya A son bailli et aux bournes
de son chattel de St-Omer , la connaissaoce d’une discussion pour
une maison qui etait un fief relevant du cbAteau. C'est une preuve
dvidente que le transport de ses droits de chAtelain avait dtd fait
du chAteau de la Motte au cbAteau de TEsplanade.
(2) Yoir la note 2 de la page prdcddente.
Le chAteau de la Motte ou du Bourg , ancienne rdsidence des
ChAtelains , dlait habite en 1 386. C'esl k la mort de la veuve de
Guy de Belenghes , que la decision pour les ioventaires eut lieu.
Le magistrat avait prdlendu lire en jouissance du droit que
le Bailli lui cootestait : d cause du droit de noire chaslellenie de
St-Omer , dit le comte. Le magistrat avait pris rinitialive et d’accord
avec l’Amman , avait applique des sceaux qui avaient did joiapus
par le Bailli.
toritd des cbatelains fut r6<luite a peu de choses (I).
Au Brule existaient plusieurs fiefs dont le plus
important , etabli sur quelques maisons du cote est
de la rue de ce nom , arrivait dans celle des Classes
et s’etendait sur la place de I'Etat. Sous le nom de
fief d ’Avroult, il avait un Amman qui tenait sa
place aux Vierskaires de la ville de St-Omer (2).
Le fief de la Martihre , dit de la SdnechaussSe,
comprenait une petite partie de la ville de St-Omer
au sud-ouest du Brule (3). Le seigneur jouissait
(1) L’autoritd des Cbdtelains diminua non seulement par la vente on
l’abundon successifs de leurs droits , mais encore parce qu'clle dtait
sans cesse battue en brecbe par les souverains qui , fatiguds de leur
inddpendance lieredilaire , uvaient dtabli au-dessus d’eux des Bailiis
amovibles , ofliciers civils et militairesy tout & la fois.
En 1353 , It* Chdtelain aulorisa le magistrat de St-Omcr b laisser
subsister , pendant la guerre sculement , deux moulins posds sur
la motle chAtelainc. (Arch de la ville).
(2) Le fief d' Avroult se consists en plusieures rentes sur maison
et heritages en la rue du Drusle el celles devant les escolles des
peres Jesuisies cl sur la place de I'Eslat ; a cause duquel fief
ledit sieur Deslracclles a droit de commellre un aman , lequel
comme tous autres amans des autres fiefs eslans en ladite ville,
faist touttes executions de justice es mecles dudil fief , ouvre
cours avecq les cschevins des vierscaires de ladile ville ... 1623.
( Regislre des fiefs relevant du chateau de St-Omer, p. 53, v# ).
(3) Dans 1c rapport et denorobrement servi par Robert le Nor*
maud en 15G7 , on trouve la limitation de cette seigneurie ; elle
s’etendait depuis l’escoterie dans la rue du Brule maintenant d' Arras s
jusques et compris la demure maison dudit Collof. ( Mem. pour
let* amans , p, 61 , 62 ). Le registre aux fiefs leuus du chateau
de St-Omer, fait en 1623, cite : le fief nommd vulgairemcnl de la
— lit —
d’une certaine consideration (1), il avait sa justice.
L 'Amman ou Bailli etait, dans les derniers temps,
a la nomination du magistrat communal , sur la
presentation du proprietaire du fief. Cette seigneurie
mouvait du chateau de St-Omer et etait tenue no-
blement en un seul fief et hommage.
Marline et par cydevant de la tfaeschausfde, ilabli stir , toules
les maisons du lez west ( ouesl ) de la rue du Brusle au let
de Vescotlerie f a commencer la premiere et prochaine maison
joindant du cole nord a ladilc escotlerie et consecutivement touttes
les maisons sans nullcs excepUes en allanl au nouveau Bollewercq
el vers la dernicre porle du Colof jusques et comprins le lieu
ou soulloit estre assize la dernier c maison dudit Colof , et V autre
lez de la rue a commencher d la maison du Chevalet d'Or et
touttes les maisons sans nulle rdserver en allant Jusques et com-
prins la maison Jan Vandieust , ( p. 84 ).
(1) En 1320 , Pierre de la Marline dtail bailli de St-Omer,
( Dencuville ).
Francois de la Murliere , dit de Poix , habilait en 1408 , sur la
ligne de separation entre le fief de la Marliere et le Colbof. (Voir
la note 1 de la page 142).
Le fief de la Marliere parait avoir cessd d’appartenir h la famille
de ce nom , vers le milieu du 15° sifccle. Le lcr mai 1608 ,
Quentin i>ommart fut ad mis comme amman , en vertu du pouvoir
special du proprietaire du fief , Robert le Normand. En 1623 , Jeanne
Normand est dite heritiere de Louis Normand. En 1643 , le relief
de ce fief est payd par Herman Esguy. En 1661 , il est acquiltd
par Francois Ogier par suite d’acquUition de demoiselle Marie Normand.
(Registre aux fiefs, notes en marge). En 1712, le magistrat confdra ram-
manie de la Marliere, sur la presentation d’Ogier , seigneur. En 1739 v
apres la mort de. Philippe Ogier de Baubrel , ses enfants furent
reprdsrntds, pour le fief de la Murliere qui mouvait du chdteau
de St-Omer, par leur oncle , aux reunions de redaction des coutumes de
St-Omer.
Au Mid et en se dirigeant vers l'extSrieur de la
ville, venait immediatement ensuite la seigneurie
du Colhof , sur laquelle etait anciennement une
porte , ainsi qu’un beau et tres important fau-
bourg (1), borne au sud-est par le fief de le Lo
ou de Loo (2) , et a l’ouest par celui du Mont
(1) Pardevanl eschevin del Colhof , 1279. (M* de la bibliolheqne de la
▼We, nn 830 ). En l’anne'e 1368 , il est convenu que Pamman du Collof
peut accorder la saisine des maisons situdes dans la seigneurie de
ce nom , sans prejudice oux droils de la ville ou mieui des
bourgeois. ( Reg serv. dedication ). Eschevins de Saint Omer du
Coelhof , 1371. ( Ga cart. , t. 5 , p. 107 ). Rue^ de Misebourg ou
Coilhof... rue de Paddebroucq ou Colhof , 1404. (Reg. A f* 13;
arch, de la ville ). Deux maisons estans ou colhof , enlre lirelage
qui fu Colarl Les tor in vers zut , et lirelage Franshois de la
Marliere , dit de Poix vers nor l , aboutant par deriire d lirelage
de le ville , et ledile maisoncelle estans sur une ruelle desriere
lesdite » deux maisons enlre lirelage dudit Vranchois... neuve rue
dehors le porte du Colhof. 1408. ( Fondation de Phdpilal St-Jean;
Reg. cn parch. ) Tassard de Runescure en eon hostel du Coilhof
en icelle ville . 1408. ( Reg. id. p. 95 ). Maraud Duvivier , amman
du Colhof. 1487. ( Gl carl. 9 t. 8, p. 271). Maisons dlant en
Coelhof.., porte du Colhof. ( Coropte des argen tiers de Sl-Omer t
1415, 1418, etc. ). Riviere du Colhof ; rue du Colhof ; courlil des
religieuses de Ste - Claire , devant la barrier e de la porte du
Coelhof. ( Compte des rentes... 1416 ). La premiere eglise Sl-Michel
hors les murs , etait placec au Colhof. En Van 1522 , Vdglise parois -
siale de Sl-Michel , situte hors les faubourgs de St-Omer du
cosld de la porte du Brittle , d Voccasion des guerres , fut dd-
• molie et transports en ceste ville , en la rue du Colhof , et fut
rebaslie , mais Van 1566, fut de relief ddmolie et adnullde ,
et ladite rue du Colhof par eillemenl. ( Note prise par M. Dufaitelle
dans le tn\ de Bresin , a la bibliolheque nationale ). ( Voir M. Wallet,
Description de Pancicnne cathedrale , p. 43 ). En 1583 , il est encore
parle d’une piece de terre au Colhof.
(2) La charte de 1127 parle de la foret, quod didtur Lo . GuiN
— U3 —
Yserin situe pres du Mont St-Mic^el (1). Les for*
tifications de la ville etaient de ce cote posees sur la
laurae de Lo , sooscrit a la charte communale de 1128 , apres Guil-
laume, chatelain de St-Omer.
Ed 1221 , un accord fut fait, par lequel le Cl.dtelain s’engage,
pour lui et pour ses hdritiers , a ne pas meltre hors des mains
du magistral de St-Omer. , le hois de le Loo , mais a Ten laisser
jouir aux mcmes charges que ses predecesseurs. ( Reg. serv. d’ind )
Ed 1394 , le fief nommd : le bos de le Lo en le banlieue de le
ville de St Omer , tenu en fief du comte d’Arlois , a cause de
son chateau de St-Oincr , avait did confistjue par ler comte sur
Tas*ard d'Averboud , banni pour meurlre ; le magistrat de St -Omer
fit valoir les privileges de la ville et oblint main-levee ( Reg. en
parch. , p. 217).
En 1417 , une conduite d'eau de fontainc, pour la maison de la
Magdelaine ou des Ladres, necessita : un petit ediffice de bos asset
prez du bos de le Loe , ou fief el tenement de noble dame
me dame de Waudringhem... fief qu'elle lienl de sire Me lay le Hels..,.
une cle du petit ddifice de la fonlaiue lui est donnde. ( Id. p. 181 ).
Dans le registre des fiefs tenus du chateau de St Omer, en 1623,
on voit , p. 35 , des terres siluez pres de la Loe alias du Lo, d
present la Malle- Assisse... terres de la ville de St-Omer diet le
bois de le Loe . On y voit encore f p. 36 i Pierre Van Houllhoren,
dilte de Vlaming et wane Colombier p pour un fief nommd le
bois de Loe , se cons is tan 1 en manoir amaze de maison , granges 9
etc., hors la porte da Brusle. Kicolas de Wissocq pour le fief nommd
le bos de le Loe , empres St Omer , devail quatre combaltans d
pied , 1475. ( Les fiefs et amere-fiefe tenus du chAteau da St-Omer).
En 1739 , Antoine F* VanhouUoom , ecuyer, compare t a la redaction
des cootumes de St-Omer , pour son fief et seigneurie du bois
de le Loo .
Plus loin , en partie dans la banlieue et en partie au-delb , vers
Blend* cques , dtait situe limportanl fief de Biiquenes. II y cut, an
15' siecle , de seneuses contestations , pour la baote Justice de ca
fief P avec le magistrat de St Omer. ( Reg. en parch, p. 95 ).
(1) Registre aux fiefs , p. 86 p ?*.
— m —
seigneurie du Coiliof, an chateau y existait en 1 197 J
Baudouin , comte de Flandre, comment pars’enem-
parer lors deson attaque de la ville de St-Omer (1).
Ce fief, dont le proprietaire pretendit longtemps
avoir la haute justice, 6tait sous la juridiction su-
perieure du magislrat de la communaute hour-
geoise de St-Omer (2).
En remontant k l’ouest, a l’interieur et a I’ex-
terieur de la ville , apres la Marliere et le Colhof,
commengait le fief important de la famille de Ste-
Aldegonde, tenu du chateau de St-Orner (3). Sous
le nom de : seigneurie delarue de Sle-Croix (4),
(1) Balduinus ... villam St; Audcmari per aliquod lempus obsedit
et quoddam ejus suburbium sen forlalilium quod Colof dicitur
cepit. ( Yperius , no?, thcs. t. 3, col. 677. Lambert d’Ardres et
Malbrancq , t. 3 , p. 361 , disent : arcem quondam in suburbano,
Colof diet am . Voir aussi P. Collet , notices historiques du Calaisis,
p. 145.
(2) Au milieu du 14c siecle , unc grave discussion eut lieu
entre Eustache de Conflans v avoue de Terouanne , seigneur du Colhofv
qui prdtendait avoir, dans cette seigneurie, la haute justice , et le
magistral de Sl-Omer qui disait cette seigneurie placee sous sa jufidic-
tion supdricure. (Arch, de la ville , boite 172, n° 22). En 1488, uo
individu qui appelait d’une sentence de I’Amman et des echevins
de le vierscaire du Colhof , fut renvoyd devant les echevins de St-
Omer , par jugement du parlemeut. ( R'g. cn parch. )
(3) Ladile contS de Sle-Aldegonde tenue du Roy a cause de
son chateau de Sl-Omer. ( Regis tre des fiefs, p. 16).
(4) Pardevant. les eskevins de la rue Sainle-Crois , en la sei-
gnorie Jehan de Sainle Audegonde , 1297. ( M* n° 830 ). Jean est
le nom du seigneur du val de Sle-Aldegonde , qui fonda les Cbar-
treus , cn l’annee 1299. En 1321 , les echevins de la rue Ste-Croix,
hors les murs , prouverent qu'ils relevaieut du magistrat de Sl-Omer.
— U5 —
relevant du magistrat eommuual , la terre des
Ste-Aldegonde , intra et extra-murot , limitait k
Test et au sud, la motte chatelaine et l’enelos des
chanoines; puis sous (’appellation du val de Ste»
( Reg. en parch. , p. 75. Retoeil des chartes et mdm. signifie poor
les mayeur et dcbev. ) Eo 1422 9 Pierre de Ste-Aldegonde 9 seigneur
de Nortquelmes et de Wisques f selon ia prom esse faite au magistrat
de St-Omer , par Jacques , son pfcre , ancien mayeur , affrancbit de
tout impdt les voitures passant k la porte Sie-Croix situee sur son
fief , dont il faisait bommage an Comte d'Artois , k cause de son
chateau de St-Omer. (Arch, de la ville 9 arm. AB. XL 3). En
1475 , Nicolas de Saincte Aldegonde, pour ung fief nommd te
fief de la rue Saincte Croix , dtait taxi! au service du chateau de
St-Omer , d trois combaltans d pied . ( M* des fiefs et arriere- fiefs ).
11 ne s’agit ici que de ta roe de Ste Croix basse et de celle du
rndme nom , placde autrefois contre la porte Ste-Croix, dans le
faubourg de ce nom. La rue actuellement nominee de Ste-Croix haute,
porta longtemps le nom de VEcusserie , restd k sa partie haute.
Void des mentions prises dans les registres aux deliberations du
magistrat de la ville de St-Omer qui le prouvent :
Fontaine au pied de fa motte chdtclaine dans la rue Ste Croix,
1418 (Reg. C. f 18). Rue de ta Potstraecque menant de t'Escu-
cherie vers Vtglise de St+Omer; 1405. ( Reg. B. F* 25 ). Rue du Pot
qui conduit de la rue de Lescucherie vers Mglise de St-Omer; 1418.
( Reg. C. f* 28 ). De m£me en 1472.
Dans on manuserit de la socidtd des Antiquaires de la Morinie,
p. 30 , on voit que la rue de Ste Croix touchait k la place chd-
telaine.
On trouve deja repression de rue de Sfe-Crote haute, en 1623,
dans le registre des fiefs relevant du chAteau de St-Omer 9 p. 59
et 60, etc.
Dans la rue de Ste-Croix exia talent des fiefs particulars, pett
import ants, qui relevaient cependant du chAteau de St-Omer, entrtf
aulres le fief de la Palme, ayant Amman aux vierskairea. ( M* dei
fiefs et arri&ie-fiefs, et registre aux fiefs, p. 112).
19
— 146 —
Aldegonde , elle resserrait cet enclos, ext6rieurement
St l’ouest, et dans I’interieur de la ville , au nord-
ouest(l)'; ensuite elle s’etendait dans la banlieue,
entre l’ammanie de Longuenesse (2), paroisse impor-
tante au moyen-age, et les villages de Wizernes , de
Tatinghem et de Wisques. Elle reneontrait, pres de
la porte Boulenisienne, la seigneurie du Comte de
(1) L’dglise paroissiale de Ste-Aldegonde , dans la ville de St Omer,
au cdtd ouestdu vieux marcbd , maintenant la Petite Plaee, formait le
commencement de la seigneurie du val de Ste-Aldegonde. Dans la recons-
truction de l’annde 1515 v on [agrandit cette dglise : le chotur fut
place sur le terrain communal , en vertu d’une deliberation du ma-
gistral de StOmer. ( Deneu ville).
Le 14 avril 1515 , on Jeta let fondatlons nouvelles de V dglise
paroissiale de Ste-Aldegonde a St -Omer , de 182 pieds de longueur
sur 122 de largeur. La premUre pierre fut posde au nom de
Messire Jean de Ste-Aldegonde , seigneur de Noircarmes. (Gd cart,
t. 8, p? 326).
En 1623 v dans le registrc des fiefs tenus du chAteau de St-Omer,
aux archives de la ville y Maiimilien de Ste Aldegonde f chevalier ,
est dit Comte dudit lieu f Baron de Nortquelmes.... fondateur de
l’eglise paroissiale de Sainte Aldegonde... La maison de Ste-Aldcgoude,
bdtie sarle marchd, fut unie au fief de ce nom , au 14e siecle , malgre
les reclamations du magistrot de St-Omer. ( Yoir les registres ).
Un titre de 1613 dit : Mailre Jacques Desmons , Aman du sieur
Comte de Ste-Aldegonde ; il dit encore : iamanie et seigneurie dudit
Ste-Aldegonde en la ville de St-Omcr.... II parle d’inventaires de mai-
sons mortuaires tenues dudit fief et situdes en cette dite ville.
II est un rapport tres-detaille, dans lequel la position infra et extra -
muros de cette seigneurie, est de'terminde. (Mem. pour les Amans. p.34v
35 y 60 , 61 ). En 1739 y L’-P’ de Mailly -Mamelz comparait a la redac-
tion des coutumes de StOmer, pour sa terre de Ste-Aldegonde.
(2) 1265 ; Jean, Amman de Longuenesse. (Gd cart. t. 3 , p. 314 ,
eta. , etc. )
— 1 47 —
Guines , longtemps independante du magistrat de
St-Omer et du chatelain (1). En l’annee 1248,
ce puissant Comte faisait directement hommage
au comte d’Artois , pour sa terre k St-Omer (2).
En revenant dans l’intdrieur de la ville, non
loin et a l’est de la seigneurie de Ste-Aldegonde, se
trouvait le fief de St-Nicolas qui , quoique peu
etendu, avait sa juridiction et son Amman stegeant
aux Vierskaires ; ce fief £tait pose sur le vieux
marche , maintenant la Petite-Place , depuis fhot-
tellerie du chevalier au eigne jusqub la ruelle Vac-
questraete en la rue de la Cleuterie (3).
Plus au nord, en restant dans l’int6rieur de la
ville , etait le fief du mar chi, appele quelquefois et
assez modernement, le Comti de Clarques. C’etait
(t) Item domum eorum (comitum Ghisnensium) , juxla Sanctum
Audomarum con fisc atam in qua comitissa'Artesice cedificavit domum
fralrum predicatorum vidi et presens fui , ubi Rcdulfus Ghisnarum
comes el Frantic* cone stab ulus % lancea perfossus , in hcestiludio in-
teriit. (Yperios , nov. tbes. t. 3, col. 650. M. Legrand de Cas telle,
dans uo memoire pour la paroisse Sl-Denis , precise Fan 1324.
Balduinus etiam Ghisnarum comes9 qui portam Boloniensem ob -
sederat in adjutorium Balduini comilis Flandrim , de hospitio ubi
nunc est domus frai:um predicatorum facta turri permaxima
polenter dedit assultum , 1197. (Yperius, col. 677. Lambert d*Ardres.
Malbrancq , t. 3 , p. 361 ).
(2) lnventaire des chartes des Comtes d’Artois ; Ducbesne , maison
de Guines ; Lefebvre , histoire de Calais t t. 1 , p. 658. Me'moires
de la socidtd d'agriculture de Calais.
(3) Registre aux fiefs , p. 18 f°.
one ammanie tres-importante, ayant une juridiction
etendue , et m6me sa prison particuliere au 43?
siecle (1 ) . Cette seigneurie relevait du chateau de
St-Omer (2) et s’etendait jusques aupres de l’eglise
du Saint-Sepulcre. Dans les derniers temps , elle
appartenait au Roi (3) ; 1’Amman avait son si6ge
dans la maison nommee les Batons Royaux, qui , au
48* siecle, etait la propriete du sieur de Brias ,
doyen du chapitre de St-Omer (4).
Sous la direction d'un 6chevinage, d’abord special,
et d’un Amman , la rue Boulenisienne formait , pres
du lieu qui avait conserve Ienom d Hebbinghem (5),
un fief qui touchait introrwwros, a la partie nord du
fief du marche. La rue Boulenisienne detachee sans
doute de la terre d’Hebbinghem avec laquelle elle de-
(1) Jaque Cloent comme Aman du markiet de St-Omer , ayant
(ait un exploit en le rue derrierre Saint Sepucre , sans dchevins
des bourgeois , reconnut sa faute et la repara ; 1378. ( Reg. en
parch. , p. 248 ). Prison, de VAman du markiet . ( Id. p 249 ).
Cette seigneurie est indiqude, comme 1‘une des plus importantes,
dans l’ordonnance de 1424 , citee ci-devant ; elle est reprise de
mime dans le mdm. pour les mayeur et Icltevins, de Tan 1748.
(2) Lettres de 1’annde 1386 , dans le reg. en parch , p. 239.
(3) Mdmoire pour les Amans ; 1769 p. 3.
(4) Hem. pour les mayeur et dch. , p. 42 , 43.
(5) A Hebbinghem ; pour une maison , masure et grange join*
gnant oest et west d He dame de Lisques et zut d le rue et quin
qui maine de Saint Omer d Salpruic. ( Comple des rentes apparte-
nans d le maison el hospital des Ladres ; 14)6/ Dans celle citation,
Ucbbingtum a la pljy&ionomie d’uu nom de terriloire.
— U9 —
vait composer primitivement une villa assez importante,
-4tait devenue avec un nom nouveau , une seigneurie
posee non seulement a l’interieur mais aussi a 1’exte-
rieur de la ville (1). Prolong^ exlra-muros au nord
de la seigneurie du Comte de Guines, elle avoisinait
aussi la propriete communale nommee le Laer, sur la-
quelle fut transports 1’eglise St-Martin (2); elle ten-
da sf, vers la seigneurie importante de Burquet , situee
en partie en dehors de la banlieue (3), vers celle
(1) Eskevin de le rue Boulisienne \ Goissin dfArde , Wautier le
Sueur , Gillon de Radinghem .... el devant Jehan lamman pour sei-
gneur ; 1284, ( M* n* 830 ). Pardevant le loy Henry de Walonca -
pelle en le rue Bolinsiine ; 1345. ( Id.) Allard Dame seigneur en
la rue Boinlenisienne ; 1384. (Repertoire des entries d’Artois ). Le rue
dehors le~porte Boulisienne, tout du long j, sques d le bailie au bout
dela des murs des Jacobins ; 1418. (Compte des argentiers de St-
Omer , etc , etc.) Jacques de Rebecque, pour le lief de la porte Bou-
lisienne, gisant en la ville de SI - Omer, l la it laid i un combaltant
& pied ; 1475. (Fiefs et arriere -fiefs ).
En 1439 , la ville de Si Omer aciieta la mol lid' d*un fief nomibd
le fief de St- Omer , consistant en Vestoecage qui se cueilloit ala
porte Boulnizienne. 11 dlait etabli depuis la porte jusqu'au-deld
des maisons, en suivant Vatre de St-Martin. ( Arch, de la ville ,
arm. AB. XI. 2 ). Diffd rents actea ont trait a cet eslocage.
(2) Le mot Laer , Lare, signiGe terrain inculte. ( Yoir le Messager
des Sciences de la Belgique , 1838 , p/ 370 ). L’audomarois Simon
Ogier , dans ses etymologies , remonte ]usqn*a Laerte , pere d’Ulysse,
pour trouver. la signification de notre SLHarlin-au-Laerl.
(3) Hogues de Burques apparait en 1166 et 1200. (Arch, de la ville, B.
81, 38,et diplomes belgiques, t. 1, p. 560). Le grant quemin royal ou
val de Burques atari que on va\d Ardre . (Compte des arg. de 1418).
On trouvc ordinairemenl la terre de Burques avec le village de Salperw'c.
A Saiperwic usque ad paludem de Burka ; 1175. (Malbrancq, t. 3,
p. 302 , met Burba par erreur ). Marais de Satpenoicke et do
Burkes ; 1236. ( Arch, de la ville , B. 81 ). Des i ’an nee 1282 , on
— 150 —
i’Arquingoult , aussi a cheval sur la limile de la
banlieue, et vers la seigneurie de Laires (1).
La seigneurie de la rue Boulenisienne et la terre
d’Hebbinghem s’etendaient plus ou nooins au nord de
la ville de St-Omer ; elles se rapprocbaient moins
toutefois de la partie de I’ammanie du Ilaut-Pont,
situee dans l’interieur de la ville , que celle du
marchi, que nous avons rencontrse dans le voisi-
nage de l’6glise du St-Sepulcre.
Quelques autres fiefs, 1 ’un assis principalement en
la rueletle que Von dist les pieds de St-Omer (2),
l’autre nomine de Sdpoix (3), tous deux etablis sur
des maisons eparses , celui forme par quelques nuai-
sons de la rue de St-Bertin et du File (4) , avaient
leurs Ammans siegeant aux Vierskaires ; ils ne
peuvent toutefois avoir la meme signification que
les veritables seigneuries representant chacune un
compromis eat lieu pour la seigneurie de Burques , entre le Comte
d'Artoia et le magistral de St-Omer , d’une part, et le ebapitrede
St Omer , d'autre part. ( Reg. serr. d’irid. )
(1) D’autres seigneuries existaient encore dans la banlieue de St-
Omer. II n’entre pas dans mon sujet de cbercber a determiner leur
position. La terre et seigneurie d'Arquingoult dtait Tune des plus
imporlantes ; son possesseur avait de jusles pretentions k la haute
Justice , en dehors de la banlieue. La seigneurie de Laires etait
entre Arquiogoult et Talinghem.
Le chapitre y possedait les seigneuries de Lannoy et Halimbroucq •
(2) Regis tre aux fiefs , p. 72.
(3) Id. p. 21 V.
(4) Id. p. 130.
— 151 —
ensemble , un morceau de lerre d’une etendue
plus ou moms grande.
Selon un auteur moderne , la famille de Ste-Alde-
gonde auraitete fondatrice du cliapitre de St-Omer(1 ).
Son dire est remarquable, quoique son expression
ne puisse etre prise qu’au figure sans doute. Par
une fiction feodale ordinaire, cet auteur a voulu
exprimer qu’un ancien proprietaire de la terre de
Ste-Aldegonde , etranger ou non a la famille de
ce no in , avant meme l’existcnce historique de cette
famille, avait fonde et transmis ses droits de
fondateur a ceux qui etaient en son lieu et
place.
Ce dire est-il la consequence de quelque pretention
de la famille de Ste-Aldegonde, appuyee sur des
documents ou sur une tradition ? Je ne sais ; mais
il est bien remarquable de le voir en harmonic
avec la signification d’une topographic, que l’auteur
du dire, Stranger au pays , ne pouvait connaitre. En
effet, l’etat des lieux fait croire que l’enclos des cha-
noines de St-Omer , a ete etabli aux d4pens de la
terre , de la seigneurie des Ste-Aldegonde qui l’en-
serre, seigneurie qui eprouve une depression singu-
liere, un raccourcissement tout-a-fait irregulier, pour
(1) Ste Aldegonde , famille fondatrice du chapitre de St-Omer,
de Vhospice des Rtcollels de Rosembais. ( Es&ai historique sur la
reotree des biens , tanl a l’eglise qu’a la nation , p. 78. Malbrancq,
t. 3, p. 887, constate aussi a sa roaniere , la puissance de la
famille do Ste-Aldegonde , dans la villa de Sl-Omer.
— 1 52 —
faire place & cet enclos. Ce dire s’harmonise on tie
peut mieux avec mon interpretation des chartes qui
restreint le nom de Sithiu a File qui le portait , et rat-
tache l’enclos du monastere d’en haut, a une terre dont
le nom ancien , main tenant inconn u, a ete change
en celui de * Ste-Aldegonde. Cette fraction d’une
terre assez considerable, etait trop peu importante
en elle-m£me , pour qu’elle en ait conserve le nom;
aussi prit-elle, durant un certain temps, celui de la
villa & laquelle elle fut adjointe , pour finir par
adopter le nom du Saint, fondateur de la religion
chretienne dans le pays.
La topographie feodale de la ville de St-Omer
vient d’etre appelde k nous faire connaitre l’etat
du territoire audomarois, k l’origine des monastkres;
sa signification est semblable k celle des documents
historiques dans leur interpretation nouvelle ; elle
en est une verification a laquelle j'attache beaucoup
de valeur. Tout nous dit done que les deux centres
des proprietes monacales 6taient peu spacieux ,
surtout celui placd sur la hauteur; tout nous
assure que la villa Sithiu etait vraiment con-
cent re e dans son ile , et que cette ile, plus grande
que dans les derniers temps et qu’on ne la
voit encore aujourd’bui , n’etait cependant pas
tres-etendue. Tout nous montre clairement les
deux points principaux de la donation d’Adroald ,
cernes de tous cotes et separ6s par d’autres
terres independantes de l’un et de I’autre monas-
— 153 —
tere; tout nous prouve que le territoire de St-
Ooier et celui de sa banlieue , furent primitivement
morceles en une certaine quantile de villas ou
proprietes nobiliaires, devenues plus tard de v6ri-
tables seigneuries, s'etendant les unes au-dela de
la ville , les autres au-dela de la banlieue et cou-
pees arbitrairement lors de la formation de la ville
et lors de l’etablissement de la banlieue.
La topographie dit aussi que les dependences
et les adjacences de la villa Sithiu , exprimees
dans la charte d’Adroald, n’eti ent guferes placees
pres de cette villa , et que les dependences de l’eglise
de la Vierge, dont il est question dans le testa-
ment de Saint Omer , ne touchaient pas k 1’enclos
du monastere d’en baut (t). La topographie ajoute
sa signification, a celle des documents ecrits, pour
nous faire comprendre que les unes et les autres
n’etaient pas de Ires grande importance. Si parmi
les noms des dependances de Sithiu, quelques uns
conviennent a des lieux encore connus , nous savons
qu’aucun des deux monasteres n’avait sur eux de
juridiction vraiment seigneuriale (2). Les adjacences
(1) Les adjacences d’une terre n’e'taient pas necessairement dans son
▼oisinage ; en voici une preuve de l’annee 723 , prise parmi p!u*
sieurs autres que je pourrais ciler. Hoc est omnes villas meas
nunc u pant es Selhliaco super fltivium Agniona, cum adjacentiis
svis Kelmias et Slrato , et infra Mempisco , Leodringas mansiones
seu Belrinio super flavio Quantia , sitas in pago Taruanense ,
cum adjacentiis suis qua sunt in pago Ponlivo , in loco nuncu -
p ante Monte , super fiuvio Altca. ( Chart, sit. p. 49 et g' cart.),
(2) Villa magnigeleca , Wiciaco 9 Talinga villa , Amneio, Has to
30
— 154 —
et les d£pendances de la villa Silhiu etalent sans
doute des morceaux de terre ou de simples rede-
vances (1) , situes ou etablis dans des localites
plus ou moins eloignees et qu’il ne faut pas vouloir
trouver en general dans le voisinage ou dans
1’enceinte de la ville de St-Omer. Aucune signi-
fication de dependance absolue et inseparable d’une
terre & l’egard d’une autre terre , ne doit etre
cherchee dans la charte de i’annee 648; a l’epoque
de la donation ecrite d’Adroald , les rapports hie-
rarcbiques des terres entre elles , n’existaient pas
encore , la feodalite n’etait pas etablie.
Les narrations historiques des moines et de3
chanoines sont entachees de partialite , nous 1’avons
vu ; non seulement elles different entre elles ,
mais elles se contrarient quelquefois; elles s’ap-
puient sur des titres dont le sens a ete denature,
et qui bien interpretes s’accordent dans ce qu’il y
a d'essentiel et de fondamental. Les erreurs sont
Fdbridnio , Lomntanat , et ad Fundenis seu Malros, Alciaco ,
Laudardiaca villa , Franciliaco. Parmi ces doom , Fun d’eux doit
tans doote iadiquer le lieu nommd depute StMommelin , place cer-
tainement dans la ddpendanee de Fabbaye de Sithiu. Serait-ce le
premier repris , comme le lieu du vieux monastere dlait le premier
parmi ceux des ddpendances de St-Berlin k eette dpoque.
(1) L’dtude des dipldmes de donalioos aux monastere* , proa re
qae la plos grande partie des prdtendus Tillages en tiers qui leor
auraient eld octroy ds , se rdduisent k de simples morceaux de terre
plus ou m'vms dtendus , dans ces mimes villages.
— 155 —
pour la plupart volontaires et quelques-unes re-
montent m&me loin dans le passe. Entries dans la
tradition , elles sont devenues difficiles a detruire ;
elles ont entrain^ une fausse appreciation des fails ap-
partenantaux temps primitifs de notre histoire locale,
Mon travail a eu pour but de changer les inter-
pretations interessees et erron4es des moines et
des chanoines; de detruire l’opposition reciproque
qu’ils ont mise dans leurs recits historiques; de demon-
trer qu’elle n’existe pas dans les documents dont ils
se sont servi ; de retablir enfin la verite dans
l’hisloire des premiers temps de la ville de St-Omer,
en faisant une part Equitable aux deux corps reli-
gieux. En me depouillant autant que possible des
impressions de l’actualile , j’ai cberche a me renfer-
mer dans la veritable expression des documents an-
ciens. C’esl la seule maniere de se rendre un compte
exact de l’etat des choses et des lieux d’autrefois et de
ne pas reporter dans les temps oil elle etait loin d’exis-
ter, la superiorite ou la suzerainete administrative
communale des si&cles derniers , et surtout l’unite
d’administration et la centralisation de notre 6poque;
c’est la seule maniere d’arriver k comprendre l’his-
toire dans son expression exacte , en lui laissant la
physionomie propre a chaque periode de temps.
Je desire avoir obtenu le resultat que je poursuis ;
je desire avoir ameliore les elements de la veri-
table histoire des commencements de la ville de
St-Omer. Je vais maintenant les mettre en oeuvre.
et grouper les faits historiques qui ont trait au
sujet que je viens de traiter.
Audomar, n6 dans le pays de Constance, s’6tait
fait moino a l’abbaye de Luxeuil ; charge de la
conversion des Morins, il arrive a Terouanne vers
l’ann£e 637 , avec le titre d’Eveque. Sa mission
£tait importante autant que difficile. Les vieux cultes
dominaient encore presque exclusivement dans la Mo-
rin ie (1). Les predications des premiers missionnaires
apostoliques , des saints Fuscien et Victoric . au
milieu du 3* siecle, etaient completement oubliees.
Les fondations chretiennes de saint Victrice au 4*
siecle , de saint Maxime de Vime et surtout de
saint Antimond et de sainf Atbalbert, deux cents
ans apres Victrice , n’avaient pas laisse beaucoup
de traces (2). L’image de la croix n’existait plus
sur aucun monument morin. A son arrivee , Au-
(1) Folcard s’ex prime ainsi : Ante advewtum siquidem ejus (Beall
Bertini ) in regime Taruenensi , exceptis hie qui jam converli
erant per doclrinam sanctissimi presulie And omari , omnee reliqui
indigence ydolorum adhuc deserviebanl cultui quamquam jam
dudum qscetis marlyribue Vielorico el Fuxciano, qui de illo can -
denti , quinllniance cohortis collegio divisi ad predicandvm . Primi
Chrislicol m fines penelrarunl Morinorum .
{%) Lea deox excmplaires, Igalcment authenliques de ta bulle papaYe
de 1075 , retrouvea dans lea archives de l’ex-cbapilre de St-Omer,
diseot Tun ; Bealus Audomarus primus morinensis episcopus
Taulpe; tertius episcopus , Antimond ei Atbalbert seraient, d’apr&s
le second, compies dans la seric des Evdques des Morins,
— 187 —
domar a done tout & faire dans son dioc&se , pour
implanter la civilisation chrEtienne, II commence
par combattre le paganisme dans sa cite Episco-
pate ; puis il parcourt les campagnes. Audomar
arrive dans la contree de Suliiu et d’Hebbingliem ,
lieux voisins l’un de l'autre et faisant partie de
ces terres, encore alors marEcageuses ou couvertes
de bois , dans lesquelles , aux jours d’invasions ,
les Morins avaient souvent trouvE un refuge assurE.
Dans ces lieux restes sauvages , oil les habitants
du pays fuient devant les idEes civilisatrices , il
B’agit de defricber les intelligences humaines , les
marais et les forets ; d’dter a la barbarie ses abris;
de dEtruire les asiles, les refuges des idees druidi-
ques et polytheistes. Pour y parvenir , il faut des
ouvriers EvangEliques , courageux et intelligents ,
qui travaillent avec un esprit de suite ; car leur
mission sera difficile et longue.
Dans ce pays dominait un riche proprietaire ,
ancien pirate , nomine Adroald. Audomar va le
trouver et, non sans peine, 1’amEne k la foi chrE-
tienne. ZelE pour la religion a laquelle il vient
d’etre converti , ce chef puissant , qui n’avait pas
de fils , veut concourir au progres de ses croyan-
ces nouvelles. Adroald avait sans doute beaucoup
a racheter dans son passE, dans sa vie aventu-
reuse ; il ofire a l’Eveque des Morins , avec une
destination de bienfaisance , une partie assez im-
portante de ses propriEtEs situees dans le pays do
— 458 —
T£rouanne et composee de terres libres ou nobles,
assez distantes Ies unes des autres. Aadomar, heureux
dc cette offre , provoquee par lui sans doute , l’ac-
cepte avec joie ; il fait toutefois changer la desti-
nation d’une partie de la donation. Au lieu d’un
hdpital d’abord projete , il obtient de faire elever
un monastere. Seul encore, il ne peut execute?
immediatement tous ses projets. Cependant il se
met de suite k 1’oeuvre de la conversion du pays.
Le saint Eveque jette bas l’idole du temple de
Minerve , place sur la hauteur la plus voisine
de l’ancien Sinus-Itius , au centre d’une pauvrc
et chetive bourgade. Il y pose , cn son lieu et
place , une image de Saint Martin , cet apolre des
Gaules, dont l’invocation fut presque partout la
premiere dans notre pays , amene aux croyances
chretiennes (1). C’est le phare religieux qui doit
eclairer et guider le pays. Le temple consacre
a St-Martin est place aupres d’une forteresse an-
tique qui protegera la fondalion pieuse d’Audomar.
Le lieu ne pouvait etre mieux clioisi dans le but
civilisateur dc l’Eveque ; il offrit des lors les
deux especes de protection les plus efficaces au
moyen-age , l’eglise et le ehateau fort , la croix
et l’epee.
(1) L'existence de ce temple payen n'esl pas plus certaine que la
profession de pirate pour Adroald. La tradition seule les fait d’abord
connaitre. Maihieu Desprcz et Nalbrancq parlent, dans leurs recits bis-
toriques , de la transformation de ce temple en egllse chrdtienne.
— <59 —
Adroald avait c6d6 aux conseils d’Audomar ,
et la construction d’un monastere sur Tune des
terres octroyees , Stait decidee. L’Eveque, dont les
soins devaient s’etendre sur tout son vaste diocfese,
sentit le besoin du concours d'hommes apostoli-
ques d’uu me te connu , d’une foi dclairee , qui
fussent fixes sur les lieux memes ou il y avait
tant a faire dans l’iat6rct de la religion et de la
civilisation. II demands et obtient trois de ses
compagnons, restes apres lui au monastere de
Luxeuil. Mommelin, Ebertrand et Berlin lui sont
envoyes. Audomar leur etablit unc demeure mo-
nacale au lieu depuis nomme St-Mommelin , en
souvenir du pieux cenobite qui la dirigea Ie pre-
mier. Le succes de ces ouvriers evangeliques ne
se fait pas attendre ; il est bientot complet. Les
neophites et les novices deviennent nombreux ; leur
habitation est bientot trop etroite. L’oeuvre d’Au-
domar est heureusement commencee; il faut en
assurer le succes , la duree. A ces abeilles la-
boricuses , il faut une ruche convenable et suffi—
sante au developpement de leurs essaims. Le saint
Eveque n’hesite pas ; Berlin, le plus jeune des trois
compagnons, deviendra le chef, Ie premier abb6
d’un monastere veritable et vaste, Atabli selon
1’esprit et les besoins du moment , et largement
dote des liberalites du pirate converti.
Pour assurer davantage sa fondation monacale,
demembrement de la donation d’ Adroald , Audo-
mar emprunte le nom de ce premier et veritable
donateur. Celui-ci consent & comparaitre dans un
acte authentique revbtu de nombreuses signatures.
La transmission revet ainsi le cachet d’une dona-
tion directe faite a Berlin ; elle se compose de la
villa ou de l'ile de Sithiu , assez peu importance
en elle-meme , sur le territoire de laqoelle le
monastere sera edifie , et de plusienrs autres parties
de terre, attachees a cette villa, comme adjacences
et dependances.
Berlin cherche, avec l’intervention de la volonte
divine, sur le terrain marecageux de Hie de Sithiu ,
le lieu le plus favorable a l’etablissement du mo-
nastfere. L’emplacement determine se trouve le
plus voisin possible de la terre ferme; les tra-
vaux commencent. Bertin fait affermir et exhausser
le sol fort humide de Tile, sur lequel le monas-
tere doit etre erige. Puis il dirige les constructions
aux tilres d’abbe et d’architecte , souvent reunis
au moyen-age.
La maison religieuse k peine elevee , on s’aper-
coit que la nature du terrain qui la porte, est im-
propre a la sepulture des moines ; qu’il y aurait
danger, pour la santb des vivants , d’enterrer les
morts aussi pres d’eux , dans un sol aquatique
degageant des miasmes deja trop deleteres. Audo-
mar et Bertin , de concert , etablissent alors, pour
les religieux , un cimetiere , non loin de 1’eglise
St-Martin , sur la partie de la butte voisine com-
— 1(M —
prise dans la donation glnlrale , el res tee aux
mains de l’Eveque avec quelques autres morceaui
de terre. 11s construisent au milieu dc ce lieu de
repos, une petite eglise dediee k la Yierge Marie ,
et desservie sans doute , d’abord par le clerge de
l’eglise voisine. Mais bientot est sentie la necessity
d’attacher immediatement et k toujours, le cime-
tiere au monaslere ,• et de conslituer 1’unite dans
la direction civilisatrice. Alore , par un acte nou-
veau en forme de testament , et fait apres la mort
d’Adroald sans doute , puisque son intervention
n’est pas exprimee , ( 662 ) Audomar donne k
Bertin et a ses successeurs abbes , l'6glise de la
Yierge, le cimetiere et toutes leurs dependences >
sous la condition d’y recevoir lui-meme la sepul-
ture au milieu des moines , par les soins de I'abbe.
Cette seconde donation comprenait ainsi tout
ce qu’il restait a l’Eveque , des liberalites d’Adroald;
l’emplacement du cimetiere et de l’^glise de la
Yierge en etait la partie principale , les propriety
de Blendecques et d’Alveringhem sans doute , les
dependences les plus importantes. A la mort d’Au-
domar , vers 1’an 673 , la donation nouvelle eut
son effet ; elle rattacha immediatement k la villa , k
rile de Sithiu , pour etre souvent comprise dans une
appellation commune , la butte voisine , fraction
d’une terre particulikre assez importante oil dtaient
la forteresse et la population primitive. Le nom
de Sithiu » pris dans une acception collective, de-%
n
— m —
vient d£s-lors, le plus ordinaire pour les deux
centres des propriety des moines , administrati-
vement adjoints ; il est ainsi frequemment employe
jusqu’k ce que celui de St-Omer , longtemps attache
distinctement au monastere d’en haul, ou le saint
Eveque fondateur etait enterrC , et bienlot a toutes
les habitations qui l'accompagnaient , eut definitive-
ment predomine et l’eut fait abandonner.
Sous Fadministration des moines , le cloitre place
contre Feglise de la Vierge , s'elendit et composa
bientdt une espece de second monastere dirige par
l’abbe de Sithiu. Le tiers des moines , a tour de
rdle , et de mois en mois , habitait le monastCre
d’en haut ou de St-Omer.
Cet etat de choses fut change au commencement
du 9* siecle. A cette Cpoque, une idee nouvelle
s’etait fait jour dans le clerge. Toute favorable k
un ordre religieux d’institution recente , elle ten-
dait a diminuer l’importance des monasteres pri-
mitifs. L’ordre des chanoines reguliers , etabli vers
Fan 760 , avait pour fondateur , Chrodegand ,
Eveque de Metz. Les conciles de Mayence en 84 3,
et d’Aix-la-Chapelle , trois ans apres , s’en occu-
perent serieusement. Louis-le-Debon naire , en l’annee
826 , completa les statute donnes par le fondateur;
depuis lors , cet ordre religieux fut toujours nommC
le premier dans les capitulaires , dans les chapitres
des conciles et dessynodes. DCs le commencement
du 9* siCcle , les dons affluCrent aux corporations
— 163 —
canOniales qui se propageaient rapidement, et la
rigle des chanoines, dit M. Guizot, joua dans Id
rdforme de Vdglue , & cette dpoque , tin rdle im-
portant. Les souverains affranchirent bientdt de touts
domination , les lienx sur lesquels les cloitres de
ces nouveaux, religieux etaient etablis (1).
Fridogis , anglais de nation , parent de 1’empe-
reur Charlemagne et 61eve du celfebre Alcuin ,
6tait en 820 , devenu abbe des monastferes unis
de Sithiu. C’6tait un homme puissant et chaud
partisan de l’ordre nouveau des chanoines. Abbd
de St-Martin-de-Tours , il avait use de la per-
mission accordee par le concile d’Aix-la-Chapelle ,
a tous les moines de se transformer en chanoines.
Un chapitre regulier y avait 6te form6 par sea
soins. A Sithiu , Fridogis , toujours sous l’empire
des memes inspirations , suivit la m&me marche ,
et il etait dans son droit, quoique cependant les
veritables besoins du temps fussent surtout, de
creer des communautes de chanoines avec des prdtres
i pars , vivant isoliment et chacun d sa fagon. Il
detacha le monastere d’en haut ou de St-Omer ,
de celui d’en bas ou de St-Berlin ( St-Pierre ,
Sithiu ) , et lui donna une entiere independence.
Trente moines furent convertis en chanoines re-
guliers et il y vecut au milieu d’eux , d’accord en
cela avec sa qualite premiere de chanoine ; Fri-
{{)' Ansegisi capitularium , lib* 4* < Doeomeota germaoia , t. 5 /
jp. aw).
— 464 -
dogis conserva toutefois le titre et les attributions
d’abbe de St-Bertin ou de Sitbiu jusqu’a sa mort,
en 834. Ed meme temps cet abbe reformait le
monastfere d’en bas , et cette reforme amenait
l’occupation serieuse de copier des manuserits et
la formation d’une bibliotbeque. Fridogis reduisit
le nombre des moines h soixante; avec un veri-
table esprit d’equite , et en se basant sur le per-
sonnel de chacune des deux maisons religieuses
qu’il separait, il fit trois parts des biens de l’an-
cienne communaute , en laissa deux aux moines
du monastere d’en bas et en attribua la troisieme
aux chanoines dont la maison conserva le nom de
monastfere , selon l’expression constante et gene-
ralises des capitulaires synodaux : monasteria tarn
canonicorum quam monachorum. Les chanoines s’ar-
rogerent bientot la superiority sur les moines , en
se fondant sur les canons des conciles et des
capitulaires qui la leur attribuaient (1).
La separation des deux monasteres avait mecon-
iente profondement les moines et lese veritable-
ment leurs interets ; ils s’en vengerent en atta-
quant et ses motifs et meme la reputation de
Fridogis ; les pretentions des chanoines les exas-
p4rerent. Aussitot la mort du novaleur abbe ,
Hugues son successeur dans le monastere de 1'ile
de Sithiu, interprete des sentiments de sa commu-
(1) Selon Folquin cette pretention de supdrtorild dtait basde sor
•§ que I'abbd common demeurait avec eux.
— 165 —
naute , sollicita yivemcnt le cbangement deft cha-
noines en moines , et la reunion des deux monas-
teres , sous la direction de l’abbd de Sithiu. Malgr6
son titre de frere de l’Empereur Louis-le-Debon-
naire, il ne put y rdussir. Tout ce qu’il obtint
pour remplacer l’ancienne domination de ses pred6-
cesseurs , et pour couvrir la privation importante des
dons nombreux faits au tombeau de Saint Oraer ,
desormais perdus pour eux , fut une esp&ce de
satisfaction d’amour-propre , et une indemnity legfcre
d’interets materiels. Le monasfere d’en bas fut de-
clare superieur a celui d’en haut , et recut le pri-
vilege de nommer le Custos ou gardien de l’eglise
de la Vierge et du cimetifere cornmun , dans lequel
les moines aimaient a fetre enterr6s auprfes du saint
Eveque , le protecteur par excellence , le vrai patron
des Morins de Sithiu. A cette fonction, d’un ordre
inferieur, fut attach^, pour son titulaire et au be-
nefice du monastere d’en bas , le droit d’officier
quatre fois l’an, dans l’eglise des chanoines, aux
jours determines de fetes solennelles , et de per-
cevoir ces quatre- jours , les offrandes des fiddles,
(839).
Les moines ne furent pas satisfaits des faibles
compensations qui leur etasent accord£es par l’Eveque
de Terouanne, St-Folquin. Aussi cherch&rent-ils un
autre moyen de rentrer dans la perception de toutes
les offrandes pieuses. L’abbe Hugues resolut de
faire disparaitre la pr4cieus« relique , qui attirait
— m —
au monastfere d’en liaut , la v6n6ration fructueuse
et presque exclusive des fidfeles, dans l’esperance
de lui substituer , au profit de sa maison , celle
de Saint Berlin. 11 ne lui fut pas difficile de faire
entrer dans ses vues , Moms , Tun de ses moines,
gardien de l’6glise de la Yierge Marie. L’abbe re$ut
les restes de Saint Omer, des mains de l’infidele
Gustos ; h la tete d'une troupe nombreuse il prit
le chemin du monastere de St-Quentin , dont il
6tait aussi le chef, et dans lequel il voulait expa-
trier la relique veneree. Bientot l’eveque de Terouanne
averti , se presente accompagn^ de ses nombreux
fideles et recouvre le corps saint stationne au
village de Lisbourg.
Cette tentative audacieuse de rapt avortee , il
ne resta plus aux molhes qu’a subir les faclieuses
consequences de la separation des deux monasteres,
avec la petite compensation qui leur etail accordee
et qui ne dura meme pas un tres long temps.
11s parurent s’y resigner jusqu’au jour ou la
pensee leur vint d’opposer un pretendu corps au
veritable corps de St-Omer. Je n entrerai pas dans
le detail de la longue lutte qui Vensuivit ; je ne
veux pas m’eloigner des temps primitifs de notre
histoire ; je reviens sur mes pas , pour opposer* en
peu de mots, aux discussions ardentes des moines
et des chanoines entre eux , leur rdle d’utile et
intelligent patronage sur les habitants de leur voi-
teuage, leur initiative dans la mise en culture de
— 467 —
notre sol ou marecageux ou trop botsi, et leur
important concours a la formation et k la mise en
defense de notre ville (1).
Pres du lieu oil fut pose le monastkre d’en haut,
sous I’action des merites de son saint patron , et
sous la protection de la forteresse , se developpa
bientot une population, placee principalement sur
le sol libre des villas ou des terres voisines. Cette
population, qui constitua bientdt un bourg assez im-
portant, avail deja precedent) men t son administration
civile et judiciaire , qui demeurait independante du
monastkre, sa hierarchie sociale , sa noblesse (2).
C'etait au centre de ce bourg que l'Ev&que de
TSouanne, Audomar avait erig6 la premikre 4glise
dediee k Saint Marlin et depuis transports au Laer.
Ses chefs etaient des Centeniers (3) , des Sagiba-
(1) De l'opinion regue jusqu’a ce jour que les deux corps rell-
gieux avaient cu primitivement la propridte, puis la seigneurie da
sol de la ville de St-Omer , il ne peut ab&oiument rien subsister*
Bien loin de )& , il est non-seulement prouvd qu’ils n’eureot
la propridtd et plus tard la seigneurie complete que de Ieurs enclos,
piais qu’ils n’y avaient mime pas primitivement la Justice. Le
voleur dont j’ai parle p. 110 ayant dte pris , les juges seculiers
le fircut conduire au castellum menapiorum. C’esL aveo des priires
que les moines obtinrent sa grdce.
(2) Dans la vie de St-Berlin ddjfr citee , on voit c. 37 , p. dly
que : nobilitas terrm illius abscesserat , nativitatis patria
relic ta , prosier paucos qui ila hosredilariis preditier ant patri -
moniis. On y voit encore : ambitus caste lli cum consensu populi et
procerum condictatus. . . .
(3) On trouve , en 685 : Gislefridus cenlemrius ; en 723 * eignuty
Chumbaldi centenarii ; en 715 , sig... Austroaldi centenarii ; en
607 et 811 , sig.,, Wendelgeri centenarii .
— <68 —
tons (A), el <&s le milieu du 8* sibcle, on y voit dee
Echevin (2); elle avaitun personnel militaire (3)
independant des Avoues des monasteres (4). Tous
ces fonctioonaires etaient sourais au representant
du Souverain , avec le simple titre de Vicaire
d’abord (5) et accidentellement d'llluttre (6), puis
avec celui de Comte, au 9* siecle (7), lorsque la
(1) 11 y a dlja an Sagibaron dans la charte de donation d’Adroald
de Fannie 648 : signum sacebaronis ; d ou elait-il ?
(?) Le manuscrit sur lequel le chartularium siihiense a ltd pubfil
par M. Gulrard , ne porte pas la souscription Gumbarii scawint
b la charte de la donation de Rocashem de Fannie 745 ; le grand carta-
laire de Sl-Berlin la montre ; mats ce qui tranche toute discussion,
c’est que la charte authenlique, sur laquelle M. Warnkcenig a publil
la copie imprimle de cctte donation , a la suite de son bistoire
des institutions de la Flandre , donnc positivement cctte souscription.
fen 883, on voit le signum Thiodradi Scavini . Thiodradus caballarius
Tiabet bunaria XI, in Gisna.
(3) En 839 , signum Everwini militis , sig. Berharii militis. In
Frestngahem Everwinus habet bunaria V . Berharius caballarius
posslde beaucoup b Morning hem. (Chart, sit. , p. 97 , 98 )
(4) Les Avouls joulrent uu grand rile dans notre ville ; on trouve
en 839 , Signum Odgrini advocati ; en 865 et 867 , sig . Huc-
berti advocati ; en 868 , sig. Fardulft advocati ; en 875 , sig.
Odberti advocati ; en 883 , sig. Odgrini advocati ; en 938 962 , Evc-
rardus advocatus ; en 986 et 1026 , sig. Gerbodonis advocati , etc.
(5) En 708 , sig. Humberti vicarii .
(6) En 745 , Signum Chrodgarii illustris. En 868, sig. Grimbaldi
senioris.
(7) Des Fannie 839 , il y a, dans deux acles dont Fun est pas si
dans Flglise de Ste-Marie , le signum Unrici on Vndrici comitis .
Un capitolaire de. Fannie 811, dit : super comiles et eorum cen -
tenarios ; un autre deux ans apres , s’exprime aiosi ; Vt comiles
vet vicarii , aut centenarii... A la mime date il y a encore : Vt nec
episcopi ; nec abbaies , nec comiles , nec vicarii , nec indices .
( Documents germaniae , t. 9 p. 168 , 190 , 193 ).
-• 4G9 —
population devint plus considerable et fit quelque-
fois donner au bourg d’en haul , relat ement au
peu d’importance de celui d’en bas , Ie t’tre de
citi. Ce bourg resta d’abord en dehors des forti-
fications speciales au monastfere ; a la fin du 9*
sifecle , il fallut l’inlervention eclairee des religieux
pour decider ses habitants a etablir une enceinte
fortifiee , dans laquelle leurs maisons , le monas-
tere et la forteresse furent compris, ce qui lui fit
souvent donner dcpuis le nom d 'oppidum , surtout
apres 1’extension des fortifications autour du mo-
nastere d’en bas et d’une partie des maisons qui
I'accompagnaient.
Sur les terres amelior&s et en partie de3s£chees
de l’iie de Sithiu , sous le patronage du monastery
d’en bas et & I'abri de la defense naturelle des
eaux et des marais , s’eleva un groupe de cliau-
mieres formant une espece de bourgade dans une
lie naturelle , ou 6tait pose Ie monastfere. Ces chau-
mieres > origine des faubourgs de l’lzel et du Haut-
Pont , s’etendirent bientot sur les villas attenantes
et independantes de l’autoril6 des moines. L’ad-
ministration de cette bourgade etait sans doute , en
partie , entre les mains des moines , et en plus
grande partie , reunie a celle du bourg d’en haut.
A la fin du 9® siecle , l’abbe Foulqyes comprit la
necessite de mettre son monastere et les habitations
voisines en meilleur etat de defense ; avec le con-
sentement des habitants , il traga des fortifications
22
— no —
autour de son monastere ei de la bourgade d'en
bas, en les appuyant sur la forteresse d’en haul.
II les 6tendit tellement qu’il ne put reussir a les
achever (I).
Sous la direction des monastferes , les marais
furent dess4ch6s , les bois def riches , des ecoles
fondees (2) , un march6 public etabli (3) , un
atelier monetaire fonctionna , la civilisation enfin
suivit son cours. Leurs tentatives pour former
un tout, un ensemble important , une ville enfin,
avec les' deux groupes de maisons , connus pri-
mitivement sous le nom collectif de Sithiu ,
n’avaient pas 4t6 couronnees de succes ; pour
mener k fin cet important projet, il fallut le
concours du Souverain lui-meme. Le Comte de
Flandre , Baudouin-le-Chauve , au commencement
du 10® siecle , fit cesser tous les obstacles, dont
le principal 6tait la grande quantity de terres ou
seigneuries sur lesquelles il 6tait necessaire de
poser les fortifications. Il forma une cloture vaste
(1) Pro giri amplitudfne excutaUone. ( Vita S" Berlin! ).
(2) Les ecoles de Sithiu eurent du reoom d&s leur origine ; If.
Guizot et plusieurs autre a auteurs les citeot. C’est par erreur typo-
graph ique que M. Guizot place en Normandie f l'dcole de Sithiu.
L’hagiographe de St Berlin, c. 33 , distingue I'dcole do monastere
d’en haut : itieerun{ eum ad canonieorum eeolam litterarum studiis.
(3) Voir la charte d'obtension dans les divers cartulaires de Sl-
Berlin, a la date 874. Le chroniqueur Simon s’exprime ainsi, k 1'annde
1051 : Quo quoque tempore , forenriorum negoliorum nundine in
opido Sancli Audomari celebrabantur ex more . (Chart, sit. p. 180).
— 171 —
et commune aux deux monastkres et 4 une partie
des maisons qui les avoisinaient. Appris par l’ex-
emple des difficult^ que Foulques avait rencontres
pour enclore la totality des deux bourgs dans Ten-
ceinte fortifi^e , Baudouin laissa en dehors de ses
travaux et sous la seule protection des marais ,
des cours d’eau et des faibles levies de terres faites
sous cet abbk, les demeures bkties k 1’est et au
nord du monastere d’en bas , connues depuis sous
le nom de faubourg de l’lzel ; il laissa encore en
dehors, k I’ouest du monastkre d’en haut, pour
former un faubourg important , detruit depuis .
long temps, l’Aglise primitive de St-Martin et les
nombreuses maisons au milieu desquelles elle avait
6te etablie (1)..Ce travail termini, bien plus au
detriment qu’au profit des deux monastferes , selon
l’expression du chroniqueur Folquin (2) , la ville
nouveRe, qui en fut la consequence, se forma petit
k petit par des constructions de demeures entre
les deux monasteres ; un Pretor urbanus, fut mis
k sa tete (3) ; une ghilde ou corporation de com-
merce fut formee , precedant et amenant noire hative
(1) Dans un dipldme de I'annde 1123 , l’dglise Si-Martin est dite :
extra burgum. ( GA cart. , t. 1 , p. 201 ). La boorgade primitive
qni est le point de depart de la ville de St-Omer, resta en grande
partie en dehors des murs de la ville.
(2) Et post hose , til brevim ejus facta perstrtngentur 9 plus
dbstulit ecclesim quam dedit , et haetenus de dampno a se per-
petrate sentient monad presentee et futuri. ( Chart, silh. p. 139 ).
(3) On voit dans les carlulaires de St-Bertin en 959 r la signa-
ture de Eodulfus Prostor urbanus.
— 172 —
institution coimnunale (1). L’autorite de ia corpo-
ration bourgeoise fut grande le joqr oil , par suite-
de l’oclroi de vested proprietes autour de la ville',
une banjieue fut etablie ; sa puissance fut sans
rjval e qupres d’elle, lorsque la suzeraincte fut donnee
k sa juridiction sur celles des seigneuries situees
dans la ville ou dans la bqnlieue. Les noins af-
fectes au bourg d’en haul et au bourg d’en bas,
furent Iongtemps en concurrence pour designer la
v|lle entiere; le nom de Sithiu fut enfin delaisse
pour adopter definitivement celui du saint patron
_ du moqastere d’en haut , etendu depuis des siecles ,
au groupe principal de maisons pose dans le voi-
sinage de ce monastere , et veritable point de
depart de la ville de St-Omer (2).
<l> La ghilde, amolndric par [‘institution corona unale, fut remplacde
par fassocialion a la banse commcrciale de Londres.
Un paragrapbe delacharte comm untie de Pan 1127, dit : omnct
qqi gildam eorum habent et ad Warn pertinent
La ghilde udomaroise est rappelde dans des litres des archives
de St Otner ; elle Test aussi sur les dallet, du 13* siecle, de i’egiise
Notre-Dame.
(2) Voir la Dole f ci-apres.
Depuis la lecture de mes rechercbes f daus le sein de la societe
des Aotiquaires de la Morinie , il a paru, dans lc journal Vtndt-
pendant , uo interessant travail bisturjque sur le faubourg St-Marlin.
L’auleur y a utilise mes preuves sur la separation . d'Hebbinghem
et de Sithiu ; sans accepter complelement la position lopographique
qui y est attribute a Hcbbinghem , Je repete les etymologies tudesque*,
donuees a ces deui uoms, parce qu’elles ufncncul des conclusions
— 173 —
J’aurais pu differer la publication ds mon travail
sup les commencements de la- vilie de SMDtner
afin de le produire plus developpe., plus compiel;
les interpretations que je propose , plus longtemps
etudiees, auraient pu etre plus fecondes en apcrgus
nouveaux et m’amener a une comparaison avec ce<
quia eu lieu autre part, dans des drconstances
de lieux et d’evenemenls a peu pres les m&mes.
Sic’est souvent une mesure de prudence, dans son
interfit personnel , de ne pas mettre hativement
dans le domaine public , des idees nouveHes , c’est
en meme temps une resolution facheuse qui arrMe les
developpements dont ces idees sont susceptibles. Ijl
seience historique , sous tous ses aspects , sous
celle de sa philosophic surtout qui est son. objet
principal , gagne par. un concours general d ’obser-
vations et de reflexions , bien plus que par des
meditations isol&es. Un seul point de vue ne suffit
pas a son developpement. Penltre de cette verite ,
je n’ai jamais hesite, lorsque j’ai crufaire. quelque.
decouverte utile , a la livrer le plus tdt possible ,
aux reflexions , a l’examen des personnes qui s’oc-
cupent des memes Etudes que moi, et je n’ai jamais
semblables & celles de mes recherches et qo'elles pourraient peut-
$tre mime faire tend re le nom d'Hebbinghem a toute la partie
haute de notre vilie , comme el les concentrent I’appellation Sithiu
oo Sitdiu , mm le bas de la vilie t sit, cdtd , versaot (d’une colline),
diew , le bas , le fond d’une chose , basso re , bas pays. H ebbing he ,
exbaussement , levee, hem , coclos; selon moi bourgade dn hauL
— m —
recul6 devant une discussion mod4r6e ; sans la cou^
traverse , il est assez difficile d’envisager les ques-
tions d’histoire sous toutes leurs faces. Dans l’in-
t£r6t de l’hisloire et de l'arch^ologie , je n’ai Jamais
regrets la pensee d’interet general qui m’a toujours
dirigl. Par le concours de plusieurs intelligences ,
j’ai vu developper des recherches historiques qui
seraient res tees stationnaires , oubliees peut^tre ,
si une prompte attention n’avait pas 6t6 appel^e sur
elles, ou qui seraient demeurees incompletes si
elles avaient 6te suivies par une seule personne.
Je suis cette fois encore les principes que je me
suis faits. N’ayant pas la pretention d’arriver seul
k la decouverte de toute la verity sur notre his-
toire locale , j’appelle le plus grand concours pour
completer autant que possible les travaux dejk bien
importants de mes devanciers ; l.’etude de plusieurs
6rudits, dont quelques-uns ont d6jk fait leurs
preuves , fera bien plus pour atteindre ce but que
la patience d’un travailleur isole.
NOTES.
NOTE A.
L’idle de s’attribuer la possession da corps de Saint
Omer, vint aux moines aprls la decouverte des veri-
table* restes de Saint Bertin , en 1051. Its vonlaient dls
tors que dans la ch&sse ou ils avaient era qu’ltaient les
reliques de Saint Bertin , il y eut celles de Saint Omer.
Alarmls et irrites , les ebanoines , Fannie suivante , firent
euvrir leur cb&sse , et avec toutes les formalites requises,
ils constatlrent qu’ils possldaient bien rlellement le corps
de Saint 0<ner , rapportl dans leur Igliae aprls le rapt
fait en l'annle 843 , sous le Custos Moras. Cette ouver-
ture prouva que, si les reliques du saint fondateur avaient
III cachees par Saint Folquin , hors du monastlre d’en
haut., dans la crainte des Nortnands , elles y avaient Itl
rlinllgrles. De nouvelles verifications officielles furent faites
en 1269 , en 1324 , et enfin en 1464 , et il s’ensuivit
en Fannie 1495 , un arrlt du parletnent qui condamna
Fabbaye de St-Bertin a faire disparaitre pour toujours la
ch&sse ou fierte attribute faussement au saint Evlque.
C’est & Fouverture de Fannie 1269 , que le prlvlt Arnoud
fit slparer le chef de Saint Omer de son corps , pour le
placer separlment.
Voila done deja une succession slrieuse de preuves raa-
tlrielles que c’est bien dans l’eglise de la Yierge Marie
que reposait le corps dc Sam! On?er , ainsi que ce saint
Evique Favail ordonne par son testament. Les vies de
Saint Omer , du manuscrit de Corbie et de celui du
cbapitre , assurent que cctte clause du testament avait iti
observee : ecclesiam edificavii in eo loco in quo suum posat
in pace corpmculum , disentitles. La cbarte de St-Folquin,
de Fannie 839 , dit implicitement la mime chose , puis*
qu’elle fait entendre que la clause du testament a ete
observee ; ii en est dc mime des expressions du mnine
Folcard ; dans sa vie de Saiut Berlin , it raconte que le
comte Walbert alia prier dans la basilique de la Vierge,
dans laquelle Saint Berlin avait enscveli le bienheureux
Omer ou Audornar. J’ajouterai d’autres preuves qui , com me
les precedents , puisees a des sources- etrang&res au cha-
pitre, ne peuvent itre suspectees de partialite.
D’abord , se presente le dire de Folquin , dans son car-
tulaire de St-Bertin (p. 152), qu’en Fannie 959 , pour
calmer les terreurs du peuple , on sortit les ch&sses des
saints ; que le corps de Saint Omer fut processionnellement
porte par FEvique de Terouanne au monastere d’en bas,
et celui de Saint Berlin , au monastere d’en haul , en
reprenant le mime cheruin. Yiennent ensuite cette expres-
sion de Fhislorien Tomellus , qu’en 1069 , a la didicace
du monastere de Hasnon , les chanoines de St-Omer , por-
taient le corps de Saint Omer , et les moines de St-Bertin,
celui de Saint Bertin. (Nov. thes., t. 3, col. 791 ) 5 la
churte de fondation des chanoines d’Ardres , de Fannie
1069 , par l’Eveque des Morins , Drogon , qui octroye des
libertis a Finstar de celles de Feglise de Ste-Marie ou repose
le corps de Saint Omer. (Dipl. belg. t. 1, p. 158, et Lambert
d’Ardres : ad inslar ecclesice S. Marias in qua requicscit
corpus S. Audomari ); le dire de ce mime auteur que les
chanoines de St-Omer donnirent a ceux d’Ardres , une
dent de- lcur patron et pere Saint Omer ( cup. 117 ) ; la
— ill —
mention des bulles papales de 1075 , adress4es au cbapitre
ainsi concue : qui usque in hodiernum diem ejusdem episco.pt
venerabilis habelur corpore. ( Dipldmes originaux aux arch,
de Pex-chapilre, et les dipl. belg. t. 4 , p. 6 ) $ l’attesta-
tion qu’en 1097 , les chanoines de St-Omer et de Terouanne
et les moines de Si-Berlin , assistant a la dedicace de
Peglise du monastere de Watten , les premiers porterent
le corps de Saint Omcr , les seconds celui de Saint Maximet
et les moines le corps de Saint Folquin. ( M* cite dans
mon hist, de Watten , p. 77 , et le catalogue des prdvdts
de Watten 9 dans les arch, da nord , n. s4rie , t, 6 9
p. 270.
Note B.
Selon le Chronicon Morinense cite par Malbrancq, t. 3*
p. 638 , et suivi en general par les historiens modernes
Jules-Cesar ourait b&ti un chateau-fort sur la hauteur connue
sous le nom de Sithin, au lieu nomme la Molte , et Minerve y
auraiteu un temple. C’est la [’expression de la tradition ordi-
naire qui attribue generalement au vainqueur des Gaules, les
forteresses b&ties par les Romains, longtemps m&me apres lui.
De cette tradition il ressortirait une probability que le pre-
mier chateau de St-Omer , remontait a la periode romaine*
car il faut compter pour quelque chose en histoire , les
dires tradilionnels qui se perdent dans la nuit des temps.
L’analyse des expressions de nos plus anciens chroniqueurs*
particulierement de Phagiographe de St-Bertin et du moine
Folquin, conduit au mStue resultat.
La premiere mention bien positive de Pexistence da
chiteau de St-Omer , est dans cette phrase de Folquin
qui se ratlache a Ponnee 893 : Castellum Sancti Audo -
mari igne consumilur . Remarquons d’abord que Pauteur
23
— 178
ne dit pas le castellum de Sithiu iomme il l’eut fait s’il
s’itait agi des fortifications en general , mais bien le cha-
teau de St-Omer y c’est-a-dire celui pose pres du bourg
ou du monastire d’en bant ; remarquons encore quit ne
fait pas sous-entendre sa construction recente. Ici done
pas de donte possible , il ne s’agit que d’une partie non-
settlement du Sitbiu collectif, mais mime de la fraction
posee sur la hauteur. S'il avait iii question du bourg
d’en haut entier, avec lequel le monastere de St-Omer se
serait trouve exprime dans la designation generate de cas-
tellum , ce n’eut pas ite sous cette expression que I’auteur
moine aurait raeonte cet incendie ; il se serait servi du
mot bourg ou pluldt encore de celui de monastere, car
le monastire itait la chose principale pour lui. D’un autre
cite , il n’est pas possible de supposer qu’il ne se soit
agi que de I’incendie des seules fortifications ; un incendie
de cette espece serait bien difficile a expiiquer.
Ce qui parait au premier abord laisser de l’incertilude
pour (’interpretation de la phrase de Folquin , e’est la
signification ordinaire du mot castellum dans les deux
auteurs cites ; ils semblent le plus souvent le prendre
d'une mani&re generate , sous Facception de fortification
lorsqu’ils 1’appliquent a Sitbiu, de mime qu’ils donnent quel-
ques fois le nom de chdtelains a ses habitants. Folquin dit les
Normands vaincus par les ch&telains de St Omer, de St Bertin
et de St Folquin , c’est-a-dire par les habitants du lieu
fortifii ou ces Saints itaient specialement veneres : occisi
CCCX in Windingahammo d castellianis sanctorum pre-
dictorum. L’hagiographe parle dans le mime sens de la
volonte des Normands d’assaillir les ch&telains : Castellanos
incessere (1) , ce qui ne peut laisser aucune equivoque.
(1) Voila les expressions du manuscrit priinitif ; les copistes out
mis castellanos incendere.
— 17 9 —
[/expression castellum , geniralisee par nos deux auteurs,
ne parattrait pas bien cboisie , si eile ne s’expliquait par
la presence d’un veritable chateau-fort sur lequel toutes
les nouveiles fortifications s’appuyaient. Elle ne pourrait
certes pas convenir aux nouveiles levees de terre et de
gazon, garnies de pieux : fuste , gleba et cespite , qui pro-
tegerent primilivement le monaslere de St-Omer sous Fap-
peilalion speciale de munitiuncula . 11 faut supposer a Fol-
quin et a Fhagiographe, la connaissance de la valeur des
mots de leur temps. Les capitulaires des Rois Carlovin-
giens ne font aucune confusion ; par le mot castellum ils
entendent un petit fort detache. Lorsque Charles-le-Chauve
dans son edit de Pistes , ordonne de detruire les castella%
les firmilales et les haias qui avaient et6 construits sans
sa permission , il est bien certain qu’il ne s’agit pas de
fortifications de villes ou de bourgs (1). Tous les travaux
nouveaux de defense k Sithiu , n’etaient que Fextension ,
la continuation des murs de la forteresse primitive.
Foulques , akbe de St-Bertin , lui-m£me veut mettre en
etat de defense , son monaslere et les maisons qui Favoi-
sinent , il chercbe a itendre Fenceinte fortiftee du chateau
autour du monastfcre d’en bas : ambitus castelli cum con-
sensu populi et procerum condictatus , mensuratus (2); ou
ambitus castelli circa monaslerium Sancti Berlini est di+
mensusetper ministeria distributus (3). Baudouin-le-Chauve
ne fait pas autre chose que ce que Fabbe Foulques avait
voulu faire : ambitum castelli circa monaslerium Sancti
Berlini conslruxit (4). Le Custos Herric lui-mdme sollicile
le peuple d’etendre et d’augmenter les fortifications du ch&-
(1) Syrmondufl , p. 340.
(2) Voir ci-devant, p. 1 IS.
(3) Id. et id.
(4> Id. ti id.
leao : arcem die noctuquefirmare. Dans cet etat de chases sett-
lement on comprend que le mot caslellum ail du l’emportersur
ceux de burgum et de monasterium et gtre communique a (outes
les parties des bourgs sur lesquelles les fortifications dt>
chateau seraient etabRes ; ce mot n’a pu £tre attache au
monastere d’en bas qu’apres fes travaux de Foulques et
surtout de Baudouin-le-Chauve, lorsque les deux parties
de Sithiu furent reunies dans la mSme enceinte. C’est
ainsi que tout Te bourg ou mieux toute la viile recoil le
litre de eastetlum en 1042 , lorsqu’il s’agit de construire
one eglise : inlra ambitum hujus castelli (1). Au toin on
traduisait cette expression par une autre plus exacle dans
la signification ordinaire des mots, lorsqu’il n’y avait pas
eu de motif pour la changer , on se servait , comme le
fit a i’annee 880 , I’auteur de la chronique des Normands,
du mot oppidum , qui regulierement signifiait une ville un
bourg fortifie.
C’est done une exception dont je viens de donner le
motif , que l’appellation catlellum oppliquee a la viile
entiere de St-Omer, dans les premiers temps, par les au-
teurs du pays m£me; aussi sont-ils entraines le plus souveni a
se servir de la m£me expression lorsqu’ils veuient indiquer le
ch&leau seul ou pris iso lenient. Alors ils la reslreignent for*
cement a la veritable forteresse, comme rigoureusement elle
aurait d ft toujours IMtre. C’est sous I’empirc de cette signi-
fication restreinle, que Folquin en 801 , annonce la venue
des Normands : ad easlellum sanctorum predictorum ; et
que surtout I’hagiographe montre les Normands arrivant
par l’occident des monasteres : respiciens contra monasteria
ex parte occidentali ; il dit que le combat fut facilement
vu des murs de la forteresse : a mentis castelli facile fuerai
prospectari . L’hagiographe distingue ainsi parfaitement des
Cl) Dipldme dans le g'1 cart. , t 1 , p. Ua.
monasteres , pour lui la chose princip&le , le ch&teau-fort,
dont it n’aurait pas parle en cette circonstance , si sa
construction sur unc motte elevee , n’avait pas permis
d’apercevoir le combat ou moins aussi bien que du mo-
nasiere d’en haut lui-mgme. Cet auteur presque contem-
porain, fait ensuite voir lea Normands se dirigeant vers
Sithiu ; si comme I’auteur des annales vedastines il ne se
sert pas du mot monasterium au lieu de celui d'oppidum
employe dans la chronique des Normands, pour indiquer le
lieu ou les ennemis voulaient arriver , c’est qu’il desire
opposer a la force du ch&teau , la faiblesse dc resistance
du monastfere et du bourg d’en haut. Les Normands
accourent vers le ch&teau : cursuque concito caslellum ten -
denies , avec I’intention de donner un dur assaut a ceux
qui etaicnt dedans : dira inpugnatione caste llanos incessere\
ils connaissoient done les moyens de resistance qu’offrait le
chateau, et cependant ils arrivent comme s’ils devaient s’era-
parer a la premiere attaque de la munitiuncula , cYst-a-dire du
bourg et du monast^re faiblement fortifies alors : tanquam
primo impetu muniliunculam capturi ; comme s’ils devaient
s’emparer a la premiere attaque , dit une seconde fois le
meme auteur , de la munitiuncula faible et peu garnie
d’babitants : pro lenuilale seu paucitate inabitantium ; il
oppose ici le nom d’habitants a celui de ch&telains donne a
ceux qui defendaient la forleresse. L’hagiographe ajoute que
les cavaliers s’attaquerent au lieu naturellement defendu ,
c’esl-a -dire ou monastere d’en bas : ad locum naturaliler
munitum , scilicet Sil Bertini piissimi suorum protettoris ;
que les pie'tons avec les plus agiles des cavaliers se por-
terent sur la forteresse : ad castelli munilioncm . Il montre
ensuite les chefs Normands deliberant dans I’eglise de
St^Bertin sur 1’attaque du cb&teau : super castelli cap -
tione ; puis il les fait voir elablis , les uns autour du
eh&teau , les autres sous des tentes et dans les prairies :
— 182 —
rive circa casiellum seu in tabernaculis vel in patents
constitute
Voili le casiellum distingu6 primitivement et sans aucun
donte du monastire et du bourg d’en bas. Sa separation
du monast&re et du bourg d’en haul me parait aussi deja
bien indiquee; voyons cependant pour Tetablir encore davan-
tage. Le casiellum est en general moins distinct du mo*
nast&re de St-Omer et du bourg voisin, dans les recits de
nos deux auteurs , par le motif que le monastfere d’en
haul surtout et d’abord (1), et le bourg qui le touchait,
re^urent en premier des fortifications et que le chateau
situeprfesde ce monastic concourait a sa defense en Fab-
sorbant quelquefois dans son appellation. L’hagiographe
fait voir le monastic de St-Omer entoure h&tiveraent
d’une Elevation de terre et de gazons garnie de pieux ,
faite avec assez d’art et de solidite : circa monasterium
eximii presulis audomari , fusle, gleba ei cespile sicut arii -
ficiosisrime ila et jam firmissime conslruclam ; elle ne
formait toutefois qu’une fortification de peu d’importance :
muniiiunculam paupere proh dolor sumplu parvoque licet
frenno incolarum comitatu faclam (2). Cela ne constituait
pas un ch&teau , une forteresse veritable ; e’etait la tnuni-
tiuncula que les Normands avaient espere emporter au
premier assaut. Aussitdt qu’on apercoit les ennemis , dit
(1) Ces mots ; need am locum hunc aliqua castelU vel valil
defensabat munitio ei ideo magis hue perfaeilis mimicorum irrupil
incursio sont uoe interpretation d’un auteur du XI* siecle t et’s’ap-
piiquent a la premiere invasion des Normands et au bourg d'en baut
qui n*avait pas encore de fortifications , et se trouvait alors placd
h one certaine distance du chdteau.
(2) Dom de Whitte , dans la vie miraculeose de Monsieor Saint
Folquin , p. 13 et 59 , parait attribuer k Sithiu dans son ensemble,
la fortification formee de murailles de pieux et de gazons.
— 183 —
I’hagiographe , les habitants les premiers prtts, montent
avec de tr&s- bonnes armes sur le mur qui , pris ici d’une
maniere* generate , exprime tout a la fois le mur du cas-
tellum et celui de la munUiuncula : murumque prodnus
optimis ut mos incolarum regionis cst armis preparati com -
cendenies ; en meme temps its garnissent la forteresse
d’instruments prepares pour la defense : una cum prius
preparatis bellicis instrumentis munitis&ime arccm vestie -
runt . S’il ne s’etait pas 8gi d’une forteresse distincte et
sur laquelle on comptait specialeraent pour la defense ,
I’auteur n’aurait sans doute pas change ses expressions
ordinaires. 11 avait son appellation de munitiuncula , il
avail celle de castellum ; il les change parce qu’aucune
des deux ne pouvait , dans la circonstance presente ,
indiquer sans confusion le chateau-fort pris isolement. Le
chateau-fort c’etait la ressource , le refuge des habitants
de Sitbiu contre les attaques de leurs ennemis dont on
prevoyait le retour. C’eiait sur lui que s’appuyait le mo*
nastere de St-Omer et avec son aide qu’en I’annee 880,
Teglise de St-Omer avait pu resister aux ennemis , nous
disent les annales de St-Vaast et des Normends , lorsque
les deux bourgs furent envaliis et livres aux flammes (1).
Il etait urgent qu'il fut en parfait eiat de defense , aussi
les religieux se servirent-ils de rintervenlion de Ieur saint
patron pour decider les habitants a augmenter ses forti*
fications. On attendait trop prochainement les Normands
pour que les habitants peu nombreux cussent le temps
de fortifier suffisamment le bourg entier ; le Custos Herric
parle aux habitants au nom de Saint Omer ; il les sollicite
de travailler jour et nuit pour accroitre le chateau :
arccm die nocluque firmarc .
Voila done tous les documents d’accord pour etablir
(!) Voir ci-devant , p. 120.
— <84 —
des distinctions rcelles enlre les dlverses parlies du Stlluu
colleclif.
Un ch&teau-fort d’ubord , une fortification da monastere
d’en haul , etendue imparfaitement au bourg voisio ; une
defense naturelle pour Ic monastere d’en bas , puis {'ex-
tension rcstee incomplete du mur du chateau autour de ce
dernier monastere et du bourg pose aupres de lui ; augmen-
tation ensuite des fortifications du chateau, du monastere et da
bourg de St>Omer; enfin complement des travaux de de-
fense par la continuation des murs du ch&leau autour des
deux monasteres, pour former un tout, et par expression
extensive , un caslellum ou mieux un oppidum .
Quelques reflexions vont completer les motifs qui rai-
litent en faveur de I’anciennete du chateau de St-Omer.
D’abord , ce chateau ne pouvait Sire repris dans la charte
d’Adroald pour plusieurs motifs; le premier, e’est qu’il n’est ja-
mais sorti des mains du proprielaire seculier, devenu chatelain
el seigneur dominant du territoirc dc St-Omer ; seconde-
ment , e’est que s’il avail et6 donne a Audomar, il serait reste
attache au monastere d’en haut et n’aurait pas ete octroye
avec la villa Sithiu a St-Bertin. Le chateau apparait
corarae distinct de la ville elle-mt*me , sous (’expression
de caslellum , d&s (’instant meme ou l’histoire de notre
ville se developpe et fournit quelques details. S’il n’avait
pas existe avant I’arrivee du Saint qui a donne son nom
a la ville , a quelle epoque pourroit-on faire remonter
son etahiissement sans que les historiens en aient parle?
Devrait-il avoir ete construit en m£me temps que les
autres fortifications de la ville pour n’en Sire qu’une
partie plus ou moins principale? Avant rinvention de la
poudre a canon , une butte elevee en guise de cavalier ,
ne pouvait guere avoir d’utilite qu’a la condition d’etre
isolee et entource de fortifications de tous les cdtes. En
la regardant comme conteinporaine des fortifications gene-
— <85 —
rales , ce seralt done toujours un ch&teau-fort veritable
que Fon aurail dft faire. Alors , Ie monastfere d’en haut
existait avec son eglise, dont la toor dominait necessaire-
ment la butte chatelaine qui Favoisine et qui n’est pas
beaucoup plus clevee que le terrain sur lequel le monas-
tere etait etabli. Dans cette position des choses, il eut et<
absurde de construire un ch&teau dans un lieu ainsi
domine ; le ch&teau ne peut done &tre posterieur It Feglise.
D’un autre cdte on a dit desirer pour le monastere, le
voisinage d'une forteresse , car il n’etait pas, comme celut
d’en bas , naturellement fortifie ; ce rtionaslfere doit done
£tre posterieur au ch&teau et avoir ete place sous sa pro-
tection ; Fetal des lieux dit tout cela. Des considerations
de m£me nature s’elfevent contre la pensee de faire de
la butte de St-Orner une simple molte feoJale elevee
pour y poser au moyen-age la denneure seigneuriale du
ch&telain. Dans cette hypothese, une nouveile difficult^ nai-
trait encore des dispositions topographiques. La seigneurie
immediate de la mode ch&telaine est bornee a la butte elle-
m£me •, elle est resserree de tous cdtes par une autre
seigneurie et par l’enclos des chanoines qui a ei£ detache de
cette seigneurie. Un seigneur suzerain , un ch&teloin n’eut
certes pas pose sa motle dons des conditions aussi defavo-
rabies ; il n’a du se resigner a y demeurer, que parce que le
chateau, construit dans d’autres conditions par une puis-
sance qui ne s’inquietait gueres des droits des proprie-
taires , exislait de temps immemorial et representait tradi-
tionnellement la souverainele dans ie pays.
NOTE C.
M. Wallet qui dans sa description de Fancienne abbaye
de St-Bertin , p. 14 , a donne de bonnes indications de
Pantiquite de File de Sithiu , s’exprirae ainsi : Vancien
court de I'Aa fat Ug&remenl altirt par Vabbi Odland 9
lorsqu'tl dirim une portion de$ eaux de cede riviire pour
U
— 186 —
former , sous le nom de haute Meldick , le bief supirieur
des moulins d' Argues , Ce lie fut pas une derivation posi-
tive qui eut ’alors lieu , sans cela le cours de l’Aa eut
ete plus que Iegerement altere *, ce fut une direction meil-
leure et plus reguliere donnee a une branche existante
de PAa , un approfondissement de lit , un exhaussement
de sol et de digues pour contenir dans des limites fixes,
dans des boroes regulieres , Pembranchement de la haute
Meldick (1), qui existait depuis des siecles sans cours
regie , s’epanchant dans la campagne et ayant forme les
marais de St-Omer, de St-Roch , du Cceur-Joyeux et de la
Magdelaine , longtemps nommes collect ivement le Brule.
Le point de separation de la branche de I’Aa nominee
la haute Meldick , a lieu au territoire de Blendecques ,
a Pendroit ou etaient jadis les moulins du Hamel , dont
les revenus furent affectes, au I2e sifccle , d Vceuvre eld
la reparation de Viglise de St-Omer , moulins qui furent
achetes en 1263 , au chapitre de St-Omer , par Pabboye
de St-Bertin (2). La baute Meldick courait immediate-
raent sur une seigneurie (3) aussi completement etran-
gere au monastere de St-Bertin , que l’etait d’abord
entifcreraent la terre du Hamel en Blendecques (4). En quit-
tant cette seigneurie , et seulement alors , elle atteignait
(1) Meuledick , digues du moulin , selon les archives du genie.
Une piece insdree dans le grand cartulaire de St-Bertin parle en
Pannde 1424 , de la riviere coulant a Arques nominee la Moelendic.
(2) Archives de Tex-chapitre et grand cart, de St-Bertin.
(3) Cette seigneurie nommde la vicomld de Bilques en Blen-
decques , 8’diendait le long de la haute Meldick , a parlir du Hamel
concentre a la naissance de l’embranchement , jusqu'uu territoire
d’Arques vers le Havelt . ( Mes papiers de families , partages ).
(4) Dans les comptes des rentes de la maladrerie , pour Tanode
1416, on voit cette phrase: Monsieur de Rabodenghes , seigneur
de Bilques , d sa recelte du Hamel en Bleudecque.
— 187 —
le territoire d’Arques, propriete de St-Bertin d ks les pre-
miers temps de cette abbaye , depuis la donation da
Comte Walbert au premier abbe , a Saint Berlin lui-
meme. Ainsi done pour 6tablir une derivation veritable 9
pour creer une branebe nouvelle a la riviere d’Aa , Tabb6
Odland , fondateur des moulins d’Arques , aurait dft Taller
cbercher sur une propriete qui n’etait pas a lui et la
faire passer sur une autre propriete qui n’appartenait pas
davantage a son monastfcre. Cela eut die sans doute im-
possible oa au moins tres-difficile.
Comme preuve qu’avant les travaux de Tabbe Odland y
TAa possedait deux branches importantes dont Tune Ion-
geait les hauteurs de la garenne d’Arques sans limites
fixes , surtout lorsqu’elle avait quitte le pied de ces hau-
teurs , qu’alors en suivant a peu pres la direction de la
grande route de St-Omer a Arques , dans sa partie voisine
de ce village, elle formait les roarais de la Magdeloine ou du
Brule et quelques autres entre Arques et St-Mommelin , on
peut citer les traces irrecusables de son passage. Des travaux
profonds ont mis k nu , en plusieurs endroits , et notam-
ment aux lieux norames St-Roch et le Catur-Joyeux , tout
ce qui compose le fond , le lit des eaux courantes , re-
convert de terre depuis des si&cles (1).
NOTE D.
L’association communale de St-Omer, est prouvee dfes
le milieu du lle siecle et successivement depuis. La
(1) Le lieu nommd St -Roth , ou a dtd tronvd anssi de nombreiises
obstructions de Ires forte dimension , semble dtre celoi ou etaii
silude la, premiere Ladrerie qu'eut la ville de St-Omer. L*dgli§e de
cette Ladrerie est indiqude a cette position , par une phrase d*un
dipIAme de l'annde 1247 : per magnam stratam publicam ante eccle-
siambeales Maria Magdalen m versus Arkes . (G* cart. t. 3, p. $1, etc.
comtfssc Mahout , en fannee 1324 , assure avoir vu le
seel de la communaute de la ville de St-Omer 9 de I'annee
1052. Robert le Barbu a donne vers 1072 , des proprietes
considerables aux bourgeois de St-Omer , dit la eharte
de 1127 \ eeux-ci formaient done alors un corps apte a
receyoir et a posseder.
L’existence de la banlieue de St-Omer , ne peut remonter
aussi loin que celle de la communaute bourgeoise. II est
niateriellemont impossible que (a banlieue ait ete etablie
event la donation de Fannie 1072 , qui comprenait des
terrains fort etendus tout «autour de la ville , en bois ,
marois , pres et bruyferes. Ces terrains etaient la propriete
du comte de Flandre , puisqu’il les oclroye lui-mlme
directement , non a tons les habitants , mais aux seuls
bourgeois , a ceux qui avaient jure la commune , ce qui
etait alors bien different •, ces terrains ne parent lire
soumis a la juridiction des bourgeois aussi longtemps qu’ils
furent entre les mains du souverain , et sans eux aucune
banlieue n’etait possible. Une indication positive que la
banlieue fut oprls coup * el arbitral rement formee , existe
dans ce fait qu’elle coupait plusieurs seigneuries qui se
trouvaient ainsi en dedans et en dehors de la banlieue
et sous I’einpire de dominations differentes. Les seigneu-
ries de Burques et de Biiquenes et quelques autres etaient
dans ce cas. Une semblable indication ressort des
droits de seignetirie, longtemps possedes dans la banlieue,
par le cb&teluin de St-Omer , ct des luttes que le magistrat
eut a soutenir pour etablir sa juridiction d’abord legitime-
roent contestee. Des droits longtemps progressifs furent
reconnus dans la banlieue , au magistrat par le Sou-
verain lui-mlme , qui lui ceda de plus en plus les
siens, en le mettont en son lieu et place, par une espece
de delegation. II faut , du reste , descendre jusqu’a I’annee
1168 y pour voir la premiere mention de la banlieue de
St-Omer. La chnrte on keure de 1127 n’en tnontre pas
le nom 5 des privileges y sont donnes aux individus qul
font panic de la ghilde , pourvu qn’ils habitent dans
I'enceinte de la ville : omnes qui gildam eorum habent ,
et ad ilium pertinent et infra eingulam villa suce moment.
Les exemptions qu’elle accorde, sont pour ceux qui demeurent
ou demeureront dans les murs de St-Omer : omnes qui infra
murum S11 Audomari habitant , et deinceps sunt habitaturi ,
liberos d cavagio .
C’est la charte de 1168, appcI6e le grand privilige ,
qui niontre, pour la premiere Jois, I’existence d’une ban-
iieue a St-Omer. Bien loin de la confondre avec la vtlle,
elle distingue soigneusement l "infra hannileugam , de Vinfra
eingulam et de Vinfra villam ; les peines sont plus sevires
pour les coups porlcs dans la ville que dans la banlieue.
Aucune confusion n’existe pour deux choscs si positive-
ment distinctes a toutes les 6poques , et que Ton a si
malheureusement confondues , sans avoir egard a la vraie
signification des documents nombreux qjui depuis 1168 y
parlent de la banlieue *, sans avoir egard a Tesprit de
l’organisation feodale qui placait partout un seigneur et
des vassaux , et par assimilation des communautes bour-
geoises seigneuriales et des hommes sous leur jnridiction.
II pouvait y avoir , i! devait meme y avoir des bour-
geois demeurant dans la banlieue , mais e’etait par ex-
ceptions ; la corporation bourgeoise habitait en principe
intra-muros , comrne le seigneur d’une terre demeurait en
principe dans son ch&leau situe sur la motte feodale d’ou
dependait sa terre.
NOTE L
Je range parmi les fiefs infevtawa et de creation poa-
terieure a retablissement communal a St-Omer, les suivants :
Le fief d'Esquerdes ; cette appellation indique me creation
— 190 —
f&odale peu ancienne , en faveur d'un seigneur de ce
nom dont [’influence fut sans doute ossez grande dans
la ville de St-Omer. Le 25 aout 1598 , ic Magistrate
chef sup^rieur, admet en qualite d 'Amman Jean Artzenie ,
sur la nomination faite par Guislain de Fiennes , vicomte
de Fruges , Baron d’Eulle , seigneur d’Esquerdes. Ce fief
etait probabiement une espfece de refuge.
Le fief de Clarques etait etabli sur une maison qui
suivait tou jours le sort de la seigneurie formee par le
village de ce nom.
Le fief de Meling ; le 22 juin 1594 , Jean Gazet se
constitua caution de David Mercier , Amman du fief de
Meling , appartenant au chapitre.
Les fiefs de la Heuzerie , de VEscucherie , du Pot ou
de la P oiler ie i de la Heaulmerie , de VIsel. En 1604 ,
le magistrat nomme a I’Ammanie des fiefs appartenant au
sieur de la Chaussee , nommes de la Heuserie , de VEscu-
eherie , du Pol et de. VIsel. Le 2 decerabre 1598 , Pierre
Leroy est admis par le magistrat en qualite d\4mman de
la Heuzerie , Pollerie et Heaulmerie , suivant le pouvoir
recu par lui, du sieur de la Chaussee, a cause de sa femme ,
Antoinette de Crequy. Ce sont la des fiefs de rues. Jehan
Bournel pour ung fief gisant en la rue de VEscucerie , en
1475 , etait taxe a (rots combaUans d pied. ( Les fiefs et
arriere-fiefs tenus du chateau de St-Omer ).
Le fief de Robeeques. En 1618 , Francois de Montmo-
rency , seigneur de Robeeques , commet Jean Roussel A
l’ammanie de son fief , vacanie par la mort de Jean Tite-
louze. Le magistrat prononce l’admission. Ce fief est de
l’espfece de celui d’Esquerdes.
Le fief de Mesmes . En 1600 environ , Aleaume de
Noeufrue apparait pour son fief dc Mesmes , gisant au
— m —
Brule , term du cb&teau de St-Omer , dont il doibi it
recognoissance par an au terme de Noel , tin chappon .
Le fief de Coubronne. Le 17 deeembre 1618, Gilles de
Halle est admis en qualite d’Amman de Coubronne , par
pouvoir donne par Robert de Lens , seigneur de Blen-
decques, Hallines , Coubronne. Ce fief s'etendait sur cer-
taines maisons aux environs de la rue Boulizienne ; il
est dans l’esp&ce de ceux d’Esquerdes et de Robecques*
Plusieurs maisons situees a St-Omer sont reprises sous
le litre de fiefs, dans le manuscrit original intitule : Let
fiefs et arrtirc-fiefs , 1475.
Plusieurs petiis fiefs etaicnt possedes par le cbapitre de
St-Oraer el par Tabbaye de Sl-Bertin , par dons et acqui*
sitions; ces corps ecclesiasliques avaient leurs Ammam qui
seuls pouvaient instruments ( Voir le gd cart. 5 les re-
gistres capitulaires , et ci-devant p. 150).
NOTE F.
La veritable origine de la ville . de St-Omer est bleu
differente de celle qu’un auteur beige assez moderne a voulu
lui trouver. Scion M. Degrave, dans sa Republique de$
Champs- Elistes ou monde ancien , St-Omer sous le nom
de Situn , Silhiu , ou tout autre a peu pres semblable ,
signifiant dune ou barriere de la mer , aurait £te une an-
tique ville maritime siluee , non a 1’extremite du monde
connu des anciens , mais au eontraire dans un pays
erainemment historique ; Vex tremique hominum Morini , de
Virgile , et la terra Morinorum situ orbis extrema , de
St< Paulin, et les autres phrases analogues de divers auteurs,
seraient des expressions d’erreur et d’ignorance.
Sitbiu , dans son exuberance de population , aurait en-
voye des colonies par toute la terre. Les Sithoniens y
enfants des Morins de Sithiu , seraient avec les Afor«->
— m —
tiens j leurs frfcres , non-seulement Ics ancelres des Siihonet
de Suede , de Norwfcge et d’Islande , inais ils auraient
porte leurs moeurs ct tears coutumcs chez les Thraces ,
ou selon Ptine et Solin , naquit Orphee ; ils auraient
subjugue l*i!e de Chypre, a p pc lee Citium par Flavius Joseph,
et lui auraient impose leur nom. En un mot Sithiu aurait
eu la preeminence parmi les cites les plus celebres des
Allantes , des peuples hyperboreens et des habitants des
Champs-Elisees , denominations diverses indiquant une seule
et meme nation. Visile par Menelas , dans un de ses
voyages , le vieux ch&leau de .Sithiu aurait ete l’ecueil des
mers , connu sous le nom de Scylla , et Charybde se
serait trouve dans son voisinoge.
Par la puissance d’une imagination erudite autant que
hardie , Sithiu est ainsi , tout-a-coup , pose sur ('important
coin du monde qui a servi de the&tre a quelques-unes
des principalcs scenes de l’HIiade et de 1’Odyssee. Nos
regions hyperboreennes parfaitement connues des plus on-
ciens peuples civilises , auraient he frequentees et recher-
chees par eux. Les habitants de Sithiu auraient marche a
la tSte des idees les plus avancees ils auraient ete la
source d'ou les ruisseaux de la civilisation se sonl repandus
dans toutes les directions. Chez les Hyperboreens seraient
nes les genies les plus sublimes de I’untiquite. Homere,
ce chontre immortel des heros grecs ; aurait vu le jour
sur les bords de I'Aa , et le nom moderne de noire ville
lui aurait ete donne en souvenir de sa naissance. Hesiode
serait aussi ne cbez les vertucux Elyseens qui, selou Saint
piement d'Alexandrie et d'autres savants , formaient un
people %de sages. II n’est pas besoin de combattre ces dires,
Phistoire vraie et I’archeologie les detruisent completement.
LECTURE ET PUBLICATION
D’UN PLACARD
DE CHARLES— QUINT
A LA BRETECQUE DE LA MAISON ROYALE DE
SAINT-OMER , EN L’AN DE GRACE MIL
CINQ CENT TRENTE-ET-UN.
TABLEAU DE MOECRS
A SAXJfT’OXXB. XT » ARTCU
AU SBIZltME SltCLB.
U
LECTURE 1ST PUBLICATION
DE CHARLES-QEINT
A LA 1RETECQCE DE LA MAISON ROYALE DE SAUrr-O^ER j
EN L’AN DE GRACE ML CINQ CEBIT TRENT E-BT-C1U
TABLEAU BE MOEU&g
A SAINT-OMER ET EN ARTOIS
AC SE1ZI&ME SIECLE ,
PAR M. COURTOIS , SECRETAIRE-ARCHIVISTS .
( Lu d la tianee tolennelle du 7 Fierier 1848 )•
La ville de St-Omer possedait encore, il y a
deux siecles , sur la Place Royale qu’on appelait
le Grand Marches, une maison de fort chltive
apparence. Elle consistait en deux petites places ,
l’une au rez-de-chaussee , dite la ehambre batse ,
et 1' autre , au premier , dite la ehambre haute .
— <96 —
Cette itiaison , sans contredit , l’une des plus
anciennes de notre cite , se trouvait , au dix-sep-
ti&me siecle , dans un tel etat de delabrement et
de veluste et , pour nous servir des termes memes
d’une requete adressee alors a ce sujet au Roi
d'Espagne , en sa qualite de Comte d’ Artois , « le
» comble de celte maison et le maistre sommier
» qui en traversait le grenier , au-dessus de la
» chambre haute , £tait tellement caduques de
» vieillesse et pourriture qu’il y avait peril immi-
» nent d’y 6tre accable par leur cheute , coinme
» il aurait deja pu estre arrive , si le dit sommier
» n’avait ete appuye d’une pieche de bois. » (1).
Une pareille masure n’etait guere digne assure-
ment de figurer parmi les monuments publics
d’une ville aussi importante que 1’etait alors St-
Omer. Cependant elle portait un nom , elle avait
une destination qui contrastaient singulierement avec
son miserable aspect. C’etait la ce qu’on appelait
la Maison Royale ; c’etait lk , comme le porte
encore la requete que je viens de citer que , depuis
un temps immemorial, les officiers du bailliage,
assistes des hommes de fief ou francs hommes,
« administraient la police et justice a un chacun,
» tant pour le fait du domaine que des particu-
» liers et inhabitants de la dite ville et bailliage. »
C’etait la enfm , dans la chambre haute , que du
haut d’une espece dc tribune qui s’avan$ait en
saillie sur la facade et qui etait au bailliage ce
— 197 -
qu etait la bretecque a l’hotel-de-ville « se publiaierit
• les placards et edits des Souverains et se pro-
• nonchaient les sentences des criminels et con-
» damnes. »
Ce ne fut qu’en 1661 , a la suite de cctte re-
quete, que Philippe IV autorisa les officiers du
bailliage a vendre cette maison pour en acheter
une autre , dite l A ne Royez , sur l’emplacement
de laquelle a et6 conslruit depuis l’ancien bailliage
aujourd’hui 1c musee.
La Maison Royale avail ete rebatie trois cent
quarante ans auparavant, en 1321. C’est du moins
ce que semblent prouver les comptes et rccettes des
baillis de St-Omer a cette date. Nous y voyons en
effet portes en compte le prix des materiaux et les
journees des ouvriers magons et cbarpentiers qui
furent employes , selon l’expression du temps ,
« pour la justiche de St-Omer qui etoit vieille par
» pourriture faire et appareiller de nouvel. » (2).
Cette vieille justice , comroe l’appelaient si nai-
vement les Audomarois du quatorzieme siecle, etait
un peu moins delabree au seizieme que du temps
de Philippe IV. Elle etait toujours le siege du
bailliage. C’etait tout a la fois ce qu’on aurait
appele dans les temps plus modernes le palais
de justice et l’hotel du gouveruement.
Le lundi 15 novembre 1531, les abords de la
Maison Royale etaient obstrues par une foule assez
— 498
nombreuse qai stationnait sur le grand marche en
face de la bretecque de cette chambre haute d’ou
imanaient , h cette epoque , ainsi qu’on vient de
le dire , les oracles de la justice et de 1’adminis-
tration du pays. Cette foule se composait des ha-
bitants de la ville de toutes les classes et de toutes
les conditions, et se divisait en plusieurs groupes
que paraissaient agiter differeutes passions , diffe-
’ rents interns , mais qui tous , dans l’attente de
ce qui allait se passer , se reunissaient dans un
sentiment coinmun, celui d’une vive et impaliente
curiosite.
Cette fois ce n’etait pas , coniine cela arrivait
le plus souvent, 1’emotion d’une condamnation a
mort ou le spectacle d’une sanglantc execution qui
avait attire la multitude. On ne voyait nulle part
en effet , sur le grand marche, se dresser ce fatal
bucher ou lant de malheureux furent impitoyable-
menl livres aux flammes apres avoir ete prealable-
ment ecarteles. La potence meme de M. le bailli,
avec sa fourche a trois piliers, aussi bien que sa
soeur , la potence rivale du Magistrat , se tenaient
la a l’ecart avec leur air sombre et sinistre, sans
fixer en aucune maniere l’attention de la foule ,
preuve certaine qu’il ne s’agissait meme pas du
spectacle fort ordinaire d’une simple pendaison.
Toutefois , soil dit en passant , ce dernier genre
d’execution , tout classique qu’il etait , ne laissait
pas que d’attirer quelquefois aussi la foule des
— 199 —
eurieux , comme ceia eat lieu notamment eu 1 321 ,
lors du supplice de Pierrin Prest, dont l’histoire
ne nous a pas revele le crime. Cet individu, qui
trouvait apparemment que la justice ecclesiastique
lui serait plus indulgente que la justice seculiere,
s’etait fait passer pour clerc. Reclame en cette qua-
lity par le procureur de la couf de Therouanne,
il etait detenu dans la prison de cette ville. Mais
le bailli de St-Omer ayant decouvert qu’il n’ap-
partenait pas au clerge, mais qu’il etait simple
laic, et n’etant p5s fache sans doute de trouver
dans cette circonstance l’occasion de prouver k sa
souveraine, qui etait pour lors Madame la Com-
tesse Maliaut, son zele et son devouement a de-
fendre ses droits et les prerogatives de sa juri-
diction, voulant d’ailleurs, par un amour-propre
bien naturel, qu’il ne fut pas dit qu’un de ses jus-
ticiables avait ete pendu a une autre potence qu’i
la sienne , le bailli depecha k Therouanne un no-
taire « pour racater les Merits » e’est-i-dire les
pieces du proems , et Pierrin Prest lui-meme qui
ramene k St-Omer et condarone au gibet , expia
sa peine sur le grand marche au milieu d’une grande
affluence < de bourgeois et de commun peuple »
qu’y avait attire la singularity de cette affaire. II
en avait coute pour cette execution, a Madame la
Gomtesse , independamment des frais de voyage du
notaire , seize deniers , tant pour le prix de la
corde qui avait servi a trainer le patient que
— 200 —
* pour les gants du pendeur de larrons. » C’etait
ainsi que, dans le langage officiel de Tepoque , on
designait le droit eventuel du bourreau , dont lea
gages etaient fixes d’ailleurs a quatre livres quatre
deniers lournois par chaque a.nnee , les deux tiers
k la charge de la ville et J’autre tiers a celle du
Comte d’Artois (3).
Ce qui reunissait ainsi sur le grand marche les
manants et inhabitants de St-Omer, le lundi 15
novembre de l’an de grace mil cinq cent trente-
et-un ce n’etait pas non plus l’un de ces spec-
tacles grotesques , dont I’histoirc nous offre tant
d’exemples , de, la peine capitale infligee , aVec
tout l’appareil imposant que peut deployer une
justice sevfere , a des etres depourvus de raison ,
comme en 1 370 et en 1 585 , lorsqu’on vit , pour
me servir du langage naif de cette epoque, « un
» pourceau de Monsieur Saint Antoine » condamne,
comme homicide , par sentence du magistral de
cette ville , a 6tre etrangle court et net et pendu
4 un poteau avec une inscription portant 1’arret
de sa condamnation (4).
Mais voici ce qui avait ainsi mis en emoi toute
la population. C'est que la veille , k Tissue de la
messe , les six sergents k cheval de Monseigneur
fe bailli , le Sire de Noircarmes , avaient annonce
k son de trompe aux fideles reunis aux portcs
des six paroisses , comme quoi Ton publierait le
lendemain k l’heure ordinaire des plaids , k la
— 204 —
chambre haute de'la Maison Bo talk , au uooi.de
Sa Majeste Charles cinquieme du nom, Empereur
des Romaias , toujours auguste , etc. , Comte
d’Artois , « un placard touchant les monnaiea ,
» notaires , vivres , monopoles , banqueroutiers ,
• vagabonds , pauvres , dedicasses , noces , dons
• aux baptemes , ivrognes , tavernes , homicides ,
» vetements , gens de loi , blasphemateurs , etc. » (5)
En toute autre circonstance que cclle oil Ton se
trouvait alors , I’annonce de cet immense placard,
malgre son titre assez curieux , aurait excite moins
d’interet et produit une moins grande sensation
parmi les citoyens. Un bref expose de la situation
oil se trouvait alors l’Artois et St-Omer en parti-
cular nous fera comprendre pourquoi on y atta-
chait autant d’imporlance.
Je n’ai pas bssoin de rappeler ici cette guerre
sanglante et acharnee que venaient de soutenir
depuis dix ans Cbarles-Quint et Frangois pre-
mier , ces deux eternels rivaux qui epuiserent leurs
peoples et leur causerent mille maux , sans aucun
autre but que celui de dominer Tun sur 1’autre
et de se detruire. La vicloire, jusque-la toujours
fidele k l’Empereur, avait successivement amene les
deux traites de Madrid et de Cambrai qui valurent
k Charles , entr’autres avantages , la pleine et
entiere souverainete de l’Artois qu’il possedait deja
par droit de succession , mais a titre d’hommage.
Une fois maitre absolu de cette province , I’Eni-
26
— 802 —
pereur s’occupa k la detacher pour jamais de la
France el k pourvoir k son administration. C’etait
dans ce double but qu’il venait de d6truire entre
elie et ce royaume tout rapport de juridiction en
creant , sous le nom de Conseil d’AnTois , un
tribunal superieur dont le siege etait fixe a Arras
et auquel seul ressortissaient , par appel , toutes
les justices immediatement inferieures qui , pour
la plupart , avaient elles-memes trois degres de
juridiction (6).
Mais ce n'etait Ik qu’une mesure de politique ,
une mesure d’ordre et d’administration toute pre-
liminaire. La situation- de l’Arlois reclamait bien
d’autres reformes.
Les guerres continuelles dont cette province
avait eu en particulier a souffrir , non-seulement
depuis Charles-Quint , mais encore sous Maximilien
et sous Charles-le-Temeraire , ses predecesseurs ;
l’absence continuelle de ses comtes et leurs occu-
pations exterieures; l’absence aussi des baillis qui
£taient avant tout des hommes de guerre et tout
k la fois juges , magistrats et capitaines , n’exer-
$ant ces deux premieres attributions de leurs
charges que par leurs lieutenants qui , etant pris
pour la plupart parmi les citoyens des villes , ne
pouvaient avoir ni la main aussi ferme, ni la
m£me autorite,.... toutes ces circonstances avaient
amen£ dans la province , com me aussi dans les
moaurs et les habitudes de sa population, de graves
— 803 —
d£sordres et favorisd le d6veloppement de ceux
qui s’y etaient dejk auparavant glissls.
D’une part eo effet le commerce dtait en souf-
france depuis que les relations de 1’Artois avec la
France avaient ete interrompues. Des banqueroutes
scandaleuses etaient encore venues compliquer la
situation. « Des debteurs fugitifs emportaient frau-
» duleusement et doleusement l’argent et mar-
» chandises des bons marcbands Strangers et d’au-
» tres gens de bien qui en avaient juste igno-
» ranee. »
Aux banqueroutiers se joignaient les accapareurs,
ou comme on les appelait alors , les monopoleurs,
sorte de gens qu’on est toujours sur de rencontrer
dans les moments de crise. C’etaienl « des mar-
» cliands , des societes ou bourses , des gens de
» mestiers ou leurs* suppots qui faisaient pactions
» ou contrats illicites et avaient entre eux de
» secretes intelligences , si comme d’acheter toute
» une sorte de marchandise , la garder sous eux
» et par ce moyen en mettre ou tenir les autres
» qui en auraient eu. besoin en necessity et les
» contraindre d’acheter la dite marchandise & taux
» et prix excessifc et d£raisonnables a leur vo-
» lonte. »
Les vivres etaient devenus rares et « & grande
» cherts » graces encore & ces odieux mohopoles
« qui se faisaient et commettaient a la grande
— $04 —
> ; charge , dommage et interet de tous , et > par
> special , du pauvre commun peuple et de la
» chose publique. »
Aussi « les pauvres affluaient-ils en Artois, en
» trop plus grand nombre que d’auchiennete ils
» n’avaient accoutume. » Cela tcnait aussi , il est
vrai , a la trop grande facilite avec laquelle
• on permetlait a lous indifferemment d’y mendier
» et demander l’aumosne , d’ou il s’ensuivait plu-
9 sieurs fautes et mesus , pour autant que les men-
» diants , la pluspart yvrognes , oiseux , belislres
> et hazeteurs se donnaient a oisivete qui est com-
• mencement de tous *maux , delaissant par eux
» et leurs enfants it faire mestier ou style dont ils
> auraient pu gagner leur vie et consequemment
> s’adonnaient a etre de mechante et damnable vie,
» et leurs lilies , a pauvrete et malheur et toutes
> mechancetes et vices ; et combien qu’ils fussent
• jeunes , puissants et dispos de corps , si extor-
» quaient-ils par grande importunite , ce qui au-
> trement aurait ete distribue aux anciens , raa-
• lades , impotents et constitues en grande n6-
» cessite. »
Mais si dans les classes infimes les plaies du
corps social etaient saignantes et profondes , elles
ne l’elaient pas moins , sous d’autres rapports ,
dans les regions plus elevees. Les riches et les
nobles affichaient un luxe insolent et ruineux qu’ils
se plaisaient a etaler surtout dans leurs vdtements.
— 205 —
« De lk d’insupportables depenscs au prejudice du
» bien de la chose publique. Car les homines ,
• com me les femmes , portaient toute sorte et
» manieres de di'aps d’or et draps d’argent , de
» toilles d’or et d’argent , de brocard d’or ou
> d’argent , tant en robes , manteaux ou cappes ,
» pourpoints, sayes , codes ou cotelcttes , en man-
» ches ou manchettes et en broderies grandes ou
f petites. »
D’autre part on voyait partout « de d6sordonn£es
» beuveries et yvrogneries. » L’habilude de s'eni-
vrer avail gagne toutes les classes de la societk
et jusqu’aux gens de Loi ‘ eux-memes. La tempe-
rance etait unc vertu si rare , mcme parmi les
magistrats , que Ton se contentait de recommander
aux 6lecteurs des villes et des bourgs et aux cqm-
missaires du gouvernement « de ne pas promou-
» voir ou avancer en Loi gens qu'ils entendraient
» fetre famez ivrognes et accoutumieremeni excessifs
» buveurs. » .
Dans la plupart des villes. Messieurs les 6che-
vins ne se faisaient pas scrupule de faire bombance,
qu’on me passe l’expression , aux depens du budget.
On avait du defendre a ceux de St-Omer en par-
liculier de donner des rcpas publics , sauf le jour
des elections et pour bonorer les grands person-
nages qui daigneraient visiter leur ville.
II parait qu’a cette epoque le diner jouait un
— 206 —
trfes grand rdle dans la vie officielle de Messieurs
du Magistrate Dans un village de cet arrondisse-
ment , a Nielles-lez-Blequin , les abbes de Rheims
qui possedaient * quelques bieos sur ce territoire ,
6taient tenus de fournir trois diners par an aux
gens de loi du pays les jours oil ceux-ci y al latent
tenir leurs plaids. Un article de la coutume reglait
minutieusement le menu de ces trois diners. D'abord
on devait echauffer la salle du festin avec un feu
sans fumee. — « Item , ajoute le mayeur Antoine
» de Buymont qui redigea cette coutume en 1 458,
» ne devons boire que du vin blanc et vermeil et
» nous doit-on servir pour le premier mets de
> petits pates de boeuf aux raisins et puis potage
» tel que le cas desire et manger boeuf, mouton
» bouillis et mouton roti , faisans , perdrix , co-
• ebon roti et autres viandes selon le temps. »
Pour qu’il n’y eut aucun biais ni aucune fraude
possible , les religieux de l’abbaye de Rheims ou
leurs representants n’etaient censes s’&tre bien ac-
quittes de cette obligation que lorsqu’apres le diner
le mayeur avait bien voulu leur dire « qu’il etait
> suffisant. >
Les buveurs de profession, qui cependant avaient
encore un peu de respect pour eux-memes, allaient
s’enivrer , pour etre plus libres , « en divers ca-
» barels , tavernes et logis qui se tenaient en lieux
> detournes hors des villes , bourgs et villages et
» en dehors des grands chemins. »
— 207 —
Sous ce rapport. « les manants et inhabitants do
» la bonne ville de St-Omer » ne restaient pas
en arrifere. A cette epoque on fabriquait dans cette
ville et aux alentours < des cervoises etranges et
> doubles bieres » fort cstimees des amateurs. Les
excfes qui en resiiltaient furent plus d’une fois si-
gnales aux assises. Ces grandes assemblies judi—
ciaires qui se tenaient tous les sept ans sur les
bruyeres en un lieu nomme Edeqlines eta ient ap-
pelees Franches Verites parcc que tout le monde
etait oblige d’y comparaitre et d’y denoncer , sous
la foi du serment , les abus qui elaient a sa con-
naissance et qui auraient echappe aux magistrats.
Dans celles qui se tinrent huit ans apres , le sa-
medi premier septembre 4539, les francs hommes,
du consentement de plusieurs baillis et de plu-
sieurs sujets du ressort « pour ce que plusieurs
> des dits sujets dissippaient leurs biens et subs-
> tance , a cause de quoi . ils ne pouvaient plus
» payer leurs rentes et censives et que aussi plu-
» sieurs s’enivraient de cervoises estranges , ordon-
» nerent que dorenavant dans les limites du bail—
» liage il ne se brasserait ni vendrait , ni serait
> vendue a detail et a brocque aucune biere a
• plus baut prix que de quatre deniers le lot ,
» sur peine et amende de 60 sous parisis. »
Cette ordonnance des francs hommes du bail—
liage fut homologuee l’annee suivante par letlres-
patentes de l’Empereur « pour faire cesser , y est-il
— 208 —
» dit , plusieurs debats, procldant des yvrogneries ,
• a cause des cervoises estranges et doubles bieres
> et pour donner plus grande crainte aux Irans-
> gresseurs. »
C’est qu’en effet cette passion pour la biere
n'avait pas seulement pour rcsullat la ruine des
families, mais elle etait encore une source conti-
nuelle de rixes et de debats sanglants. II ne se
passait pas une Dedicasse ou une Kerhesse qui
ne fut signalee par quelque bataillc. De la des
biessures graves , des homicides on ne peut plus
frequents. C’est en vain que l’on recommandait
aux autorites locales « de tenir grande adverlance
» sur ces homicides et autres debts com mis es
» dedicasses , festes et kermesses des villes et
• villages ; » les moeurs etaicnt plus fortes que les
ordonnances. Le plus souvent les ofliciers de la Loi
iermaient les yeux sur ces desordres. 11s accor-
daient avec la plus grande facilite aux homicides
et aux delinquants ce qu’on appelait alors un
Gheleyde ou sauf-conduit qui lcur assurait l’im-
punite. D’aillcurs la composition etait encore ad-
misc en une infinite de cas. On pouvait , en Artois,
moyennant vingt sous, assommer un homme a
coups de baton et on en etait quitte pour la
moitie de cette somme lorsqu’on ne 1’avait frappe
qu’avec le poing. Dans le bailliage de St-Omer,
« les navrures a sang courant , les battures et
» melees » n’entrainaient qu’une amende de soixante
— 2t)9 —
sous. Lcs bourgeois dc cette ville avaient le pri-
vilege do no potivoir ctrc arretos pour coups el
blcssures que lorsque lc patient y avait succombe
dans la journec. La loi , il est vrai , punissait
s6veremcnt le meurtre ct l’liomicide , mais lorsqu’on
s'dlait arrange avee les parents dc la victime, qu’on
avait rccu d’eux le Zoeningue ou Baiser de paix,
il etait toujours facile, moyennant unc certaine
retribution , dc s’arranger Igalcment avec la justice
et d'obtcnir dcs lettres dc repit et de remission.
Lcs tavcrncs et les cabarets , qui furent I’objet
d'unc foulc de dispositions severcs , etaient cepeodant
pour lc tresor unc excel lente source de revenus. Il
etait defendu aux habitants dcs frontieres d’aller boire
chcz Icurs voisins parce que e’etait diminuer d’autant
l’impot que le fisc percevail sur lcs boissons. (6).
Dans certains endroits on affermait aux jeunes
gens un droit assez curieux, qu'on appelait le
droit de la Soulle. Ceux qui en etaient en pos-
session clisaient entr’eux 1’un de leurs compa-
gnons qui portait le titre dc Prince de la Jeu-
nesse. Ce droit consistait , lorsqu’il y avait un
manage , a exiger la Soulle dcs nouveaux marics,
e’est-a-dire , comme l’interpr^te un ancien arret ,
pn pourboire avec lequel ils pussent se souler en
leur honneur. (7.)
Dans les campagnes le relachement des moeurs ,
les abus etaient les memes ; lcs reglements d’ordre
27
— m —
et de police n’etaient pas mieux observes. « line
» foule de laboureurs , Partisans ei autres gens
» mecaniques delaissant et negligeant leurs labeurs,
» agriculture et mestiers s’adonnaienl et s’appli-
» quaient journellement k chasser et prendre sau-
» vages et volailles , lievres , perdrix , faisans et
» autres gibiers , meme avec tonnelles , filets ,
» lacs, harnois, retz et plusieurs artifices tendant
» a proye nouvellement trouvez et inventez tant
» par gens estrangers que par ceux du dit comte
» d’Artois , par oil se trouvait peu ou point de
• gibier , de sorte que les nobles et gentils homines
» auxquels proprement appartenait de se recreer
» a la chasse pour eviter oisivete et s’exercer k
» honnete passe-temps , n’y trouvaient aucun deduit
» ni plaisir , a l’occasion que dessus. »
Mais ce qui paraissait le plus insupportable a la
noblesse , c’est qu’on voyait maint et maint roturier
« se faire nommer, iotituler , qualifier ou traitier
» de parolles ou par escrit du titre de Chevaliers
» et leurs femmes de celui de Madames , • bien
qu’il n’apparut point qu’ils eussent jamais acquis
ce droit. D'autres se permettaient de prendre la
quality de Comtes ou Barons et de sc cr£er k
eux-memes des timbres et des armoiries.
La religion elle-meme devait necessairement se
ressentir aussi de ces desordres. Sans parlcr « de
» la perverse secte de Martin Luther et autres
9 acteurs reprouves au reboutement desquels Sa
— —
» Majeste l’Empereur avait deja pourvu par des
» ordonnances contenues en ses lettres de placard
* du f 4 novembre de l’an \ 529 , » le clerge s’ef-
for?ait en vain de combattre une foule « d’abus
» inveteres et notamment contre l’expres comman-
» dement de Dieu et de I’eglise touehant la vio-
» lation des festes et saints dimanches. » Ce jour-
14 bien des individus ne se faisaient pas scrupule
« durant la grande messe et sermon ou autremcnt
» du matin , et durant les vespres , de se pro-
* mener au marche ou places publiques ou pres
» des eglises, ni d’aller en tavernes s’adonner 4
> quelques jeux publics , si comme d’archers ,
» canoniers ou arquebusiers , escrimeurs , jeux de
» paulmes et autres , dialler aux danses , soil
* pour solennite de nopces ou autrement, comma
» aussi d’aller pescher en rivieres ou fosses ou
» meme de se promener dans les 6glises tant hors
» 1’ office divin que durant iceluy. » La plupart
des gens de metier ne craignaient pas de vaquer 4
leur besogne ces jours-14 comme dans les temps
ordinaires. On se plaignait aussi « du grand scandale
» et incommodit& qui advenaient au 'service divin
» par les passcments et recours de maisons et
» autres heritages et vendition de$ biens meubles
» qui en plusieurs lieux se faisaient 4s dits jours
» de festes et dimanches, encore qu’apr&s ledit
» saint service divin »
Mais ce qui etail plus scandateux encore , les
— 212 —
rues ct les places publiques retentissaient dt*s ju-
rons et des blasphemes les plus grossiers. On
vovait des iudividus s’oublier jusqu’a « renier ,
» desavouer , maugreer ou depitcr Dieu , sa mere,
» leurs noms et leurs saints. » D’un autre cote ,
« plusieurs gens de guerre et autres demeurant
» audit pays et comte d’Artois , s’avanfaient jour-
> nellement de dire et proferer plusieurs infames,
» deshonnfctes , exeerables et abominables paroles
• au grand vitupere de i’honneor de Dieu notre
» createur et scandate des . jeunes-gens et enfants,
»• lesquels ayant oui et eu connaissance des dites
» paroles en courroux ou autrement les ensui-
» vaient et en usaient parce que leurs peres ,
> meres , parents et amis , bien souvent ne les
» reprenaient et chatiaient. *
Les dimes etaient une source de contestations
entre les habitants de la campagnc et le clerge ,
a cause de la tendance conlinuelle de celui-ci a
6lendre ses droits , de ceux-la a s’en affranchir.
C’etait a peine si trois ordonnances encore toutes
recentes avaient pu mettre un lerme aux differends
qui s’etaient -eleves a cettc occasion durant les der-
nicres annees.
Telle dtait alors , sous le rapport materiel et
moral , la fachcuse situation dans laquelie se
trouvait 1.’ Artois , et cettc situation engendrait un
malaise general dont sc ressentaient toutes les
classes de la societe.
— 213 —
On savait deja depuis quelque temps quc Charles-
Quint travaillait a v porter remfede ; car < il avail
» fait proposer a ce sujet aux Etats du pays ct
» leur avait fait bailler par escrits en leur der-
» niere assembles aucuns points et articles pour
• sur iceux avoir leur avis, a quoi ils avaient
* satisfait. « En d’autres termes et pour m’ex-
p rimer oomiBe on le ferait aujourd’liui , I’Empereur
avait fait presenter a 1’Assembleo des deputes de
la province un projet de loi sur eette mitiere.
Cette chambre des representants die I’Artois se
reunissait rcguliereinent une fois cheque aonee a
i’itotel des Etats a Arras, soil pour voter et rc-
parlir l’impot, soit pour deliberer sur les propo-
sitions du Prince ou lui en soumettre d’autres an
nom deses commettants.
On connaissait done a St-Omer , quoique d’une
maniere vague , quelles etaient les principales dis-
positions de ce placard qu’on devait lire ce jour-la,
non-seulement a la brelecque de la Maison Royale,
mais encore a celles de la Maison Rouge et de
la Cite d’Arras et meme dans tous les bailliagcs
et les chatellenies de la province.
Si les reformes qu’on annon^ait etaient desirces
par quelques uns , elles etaient redoutecs par le
plus grand nombre. L’un, des cotes les plus saillants
du caractere artesien , e’etait , comme l’a judicieu-
sement observe un savant magistral qui fut long-
temps , sous Louis XIV , prepose a l’ad ministration
— 2U —
de cette province, c’etait la defiance de toot eta—
blissement nouveau , quelqu’indifierent qu’il fut.
Lee Artesiens etaient excessivement jaloux de leurs.
coutumes et de leurs privileges. Ils craignaient tout
ee qui pouvaient y porter alteinte. C’est pour cette
raison que les nouvelles. lois Leur fluent toujpurs.
suspectes,
• D iileurs on avail pour soi nne experience date
reoente et qui etait Wen de nature eveilter, sous
ee rapport , la susceptibility deja si ombrageuse de
nos bons aieox. La creation du Conseil n'Anvois
avait ete cette annee me me nne cause de troubles ;
ellc avait rendu suspectes les intentions du gou-
vernement. Cette cour d’appel oubliant des le prin-
cipe le but de son institution avait debute .par
a fleeter la pretention d’altirer a elle toutes les
affaires de la province, meme celles de premiere
instance. Elle envoyait ses buissiers inslrumenter
dans tous les bailliages et toutes les juridictions
du ressort. Ils etaient venus jusqu’a St-Omer memo
signifier leurs exploits. Aussi les ofliciers de co
bailliage , le maieur et les echevins de la ville
adrcsserent-ils a ce sujet a l’Empereur les plus
ynergiques reclamations , les premiers , dans une
requite en quinze articles , les seconds , « en une
> feuille de papier » a laquelle ils ajouterent une
copie de leurs privileges « en un cayer contenant
* vingt-sept feuillets. » Ils virent s’adjoindre a eux
les officiers de la gouvernance d’ Arras, dont la
— 215 —
juridiction itait l>ien plus menacee encore , puisque
le Conseil o’ Artois , ayant son siege dans cette
ville meme , Jenr faisait une concurrence bien plus
redoutable et ne tendait a rien moms qua faire
de leur office une veritable sinecure, Les Etats
eux-memes furent saisis de cette grave affaire. Les
deputes avaient apporle k fassemblee de notObreux
ealiiers de plaintes que leur avaient remis a ce
sujet leurs commettants avec la mission d’uset de
toute leur influence pour mettre fin & une pareille
usurpation, 11s redig^rent eux-m&ues en oominun
et fireot parvenir de leur cMe a Charles- Quint une
requete particuliere en treize articles.
L’Empereur vivement contrarie de ce conflit qui
etait de nature k faire suspecter la loyaute de ses
intentions et it discrediter > it son engine , dans
I4 esprit de la population , (’institution de ce nou-
veau tribunal qu’il avait voulu rendre sup£rieur
aux autres non seulement par la preeminence et
l’etendue de sa juridiction , mais encore par le
choix des personnes dont il 1’avait compose , se
hata d’y mettre ordre. A la fin de la session , il
enjoignit au Conseil , par une ordonnance en date
du huit juillet de cette meme annee 1531, qu’il
eut a se renfermer strictement dans les limites de
sa competence , en meme temps qu’il imposait ;
commc un devoir aux magistrats qui s’etaient
plaints a lui , le respect et la subordination envers
cette cour d’appel qu’ils devaient regarder commc
6tant leur supericur en juridiction et en dignity.
— 216 —
Celle affaire quoiqu’heureuscment appaisce n’en
avail pas moins laisse. une' faclieuse impression
dans les csprils. On sc demandait s’il n’en serail
pas dcs aulres institutions de Charlcs-Quinl , commc
il eri avail 6tc de celle-ci.
Toulcs ccs circonstances nous expliquent a raer-
veille rimporlance qu’on metlait a entendre la
lecture de cc placard annonce la veille et 1’inleret
saisissant qu’on y attachait.
Comme il etait de regie que ces sortes de pu-
blications se fissont en presence du bailli ou de
son lieutenant , on venait de voir passer , en I’ab-
sence du sire de Noircarmes , son lieutenant pre-
mier et general M. Denis de Bersaque , seigneur
de Welle et de Monnecovc , en grande tenue et
accompagne des cinq conseillers a savoir ; Messieurs
Jacques de Ucbecque , ecuyer , conseiller ordinaire
de I’Einpereur; Gardicn Gu Icman, Charles de
Poix , Jean de Rente et Jean Lcfebure , tous li-
cencies-cs-lois et pensionnes par Sa Majeste aux
appointments de dix florins chaque annee. Apres
eux etaient venus les bommes de fief ou francs
hommes .qui etaient a la cour du bailliage a peu
pres cc que sont aujourd’hui les jures a la cour
d’assises , avec cette difference qu’ils etaient juges
au civil commc au criminel et , qu’avec 1’assistance
des conseillers qui etaient de v£ritables avocats ,
ils prononcaient tout a la fois sur la question de
droit ct sur la question de fait. On remarquait
— Sl7 —
par mi les hommes de fief qui desservaient la justice
cette annee , noble homme Louis de Renty , sei-
gneur de Curlue , Messieurs Nicole de Stiembecque
et Jehan du Tertre , licenci^s-fes-lois , Jehan de
Guines et Simon de Fromentel. Qn avait observe
que l’un des principaux officiers du bailliage n’as-
sistait point a cette ceremonie. C’etait le procureur
general M* Jacques Wallart qui 6tait retenu chez
lui par une grave maladie dont il mourut quelque
temps apres. 11 fut remplace le premier f&vrier
suivant par M. Jehan de Honvault qui prit posses-
sion de de ce siege le 19 du meme mois (8).
A l’heure indiquee on vit s’ouvrir la porte k
deux battants qui donnait sur la bretecque de la
Maison.Royale ct apparaitre le greffier du bail-
liagc , Pierre de Hegue, tenant a la main un im-
mense parchemin qu’il deroula aux yeux de la mul-
titude, pendant que les six sergents sonnaient de
la trompe, pour avertir le peuple de faire silence
et d’etre attentif. Le greffier com men ?a la lecture
du placard en ayant soin d’appuyer avec une inten-
tion non equivoque sur cette pompeuse et empha-
thique nomenclature de tous les royaumes , de tous
les etats et de tous les lieux dont Sa Majesty
l’Empereur et Roi se qualifiait lc souveraia et que
sa vanite castillane se plaisait a etaler a la tete de
ses moindres ordonnances. Celle lecture dura plus
d’une lieurc et demie.
11 serait trop long de donner ici l’analyse de ce
— 218 —
placard qui est tout a la fois une loi somptuaire
el un reglement de police , avec des dispositions
penales destinees a reprimer les abus que je viens
d’enumerer.
II s’en faut de beaucoup que tout le monde en
fat satisfait. Les mendiants particulierement qui
assistaient en assez grand nombre a cette lecture,
laisserent echapper comme un cri de detressc lors-
qu’ils entendirent que la mendicite etait interdite,
• h peine par les contrevenants d’etre constitute
> prisonniers a pain et eau a la discretion des
» officiers et des juges. » Pourtant cette rigucur
ttait temperee aulanf qu’elle pouvait l’etre par
une foule de dispositions sur les mesures a
prendre par les communautes dcs villes et des
villages pour nourrir leurs pauvres et sc creer
des ressources avec lesquelles elles pussent four-
nir des secours aux malades, aux infirmes et
a toutes les classes necessileuses. En meme temps
que 1’Empereur recommandait de ne fournir que
des secours en nature aux pauvres qui seraient re-
connus pour etre « oiseux , yvrognes , belistres ct
» hazeteurs, * afin qu’ils ne pussent pas depenser
dans les tavernes les aumones destinees a sustenter
leurs families ; en meme temps qu’il punissait de
la meme peine que les mendiants eux-memes ceux
d’entre les pauvres qui , recevant des secours soit
pour eux-memes ou pour leurs families, frequen-
teraient les cabarets et depenseraient le produit de
— 219 —
leu r travail a jouer aux quilles , a la boule , aux
dez et autres jeux et brelans , il poussait Indul-
gence jusqu’a leur permcttre « qu’aucune fois pour
» recreation ils pussent boire un pot de cervoisc
» avec leurs femmes, sans toutefois eux enivrer. »
Lorsque Pierre de Hegue eut termine sa lecture,
cc placard de l’Empereur fut, de la part de ceux
qui avaient assiste a sa publication , l’objet d’une
foule de commentaires et de critiques. Les plus
sages' ne disaient rien , mais ils pensaient avcc
raison que toutes ces dispositions , quelque bicn
conques qu’cllcs fussent, seraient toujours insuffi-
sautes aussi longtemps qu’on aurait a deplorer ccs
guerres sanglantes et continuelles qui appauvris-
saient les peuples et corrompaient leurs moeurs
en les livrant a l’anarchie , en detruisanl chez eux
I’esprit d’ordre et de discipline et en rendant par
cela mernc toute espece de repression , sinon im-
possible , du moins impuissante et difficile.
L’avenir prouva qu’ils deviuaient juste. Les nou-
velles ordonnances qui ont ete publiees depuis sue
le meme sujet, par Charles-Quint lui-meme *et ses
successeurs, sont pour nous une preuve manifeste
que ces memes ordonnances n’ont jamais ete bien
observees.
Maintenant qu’on me permette, en terminant, de
faire une remarque que me suggere un arrete tout
recent qui interesse notre pays et qui a beaucoup
— 220 —
do rapport , du moms sous un point de vac , avee
le sujet que je viens de trailer.
Par unc coincidence assez curieuse , nous venon»
de voir , aprfes trois cent seize ans , te meme mois,
le meme jour , c’est-a-dire le quinze novembre
1847 qui comme le quinze novembre 1331 est
tombe par un lundi, publier et meltre en vigueur,
dans notre departement qui correspond a l’ancien
Artois , des dispositions analogues a celles que je
viens de rappeler sur la mendicity.
Puissent ces dispositions, que du reste nous trou-
vons deja elablies en Prance du temps meme de
Charlemagne et inscrites dans les capitulaires comme
elles le sont sujourd’hui dans notre code ; puissent,
disons-nous , ces dispositions que depuis on a tant
de fois, mais toujours en vain renouvelees sous des
formes et avec des clauses penales si diverses, etre
enfin plus heureuses et surtout plus efficaees au
dix-neuviemc siecle qu’elles ne Pont ele au seizieme
et a toutes les epoques qui l’ont precede ou suivi.
NOTES ET PREGVES
LETTRES-PATENTES
De 1 acquisition de la Maison dn Roy dam laqueUe
les offieiers da bailliage administrent la justice
civile , criminelle et la police aux habitants de
la ville el bailliage de St-Omer .
du 20 hay 1661.
PHILIPPE , par la grAce de Diets , Roy de CastiUe ,
d’Arragon , des Deux-Siciles , etc. , comte de Flandrc el
d’Artois : A tons ceux qui ees presences lettres verront 7
SALUT.
Receu avons Phumble supplication et requeste de nos
chiers et bien-amez les lieutenant-general , offieiers , con-
seilfers et hommes de fief, de nostre bailliage de Saint
Omer , contenant que de temps immemorial leur est assigne
sur le grand marchicz de la elite ville , une maison dicte
vulgairernent la Maison Royale , en laquelle ils admi-
nistrent la police et justice a un chacun , tant pour fe
fait de nostre doinaine , que des particulars et inhabitants
de notre dicte ville et bailliage , sans que toutefois il y
ait en la dite maison place decente et convenable a cet
effet , a cause que parnii la dite petitesse , il n’y *
qti’une petite chambre bassc et une autre haute > ea
— 222 —
loquclle ie publient nos placards et edilz et se pronon—
client l<*s sentences des criminels et condamnls : qui pis
est , le comble de la diete maison el ie maistre sommier
qui traverse le grenter au-dessus de la date chambre haute*
sont tdlement caducques de vieillesse et pourriture , qu’ii
y a peril emineot d’y 4tre accables par leur eheuie *
comma polroit estre ja arrive si le dil sommier n’estoit
appuyl d’une pifeche de bois $ tellement que pour pr6venir
les malheurs et inconvenients qui les menacent les remon-
Irani nous ont Ires humbleracnl supplie qu’ii nous plus*
les autoriser de pouvoir acqulrir a litre d’achapt unc
autre maison plus convenablc , comme eelle qui se pre-
sente , noramee YAnne Royez , situee sur le morchie de
nostre dite viile , dont le prix ne pourra monter qu’a
4000 florins on environ , et sur ce leur la ire depescher
nos leltres- paten les d’oetroy cn ce cas pertinentes : Spa-
coir faitons , que Nous , les cboses susdiles considerees,
eu sur ce 1’advis de nos trfes-chers et feaulx les chiefs ,
Iresorier g£n£ral , commis de nos domsines ct finances ,
qui au prealoble ont , sur ce , eu cduy de nos tres-chiers
et feaulx les president et gens de nostre conseil provin-
cial d’Artois inclinant favorablement k la supplication et
reque&te desditz lieutenant glnlral , olficiers , comeillers
et hommes de fief de nostre dit bailliage de St-Omer ,
leur avons par la declaration de nostre trfcs-cher et trfcs- 1
aim© cousin Don Louis de Benavides Carillo et Toledo ,
marquis de Fromesta et de de Caracena , eorate de Pinto,
de nostre conseil d’Etat lieutenant-general gouverneur et
capitaine-general de nos Pays-Bas et de Bourgogne , oc-
troye , permis et consenti , octroyons , permettons et con-
sentons , par ceste , la vente de la dite maison , pour
employer les deniers k en provenir * a (’acquisition ct
achapt de eelle du dit Anne Royez la subrogeant en la
place de la dite premiere , et que pour parfurnir le prix
du dit achapt ils puissent et pourront lever argent a cours
— 223 —
tie rente et pratique? une faille sur tout le dU bailllage,
pour rembourser tant le capital qu’inter&z cn dedans detix
ans prochains , le tout a rintcrvention de Tun de nos
officiers fiseaux de nostre conseil d’Artois , et a charge
de rendre compte de I’employ des dits deniers , pardevant
commis d’iceluy , a Tintervention de nostre dit fiscal :
si donnons en mandement , etc. DonnA en nostre ville de
Bruxelle le 20 may fan de gr&ce 1661 et de nos regncs
le 41 paraphA C. H. 0. V. (a).
(2) Comptes de recettes et despenses des baillis de St-
Omer depuis 1306 jusqu’en 1362. (manuscrit original 9
bibliothfeque de M. L. de Givenchy ).
1321. «* Pour le justiche de Sainct Omer qui estoit
» vieille par pourriturc faire et appareiller de nouvel ,
n pour marien ( matAriaux ) pour carpentiers et pour ma-
» chons et pour rames au foods des pleurs del vile de
» St-Omer. » Pleurs veut dire bruyirm ; peut-Atrc s’agil-
il ici de la potence qui s’Alevait au-dessus dEDEQuiNKS.
La ville de Terouane avait aussi sa Matson Roy ale.
On I’appelait la Canisie , par corruption du mot flamand
Komivckx-huys , Matson Royale . Elle fut detruitc et
brulee par 1’armAe ilamande qui assiegeait St-Omer en
1346. (V. le manuscrit n* 707 de la bibliothfeque de
St-Omer ).
*
(3) Comptes de recettes ibid.
« Pour les escrits racater a Terwane du presentement
» le procureur de Je court de Terwane et Pierin Prcst
» qui adonc repris este en la prison mcsme de Terwane
» qui se disoit estre clerc d’une part et le baillie d’autre
» part , et pour le notaire qui vint rendre la sentence
(a! Ces Icttfca-patenles ont etc imprimdes daas le recucit dc»
Ordonnanees ttoyaux , relatives au bailliage de St-Omer.
• da present et de lui Ic dit Pierin cofnmc lut h Sl-
it Omer poor che qae les gens Madame n’ont inie place
» a Terwane et demonra par 11 joars.
* Pour cordes pour trener le dit Pierin Prest et pour
» wans pour le pcndcur de larrons XVI d. »
» Pour les gages du pendeur de larrons a le part
n Madame pour le tierche 26 sous 8 deniers. »
(4) Memoires des Antiquaires de la Morinie , t. 2 , se-
conde partie , p. 11. — Hendricq , t. III.
(6) Ce placard et ccux ou j’ai puise les details qu’on
trouve ici sont imprimes dans plusieurs recueils et no-
tamment a la suite d'une edition des coutumes d’Artois
de 1679. Ce qui n’a pas ete extrail de ces placards l’a
ete des Ordonnances Royaux , des recettes et depenses , du
coulumier , des recueils d'arrcls et autres documents.
(6) Cette lot fiscale subsists jusqu’en 1704. A cette epoque
le parlement de Flondre ( la cour de Douai } , dfoida sur
•ppel « qn’on ne pcut Oter au peuple d’une m£me domi-
» nation , quoique de provinces ou villes differentes , la
• liberte d’aller respectivement boire dons les cabarets de
» la province limitrophe. « II s’ogissait dans Fesp&ce de
plusieurs bateliers de la Chatellenie de Lille qui avaient
ete condamnes « pour avoir ete boire de la bierc dans un
*» cabaret pres du Pont-a-Vendin , territoire d’Artois. * —
Arrtis de Jaunaux.
(7) «Le nomme Arnout ayant epouse Ic 13 octobre 1696
• unc fille du village d'Hargnies , les jeunes homines
» g’assembl&rent le lenderaain au nombre de 8 a 10 ,
» ayant a leur t£tc le nomme Pierre Licgeois, capitaine
» de la jeunesse dudit lieu , et s’allerent poster dans le
• grand chemin, par ou le nouveau marie devait s’en rc-
• tourncr cbez lui avec son epouse , ou I’ayant rencon-
— m —
* tr & snr Ics dix heures de nuit , t)s rarrelfcrent et lui
* demanderenl une smile , c’est-a-dire de quoy boire et
» apparerament de quoy se souller : mais n’ayent eu que
n deux ecus a leur offrir , ils luy prircnt son justeau-
» corps qu'ils ralrent en gage an cabaret. » Actionnes en
justice a raison de ce fait , ces jeunes gens « prdendoient
» Sire en possession d’exiger semMable present des nou-
n veaux mariez ; qu’ils jouissaient mecne dud it droit a
•» litre onereux , puisque pour iceluy its payaient deux
* Hvres Tan en reconnaissance k la paroisse dudit lieu ,
» etc. (Ibid., t. iii.)
(8) V. dans le manuscrit dc Dencuville les noms des
conseillers et dans le proces- verbal de reception de Jehan
de Honvault ceux du lieutenant-general et des homines de
fiefs, (i Ordonnances royaux.)
L’office de conseiller au baiiliage de St-Omer etait une
creation de Charles-le-Temeraire. II n’y en eut d’abord
qu’un seul. Mais le nombre en fut successivenaent augmente
jusqu’a cinq. Cette institution du comle d}Artois avail un
double but : diriger les homines de fiefc dans les questions
de droit et rattacher plus intimeinent la justice au pouroir.
Au XVIIe siecle Pexercice de la justice par les hommcs
de fiefs et les echevins etait , depuis longtemps , aboli
en France. Ces tribunaux qui ne s’etaient maintenus qu’en
Artois ct en Flandre ,• avoient fait place partout ailleurs aux
presidiaux ou siegeaient sept conseillers. Aussi Pintendant
Bignon , dans son Memoire sur l\ Artois en 1898, pre-
scnte-t-il cette organisation judiciaire de Tancienne France ,
comme une veritable anomalie et une source d’abus qu’il
signale a 1’attention du gouvernement de Louis XIV. Void
comment il s’en exprime :
a Les charges de grands baillifs etaient auparavant at*
» tachecs aux gouvernances des villes, Ils etoient en cettc
29
— 226 —
» qunlitl chefs de la justice dcs hailliages , nommofent
• des lieutenants pour la foire cxercer et pour conjurer,
• sufvant le terme du pays , les hommes de fiefs de la
» rendre. Cet usage particular de la province d’Artois
» doit estre remarque en cet endroit.
» Tootes les justices d’Artois sont entre les mains dcs
n echevins des villes ou des hommes de fiefs. On ap-
n pelle homme de fief tout vassal qui tient en fief quel-
n qoe terre d’un seigneur dominant qui , de son eoste ,
n tenant son fief mediatement ou iminediatement du roy
9 a cause du comte d’Artois , est aussi homme de fief &
9 Tegard du roi dont il relcve.
* Ces proprietaires de fiefs sont obliges par la loy el
• par I’investiturc de leurs fiefs de servir par cux-m£mes
9 ou de faire desservir par des personnes commises la
9 justice du seigneur superieur. Les premiers abandon**
» nements des ter res par les eomtes d’Arlois pour estre
9 tenus en fiefs , ont ete fuites a cettc condition aux pre*
» miers seigneurs, feodaux qui ayant donne des parties
de leurs fiefs et arriire- fiefs ont impose la m(me loy
9 a leurs vassaux. Ainsl les justices des seigneurs , celles
» mcme des bailliages et gouvernances , quoique royailea,
» sont administrees par les proprietaires des fiefs qui en
~ relevent. lls en font tous les frais j mais ils usent de
» la liberie qu’ils ont de comroettre des desscrvant-ficls
»• qui preterit serment et font enregistrer leur pouvoirau
• grefle de la justice a laquelle ils ont ete commis. Le
» premier officier du seigneur dans les justices feodales,
9 le grand bailly ou le lieutenant dans les justices royal*
• les , les convoqucnl pour instruire et juger les affaires
9 qui se presentent. CYst ce qu on appellc conjurer les
9 hommes de fiefs. II arrive rarement , surtout dans les
9 justices seigncurialcs , qu’ils soient graduez. Ce sont des
— 227 —
» pnlsants qui a peine savent lire et ecrirc. Poor sup*
» pleer a leur ignorance , ils prennent , a la verity ,
» conseil el avis des graduez , lesquels disposent par eon*
*» sequent des inlirits des parlies. Ces graduez dressent
» un avis en forme de jogement , le signent. Lcs horo-
*• mes de fief declarcnt par un acte qu’ils jugent suivant
» l’avis. Le greffier expedie la sentence. — II est evident
» de combien d’abus cet usage est susceptible etcombien
m il est irregulier , principalement dans les sieges royaux
» o» sa majeste a des officiers qui doivent * avoir des
n fonctions regimes de judicature , etc. »
Le Pouvoir royal semble avoir pris acte de cette ob-
servation. Sans toucher a la forme , car Louis XIV avait
formellement promts de maintenir et de respecter les cou-
tumes et les privileges du pays , voici comment on s’y
prit pour detruire cette antique institution du tribunal
des homines de fiefs , ou francs hommes qui remontait
au temps de la premiere race et m£me aux anciens Ger-
mains. A St-Omer et dans les autres grands bailliages ,
on ne conjura plus d’autres hommes de fief que les gra-
duez. Ceux-ci qui etaient en fort petit nombre siegerent
d’une maniere perraanente et bient6t leurs fonctions se
confondirent avec I’office de conseillers. Dans les sieges
inferieurs comme a Tournehem , Audruieq et Fauquem-
bergues , les lieutenants-generaux ne remplirent plus , du
vnoins pour les affaires criminelles , que les fonctions de
juges instructeurs. Us ne conjuraient les hommes de fief
que pour les affaires peu importantes. Quant a cedes qui
prisentaient quelque gravite , ils les renvoyaient imrne-
diatement a la cour du bailliage de St-Omer. On re-
duisit a peu pres au m&me rdle la justice echevinale
elle-m£me , dont les Audomarois avaient toujours ele si
fiers. Au moyen d’un appel d minimd que ne manquaif
jamais d’interjeter le ministere public sur les jugcmenli
— 228 -
prlparatoires relatifs a (’instruction , les prevenus etaient
distraits de ieurs juges naturels el traduits devant le
consei! d’Artoift qui ne manquait jamais de son cdte d’6-
voquer la cause au fond. C’est ce qui esl arrive a Mont-
bailly.
On voit combien Ton s’&ait eloigne de (’article vn de
la coutume de 1 509 qui contenait cette disposition :
« Et en matures criminelles ne ont accoustum£ ( lea
• echevina de St-Omer ) d’estre appellables de Ieurs jnge-
• ments et sentences par eulx rendus non plus que sont les
» villes capitalles du Pays et conte de Flandres , duquel
• Pays la dicte ville a ete autrefois esclicee , et en signe
» qu’ils ne sont appellables es dictes matieres criminelles,
• non plus que les diets de Flandres, ils ont accoustume faire
• randigier Ieurs dictes sentences criminelles en langaige
• flameng. »
C’est ainsi qae la politique des rois de France a peu
a peu escamote aux villes de 1’Artois les privileges que
la politique des rois d’Espagne leur avait conserves.
HOIKS BISTOtlQUB
SCR
QLELQUE8 HEDAILLES
NOTBE-DAHE DE BOULOGNE.
NOTICE HISTORIQUE
SUB
OB
KOT&E-DAHE EE BOULOGNE ,
m
M. Jules ROUYER, membre correspond ant.
Nous ne retracerons ici de l’histoire de l’ancienne
statue de Notre-Dame de Boulogne , que ce qu’il
importe plus particulfercment de rappeler & nos
lecteurs pour (’explication et Interpretation des
m6dailles que nous nous proposons de publier dans
cette notice (1).
(1) Voir poor plus de details les ouvrager soivants :
Histotre de Vaneiewne Image de N.-Dame de Boulongne , par
le pAre Alphonce. Paris 1634.
HUtoire de Nostre-Dame de Boulogne, par Antoine Leroy. Paris 1681
Bistolre de N.-D. de Boulogne t par le mdme ( neuvicme edition),
oontinnde par M( Hddooin. Boulogne-sur-Mer 1839.
— 232 -
Une tradition qui se trouve consignee dans les
ecrits de quelques anciens chroniqueurs de la loca-
lity , fait aborder dans le port de Boulogne , en
633 , suivant les uns , et suivant d’autres en 636,
un vaisseau sans rames et sans matelots , conduit
uniquement par la main de Dieu ou par le mi-
mstere des anges , et dans lequel etait une statue
de la Sainte Vierge , tenant l’enfant Jesus sue son
bras gauche (1). « Le pilote qui gouvernoit ce
» navire , ecrit 1’un des historiens de la statue ,
> estoit le S. -Esprit , et les anges les matelots *
• qui , sans rames et sans voiles advancerent droit
* au port (2). »
La statue fut pieusement recneiiKe par les ha-
bitants de Boulogne, et portee dans la ville haute,
oil ils la deposerent dans une chapelle , alors de
peu d’importance et mal entretenuc, mass qui ne
tarda pas a etre reconstruite et converlie en une
eglise assez vaste , qui , placee sous 1’invocation
de la Sainte Vierge , devait devenir par la suite
un lieu de devotion celebre dans la chr£tient6.
Lorsque vers 4109, par la liberality du cpmte
Eustache HI , l’eglise de N.-D. de Boulogne fut
erigee en eglise abbatiale , la statue , que l’on y
conservait , etait deja depuis longtemps l’objet d’un
(I) Leroy.
l2) Le peri' Alphonce , p. 25.
— 233 —
pelerinage tresfr£quent6. Au XIII* si^cle , ce pele-
rinage 6tait assez connu pour que le Parlement
de Paris en ait impost I’obligation a plusieurs cri-
minels, eu expiation de leurs fautes (1); et 1’on
vit dans le siecle suivant le Pape Cl&nent Y com-
prendre l’eglise de N.-D. de Boulogne au nombre
des lieux de devotion que Nogaret dut visiter dans le
tut d’obtenir le pardon des exces auxquels il s’etait
porte sur la personne de Boniface VIII. Les autres
pelerinages qu’il fut present a Nogaret d’accomplir,
dans la meme circonstance, furent ceux de N.-D.
du Yauvert , de Rocamadour , du Puy , de Char-
tres , de St-Gilles et de St-Jacques de Compos-
telle (2).
Les Rois de France Philippe-Auguste , Phi-
lippe-le-Bel , Jean-le-Bon , Charles V , Charles VII,
Louis XI , le Roi d’Angleterre Henri III , le
Prince Noir , Fernand de Portugal et Guy de
Dampierre , Comtes de Flandre, les Dues de Bour-
gogne Philippe-le-Bon et Charles-le-Temeraire, plu-
sieurs Comtes de Boulogne et de St-Pol, et un
grand nombre des plus hauts Barons de France ,
d’Angleterre et des Pays-Bas, se sont tour-a-tour
signales par leur devotion envers N.-D. de Bou-
logne et par les riches offrandes qu’ils firent pour
la plupart a son image ven6ree.
(1) Le pere Alphoncc , p. 50.
(2) Leroy , ed. de 1681 , p. 11.
30
— 234 —
En 1 478 , 1c Roi Louis XI , qui , dans la guerre'
qu’il avait entreprise confre l’heritiere de Charles-
le-Temeraire , s’etait empare d’une grande partie
de la province d’Artois , qu’il avait pretendu
confisquer, et s’etait en outre rendu maitre da
comt£ de Boulogne , qui relevait de celui d’Artois,
imagina, pour eteindre celte suzerainete, con-
traire a ses vues , de la conferer de son autorite
& la Sainte Yierge , a pres avoir acquis de Bertrand
de la Tour les droits qu’avait ce dernier sur le
comte de Boulogne , comme heritier de la maison
d’ Auvergne , sur laquelle les dues de Bourgogne
avaient usurpe ce roeme comte. Louis XI , dit Leroy
a cette occasion , etait devenu seigneur direct da
Boulenois ; « mais par le mouvement d’une piete
• egalement spirituelle et genereuse, il se devetit
» de cette qualite , pour ne plus en prendre d’autre
» a 1’avenir que celle de vassal et de feudataire
» de N.-D. de Boulogne. 11 entra done en cette
» qualite dans son eglise ; il se presents devant
• 1’image miraculeuse , a genoux , nu-tete , n’ayant
» ni baudrier , ni eperons , et , dans cette humble
» posture , il fit 1’hommage du comte de Bou-
» Iogne a la Yierge titulaire de ce pays , entre les
» mains de l’abbe et des religieux , et en presence
» de toute sa Cour. Et pour droit de relief il
» presents un coeur d’or , du poids de treize marcs,
» depuis apprccie a deux mille ecus , voulant
» que tous ses successeurs , Rois de France et
9
— 235 —
Comtes de Boulogne fissent le meme hommage k
* la Sainte Yierge et payassent a cbaque cbangeuient
» d’homme un coeur d’or, de m6me poids et valeur,
» pour etre employe au bien et eutreteuement de
» son eglise. »
En 4544, les Anglais, sous la domination
desquels Boulogne etait tombee , pillbrent le tresor
de l’eglise de N.-D. , profancrent lVglise , qu'ils
transformerent en arsenal , et transporterent la
statue dans leur ile , ou elle demeura jusqu’en
4550. Elle fut alors rendue a Boulogne , sur la
demande qu’en fit Henri II , sous le regne duquel
la France venait de rentrer en possession de cette
ville. Le Roi s’acquitta dans la meme an nee de
Thommage du coeur d’or ; Catherine de Medicis ,
Diane de Poitiers , le Connetable Anne de Mont-
morency , Francois de Lorraine , Due de Guise ,
et plusieurs autres seigneurs de la Cour s’empres-
serent , a 1’exemple du Roi , de temoigner de leur
devotion envers N.-D. de Boulogne , par de riches
presents , qui eonsisterent pour la plupart en de
grandes lampes d’argent.
Dix-sept ans plus tard , des bandes de soldats
huguenots , en garnison a Boulogne , incendiaient
l’eglise , erigee depuis peu en catbedrale , et trans-
portaient clandestinement la statue a une demi-lieue
de la ville , au chateau de Hon vault , que possedait
un seigneur de leur secte ; elle y resta pendant
quarante ans cachee et ignoree. En 4607 , elle fut
— 236 —
reportee dans la ville , et elle fat replacec cn
4630 dans la cathedrale , ou ello redevint bienlot
l'objet des voeux et des homraages des fideles; ce
qui dura jusqu'au moment ou l’eglise de N.-D. fut
fermee au culte , en \ 794 , pour etre , quelque
temps apres , vendue comme propriety nationale ,
et ensuite demolie. L’antique image de N.-D. de
Boulogne ne put non plus echapper a la destruc-
tion. Elle fut brulee sur la place de la Haute-Ville
le 8 nivose an II , par les iconoclastes de cette
deplorable epoque , au grand regret de la majeure
partie des habitans , et particulierement des marins,
« habitues de temps immemorial a invoquer son.
secours au milieu des ecueils de l’Ocean (4). »
Dfes les premieres annees de notre siecle, et
peu apres la reouverture des eglises , quelques
personnes pieuses , secondees par le clerge de la
ville , s’empresserent de retablir le culte de N.-D.
de Boulogne. Une cbapelle lui fut consacree dans
l’eglise paroissiale de St-Joseph , et Ton plaga dans
cette chapelle une statue de la Sainte Vierge ,
imitee de celle qui avait disparu dans la tourmente
revolutionnaire. Ajoutons qu'une nouvelle eglise de
N.-D. s’eleve en ce moment sur l’emplacement de
la cathedrale , par le zfele et les soins de M. 1’abbe
Halfreingue.
<1) M. Itfdouin , d* edition de Thbloire de Leroy,
— 237 —
Leroy a consacre aux anciennes medailles <de
N.-D. de Boulogne quelques lignes que nous croyons
devoir reproduire ici :
« Ce qui montre , dit cet auteur , combien l’eglise
de Boulogne a ete frequentee autrefois , ce sont
toutes ces anciennes images de N.-D. , represented
dans un bateau , que les pelerins remportoient avec
eux , tant pour se conserver dans leur devotion
envers la Sainte Yierge que pour l'inspirer aux
autres. On en fabriquoitde toutes sortes de metaux,
mais parliculierement d'or et d’argent, et il s’en
debitoit une telle quantite dans la ville que la
plupart des ortevres et autres ouvriers n’etoient
occupes qu’a ce travail. Plusieurs de ces medailles
se sont sauvees du naufrage des temps , et il s’en
voit encore aujourd’hui en beaucoup de lieux di
Flandre el d’Artois , surtout en la ville de St-Qmer,
laquelle etant plus voisine de Boulogne avoit aussi
avec elle un commerce plus particulier de reli-.
gion (1). »
< Par un effet de la tendre affection qae
les habitants de Boulogne avoient pour leur chore
patronne , dit autre part le m6me auteur (2), ils
regardoient ses images et ses medailles comme les
plus riches joyaux qu'ils pussent offrir , meme aux
Reines et aux princesses. La ville en fit faire une
(1) Edition de 1681 , p. 37.
(2) 9° Edition , p, 101.
— 238 —
Tan 1367, pour la prochaine arrivee de la Reine
Catherine de Medicis ; et l’an 1 531 , on en avoit
presente une autre riehement fa$onnee a Marie de
Lorraine , femme de Jacques Stuart V du nom ,
Roi d’Ecosse, et mere de La fameuse Marie Stuart. »
La confrerie de N.-D. Panetiere , etafclie dans,
l’eglise de St-Pierre d’Aire , possedait en 1 460 „
eomme on le v«t par un eompte de la confrerie
rendu en eette annee (1 ) , • une cotie pour pairer
Nre-Damc , de drop de damas cler sanguine figvrie
de feuilles d'or , et une parette colie pour ton fils „
swr laquelle a atachie iij ymaiges de N^-Dame de
Bouliongne d" argent doire , dont Vune est atachie
i une cainette d' argent, et les deux mitres sont
dories , dont I'une est grande comme ung noble (2)»
toulte ronde , el I’aultre est de le fairon que cello
gut pent atout led . cainette ; item , une piece de
irap on il y a iij grans ymaiges tons de PP'-Damc
.de Bouliongne, ung ymaige de Saint Lanberi et ij
rozes d' argent. *
41) Archives du chapitre d*Aire.
42) Le noble etait une monnaie anglaise, (Ton diameire de 33 I
35 mi I lime Ires environ , fra p pee sous Edouard Ilf ct ses successcurs,,
et sur laquelle se trouvait la figure du Roi, a mi corps , dans uit
vaisseau floltant , re presen lation qui n'euiU pas sans analogic atec
le type ordinaire des medailles de fi.- 1). de Boulogne.
Qutlques nobles out ele frappes cn Flandre par les dues de Bour-
gogne Philippe ie-llardi et Philippe -le-Boo , a rimitation de ecu*
d’Angleterre ; ils elaient dailleurs de la mdtne grandeur que ct»
derniers , et les uns et les aulres avaieuL gouts daos rArloia.
— 239 —
Nous troovons clans un invcntaire dresse en 4536,
des reliqucs et joyaux conserves dans la tresorerie.
de la meme eglise de St-Pierre d’Aire (4) , la
mention d’une autre « petite ymaige <T argent dorde
d une Nre-Dame de BouUongne. *
11 est presque superflu de faire remarquer que
ces diverses ymaiges d’argent on de vermeil k
1’effigie de N.-D. de Boulogne, dont il est ques-
tion dans les deux litres que nous venons de citer,
n’etaient autre chose que des enseignes de pfele-
rinages (2) , enseignes designees plus tard sous le
nom de medailles , que leur donne Leroy , et qu’il
nous parait sans inconvenient de leur conserver ;i.
Ainsi que M. Hedouin a deja eu occasion de le
constater , les anciennes medailles de N.-D. de
Boulogne sont devenues d’une assez grande rarete.
Malgre de nombreuses recherches , cet auteur n’etait
parvenu k en decouvrir qu’une , lorsqu’il publia
en 4 839 , la neuvieme edition de l’ouvrage de Leroy.
Nous nous estimons heureux d’avoir a produire' a
I’appui de notre notice le dessin dc plusieurs de ces
jnedailles restees inedites jusqu’a ce jour.
La figure n° 4er de notre pi anche represente une
enseigne en Stain , que nous possSdons , et qui a
(t) Archives du chapitre.
(2) Voir sur les enseignes dc pelerinage. Revue Numismaiique ,
annee 1849 , p. 373.
«
— 210 —
6t6retrouv6e a Paris dans les travaux dc dra-
gaage qae 1’on y execute dans la Seine depute
pluaieurs annees. Cette enseigne , qui ne peut ,
par. ses caracteres , appartenir qu’au XV* siecle ,
est faite en forme de sachet:; elle etait garnie
par le haut de deux anses de suspension , dont
Tune a disparu. Elle est creuse, et les bords
superieurs bien que rapproches , n’en 'sont pas
soudes , ce qui ne laisse guere douter de 1’inten-
tion que 1’on a eue , en la confectionnant , de ma-
nager ainsi au futur acquereur les moyens d'in-
gerer dans le corps de l’enseigne , soit un sou-
venir de pelerinage , com me quelques gouttes de
la cire d’un cierge consume devant la sainte image,
soit tout autre objet qui dut augmenter k ses yeux
le prix de l’enseigne , ou dont l’enseigne devait
augmenter le prix. On voit d'un c6te de cette piece
la Sainte Vierge dans un vaisseau flottant , portant
sur Ie bras droit le plan en relief d'une £glise.
Ce type est entoure d’une legende en caracteres
golhiques ainsi concue : ste-marie : de : bov-
loingne. De l’autre cote se trouve la meme le-
gende , avec une legere variante : ste : marie •
de : bovllongne , autour de l’effigie de la Sainte
Vierge portant l’enfant Jesus sur le bras gauche,
et recevant les voeux d’un personnage qui prie &
ses pieds (1).
(1) Un autre sachet . offrant la plus grande analogie avec eelui
que nova venous de docrire , tant pour les types que pour les
— 241 —
Si I’on veut se souvenir qu’il 6tait de coutume
au moyen-age , de representer le fondateur d’une
hglise portant le modele en relief du monument
du 4 sa piet6 , on trouvera aisement 1’explication
du type de notre enseigne que nous avons decrit
en premier lieu, dans cette circonstance que la
Sainte Vierge 4tait consideree comme (a fondatrice
de l’6glise de Boulogne ; ce qui resuite d’une tra-
dition , suivant laquelle le jour m6me oil la statue
miraculeu8e arriva dans le port, la Sainte Yierge
serait apparue aux habitants de .Boulogne dans la
chapelle oh fut transporter la statue , et leur aurait
indique « un endroit ou ils n’avoient qu’4 fouir
■ » pour y trouver de quoi fournir 4 la construction
• d’un Edifice plus propre et plus digne que ne
• l’&oit cette pauvre chapelle de renfermer un
Idgendes , mais nous paraissant an peu moins ancien , a etd publid
par M. C. Roach Smith t dans le second volume dcs Collectanea
entiqu* ( Londres , 1850-1851 ).
Notre notice dtait terminde et avait mime ddjA did commoniqude
a la Societd des Anliquairea de la Morinie y quand notre ami el
notre collogue f M. Octave Hermand , a bien vpulu nous faire con*
nattre qu’il existe dans la collection de M. Albert Logrand , A
St-Omer , plosieurs sachets de plomb au type de N. «0, de Boulogne,
mais sans ldgende f retrouvds A Tdrouane. M. Alexandre Heimand
* eu de son cAld I'obligeance de nous offrir un sachet du genre
de eeux que posslde M. Logrand , et retrouvd A Tdrouane comme
ces dcrniers ; il represent© , au revers de la figure d'un crmite
debout , la Sainte Vierge en bateau , supportant sur le bras droit
le plan d’une egiise. Cette piece parait appartenir, par son style ,
au XV' siecle.
31
— 242 —
» depot si auguste , et un gage si prlcieux de son
* amour pour eux (1). •
La figure n® 2 est la reproduction en sens inverse
d’une empreinte sym£trique, sur papier, price vers le
milieu du XY1® siecle , sur une medaille en or de
N.-D. de Boulogne dc l’exlr&me fin du XY* siecle
ou des premieres ann£es du XVI*. Nous tirons
cette empreinte d’un recueil manuscrit qui contient
la representation de plus de deux eents monmiet
d’or et d’argent de tous pays, recueil dont nous
devons la possession It l’obligeance de M. Michaux,
chef de bureau It la sous-prefecture d’Avesnes.,
qui en avait fait l'acquisition dans la locality. Ce
manuscrit , qui ne porte pas de titre , remonte evi-
demment , par ses caracteres , ainsi que par di-
verses indications que l’on y retrouve. It l’epoque
de Charles-Quint , et tout porte It croire qu’il
est I’ceuvre d’un changeur de la Flandre ou da
Hainaut. Cc n’est que par suite d’une erreur assez
singuliere, que nous sommes loin de nous sentir
le courage de reprocher It l’auteur , que la medaille
de N.-D. de' Boulogne a trouve place dans le
recueil, ou elle figure improprement sous la deno-
mination de double ducat de Bologne , en Italie,
lieu dans lequel les papes ont fait forger de nom-
breuses monnaies, mais non pas de I’esp&ce que
(l) Leroy , 9* ed. , f . 23.
— 843 —
ootre cliangeur a jug6 4 propos d’attribuer a cette
ville.
L’empreinte que nous publions represente ,
d’un c6te , la statue miraculeuse dans un vais-
seau voguant , conduit par deux anges , qui le
dirigent h. l’aide de rames et de voiles. Ce type
ne semble pas en parfaite harmonie avec la ma-
nure dont le pfcre Alphonce et Leroy ont retract,
d’aprfes la tradition , les circonstances de 1’arrivee
de la statue dans le port (1). Au revers de la
mbdaille paraisseht les armes de France couronnbes,
entourees du collier de 1’ordre de St-Michel fonde
par Louis XI , et de la lbgende notre * dame *
de * bovlongne , en caractbres gothiques. Ces
armes font bvidemment allusion ict aux devoirs de
vasselage auxquels les Rois de France etaient tenus
envers N.-D. de Boulogne , depuis que Louis XI
avait fait bommage du comtb 4 la SainteVierge ,
en 1478.
. Nous don nans, sous le n° 3 de la planche , le
dessiu d’une medaille en etain , de notre collection,
qui ne difibre de la precedents que par de legeres
varietbs de coins.
Une autre medaille en 6 tain, aux memes types
que les deux precedentes , mais dont l’etat de
conservation laisse malheureusement a desirer, fait
(1) Voir plus baoL
— 244 —
partie de l’interessanle collection numismalique de
M. l’abbe Frechon, chanoine d’Arras. Cette derniere,
aussi bien que la n6tre , et que l’enseigne que
nous avons decrite plus haut , a eti retrouvee a
Paris dans les travaux de draguage de la Seine.
On sait an surplus que , des le XIVs siecle , la
devotion envers N.-D. de Boulogne elait assez ge-
neralement repandue parmi les parisiens pour qu'ils
aient fonde une eglise en son honneur , 4 quelques
pas de la capital e , et avec l’assentiment da Roi
Pbilippe-le-Long , dans le village de Menus , qui
prit depuis le noin de Boulogne-sur-Seine. On
sait ausssi qu’ils etablirent dans cette eglise le siege
d’une association qui prit le titre de grande Confrdrie
de N.-D. de Boulogne-sur-Mer , et dans laquelle
se sont fait enroler plusieurs Rois et Reines de
France. II y a lieu de croire que pour ctre admis
It faire partie de cette confrerie , il fall ait, le plus
ordinairement , avoir accompli le pelerinage de
N. -D. de Boulogne-sur-Mer. Cela nous parait du
moins ressortir de plusieurs textes cites par Leroy (4)
et particuiierement du titre du catalogue sur leque!
etaient inscrits les noms des confreres et des con-
soeurs , titre ainsi redige : « Magna Confratria Do-
mince-Nostree Boloniensis jmta Mare , constans pe-
regrinis utriusque sexus , fundata in Ecclesia
Dominw-Nostrw Boloniensis Parted prope sanctum
Clodoaldum. •
(1) Edition do 1081 , pages 45 a 51 et 202 a 266,
On cotiQoit par ce qui prdcdde, qu’un grand
norobre de mddailles de N.-D. ont pa etre rap-
portees ainsi de Boulogne-sur-Mer k Paris. D’un
autre edtd, il n’est pas impossible qu’il ait aussl
ete vendu de ees mddailles k Boulogne-sur-Seine ,
qui avail flni par devenir dgalement un Hea de
devotion assez frdquentd.
La mddaille de plornb , du XVI* sidcle , reprd-
sentde soys len* 4 a die publide par M. le docteur
Rigollot , d’ Amiens , qui la possede , dans son
intdressant ouvrage sur les monnaies des dvdques,
des innocents et des fous , auquel nous renvoyons
ip lecteur. On voit sur cette pidce, d’un cdtd un
dcusson chargd d’un dauphin et entourd de la Id-
gende : fbater : fbanciscus-blondm ; de lautre
cdtd , la ldgende : nostre : dame : de bovlongnb,
et le type de la Sainte Yierge dans un navire , tree
l’enfant Jdsus dans ses bras.
On ne sail ce qu'dtait le frdre Francois Blondin,,
mais il est k prdsumer qu’il aura remplile rdlo
de chef d’une compagnie de liesse dans quelque
fete du genre de cedes des fous et des innocents
et que la mddaille qui nous a conservd son.nom,
aura dtd faite k cette occasion. Quant au type dtt
revcrs, il ne peut assurdment suffire pour indiquer
que la piece ait dtd faite k Boulogne on pour
Boulogne , plutdt que dans ou pour tout autre
lieu de la Picardie ou de 1 ’Artois.
— 246 ~
M. Hedouin a signale en 4839 , daps les notes
qu’il a ajoutees a la neuvieme edition de l’histoire
de Leroy (4) , l’existence entre les mains de M.
Dutertre-Yyart, de Boulogne , d'une medaille en
argent, tr&s-mince , de la grandeur d’un franc ,
et qui represente la statue miraculeuse dans un
bateau. « Ce qui rend cette medaille plus predeuse
encore , ajoute M. Hedouin , c’est qu’elle est ap-
pliquce sur un morceau de bois tres noir, trfes
luisant , ayant l’apparence du jais , et qui certai-
nement est un des fragments de l’antique statue.
On sait que plusieurs de ces fragments furent donnes
a diverses personnes lors de la restauration et de
la retaille de cette relique ven^ree. » (4607-
4630).
Oepuis qnelques annees , des exemplaires en
argent et en cuivre d’une nouvelle medaille de la
Yierge de Boulogne se vendent dans cette ville au
profit de l’oeuvre de la reconstruction de 1’eglise
de Noftre-Dame. Nous ne croyons pouvoir mieux
terminer notre notice que par la description de
cette m6d4ille, dont les coins ont 6te graves k
Paris , par M. Yachette : urbis et orbis hois os ,
stella mams sis bona. La statue miraculeuse
dans un bateau flottant, plac6e entre deux anges
dont Tun tieht le gouvernail. Au-dessus , une
etoile. A 1’ exergue : n.-d. de Boulogne, et le
(1) Pages 97 et 203,
millesime <840, entre les lettres S. M. Revere :
REFCGKJM PECCATORUM , OBA PRO NOBIS. Le C(£Ur
de la Sainte Vierge , perc4 d’un glaive , et entoure
de rayons et de flammes. A l’exergue, le nom
du graveur.
NOTICE
LES MAN (JSC HITS
OB LA
BIBLIOTnEQUE DE BEItGliES.
32
NOTICE
SB*
LES MANUSCRITS
M U
pa* M. y LEPREUX,
nans conuromun.
APERCCJ HISTORIQCJE
LA BIBLIOTHfeQUE DE BERGUES.
La bibTioth&qoe de Bergues, eorame la plupart
des bibliotheques de province , provient en grande
partie des anriens convents et snrtout de 1’abbaye
de Sain t- Win oc. Cet antique et celebre monast&re
avail Tune des plus riches collections da dord de
— 252 —
la France, qui pouvait rivaliser avec celles do St-
Bertin , de Clairmarais et autres savanles coro-
munautes, Neanmoins les armoiries et inscriptions
que 1’on trouve encore sur bieh des ouvrages sem-
blent prouver que la. gindraliU de Bergues pos-
sedait aussi nu foods de bibliotheque. Aiosi bien
deq' cotiveftures portent les deux lions de la Chi-
tellenie, ou (’inscription B. P. C. B. retpublica
bergensis ; ce sont en gPnSral des livres de droit
et d'adminislratipn , datant presque tous du XVIIs
ou du X$i> Siecle. Les manuscrits , les incunables,
les belles,' editions dps. Perea de l’Eglise, les grands
ouvrages bistoriques yiennent de 1’abbaye Saiotr-
Winoc.
La formation de cette belle bibliolhfeque de Saint-
Winoc , resultat des travffux des moines pendant
plusieurs siecles , avait ete longue et difficile. Les
invasions dqp dfabprd , puis de nom-
breux incendtes, et enfin le sac de 1558 avaient
detruit bien des manuscrifs. Mais les abbes pen
a peu reparaient ces desastres. L’nn d’eux, Jean
Mofflin , en 1585, dpporta , dit Sanderus , une
belle bibliotheque renfermant de rares manuscrits,
et des livres richement relies et ornes de ses ar-
moiries : cllos representaient qn limapon jrentre anx
t rots quarts dans sa . coquille 4 avec cette devise :
Tecum habita, II reste encore une. asses grande
quantile de ces volumes. Cette precieuse collec-
tion , fruit de tant de peines et de recherches ,
dcvatl etre bien tristement dispersee.
— 253 —
te 26 mars 1790 , l’Assemblee nationale rendit
un decret qui ordonnait la vente des biens du
clerge et le transport de leur mobilier au district.
Presqu’aussitdt , le 23 avril suivant , un inven-
taire general fut dress6 de tous les couvents de
la ville. Les livres en particulier furent tous ap-
portes k la maison commune ; plus tard les bi-
bliotheques des villes voisines tel les que Dunker-
que , Bourbourg , Cassel , Hondschoote , etc. ar-
riverent pour grossir eet amas de travaux litteraires
de tant de sifccles.' II n’y eut pas jusqu’aux villes
elrangercs sur la fronliere beige, qui ne fournirent
aussi leur contingent. En cffet lors de l’invasion
de I793et 1794, l’arm6e frangaise, a mesure qu’elle
pknltrait dans le territoire du roi de Hollande ,
avail pris pour regie de renvoyer par ses der-
riferes, sur le chef-lieu de district le plus voisin,
tous les livres de bibliotheques et autres objets de
valeur qu’elle rencontrait dans les villes et bourgs
echelonnes sur son passage.- Or , les campagnes
de Bergues, qui etait chef-lieu de district du d&*
partement du Nord , venaient d'etre traversees par
l’arm£e de Jourdan el d’Houchard poursuivant les
ceaiises du due d’Yorck , et a ce double titre celte
ville recut le depdt de toutes les depouilles eu-
nemies.
Cependant k Bergues on entassait p^le-mfele dang
les salles , les caves , les greniers de l’hotel-de*
ville ces masses enormes de volumes arrivant de
— 254 —
toates parts, et quand if fat impossible de plus
rien y faire entrer, on remplit one partie des
chambres du college. Puis on ne se donna pins
memo la peine d'abriter les ouvragps ; on les de-
posa par eharretees ear la place pubUqne ; aNa en
prendre qui voulut. De ce qui restaU, 1» people
fit an immense fen de joie qa’aa afimentait avec
les parchemins des archives el les cachets de ore
que Ton anrachait aux dipldmes et anx viritles
chartes , sans couper seulement les fils de soie qui
les retenaient. Les Tieillards qui se xappeUent ces
particularites, ajoutent avoir tu , dans le choeur de
I’eglise constitotionnelle de Saint-Martin , on dal-
lage de volumes in-fofio.
Ces temps d’exaltation passerent enfin et le
Concordat r en retablissanlen France le fibre cxer»
rice du culte cotholique , permit aux communes
depouiUees de reprendre les bibliotbeques de leurs
eouvents respectifs, poor en former tut foods de
hibliotheque publiqne.
A lore on rit 4 Bergnes se renonvefer, en sens
inverse, Fes scenes de 1791 et de 1792. Titrates les
villes voi sines et notamment Dunkerque envoyerent
des fourgons pour reprendre les onvrages qulls
jngeaient devoir lenr revenir. Mais au milieu d’une
telle confusion , il n’etait gnfere possible de les
reconnakre, et d’aillears r&p predation de ce temps
Kt eta it totalement differente de la noire. Anssi les
Donkcrquois s’emparerent-ils de tous les fivres
— 255 —
modernes enrich is <le belles reliures qui, a l’ex-
ceplion du Gallia ChritUam et de quelques trades
de jurisprudence foment encore aujourd’hui le
principal foods de leur bibiiotheque. Bergues , au
contraire, consern dans « pretendu partage, les
manuscrits, les editions rares et anciennes, les
volumioeuses collections bistoriques eonsultees et
admirdes par quelqnes-uns de ses habitants cl par
les amateurs Strangers.
Pendant les annfees de la Revolution , un pretrc
constitutbnnel , M. Bareel , dressa un cata-
logue general de tons les livres reunis et entasses
a la mairie et au college. Ce catalogue , conserve
it la prefecture du Nord , ee compose de vingt
mille numerec eu environ soixante mHle volumes.
Ainsi, sans la restitution de 1*8<M , Bergues posse-
derail la bibliothoque la plus knpertante de tout
le rioni. Oa doit regretter la perte de t’aneien
catalogue de St-Wince -qui fiwrmait an gras volume
fai-folio; la ville await pa levendiquer avec justice
a cede epoque tons les livres de cette abbaye qui
devaient de droit Ini revenir.
Sous le gouvernemeni imperial le vestige des
conqnetes fit perdue de vac la iittdrataure et ,
comme on le disait aloes. Miner* ve fit plaee d
Belltme; e’est cn 1817, sur 1’ordre du ministre
<1) U. Street &ait tinn vlctwe 4e St-Pienre; il jn&t eerment,
ee teuton 4mm fat euite et fut namul fH M. Setonte cure 4e
Sees ; it meurut * U fin de 1847.
— 256 —
de l’interieur, qu’on fit pour la seconde fois. utl
6tat detaille de tout ce qu’il y avail de livrcs appar-
teuant a la ville de Bergues. Une expedition fut
envoyee au preiet, mais l’original ae trouve encore
a la bibliotheque. L’inspection de ce document
fit constater l’absence des manuscrits suivants
mentionnes par M. Bareel.
4. Graduate romanum ad utum ecclesiee abbatialit
Sancti Winnoci per Dallery Retigiosum Sancti
Winnoci , 4 735 , in-f\
2. Proprium de tempore, per Duchemin , 4598,
provenant de St-Winoc , in-P.
3. Slaluta synodi diocesce iprensis anni 4577 ,
interfolio de papier blanc avec notes*
4. Chronique des Evinements particulihement du
diochse d’ Ypres , qui parait avoir ete composee
au couvent des Carmes a Dunkerque, de 4644
k 4 638, in-8*.
5* Elueidationes prcecipuorum documentation ae
prwceptorum Regulw Sa Bcnedicti. Manuscrit
de la fin du 47® aiecle , in-4°.
6. Annalia site chronica forestarium el comilum
Flandrice ab ap.no ad Philippum Romm.
Manuscrit du 16e sieele incomplete in-f*.
7. Lois ei coutumes de la ville de Bruges du 26'
aotit 4649 , in-4°.
8. Humani corporis Machine . Fin du 47® siecle,
in- 4°.
— *57 —
0. Tragedies et pibces de pobsie en lutin. 4 7*
siecle > in-8°. .
40. OEuvres de Chiroc , ou trailb des fibvresi 2
vol. in-4°, commencement du 48® siecle.
4 4 . Proprium mhsarum de tempore. Manuscrit mo-
derne gr. in-f*.
Parmi Ces manuscrits ne sOnt pas comptees les
AnnaleS de Vabbaye Sl-Winoc , 6crites en latin par
D. Walloncappelle , longtemps en la possession d’un
bourgeois de Bergues et que l’insouciante admi-
nistration de cette vitle a laisse acheter par un
ancien magistrat de Dunkerque. La perte irrepa-
rable de tous ces manuscrits fut encore augments
par une malheureuse Vente qui eut lieu en 4820
d’aprfes une lettre ministerielle du 23 janvief 4 84 8.
M. M...... alors maire de Bergues , fit Cnlever
2865 volumes pretendus doubles ou depareilles et
les fit vendre a 1’encan sur la place publique.
L’ignorance municipale avait estim£ le tout k 260
francs > Ce qui n’etait pas le poids du papier. Aussi
les epiciers et les rares amateurs qu’avait re'unis
cette Vente , en firent-ils monter le produit & mille
quatre cent soixante-qualorze francs. Faite aveC
plus d’intelligence et de lenteur , une sage £pu*
ration de ce genre eut rapport^ trois et quatre foie
plus. Mais soUs pretexte de doubles on se defail
parfois d’exemplaires fort precieux et beaucoup plus
cheres que celles qu’on conserve , el Ton doOne
presque pour rien , comme depareilles de rares
33
— 258 —
volumes d ’editions souvent incompleles , ou d’an-
tiques incunables dont le texts est insignifianf ,
mais dont lea caract&res primitifs sont des plus
curieux et des plus interessants.
On employa les fonds de cette vente inconsideree
a se procurer quelques ouvrages jnodernes , tels
que Corneille , Voltaire , Marmontel et les autres
classiques du XVIIIs siecle ; puis on ne s’occupa
plus de notre depot litteraire jusqu’au mois de
fevrier 1842. Une commission de trois membres
tires du conseil municipal fut nominee a cette
epoque pour enlever la bibliotheque de I’ancienne
chapelle de la mairie ou elle etait entassee et la
transporter dans les chambres alors vacantes de
1’ancienne maison de ville sdus le beffroi. Cette
commission devait aussi operer un nouveau clas-
sement et dresser , pour la troisieme fois , un
catalogue general. Un seul des membres de la
commission se livra serieusement a ce travail et
lit imprimer, apres six mois de veilles, un cata-
logue de la bibViothfcque de Bergues par ordre
alphabetique et methodique (1). L’auteur, se creant
une nouvelle methods bibliographique, a divise son
ouvrage en cinq series, la religion qui renferme
aussi l’hagiographie , 1’histoire , la literature , les
sciences et les oeuvres drverses qui comprennent
les polygraphes , les traites politiques et tous les
ouvrages. enfin qu’on ne pouvait naturellement
(1^ Dunkerque , Yanwhormout , 18W, in 8**
— 259 —
ranger dans les autres series. Notre geuereux com-
patriote pour ne pas laisser son oeuvre incomplete
accepta, sur les instances de Fautorite municipale,
les fonctions gratuites de bibliothecaire avec deux
seances par semaine. Mais son zele fut bien mal
recompense , car des 4 844 , il lui fallut abandonner
la bibiiotheque qui se trouva vacante jusqu’en
fevrier 4848, La nouvelle administration satisfit a
cette epoque aux justes susceptibility qui avaient
motive une demission, et M. G voulut bien
se charger de nouveau d’ouvrir au public notre
depot litteraire. Mais Fadminist ration de 4848 ne
tarda pas a etre remplacee, et des vexations nou-
velles, ainsi que Finintelligente parcimonie du conseil
municipal qui defendait Facbat d’aucun ouvrage ,
obligerent de nouveau le bibliothecaire a se rctirer
au mois de juin 4854. Maintenant la bibiiotbeque
est fermee a tous les hommes d’ctude ; les privi-
legies seuls, y sont ad mis et cet etat de choses
durera probablement jusqu’a ce qu’un raaire et
un conseil moins preoccupes des interets materiels
et plus amis des lettrcs , veuillent bien se souvenir
qurune bibiiotbeque communale doit avant tout etre
publique el qu'il n est pas plus permis a une ville
d’enfouir ses tresors litteraires que ses archives
bistoriques (4). -
(1) Ie» archives nrwt ele mtses co ordre el liners n public
quaeres lea menaces recfeer&s tl les pits fives lOBBKttioRs de
rai>tarste prefeetoralr. No as- news propeseos ate RSte dc les lure
coauaiirc par une cesrte notice.
NOTICE
sya
LES Af AN USCR ITS*
N* "I. — COTE “f 3i 0 AU CATALOGUE GENERAL,.
Vila Sancli Winnoci in tribus libris sequilur passia,
Sancti Oswaldi rcgis el Iranslalio S*. Levinnw.
Manuscrit in-8* sur velin. — 164 feuillets a
longues lignes tracces au stylet, — ( Provenant
de St-Winoc).
Ce manuscrit, veritable jovau de noire biblio-
theque, cst ccrit en petites. capita les gothiques, les
tilres sont en caracleres romains. I) parait appar-
tenir d’apres les diplomatiques a la periode de
transition entre le XII* ct le XIHe siecle, et les.
miniatures que nous deorivons plus bas ne font
que confirmer cett,e opinion.
Le volume est de format in-8° dore sur Iran-,
dies ; lc plat de la couverture qui est toute mo-,
derne , porle de chaqpe cote un calvaire rayonnant.
Lc recto du premier feuillet esl en blanc , on y
lit ces mots d’une ecriture reccnte : Vita bcalissimi
Patris nostri Winnoci abbalis prccslanlimmi.
— 262 —
Le manuscrit est orne de sept miniatares fori
belles , inais evidemment faites par des artistes,
difierents ; les dessios a la plume ont presqoe tous.
«ne correction que l’on cliercherait vainement dans,
ceux qui sont colories. Yoici la description de ces.
dessins sue- le- versa du. premier , qn voit la.
figure de Sl-Winoc en pied , tracee a la plume. IL
est represente marchant sur les noages, la tete-
entouree d’une aureole , ses habits sacerdotaux sont.
l’aube , 1’etole et la chasuble antique relevee sur
les bras. 11 tfent sa crosse a la main ; a ses pieds
est un moine en prieres dont on qe voit que le
buste. Le feuillet entier eat encadre par des enrou--
lemenls et des feuilles de fanlsisie..
La seconde figure qui se troqve au troisieme
feuillet represente encore Saint Winoc assis, re-,
vetu de la chasuble et tenant la crosse d’une main
et le missel de Pautre. Au dessns de sa tete on '
voit one abbaye qui repose sur un plcin-cintre
appuye Iui-meme sur d’enormes colonnes a char
piteanx ronjans. Cette miniature est eoloriee et Ton
remarque que Saint Winoc a les cheveux rouge-
carmin ; sa chasuble tres-ricbe est toute incrustee
de pierres precieuses, oe qui iPest pas eommun
fens lee peintnres da XII® siecle. L’encadrement
est forme par des grecques et anx quatre coins
sont de larges medaillons.
La troisieme figure qui se trouve au-devant dn
la vie de Saint Oswald , represente probabl.ement
— $63 —
te Roi. II porte la couronne ct le sceptre ct i(
est convert du fnanteau royal ; scs pieds chausscs
d’une sorte de bottines Ouvertes sur la jambe ,
reposent sur les nuages et an bas On Voit le buste
d’un moine en prieres. L'encadrement fort simple
ne consistc gtffere qu’en traits et en feuilles de
fantaisie.
La quatrieme figure qui se trouve au feuillet
suivant est coloriee , c’est la repetition de la pre-
cedente , mais le dessin en parait moins correct ;
par line singulibre bizarrerie , le raoine agenouille
porte un costume bleu qui n’etait celui d’aucun
ordre.
La cinquieme , la sixi&me et la septieme figure
se trouvent au-devant de la vie de Saints Levinne.
Sur la cinquieme , faite au trait seulement , on voit
ia sainte debout, revetue d’un tres-beau costume
refigieux; le3 plis de la robe et du manteau sont
drapes avec art. Sur le c6te gauche on voit un
rideau a demi ouvert et aux pieds de la sainte,
comme dans les figures precedentes et comme dans
la suivante, on voit agenouillO un moine en prieres.
L’encadrement de ces feuilles consiste en enroule-
ments assez semblables a ceux du premier.
Sur la sixieme figure, Sainte Levinne a l’air
d’etre enlevee au ciel , sa robe de dessus en forme
de rochet est garnie d’une large bordure doree.
Un ange offre d’une main un sceptre a la sainte
et de l'autre il lui pose un diad&me sur la tfrte.
— 264 —
Sur la scptieme ct derniere figure , tracee a ia
plume , on apergoit un moine , probablement I'au-
tcur du manuscrit , assis dans une chaise de forme
particuliere. Devant lui soot l’ancien et le nouveau
testament , et sur son pupitre de forme tres-
simple , se trouvent un encrier el deux stylets*
II tient une sorte de plume de la main droite et
un graltoir de l’autre.
Toutes ces figures > quoique tres-curieuses ne
peuvent pas entrer en comparaison avec le fini et
la delicatesse des lettres majuscules et tetes de
chapitres*
Plusieurs de ces lettres coloriees presentent des
allegories completes. Ainsi dans la premiere, on
voit la vigne du Seigneur , au centre Jesus-Christ
foule le pressoir tout rempli de raisins, a droite
eont les vendangeurs et a gauche les renards qui
ravagent la vigne. La lettre initiate du second livre
de la vie de Saint Winoc est encore fort curieuse,
mais d’un symbolisme tellement obscene que nos
moeurs actuelles n*en permettent pas rexplication(l)*
©n le retrouve au resle fort souvent dans l’eglise
de Sl-Gertnain-des-^Pres a Paris. Nos peres ne
Voyaient pas de mal dans ces representations qui
nous choquent maintenant , leur but ^tait d’inspirer
l’liorrcur du vice et ils le montraient dans toute
sa laideur et sa erudite.
Le manuscrit que nous decrivons , tres^interes*
It) Vuyvz G iu»f , XXXVIII. — 9.
— 20fi -
sant jiar la forme , est aussi d’un meritc historique
incontestable. La vie de Saint Winoc a ete imprimee
par le celebre Mabillon , dans les Acta sanctorum
ordinis benedictini. Le premier livre qui renfermei
toule la vie, car les deux autres ne sont que des
i*ecits de miracles , est d’uii auteur incoiinu que
Mabillon ne croit pas anterieiir aii XI® siecle. II
terminb ainsi son ouvra^e :
Hcec de viro Sancto dicta sufficiarit , quanquam
signofum ipsius niateries omriem stylum exsuperet ,
miraculisque ejus omnis sermo inferior sit. Nec credi
non debkl in artubus suis defunctis , ipsuth adhuc
vivere , cui olim in terris viventi Christus fuit vivere.
Pro nobis oret sub quo Flandria floret .
Ac me , scribentem , te respiciatque legentem.
Quoique la vie de St .Winoc telle que nous la
possedons , soit imprimee dans plusieurs recueils ,
entre autres dans Mabillon et dans LaUrenlius Surius,
nous lie erbyons pas inutile de reunir sous les yeux
du leCteur leS litres des differents ebapitres qui la
composent. Vbici la table du premier livre :
CfcNEALbGlA. SaNGtI PaTRIS tVlNNOCI.
I. De beati viri nativilaie ei pro christo peregri-
nationd.
II. Quod bealum Bertinuni peiierint , ejusque se
regimonio subdidetint.
III. De illuslri viro Heremaro largierite prwdium
Sancto IFinnoco ac cellce constructions in
prwdii possessione.
— 266 —
IV. Quod Sanclus Berlinus post obitum trium
virorum, Beatum Winnocum gregi proe-
fecerit monachorum.
V. De molo ad oralionem viri divi divinitus rotata.
YI. Be curioso fratre divinitus ccecalo sed per ora-
lionem viri divi illuminato.
VII. De multimoda viri divi devotione ejusque in
Christo dormitionei
VIII. De oratorio sancti eoneremalo r sed sepulcro
ealitus intacto.
IX. Quod inter mams bajulorum , immobile man-
serit corpus racrosanctum .
X. De qwdam cla ado , meritis saneti reparato .
XI. De viro virtute sancti nullum post ruinam
incommodum perpesso.
XII. De prcefati illustris viri Gerardi donatione r
• calicisque vitrei conquassati redintegratione ,
XIII. De reliquiis saneti per ineuriam perditis r
gratia efus mirabiliter invenlis.
XIV. De vitrea ampulla ad tumulum sancti post
ruinam illcesa.
XV. De piratorum infra fines Flandrarum irruptione
sacrique corporis translatione.
XVI. De castri Bergas construction , sacrique cor-
poris illd translations.
XVII et XVIII. De corpora sacrosancto Vuoromholt
deportald , et cceco illuminato .
— 267 —
XIX. De coeca illuminate.
XX. De reo caplivato mentis sancti liberate.
XXI. Item de quodam captivo virtute sancti erepto.
XXII. De muliere a nativitate caeca coram lipsana
sancti illuminate.
Dans ce premier livre la question de delimita-
tion de la Morinie est assez nettement tranehee
par diderents passages (1).
Erat tunc temporis in proefata Morinorum seu
Taruennensium regione, bealus Bertinus in orna-
mento ecclesiae Dei lapis preciosus in Sithiu monas-
terio merito el officio abbas. C. II.
Est autem idem locus Morinorum regione situs,
mom Sancti Winnoci usque in prmenlem diem voci-
lalus. C. II.
Adjacet eadem possessio ( praedium Vuoromholl )
super jluviolum qui dicitur Pena, Taruennensium
Flandrarumque confinio. C. HI.
Le second el le troisieme livre de la vie de
Saint Winoc sont dus, ainsi que la vie de Saint
Oswald et la translation de Sainte Levinne, au moine
(1) 1/opinion du redacteur de la vie de Saint Winoc sor la deli-
mitation de la Morinie vers Test , est propre ft cet auteur ; car la
plapart des nooks de lieux cites dans notre manuscrit com me appur-
tenant ft la Morinie , sont designe's comme dtant de la Mtinapie
dans des chartes de Pepoque. Voir sur cette question la notice de.
II. Hermand sur Watten et celle de M. de Baecker sur fa Flandre
maritime avant et pendant la domination romaine.
— 268 —
Drogon , religieux de I’abbaye de St-Winoc a
Bergues.
Bien des auteurs, dont quelques>-uns fort en
renom, out confondu le benedictin de Bergues avec
scs deux homonymes et contemporains ; 1’un curd
de Ghistelles et auteur de la vie de Sainte Godelive;
l’autre Eveque de Therouanne.
Possevinus , savant jesuite , est le premier qui
commit cette erreur dans son apparatus sacer ; il
fut copie par Arnould Wyon , puis par Casimir
Oudin qui ecrivait cependant apres Mabillon. Vos-
sius, dans son traite des historiens latins lib. 2, c. 5
est tombe dans la mdme faute et il y a entraine
le fameux Dupin dans sa bibliothfeque ecclesias-
tique. line foule d’ecrivains s’en sont rapportes a
l’autorite de Dupin et l’erreur s’ est perpdtuee. On
comprend que, pour des ouvrages aussi gendraux
et aussi volumineux que le traite des historiens
latins et la bibliothdque eccldsiastique , les auteurs
ne puissent passer un temps precieux a verifier les
assertions de leurs devanciers a propos d’ecrivains
aussi peu importants que Drogon. Mais les histo-
riens locaux , surtout ceux qui se sont occupds
de l’hisloire litteraire , auraient pu examiner les
choses avcc plus de soin. Ainsi Malbrancq, Meyer,
Lemire,les auteurs des differentes Bibliotheca Belgica,
n’eussent pas du commettre ou plutot repeler cette
mop rise.
— 269 —
Les b6nedictins de St-Maur qui ont 6crit 1’his-
loire litlcraire de France , prenant pour guide le
manuscrit lui-meme et le savant Mabillon, ont clai-
rement etabli la difference des trois Drogon. En
effet Mabillon, dans les annales de I’ordre de Saint
Benoit , prouve que des 1 030 , l’Evfeque de The-
rouanne Drogon occupait son siege, et le moine de
Bergues qui ecrivait en 1058 en parle plusieurs
fois dans son ouvrage comme s’etant trouve a di-
verses ceremonies (1). Dans sa lottre a son abbe
Rurnold , notre auteur se dit pauvre pecheur ,
moine et pretre. — Peccalor Drogo presbyter et
monachus.
Son dernier ouvrage cst la translation de Sainte
Levinne, et Ton ne dira pas que c’est apres l’avoir
ecrit , qu’il fut porte au siege de Therouanne ,
car cette translation eut lieu en 1058. comme le
dit le manuscrit (V. la note) et comme le prouve
Mabillon (Sac. VI. benedict, parte 2. p. 112) ;
depuis longtemps deja l’autre Drogon adminisirait
(1) Ibi erat Drogo , Taruanensis cpiscopus , abbales nonnulli ,
inter quos erat Adelardus , tunc temporis abbas Sancti Vedasti ,
— Lib. III. — Cap. XIH.
Acta quidem est hone translatio anno incamationis Domini nostri
millesimo quinquagesimo octavo indiclione tertia , feria quarta ,
regente Henrico rege sccptrum regni francorum , optimo autem
comile Balduino gubernante Flandriam , vivente et jam Drogone #
episeopo Taruanense , administrate vero Bergense cocnobium
Rumoldo , venerando abbate . — (Trawl. Sancton Levinnm , UK
primus , c. t).
— 270 —
son diocese. Eufin le moine Drogon ecrivait en
4068 et mourut en 1070, et l’Eveque qu’on sur-
nomma 1’Eveque Jubilaire, parce qu’il occupa son
siege pendant cinquante ans, ne mourut qu’en
4077, comme le temoignent Mabillon et les listes
autbentiques et uniformes des Eveques de The-
rouanne,
II est encore plus facile de distinguer 1’auteur
de la vie de Saint Winoc d’aveo celui de la vie
de Sainte Godelive ; un mot suflira. Ce dernier dit
dans son prologue ( vita S® Godelevee ap . SuriumJ ,
qu’il ecrit longtemps apres la mort de la sainte ,
d’apres les anciens qui lui ont racante ce qu’ils
ont vu ; « Quoe vero scripnmus , ea pro cerlo sio
se habere , ab illix accepimus qui hodieque supersunt
el suis ea oculis compexere • » Or, Sainte Godelive
mourut en 1070 , annee memo de la mort de
Drogon de Bergues. Ce fait est prouve d’une autre
inaniere par la chroniqqe do l’abbaye de St-Andre
pres Bruges oil etait d’abord le cure de Ghistelles,
(Voy. Sollerius , acta S® Godelevee J,
Les deux derniers livres de la vie de Saint
Winoc ne sont , comme nous 1’avons dit plus liaut,
qu’un recit des miracles attribues a 1’inlercession
du Saint. Parmi ces legendes , un fait interessant
est celui de 1’antiquite et de l’origine de la pro-
cession el de la fete celebree a Bergues le jour
de la Trinite (1). Voici le texte de l’auleur:
(1) La fete de la Ste-Triuite fat creee en 92(1 par l’Evlque do
— 27* - .
Mos habetur mOrtalibus Bergemis pagi , ut octabit
Pentecostes , die scilicet qua Sanctce Trinitatis unius
ac veriiius commemoratio recordatione recolendo ce-
lebralur , seu celcbrando recolilur , deportari ossa
venerabilis patris Winnoci , ulriusque sexus sequente
multitudine, deferrique donorum vota quoe promiserint
oppressi quacumque valitudine. Deportabanlur more
solito cum maximo tripadio hujus sancti pignera ,
prcecedebat ac sequebalur laudantium dominum mul -
titudo maxima . Hi laudes reddebant docti legis ac
gratia cantica solvere , illi clamantes juxta id quod
videbatur seu secundum suum scire carmina ducebant*
( Lib. t cap. 4 ).
11 existe plusieurs texles manuscrits die la vie
de Saint Winoc , par Drogon ; I’abbaye tie- St-
Corneille a Corbie , en possedait un exemplaire
exactement copie sur celui de Bergues ; c’est du
manuscrit de Corbie qae Dom Mabillon s’est servi
dans les Acta sanctorum ordinis benedictini. Au reste
eet illustre savant connaissait aussi l’original con-
serve a Bergues ainsi qae la vie du Saint , ecrite
en espagnol par Amand Belver. Yoici comment il
s'exprime en tete de ses observations sur le culte
rendu k Saint Winoc :
« Reverendus admodum ac proenobilis abbas W<
B. (!) D. Maurus de Wignaeourt, litteris a me
>
Liege qui en composa Poffice. fille se rdpandit tres vile, surtout
dans les monasteres, mais ne fut ddGnitivement clablie que par Jean?
XXII au 14 e siecle. Ge pape conserva l’office de l’Eveque de Liege.-
(1) Winnoci BergensU .
~ rti —
ini&rpeilatus , ut rebus S. JVinnoci illustrandis mti-
num darel id prcestitit htmanmiine turn per se turn
per religiosum ccenobitam swum D. Amandum Belver
qui vitam S. Winnoci singulari libello hispanice
seripsit. Ex ulriusque observationibus qucedam hue
paucis referre visum esl. » Les deux abbaves de
St-Corneillc et de St-Winoc etaient unies par des
liens assez ctroits de confraternite^ Apres la mort
de Fulcon , abbe de Corbie en 4097, les moines
de Bergues envoyerent a eeux de Corbie un poeine
elegiaque ( carmen lugubre ) avec cette priere : Orate
pro noslris fratribus Rumoldo , Ingelberto, Ermengero
abbatibus ; Sicboldo , Odgero , Alolfo , Meyzone ,
Drogone sacerdotibus ; Reyboldo , Bernoldo , Arnoldo t
Idesboldo diaconibus, eteeeteris in Christo quiescent -
iibus. — Hac Bergenses ad C&rbeienses pro mutua
socielate.
Le moine Brogon , auteur du manuscrit dont
nous parlons, n’est pas le seul qui ait eoropoee
la vie de Saint Winoc. La bibliotlieque de St-Omer,
au n® 764 de ses manuserils, en possede une autre
recueillie probablement par un religieux de St-
Bertin et editee par M. Louis Deschamps^ (4) Les
reclierches de cet auteur , nous apprefinent que ce
precieux ouvrage remonte au dixieme siecle, et nous
sommes entierement de son avis sous ee rapport.
Mais il avance encore que ce manuscrit n’est qu’un
ft) Mdmoires dc la Soc. dcs Antiq. d<! la Morim'c , t. 5. p. 200.
— m —
brouillon destine a etre recopi6 , et cela d'apr&s
quelques ratures et quelques traits de plume en
surcharge. Notre opinion , sous ce rapport , n’est
pas tout-a-fait conforme k celle de M. Deschamps ;
au dixifcine siecle le velin n’etait pas assez com-
mun pour s’en servir comme ‘brouillon , et le prix
exorbitant des manuscrits k celte £poque prouve
en meme temps le petit nombre des bons copistes ,
la chertk des matures premieres et la difficult^ de
les mettre en usage. Au reste au dixikme siecle*
dans notre pays surtout * les' frequentes invasions
et les ravages des Normands , ne laissaient pas
le loisir- de composer ces chefs-d’oeuvre d’$rt et de
patience que nous ont 16gu6s les sifecles suivants.
On transcrivait a la hate les pieuses legendes des
Saints pour les soustraire aux barbares et les trans-
meltre a la generation suivante. D’ailleurs I’attente
epouvantable de l’an mil* glagait tous les esprits de
terreur ; on ne batissait plus de villes , on ne cons-
truisait plus de vasles eglises, on ne passait plus un
Jemps precieux a enluminer et a copier les manuscrits;
le monde entier tremblait dans I’epouvante du juge-
ment dernier. II est done tres-vraisemblable que la vie
de Saint Winoc conservee k St-Omer n’est pas un
brouillon. La bibliotheque de Boulogne renferme
aussi , sous le n® 107, la vie de Saint Winoc,
qui n’est que la reproduction de cede de Saint
Omer ; elle est precedee des vies de Saint Berlin ,
de Saint Folcuin et de Saint Silvin , et deplus,
35
— m —
enrich re de dessins (res remarquables. Le savant
Dewhitte , dans ses notes marginales, malheu-'
reusement entaillees par 1 ’ignorant cisean du relieur,
attribue ees divers ouvrages a Folcuin , abbe do
Lobbes et son opinion est confirmee par les auteurs-
de i’histoire litterairer de France (1).
Une troisieme vie manuscrite de Saint Winoc
existe encore k la bibliothkque de Bergues et se
trouve dans le Memoriale Benedictimm d'Amand
Belver. Nous la decrirons a son endroit. Les ha-
giographes qui ont parle de Saint Winoc, ont tous
copie ou traduit l’ouvrage de Drogon ; it se trouve
dans Surius , Molanus , etc. ; les Bolfandistes ,
( t. 5 de juill. , p. 608) se proposaient de l’em-
ployer. Amand Belver , dans ta vie qu’il a fait
imprimer en Espagnol (2), ne parle que de Drogon
et de Walloncappelle. Plus tard, le moine Vervlaie,
en 1757 (3) , se contente aussi de traduire notre
auteur en flamand;i! parait ignorer celui de Saint
Omer. Notre manuscrit an reste est beaucoup plus
remarquable que les autres, quand ce ne serait
(1) ‘ 11 est inutile de dire que rillustre fondateur de l’abbaye de
Bergues n'a de rapport que par le noaa et la patrie avec le Winoc
ou Wennoc dont Grdgoire de Tours nous raconte la deplorable bis*
toire au liv. 5, chap. 21, et au litre 8 chap. 24. Car notre saint
mourut en 716 , longlemps par consequent apres le pere de Tbia
toire de France.
(2) Bergues Ketelaer , 1666.
(p) Bet levjen van h . winocus doov Oswaldus Vervlake . —
Buynkerke by Weins , 175 7.
— S75 —
que par I’office noie de^ Saint Winoc et de Saint
Oswald qu’il renferme , et sur lequel M. de Cous-
semacker a fait quelques etudes remarquables.
Get office est suivi de trois hymnes que nous
croyons inedites et qui se chantaient , la premiere
a vepres , la seconde a matines et la troisieme a
laudes. Yoici ces trois hymnes qui sont assez cu-
rieuses.
YMNUS AD YESPRAS.
Rerum cuncta gerens , arbiter orbis
Jeshu perpetuum cum patre numen
Irrorans animas imbre salubri
Reple corda tui flaoiinis igne.
Winnoci famuli festa colentes
Primum summe tibi vota sacramus.
Tantae mililiae solvimus ymnos
Cujus cceiis tuo lumine fulsit.
Ortus nobilibus sanguinis alti
Dimisit patriam regna parcntum
Quoerens pauperiem scemate vili
Virtutum meruit dote beari.
Fari dignus erat nomine pastor
Cunctis se famulum preetulit actis
Enitens manibus , vel vice servi
Exempla dederat digna sequendi.
Yirtus ipsa molam summa rotabat
Fletus dulcifluos ipse trahebat
Orans multimodam mole farinam
Dignis luminibus aernere stabat.
Cernens pravus homo decidit arvis
— 276 —
Lumen perdiderat, membra vigorem;
Oravit pius hie mox fore sanum
Egit cunclipotens vota precantis.
Dilectus snperis junctua in astris
Splendet perpetuo muoefe comptus
Comptus perpetuis usque coronis
Reddit digna deo carraina laudum.
Sit laos perpetuo cunctipotenti
Patri sit que sum gloria prolt
Sancto Spiritui tempore euneto
Qui semper Deus est trinus et unus. Amen.
YMNUS SUPER NOCTURNAS.
Audi poli rex gloriae
Laudum modos eeclesise
Quos corde solvit intimo
Et vocis oral debito.
Hoc sole Winnocus pater
Sancto solutus corpore
Ccelis potens extollitur
Donatur alto luraine.
Stirpis foit clarae patrum
Felix fide plenus Deo
Summam suae originis
Virtutum augens munus.
Cum clams esset stemmate
Exemplar altum protulit
Servire Subdi maluit
Cavit decus ferri sibi.
Quanta* fuit miracults
Quam magnus et stet mentis -^3
— 277 —
Signorum claret copla
Pandunt Dei magnalia.
Tectorum ignis culmina
Absumpsit edis robora
Servantur ejus pignera
Turn qumque slbi proxima.
Ad tumbam claud us venerat
Corpus solo jam straverat
Factus valens exiliit ,
Laudes Deo foetus dedit.
Deo patri sit gloria
Proli patris dignissimca
Laus flamini altissimo
Semper decus soli Deo. Amen*
YMNUS AD LAUDES.
Terris jubar jam spargitur
Orbi dies refunditur
Mentes graves pigredine
Juva Deus justissime.
Assint preces fusee Deo
Patris bcati Flandri®
Munus ferant his luroinis
Virtutum orneni munus.
Caeli repletus I amine
Orbi bonus resplenduit
Exempia doctor proevius
Ostendit actis omnibus.
Mills , pius , verus pater
Compasius est valde gravi
Icto viro virga Dei
Audit preces , lumen dedit.
— 278 —
Coecoe puelloe coBtulit
Natura quod negaverat'
Lumen sibi , raenti fidem
Exemplar et mortalibus.
Lucem , Jeihum in celbere
Lucem turn da glorioe
Servis tuis omnipotens
Omnia seclorum regens. Amen.
La seeonde parlie de noire manuscrit se com-
pose de la vie de Saint Oswald , roi de la Grande-
Bretagne, et de la translation des reliques de Sainte
Levinue a l’abbaye de Bergues. La vie de Saint
Oswald , edilee par Mabillon , d’apres le texte
meme de Saint Winoc , se divise en deux parties.
La premiere est extraite de Bede-le-Venerable
(Histoire eccles. d’Angleterre), et renferme vingt-
deux feuillets , la seeonde est formee de deux dis-
cours de Drogon , partages en lemons qu’on recitait
a la fete du saint. Cette seeonde partie ne contient
que six feuillets.
La translation des reliques de Sainte Levinne a
ete edilee par D. Mabillon , d’apres un manuscrit
de M. Bigot , avocat a Paris , et aussi par Dusolier
an tome 5 de juillet, page 608, du recueil des
Bollandistes ; ce savant jesuite la fait suivre d’une
int£ressante dissertation critique sur Drogon et ses
ouvrages. Cette translation se trouve encore dans
Alford (1) ; Annal. ad. ann. 687, p. 21. II existe
(!) Alford ou Griffith ou J. Flood , ne a Londres en 1587 v mort k
St Omer en 1652. ( Biog. uni vers.)
— 279 —
une conformity complete entre ces divers imprimis.
L’ouvrage est divise en deux livres precedes d’une
lettre a l’abbe Rumold et d’un prologue oil 1’au-
teur s’excuse de ne pouvoir donner la vie de Sainte
Levinne, qui lui est inconnue. < Vel propter in -
curiam scriptorum, vel quia etiam periit scrip turn. •
II raconte ensuite qu’un moine nomme Balgerus
alia ehercher les reliques eu Angleterre et aborda
un port nomme Douvres ( jui Dovere diciturj. Apres
un voyage aventureux, il revint en Flandre et se
reposa au monastere de St-Andre, puis enfm il
arriva a Bergues. Plusieurs Eveques se trouvaient
reunis pour recevoir les saintes depouilles ; c’etait
un Eveque d’Orient nomme Bovo , hommc de
moeurs severes aimant el craignant Dieu ; c’etait
un Archeveque nomme Theodore , puis eniin
Edelmus qui leva lui-meme le corps en presence
d’une foule innombrable.
Nous avons remarque, dans ee recit, un trait qui
prouve le cas qu’on faisait alors d’une bibliotheque.
En l’absence d’un local dispose expres pour renfermer
les restes de la sainte, on le deposa, dit 1’auteur ,
dans la bibliothbque oil etaient les livres, jusqu'b
ce qu’on eut construit un monument digne de re-
cevoir un aussi precieux depot. Peut-etre etait-ce
aussi parce que la bibliotheque , d’apres la regie
de St Benoit , etait situee hors des batiments
claustraux , ou le peuple ne pouvait entrer ; on
voulait que tout le monde put v6n6rer les reliques.
— 280 —
Le second livre est un recueil de miracles at-
tribues a la Sainte et precedes encore d’un pro-
logue a I’abbe Humold. Tel est ce beau manuscrit
dont s’enorgueillit a juste litre la bibliotheque de
Bergues.
N* 2.— cote 1311.
Borrn dc Sancla Cruce , officium B. Virginis , septem
psalmi et vigiliw mortvorum. Manuscrit in-8° sur
v61in. — 102 feuillets a longues lignes tracees
en rouge. (Provenant de St-Winoc).
Ce manuscrit est tout-a-fait un ouvrage de luxe,
d’une grande richesse d’illustrations. La reliure est
formee de deux planches de bois recouvertes en
veau ; les coins et les fermoirs sont en cuivre poli.
Le plat de la couverture est gauflfre de chaque
cote d’une maniere assez remarquable. On y voit
deux grands compartiments divises chacun en onze
petils medaillons qui representent un agneau , une
licorne , un chameau , un dragon , un pelican ,
un aigle a deux tetes , deux colombes soutenant
la croix au-dessus d’un calice , un Hon, un cerf,
un ecureuil et un h£ron ; autour du compartiment
se trouve cette devise assez commune au moyen-age :
Amor vincit omnia , hoc negat petunia. Ces re-
liures avec allegories et sentences, ne sont pas rares
dans les bibliotbbques anciennes ; elles datent
presque toutes du XVe siecle ou du commencement
du XVI*. Le XV? siecle ou tout au plus la (in du
— 281
XV* est aussi l’epoque a laqaellc on pout rap-
porter 1c manuscrit que nous examinons et qui ne
parait pas bien ancien dans la bibliotheque de
I’abbaye St-Winoc. Le premier feuillet en effet
porte ces mots : Amando Sallcmghe religioso abhatias
Sancti Winnoci bergis , dono R. Domini Frmcisci
Hardline pastoris in Waelen 1698.
Le manuscrit est orne de <dix belles peinlures
representant divers sujets religieux et qui sont
executees avec le plus grand soin. Par un vanda-
lisme qui n'est que trop commun , on a coupe ou
plutot scie plusieurs feuillets qui devaient etre en-
richis de miniatures du meme genre que celles
qui restent. Chaque page en outre renferme plu-
sieurs lettres majuscules finement coloriees et d’au-
tres oil 1’or est appliqu6 d’apres un procede que
nous avons perdu ; dans certaines initiates on voit
jusqu’a sept ou buit personnages tous parfaitement
dessines. Plusieurs feuillets sont completement en-
cadres de guirlandes de flours et de rinceaux d’une
rare delicatesse.
Au devant des lieures de la croix se trouvent
deux calendriers. Le premier , qui est en flamand,
a ete evidemment ajoute apres la confection du
manuscrit. II porte la date de 1485. Le second
calendrier est en latin et le precedent n’en est que
la traduction. Les lieures de la croix forment la
premiere partic du manuscrit; plusieurs auteurs et
36
- 282 —
bibliophiles les attribuent au pere Germain, deuxieme
abbe de St-Winoc mais ne citent aucun document
a 1’appui de leur opinion. Ces heures , du reste,
consistent uniquement en une courte reflexion pour
chaque division de I’office , elles n’occupent que
trois feuillets.
Les heures de la croix sont suivies de l’oflice
de la Sainte Vierge , des sept pseaumes et des
vigiles des morts. Puis viennent des prieres et des
antiennes a Marie et a plusieurs Saints , entre
autres a Saint Antoine , l’un des premiers ermites,
envers qui tous les religieux avaient la plus grande
devotion.
N° 3. — c6mfc <279.
Hieronymus ad Eustochium de virginitate servanda ,
idem ad Demetriadem. Manuscrit in-12, ecril sur
velin a longues lignes traces en violet. (Prov.
de St-Winoc).
La reliure de ce manuscrit est du XYI* siecle
et porte les armes de Jean Mofilin , abbe de St-
Winoc en 1 585, dont nous avons parte plus haut.
Sur le premier feuillet se trouvent d’autres armoi-
ries peintes & la main. Le manuscrit qui, d’apres
l’ecriture , parait dater du XV* siecle, est d’une
conservation parfaite; on le croirait de la veille.
Les lettres initiates sont toutes dorees et coloriees;
plusieurs pages sont encadrees de peintures assez
— *83 —
fines. Tout l’ouvrage enfin est charge de notes et
de renvois plus modernes a 1’encre noire et rouge.
L’6pitre de Saint Jerdme a Eustochium sur la
virginite, charmait autrefois les loisirs des moines dans
les communautes. 11 y fait, ainsi que dans sa lettre
a Demetriade, un tel 61oge de la continence ab~
solue, qu’on l’accusa d’etre du parti de certains
heretiques , qui niaient la sainted du manage.
Saint J6rome s’en defendit et r6futa ses adversaires
par une lettre fort piquante oh il devoile leur hy-
pocrisie. Le traite de la virginity adress6 a la vierge
Eustochium a ete ecrit & Rome et date , selon Dupin,
de 385.
N* 4. — COTE 1281.
Botch van den Heiligen Sacrament end dit heeft
ghemackt S* Thomas van Aquinen. Manuscrit in-
12 sur papier. (Prov. de St-Winoc).
Sous ce titre flamand qui veut dire Livre du
St-Sacrement d'aprh Saint Thomas , ce manuscrit
renferme des meditations flamandes sur la Passion
de Jesus-Chrisl , traduites et commentees de Saint
Augustin, de Saint Thomas, etc.
Get ouvrage, dont plusieurs feuilletssont arraches,
est ecrit a l’encre noire et rouge , il date probable-
ment du XV* siecle. Les initiates sont surcharges
d’ornements, et plusieurs pages , surtout la pre-
miere qui est en velin , sont asscz richement en-
— 284 —
cadrces. L’auteur de ce livre , donl les Flamands
seuls peuvent apprecier !e merite , est totalemeut
inconnu , il etait probablement moine de St-Winoc,
car son oeuvre nous vient de l’abbaye.
N° 5. — cote 1 449.
Jehan Boccace de Certald , des cas des nobles mal-
heureux homines el femmes , translate de lalin cn
fran^ois. Manuscrit in-f° de 7 .a 800 pages , ecrit
sur papier , caracteres* de la fin du XVe siccle.
(Provenant de St-Winoc).
Boccace (Jean) , ne a Certaldo pres de Florence,
et selon d'autres a Paris , est non seulement un
conteur admirable , mais aussi un historien et un
erudit. Son ouvrage lc plus connu est le Decameron
oil Lafoutaine a puise plusieurs conies en choisissant
les plus licencieux et en ajoutant encore a la har-
diesse de roriginal. Les excmplaires manuscrits du
Decameron sont assez communs et existent dans
bien de6 bibliotlicques ; mais le livre de easibus
illustrium virorum , traduit en fran^ais, est plus
rare. Le prix cependant devait en etre bien peu
eleve a une certaine epoque , car au temps oil la
bibliotheque n’ctait pas encore classee , un magistral
dc Bcrgues , mort depuis longues annces , essaya
de vendre a Paris lc manuscrit dont nous parlous;
rebule par la modique sommc qu’on lui cn
oflrait , il le rapporla a Bcrgucs. 11 est vrai de
— 285 —
dire quo noire manuscrit est d’une execution uia~
tcrielle assez peu soignee. Le copisle a defigure
Boccace et son naif translateur , par une foule de
peintures plus laidcs et plus grotesques les unes
que les autres. Elies sont curieuses cependant en ce
qu’clles donnent les costumes du XVs siecle, revelant
des personnages grecs et romains. La traduction
fran^aise est de Laurent de Prcmierfait. Elle fut
employee dans plusieurs editions imprimees a la
fin du XV® siecle, en particulier daus cede de
Paris de 1483, dont la vignette represenlant 1’of-
frande du livre est absolument la m6me que celle
de notre manuscrit (1).
Voici la dedicace du traductcur qui peut servir
de specimen de sa diction :
A puissant noble et excellent prince Johan fdz de
Roy de France , Due de Berry et de Auvergne ,
Comte de Poitou , d'Eslampes et de Boulongne et
de Auvergne , Laurens de Premierfait , clercq et
vostre moins digne secretaire cl serf de brnne foy,
toule obedience el subjection deue comme it mon trh
redoubte seigneur el bienfaiclcur et agreablement
recepvoir le labeur de mon estude et benignement
exenser la pelitesse de mon engin au regard de la
grande besongne de vostre enlendement par moy
dapiecha entreprinse et nouvcllement finec. Combien
que par vostre especial mandement , je aye soublz
(1) Brunet , ed. do 1812 , t. 1 , art. Boccace.
la confiance da vostre naturelle bdgninite el en cspoir
de vottre gracieux aide el confort entreprins le
dangerem et long travail de la translation d'un
trh singulier el exquis volume des eat des homes
et femes nobles , escripl et eompili par Jehan Boc-
cace de Certald jadis home moult excellent et expert
en anchienes hisloires et toules aullres sciences hu-
tnaines et divines. Nianlmoins pour I'excellence de
celle anchienne et royale lignde dont vans prenez
naissance el vertus , aussi pour la noblesse de vos
mceurs et vertus qui & bon droit deservent par du-
rable bienheurte envers Dieu et envers let homines,
loange et renommie Id longtemps et que en ubdissant
a vos commandements je tournay mon courage d
yceulx accomplir ainsi tomme je doy. C'cst assavoir
d translater en langage franchoit le volume dessusdit
contenant en lalin IX livres particuliers racontants
ou en long ou en brief let malhenreux cos des nobles
homes et femes, qui depuis Adam et Eve les premiers
de tons homes moururent en hault degrd de la roe
de fortune , jusques au temps de trh excellent et
noble prince Jehan le premier de ce nom voslre trh
royal pbre jadis Roy des Franchois , du quel le cas
trh briefment racomple la fin de ce present volume.
El pour ce doncques que ce present livre est intituld
des cas des nobles homes et femes et que les cas
semblent avoir ddpendance et cause efficiente de par
fortune , je voeil premierement et en brief selon mon
advis ychi dire la cause pourquoy touttes lee dis-
— 287 —
tinctes el honneurs , richesses , puissance et gloire
mondaine semblent dire et soient subjectes d fortune
qui toudis tourne sa roe en tramuiwnt les choses
de ce monde , et apres je diray une prouvable ma-
nibre parquoy chacun home et feme puissent eulx
affranchir et exempter de ces cat et des tribuche -
ments de fortune.
N® 6. — c6t£ 4312.
Ce numero contient, dans un meme volume, deux
ouvrages differents. Nous les traiterons l’un aprfes
l’autre.
I. Livre de Bobce de la consolation lequel maistre
Jehan de Mehun translala de latin en franchois
et dbdia au Roy de France Philippe le quart
du nom. Manuscrit in-4® de 4 491 , papier.
(Prov. de St-Winoc).
Boece est assez connu pour qu’on nous dispense
d’en parler. La traduction qp’en fit Jehan de Meung
en 1283, est fort curieuse par l’intergt meme qui
s'attache 4 notre antique romancier. Cette traduc-
tion est en vers et en prose. Dans la dedicace ,
l’auteur rappelle ses autres ouvrages :
• A ta royale Majestb , trbs noble prince, par. la
grdce de Dieu Roy des Franchois, Philippe le quart,
je Jehan dc Mehun , qui jadis au romant de la Rose
puisque jalousie ot mis en pris Beaccueil , enseigni
la manibre du castel prendre et de la rose cueillir.
— 288 —
et translate dc latin en Franchois Ic line de Yegece
de chevalerie, et Ic livre des merreilles dc Hirlande,
et le livre des ipislres dc Maistre Pierre Abeillard
et XHelois sa feme, et le livre de Aelred de spiri-
tuelle amitii, envoye ore* Boece de consolation que
jai translate en franchois , ja^oit ce que enlendes
bicn le latin , etc.
L’on nous permettra dc citer ici un court frag-
ment de la traduction en vers de Jean de Mehun.
Icy Philosophic parle h Bohce en la personae de
Fortune qui se complaint de Xavarice des homes .
Se autant comme la mcr a d’avaines ,
Ei les nues cleres et scraines
Ont d’esioilcs au firmament :
Tant a'lministrait largement
Fortune aux homes convoiteux ;
Or its avoient dons precieux ,
Ja pour le moins ne se plalndroit ,
Et tousiours plus avoir vouldroit.
Si Dicu faisoit tout leur voutoir
Et se fist or du del plouvoir
Ken seroient-ils saoulx !
Qual tant auroient angoulx
Autre guise de plus conquerrc
Queroient en ciel et en terre ,
Car , quand convoiteux est plus riche
Assez et plus avers et sicche.
La deuxieme parlie du n° 6 est intitulee ou
plutot commence ainsi :
« An ce petit livre est contenue une briefee et
— 289 —
utile doctrine pour les simples gens la quelle est
prinse el compose sur le Cathon avec aucunes dic-
tions el autorilis des saints docteurs el des pro-
phktes et aussi plusieurs histoires et exemples au-
thentiques des saints phres et croniques anciennes ,
vraies et aprouvies. •
Cet ouvrage est un commentaire frangais des
distiques de Dionysius Calon, auteur latin, qui
vivait vers le 3e siecle et qui jouissait d’une tres
grande vogue au moyen-Sge , comme le prouvent
les nombreux manuscrits et imprimes que I’on en
connait. Une des editions les plus remarquables
est celle de 1 533 , sous ce titre :
Les mots et Sentences dories de Mattre de sagesse
Colon , etc. Cette traduction a et6 imprimee en
\ 798, avec les notes de Boulard et une polyglotte.
Le manuscrit que nous poss£dons est loin d’etre
remarquable ; il est comme le precedent , d’une
ecriture assez difficile a lire et porte la date de
1491.
N° 7. — c6te 1321.
Legendw sanctorum quas compilavit Frater Jacobus
de Voragine, nacione genuensis, de ordine fratrum
prcBdicatorum. Manuscrit in-f\ 250 feuillets papier.
(Proven, incertaine).
La legende dor6e , dont les na'ifs recits plai—
saient tant a nos bons aieux , tomba avec tous les
37
— 290 —
autres monuments du moyen-age devant le magni-
fique m^pris du dix-septieme siecle. Plus tard , la
philosophic voltairienne , cette philosophic froide
et sans coeur , ecrasa de son ironic le pauvre ar-
cheveque de Genes et son livre si poelique. Au-
jourd’hui que l’id^e chretiennc refleurit de toute
part, que les belles eglises ogivales sortent de
leurs ruines , que la critique historique puise dans
l’hagiographie comme aux sources les plus certaines,
on n’a eu garde de laisser dans l’oubli les l£gendes
des saints de Jacques de Yoragine. On les a ree-
ditees , on les a etudiees , on a constate la verite
ou du moins la probability de certains recits qui,
jusqu’a present, avaient pass6 pour absurdes (1);
on a admir£ la richesse d’imagination et la po£sie
si chretienne qui font de ce livre pieux l’un des
plus precieux legs du moyen-age. Le manuscrit
que nous avons, est de date assez recente , comme
l’indique son dernier feuillet : Completa est hcec
aurea legenda in profesto Maltha % apostoli per
manum Nicolai Oostone, anno 1436. L’ecriture est
en general peu soignee et parfois meme presque
illisible.
N* 8. — c6ti5 1322.
Postilla Nicholai de Lyra, sup. epistolas Pauli ,
canonis Jacobi , Petri , Joannis , Judce , in aclibus
(1) Atari Sainte Madeleine au ddaert de la Ste-Baome qai a donnd lieu
an poeme ridicule du p&rc Saint-LouU.
— 291 —
apostolorum et apocalypsi. Manuscrit in— f® sur
parchemin et papier, rel. cuir de Russie. (Prov.
incertaine).
Nicolas de Lyre ou Lyranus tire sod nom de
son pays situe pres d’Evreux , comme le prouve
le distique :
Lyra brevis vicus normanna in gente Celebris,
Prima mibi vitoe janua sorsque fait.
Nicolas prit l’habit de St Francois en 1291, et
mourut en 1340. Ses postilles , qui jouissaient
autrefois d’une trfes grande celebrite, sont de petits
conimentaires sur les versets de la bible. Celles
qui concernent la seconde partie du nouveau testa-
ment, sont seules renfermees dans notre manuscrit
qui est d’une assez belle execution mais qui ne
peut gufere remonter qu’au commencement du XV*
siecle.
N° 9. — cot£ 1314.
Quo ordme aut quibus horn divina peraganlur.
Manuscrit petit in-f\ a longues lignes , 1 589,
(Prov. de St-Winoc).
Ce livre donne l’ordre des offices k 1'abbaye de
St-Winoc. II est tres-bien ecrit avec lettres rouges
encadr£es et enluminees. En voici le commence-
ment : « Volumus igitur ut omnia divina obsequia
ordinate et certo tempore fiant. Ila volumus ut pri-
vatis diebus omni tempore circa duodecimam , do-
— 292 —
minicis et festis circa undecimam north , aut matu-
rius secundum officio , excitator ad vigilias prim
vocatis fralribus , primum signum pulset. Quibus
diligenler pactis simul cum matutinis fratres se recol-
ligant ut moris est meditationi vel lectioni insistentes
aut hujus modi ita tamen ut post mediam horam
se reponant. » On voit que dans nos abbayes, a
la fin du 1 6e siecle , la regie de St-Bcnoit etait
encore assez rigouieusement observee.
L’ouvrage se termine ainsi : Huic scriptioni fincm
imposuit Fr. Gerardus Sourys Terlonius, anno do-
mini 1 589 , 6a aprilis.
N° 10. — cote 1313.
Antiquoe constitutiones abbatice Sancti Winnoci. Petit
in-P. d’environ 200 feuillets. (Provenant de
St-Winoc).
Ce manuscrit se divise en deux parlies ; la pre-
miere traite exclusivement des offices et est a peu
de choses pres la reproduction du manuscrit pre-
cedent; la seconde partie donne les regies int£-
rieures de la maison. On peut y voir les prero-
gatives et les obligations de I’abbe , les heures de
repas , de rentree et de sortie des moines. Ce ma-
nuscrit fut termine par Jean de Cambrai , le 7
avril 1590. L’ecriture est mieux soignee que celle
du n* 9; rorncmcnlation dcs grandes majuscules
initiates est tout-a-fait du memo genre.
— 293 —
N® H.—cote <294.
Liber carrernonialis monachorum congregationit cam -
nensis alias S® Justinoe distinctus in quinque
paries. Manuscrit in-8° de pres de quatre cents
feuillets , tin du <6* ou commencement du <7®
siecle. ( Prov. de St-Winoc).
Saint Benoit avait laisse, par sa regie, chaque
monastere dans une complete independance ; I’abbe
etait chef souverain des moines qui l’avaient 61u.
Mais bienlot les papes se virent obliges de relier
entre elles les diverses abbayes; et celle du Mont
Cassin , fondee par Saint Benoit lui-meme , s’at-
tribua une sorte de preponderance et se mit k la
tele d’une congregation qui porta son nom. Cette
congregation, en <504, s’incorpora k celle de
Sainle Justine de Padouc. Mais en France , les
monasteres ne voulurent pas se soumettre a une
surveillance etrangere ; en vain les abbes de Citeaux,
munis des ordres du pape , voulurent visiter les
abbayes de 1’ordre de Saint Benoit ; 1’autorile
qu’ils voulaient se donner fut entierement meconnue.
Mais enfin , en plusieurs endroits , les desordres
des moines devinrent extremes, et le pape for$a
les abbayes restees independantes k se reunir au
nombre de trois ou quatre au moins , pour former
une congregation. C’est alors , vers la fin du \ 6®
siecle seulement, que la congregation dite du Mont-
Cassin , fut fondee dans le nord de la France et
dans la vieille Fiandre, mais elle n’avait de com"
— 294 —
man qae le nom avcc celle d’ltalie dont nous avons
parle plus haut.
La congregation de Flandre , ou cliaque abbe-
conservait son entiere independance , se composait
des abbayes de St-Yaast , de St-Bertm , de St-
YYinoc et de St-Pierre de Btandin. Les regies qu’on
y observait sent renfermees dans le manuserit que
nous examinons. II est divise en cinq livres qui
sont cliacun precedes d’un prologue. Le premier
livre est tout-a-fait lilurgique ; il indique les heures
des offices , les ceremonies du ckoeur , les prieres.
particulieres des moines.
Le deuxieme livre traite du Chapitre ou chaque
religieux venait humblement accuser ses fautes ; il
parle aussi des autres ceremonies religieuses en
usage dans les communautes ; le troisieme livre
donne les statuts generaux de la congregation et
les regies particulieres aux monasteres ; un cha-
pitre special est consacre a la bibliotheque , situee,
comme l’on sait , hors des batiments claustraux ;
les freres par consequent n’y etaient pas admis;
un bibliothecaire , nomme par l’abbe , distribuait
un livre a (a fois a chacun de ceux qui en avaient
besoin; cependant pour une cause raisonnable et
avec 1’assentiment du superieur , it etait permis
d’avoir plusieurs ouvrages ensemble : Pro causa
honesta et cum licencia superioris plures libros
habere licet. Quant aux gens instruits , la bibiio—
theque leur etait toujours ouverte; c’etait en leur
— 295 —
Faveur qu’elle se trouvait, ainsi que le logement de
l’abbe, hors de (’enceinte reservee aux moines.
Le quatrifeme livre regie les sorties des freres
qui ne doivent avoir lieu qu’avec la permission de
l’abbe ; il ordonne aussi le travail manuel et assi-
gne les heures qui doivent lui etre consacrees.
Le cinquieme livre enfin traite uniquement des
fautes et des punitions qu’elles encourent. En somme
ce manuscrit, qui est d’une lecture assez facile, est
fort interessant et le deviendra davantage par la
suite , lorsque les souvenirs encore vivants des
anciennes communautes viendront a s’effacer tota-
lement. — Cet ouvrage n’etait pas a l’abbaye de
St-Winoc avant 1618, car sur la premiere page
on lit ces mots :
Monaslerii Sancti Petri ante fui , nunc sum tno-
nasterii Sancti Winnoci, ex domo PP. administrator
et servanle, 1618.
N* 12. — cote 1271.
Den speighel van Sassen dat tcelcke tracteerende
ende in houden is alle keyserlicke rechten, dye-
men daghelick mest ghebruck ende is. Mss. in- 8°,
200 feuillets ; prov. inconnue.
Ce titre flamand est celui d’un petit traite im-
prime It Leyde par Janseversen en 1512. II si-
gnifie : Sommaire de toute la legislation civile,
dixmes et autres communes impositions, par Sassen.
— 296 —
Ce petit imprint d’unc cinquantaine de pages so
trouve au devant du Mss. dont void le litre latin ;
Copia sabulla sive lillerarum ereationis primi du-
ds Gelriw per Ludovicum quarlum Romanorum im-
peratorem semper augustum, usque ad 4 538.
Ce manuscrit est tout flamand , il donne les
decrets et ordonnances des dues de Gueldre de-
pute leur origine jusqu’en 1538. L’ecriture, tres
difficile k lire, parait appartenir k diverses epoques
depuis la fin du XVe siecle jusqu’a la moitie du
XVI®. Le cartonnage recent du volume fait sup-
poser qu’on aura voulu reunir les deux ouvrages
pour la commodity des lecteurs.
N° 13. — cote 1276..
Brevis methodus orationis mentalis. Mss. in-16,
sur papier. 17® s. (Prov.de St-Wiuoc.)
Ce petit livre est dans le genre des fameux
exercices de Saint Ignace qui, selon 1’expression d’un
ecrivain, « a transforme la prikre en art ntecani-
que en faisant de la folle du logis le guide va-
gabond de la pensee. > Un ebapitre entier est
consacre k prouver que les Benedictins doivent
s'attacher k I’oraison mentale : Benedictinos mo-
nachos ex instituto et regula ad orationem menta-
lem teneri. La Methode est suivie d’un autre ou-
vrage intitule ainsi : Brevis traetalus de instrument
— 207 —
tin sive de mediis assequendai virtutis auclort
eodem. L’auteur du rcste n-e s’est pas fait con-
naitre.
N* 14. — c6te 1783.
Statuta et ordinationes capituli provincialis eclebrali
in ecclesia Sanctce genitricis Marice , Antwerpiee ,
ordinis preemonstralensis , anno Domini 1643, a
secunda die Julii usque ad 21 ejusdem ; prcesi-
dente in eo admodum reverendissimo patre Do-
mino , Domno Joanne Chrysostomio prcediclee
ecclesiw abbate , ejusdem sacri et canonici ordinis
pmmonslratensis circarias Brabantioe et Frisia:
vicario generali et visitatore. Manuscrit in-8*
d’une centaine de feuillets. (Prov. inconnue).
L’ordre des premontres , fonde en 1120, par
Saint Norbert , s’etait excessivement etendu puisqu’il
comptait plus de mille abbayes et pres de mille
huit cents prevotes et prieures (1). L’ordre etait
tombe par la meme dans un grand relachemeut,
et au 1 7* siecle des reformes s’etablissaient partout.
Le chapitre tenu dans l’eglise de Ste-Marie a
Anvers , avait pour but de faire revenir a la regie
primitive les religieux de la province qui s’en
6taient ecartes. Aussi les statuts ordonnent-ils une
foule de prescriptions tombees en desuetude par
rapport au jeune , a I’assislance au choeur , a
l’habit monachal. Elies s’6tendent meme a la barbe
(1) Lepuigc , bibliotli. S. ord. pmmonslr.
38
— 298 —
que tousles chanoines sont obliges de se faire raser
ainsi que les cheveux-, a moms d'une dispense
expresse des superieurs. Ces statuts qui ont du
etre copies fort peu de temps apres la tenue du
chapitre, se terminent ainsi : Extractum hoc ex
aclis capituli provincialis concordat cum resolution
nibus originalibus quod leslor Chrysostomus abbas ,
Michaelis mcarius.
N® 15. — c6t£ 1274.
Memorials benedictinum sanctorum , beatorum , ac
illustrium virorum memorice juvandce gratia in
singulos totius anni dies dislributum opere el
studio R. D. Amandi Belver , benedictini. Manus-
crit in-8° sur papier. 340 feuillets. 17* siecle.
(Prov. dc St-Winoc).
Dorn Amand Belver etait , selon toute apparence,
d’origine espagnole , et fut religieux de 1’abbaye
de St-Winoc. Les ouvrages que Ton connait de
lui sont d’abord le Memoriale benedictinum dont
nous allons parler , puis Elucidatio rubricarum
(v. n° 16), et enfin une vie de Saint Winoc ,
ecrite en Jespagnol d’apres Drogon , imprimee a
Bergues chez Ketelaer en 1666. L’auteur des re-
cherches sur la ville de Bergues lui attribue en-
core , mais a tort , selon nous , les constitutions
de l’abbaye de St-Winoc dont nous avons parle
plus haut (n* 10). Ces constitutions Rentes par
— 299 —
Jean de Cambrai datent de 1 590 1 longtemps avant
la naissance de Belver.
Le Memoriale benedictinum est bien posterieur a
la date de 1 622 , qu’on lui a attribute (1), puisque
p. 284 , l'auteur parle de la vie de Saint Winoc
qu’il a editee, dit-il , cn 1668. Ge Memoriale donne
la vie de tous les Saints de l’ordre des ben£dictins
au jour oil ils sont fetes. Celle de Saint Winoc
est trait£e d’une maniere specials, et les dates
precises qui y sont, rapportees , d’apres les chro-
niques du monastere , la rendent fort interessante.
Selon Belver, Saint Winoc mourut a Whormout
le 6 novembre 717, aprfes cinquante-deux ans de
profession religieuse , et fut mis au nombre dcs
Saints par VEvdque du diocbse, le 23 mars dc
Yaunde suivante. Le corps du Saint reposa a Whor-
mout jusqu’en 836 , puis fut porte a St-Omer oil
il resta jusqu’en 900 ; a cette epoque , Baudouin-
le-Chauve le fit revenir k Bergues oil il demeura
definitivement.
Belver , contre l’usage de son temps , cite avec
un soin extreme toutes ses autorites et surtout les
annales de Pierre Walloncappelle. Son ouvrage est
dedie au pere Van Osch , prieur de l’abbaye de
St-Winoc. Il est suivi d’un catalogue fort curieux
oil il indique les Saints que l’on invoquait dans
la Flandre pour les diverses maladies. Nous ne
(I) Rech historiq. sur Bergues. Get ouvrage est tres-romarquable mu’gre
quelques erreurs de detail impossibles a eviler complelemejil.
— 300 —
vouions pas priver lc lecteur de ce singulier do-
cument que nous copious textuellement :
MORBORUM MEDICI M1RIFICI.
FEBRIS ICTER1TIS SEU ALR1GIMS G ALLICE, malddie qUOft
appelle la jaunisse , Flandrice, geelsuchte.
Sanctus Mochua. . . .
.
. 1
Januarii.
Sanctus Tillo ....
. 7
id.
Sanctus Leobardus. . .
*
. 18
id.
Sanctus Dominicus Soranus.
. 22
id.
Sanctus Agilus. . . .
\ 23
id.
Sanctus Macarius . .
. 24
id.
Sanctus Eleulherius abbas
. 5
Februarii.
Sanctus Amandus. . .
. 6
id.
Sanctus Bonifacius Laus.
. 19
id.
Sanctus Joannes Lucensis.
. 22
id.
Sanctus Winebaudus.
. 6
Aprilis.
Sanctus Paternus. . .
. 16
id.
Sanctus Richardus abbas.
. 14
Junii.
Sanctus Alelmus . . .
. 5
Septembris.
Sanctus Rogindus. . .
. 18
id.
Sanctus Hugo Aurelian .
..
. 19
id.
Sanctus Gerardus. . .
. 3
Octobris.
Sanctus Deusdedit. . .
•
. 9
id.
Sanctus Winnocus. .. .
•
. 6
Novembris.
TERTIjE et quartans
■(febris).
Sanctus Venantius. .
•
. 13
Octobris.
quartans (febris).
Sanctus Amabilis. . .
#
. 19
Octobris.
Sanctus Robertus. . .
•
. 19
Julii.
— 301 —
hernia: et ruptura:.
Beatus Joannes Casinensis'.
•
18 Januari.
Sanctus Thomas Camald. .
•
25 Martii.
Saucta Maria de QEgnies. .
•
23 Junii.
DEN TIE M.
Sanctus Michael Camald. .
21 Januarii.
Sanctus Tetricus ....
16 Martii.
Sanctus Ursmarus. . . .
a
18 Aprilis.
Sanctus Ingelmundus, . .
•
21 Junii.
Sanctus Ediltruda. . . .
•
id.
AMENTIAS.
Sanctus Nicolaus genuensis.
•
23 Februarii.
Sanctus Cradda episcop.
2 Martii.
Sanctus Gerardus. . . .
.
5 Aprilis. •
Sanctus Wilhelmus. .• . .
•
5 Julii.
LEP l\M.
Sanctus Romanus. . . .
•
28 Februarii.
Sancta Aleydes
•
11 Junii.
DOLOMS CAPITIS.
Sanctus Adus episcop. . .
28 Febr.
Sancta Juliana abbatissa.
22 Julii.
squinantla:.
Sanctus Suitpertus 1 Martii.
CADUCIS MORBI.
Sanctus Reinhardus .... SI Martii.
— 302 —
LYMPHAT1CI MORBI.
Sanctus Pontius 26 Martii.
LUNATICI MORBI.
Sanctus Gerroinus abbas.. . .47 Aprilis.
VILCRUM ET TORM1MJM.
Sanctus Elphegus. . . . . .49 Aprilis.
OCULORUM.
Sancta Francha abbalt. ... 25 Apr.
Sanctus Leodegarius (1). . . 2 Octobris.
PHLEBOTOMISE, G ALLICE SeigTlde, DE SEINE, FLANDRICE:
ADER-LATINGHE MET DE VLIEME.
Sanctus Joannes 6 Maii.
LETHARGIC.
Sanctus Adelmus. . . . .25 Maii.
epilepsias (it mal eaduc ).
Sanctus Lambertus vincensis.
Sancta Erentruda. . . . .30 Junii.
POLYPI.
Sanctus Fiacrius 30 August.
MORBI REGIl.
Sanctus Gerardus. .• . . . 3 Octobris.
LUIS GALLICSE.
Sanctus Titho abbas. . . . 3 Octobris.
(1) Saint Ldger cat encore apdcialement invoqud a Soex , arron-
ibsement de Dunkerque.
— 303 —
PARTURITIONTS.
Beatus Godefridus 3 Octobris.
Sanctus Winnocus 6 Novembris.
CALCULI.
Sanctiss. P. noster Benedictus. SI Marlii.
Sancta Syria
. . 8 Junii.
PESTIS.
S“ Pater nos. Benedictus
. . 21 Martii.
Sanctus Raynaidus. . .
. . 9 Februarii.
Beau Joanna Balneensis.
. . 16 Januarii.
Sanctus Molacus . . .
. . 20 .Januarii.
Sanctus Oswaldus episc.
. . 28 Febr.
Sanctus Cuthberthus.
. . 20 Martii.
Sancta Godoberla. . .
. . 11 Aprilis.
Sanctus Gudwalus. . .
. . 6 Junii.
Sancta Colomba. . . .
. . 9 Junii.
Sanctus Deodatus. . .
. . 19 Junii.
Sanctus Hildulphus. . .
. . 11 Julii.
Sancta Hunegondes. . .
. . 25 Aug.
Sanctus Agricolus episc.
. . 2 Septembris.
Sanctus Remaclus episc.
. . 3 Septemb.
Sanctus Richardus. . .
. . 15 Septemb.
Sanctus Benedictus Wallumb. . 24 Septemb.
Sanctus Nicetius episc. .
. . 6 Octob.
Sanctus Malachius. . .
. . 9 Novemb.
Sanctus Eligius episc.
. . 1 Deccmbris.
— 304 —
N® 16. — COTE 1273.
Elucidalio brevis rubricarum seu legum breviarii
romani Clemenlis VIII et Vrbani Vlll authoritale
recogniti authore R. D. Atnando Belver religioso
benedictino in abbatia Sl Winnoci. Manuscrit
in-8®, 216 feuilles. (Prov. de St-Winoc).
Ce petit ouvrage , dedi6 a l’abbe Maur de Wi-
gnacourt , en 1 662 , a pour objct d’aplanir les
difliculles que prSsente parfois aux ecclesiastiques
la recitation du breviaire. 11 est divise en neuf
parties, dont voici les titres : 1° De horis canonicis
in genere ; — 2® De praludiis breviarii romani ; —
3® De rubricis ; — 4® De proprio ritu singularum
horarum canonicarum ; — 5® De horarum parlibus ;
— 6® De proprio de tempore ; — 7® De proprio
sanctorum ; — 8® De communi sanctorum ; — 9® De
appendicibus breviarii. Le manuscrit est suivi de
l’approbation du censeur diocesain a Ypres , Fran-
cois de Carpentier. Elle est datee du mois de
d6ccmbre 16G2.
N® 17. — COTE 1273.
Regulce ad monachos. Manuscrit petit in-4® de 200
feuillets environ, moitie du 17® siecle. (Prov.
inconnue).
Ce manuscrit est un traite de regies generates
pour lesmoines, divise en un prologue et soixante-
— 305 —
treizc chapitres. Le premier parlc ties differentes
espfeces de moines que I’auteur divise en Cenobites,
Ermites , Sarabaites et Girovagues. Mais cette di-
vision ne peut guferes s'appliquer qu’aux premiers
siecles du christianisme ; les ermites n’existent plus
depuis longtemps , et les ordres que Ton appelait
MendmnU ne peuvent se comparer aux anciens
girovagues qui erraient de mooastferes en monasteres.
L’auteur de ces rfegles a suivi en g6n6ral cel les
de Saint Augustin et de Saint Benoit qui elaient
les plus repandues. Le manuscrit ne porte ni
nom ni date , mais d’apr&s l’dcriture on le suppose
du 17® sitfcle.
N® 18. — c6t^ 1277.
Recueil de pibces de vers , latines et flamandes , de
1677 k 1681. Manuscrit in -18. (Proveuant de
St-Winoc).
Ce recueil assez curieux vient probablement des
Jesuites qui avaient autrefois un college a Bergues ;
le titre suivant de l’une des pieces semble au moins
l’indiquer : Ecloga recitata sexto die d festo divi
Petri qua R. P. Van der Plancken celebratur gymnasii
Bergensis prcefectus. Puis viennent les personnages
obliges de toute eglogue : Mopsus , Damcetas , Ti-
tyrus et Corydon. Dans ce recueil se trouvent des
tragedies , des chansons , des pofemes , des £pita~
phes , des eglogues , des descriptions , des discours
39
— 306 —
en vers. Le style de ces differentes pieces est
souvent fort Strange et I’on y rencontre des en-
droits tres libres , surtout dans certaines chansons
macaroniques, moitie latines moitie flamandes. Tout,
au reste, est dans le gout payen qui doroinait au
47* siccle.
N# 49. — cot^ 4272.
Festa sanctorum ordinis. Manuscrit petit in-4* de
400 feuillets environ. (Prov. de St-Winoc).
Ce livre purement ecclesiastique contient 1’ office
des Saints de l’ordre des Benedictins. Les lemons
de matines de Saint Winoc, offrent quelque interet
parce qu’elles presen tent un abrege de sa vie. Elies
sont d’ailleurs presque textuel lenient tiroes du
manuscrit de Drogon.
N* 20. — c6t^ 4270.
Officia propria sanctorum quce in hoc monasterio
Sancti Winnoci celebrantur. Manuscrit in- 4° de
300 feuillets environ, 47* siecle. (Prov. de
St-Winoc).
Ce manuscrit qui porte la date de 4 692, est re-
marquable par la beauts de l’6criture. II contient
4 peu de chose pres les m6mes offices que le pre-
cedent. Vers le milieu du volume se trouve un
second titre : Officia nova quce non habentur in
— 307 —
breoiario romano. Ce sont encore des offices pro-
pres a l’ordre de Saint Benoit et qui ne se trouvent
pas dans le breviaire ordinaire.
N* 21. — c6te 1280.
Officio propria ordinis S1 Benedicti atque notlri
monasterii Sancti Wirmoci. Manuscrit in-16, dore
sur tranches , rel. maroquin. ( Provenant de
St-Winoc).
Du m£me genre que les deux precedents, ce
manuscrit n’est remarquable que par sa belle exe-
cution. 11 ne porte pas de date , mais on peut
l’attribuer conune les autres au 17s siecle.
N° 22. — cote 1278.
Mamale verborum D. N. Jesu Chritti quae nobit
in Evangeliis mis , discedens ex hoc mundo ad
patrem, per testamentum reliquit. Manuscrit in-1 8,
200 pages. (Ex libris LafondJ.
C’est un recueil des paroles de Jesus- Christ ,
rangees par ordre d’evangiles et par ordre de
versets. Ce petit ouvrage est suivi d’exercices pieux
a l’usage d’une congregation dite de Jesus^Christ,
de prieres diverges et de litanies. II parait dater
tout au plus de la fin du 17* siecle.
N* 23. — cote 1439;
Dictionarkm-biglotton geographicum latino •‘belgicum
— 308 —
el belgico latinwn opera FrU Frederiei Codron,
prioris S<* Ceeilioe Dixmudis. Maouscrit petit in-4*
compost de deux volumes , le premier de 4 500
pages , le deuxieme de 300. (Prov. de St-Nicolas
de Fumes).
Ce dictionnaire geographique latin-flamand et
flamand-latin , est revetu de deux approbations ,
l’une de Burie , prieur de St-Nicolas a Fumes,
1’autre de Bertrando Pycko , provincial des Fran-
ciseains , tootes les deux datees de 1 770. II est
plus que probable que malgre la permission et les
eloges des superieurs , le manuscrit n’a pas ete
imprime , car voici ce qu’on lit au verso du pre-
mier feuillet :
Cum auctor hujus operit imprestorem rogattei
quam mercedem pro imprestionne hujus desideraret,
proba hie adjacente sumpta, tantum 4260 florenos
petiit , pro proba autem 8 solidos hispanicos. —
Pro memoria.
L’ouvrage du pere Codron se divise en deux
parties qui forment chacune un volume. Dans la
premiere partie , qui est la plus importante , il
donne en langue flamande les noms geographiques
avec leur traduction latine qui renvoie a l’autre
volume. Cet ouvrage au reste parait avoir et£
compose pour les ecoliers.
N° 24. — c6te 274.
Schowburg der Bajanislen , Jansenislen en Quenel-
— 309 —
listen. Manuscrits in- 4° composes de sept volumes
de 5 a 600 pages chacun. (Provenant probable-
ment des Capucins).
Le mot flamand tchowburg repond exactement au
theatfim des latins. Le titre latin serait done :
Thcalrum Bajan tarum , Jansenistarum et QueneU
listarum. L’ouvrage est en effet une histoire et tun
tableau de ces diverses heresies. L’ auteur , Raphael
de Dous etait pfcre capucin au couvent de Bergues-
Sl-Winoc, et voici ce qu’il nous apprend luUmfone
sur sa personne. Que Ton nous pardonne ces quelques
citations traduites du flamand.
« Moi , Raphael de Dous , capucin de l.’ordre de
St-Fran^ois au couvent de B. S. W. j’ecris mon
livre pour demonlrer l’erreur et i’impiet£ des sec-
taires du Baianisme , du Jansdnisme et du Que-
nellisme, qui pour la plupart se sont retires en
Hollande, oil j’espere que cette heresie s’eteindra
d’une manifere lente mais infaillible. • (Extr. de
la pr6f. t. 1er). — « Le premier volume a 6te
commence le 1*r janvier 1751 et termine le 28
fi&vrier de cette m£me ann6e ; il comprend l’espace
de 105 ans, depuis 1545 jusqu'4 1651. • (Fin
du t. 1*r). — « Le 2s volume comprend 1’espace
de 40 ans, de 1652 & 1692. Je l’ai termini le
21 mai 1751. » (Fin du t. 2).
■ Le mepris et le degout que m’inspire cette
heresie (le Jansenisme), m’ont fait pendant trois
— 310 —
ans interrompre mon travail , j’avais serre ma
plame au fond de mon secretaire. Mais Dieu soil
beni et loue de m’avoir inspire fe dessein de re-
prendre mon oeuvre- le 5 avril de cette annee 1 754,
et de finir ce 3® volume le jour de 1’ Ascension 23
mai 1754. 11 comprend l’espace de 47 ans depuis
1692 jusqu’en 1709, le le soumets consequemment^
moi Raphael de Dous , caption jubilaire (1 ) , au
jugement des autorites de L’eglise el de mon
ordre.. ► (Fin du t. 3).
le finis ce 4e volume le 21 juillet 1754, apree
1’avoir commence le 23 mai de cette meme annee.
It comprend le parcours de- 10 annees de 1709 a
1719. » (Fin du t. 4).
« Ce 5® volume aete commence le 15 novemhre
1754 et fini le 15 janvier 1755. II comprend
I’espace de 5 aos de 1719 & 1724. » (Fin du
5C vol.).
« Je finis ce 6* volume le 10 avril 1755 faute
de documents. J’espere que mes travaux auront
un resultat utile et repondront aux vues eminem-
ment eatholiques qui m’ont toujours dirige. Du
reste , malgre mes 71 ans , si Dieu me conserve
encore quelque temps sur la terre , je fern un 7®
volume qui comprendra toutes les pieces justifies-
(t) On appclle jubilaire le religieux qui a 50 ans de profession
dans sod ordre.
— 311 —
lives et enfin un 8* que j’appellerai infdmie, qui
sera un resume de faits saiUants et d^plorables,
peignant d’un seul trait i’horreur de ces doctrines
heretiques. » (Fin du 6* vol.)
Le 7® volume , que l’auteur vient d’annoncer,
contient en effet toutes les pieces justificatives et
a ete termine en 1755, sans autre indication de
date.
Quant au 8* volume , il est probable que la
mort a empeche l'auteur de le composer. Du reste,
Raphael de Dous avait dejk ecrit anterieurement
sur cette matiere ; k la fm du 6® volume , il fait
mention de 31 ouvrages , dont vingt-deux en fran-
cais , huit en flamand et un cn latin ; malhcu-
rcusement il n’en donne pas les titres.
La catholicity de cette histoire du jansenisme est
reconnue par le censeur d’Ypres , Plumyoen qui a
revetu chaque volume de son approbation et de sa
signature.
La septieme partic de 1’ouvrage qui comprend
les pieces justificatives , est cerlainemeut la plus
curieuse ; on y voit toutes les bulles des papes
portant condamnation des livres de Bains , de
Janseniut , etc. L’on y trouve une correspondance
frangaise du cardinal de Granvelle et de Morillon,
son grand vicaire , avec des letlres de Philippe 11
qui recommande la s£v£rity. Les lettres de Grai\-
velle sont d’une douceur bien opposee au caractere
— 312 —
qu’on lui pretc generalement ; dies no so (rouvent
pas daos Ie recueil de M. Weiss , mais il n’est pas
probable cependant qu’ellcs soient inedites.
Le manuscrit du pere Raphael de Dous nous
parait etre interessant , mais on doit regretter
qu’il ait ete compose dans une langue que si peu
de personnes sont k m&me maintenant de bien
comprendre. La ville de Bergues y attache beaucoup
de prix en ce que l’auteur est un de ses enfants.
N* 25. — c6t£ <447.
Jurisprudence du parlement de Flandre , par M.
George de Ghewiet , sire dc Blinville , eonseiller
du Roi , rifdrendaire en la chancellerie et ancien
avocat au dit parlement. Manuscrit in-P d'un
millier de pages. (Prov. de St-Winoc).
Malgre nos recherches, nous n’avons pu nous
procurer de notice biographique satisfaisante sur cet
auteur, donl la bibliolhfeque de Bergues possede
plusieurs ouvrages manuscrits. I^es titres nous ap>
prennent qu’il 4tait eonseiller du Roi , referendaire
honoraire en la chancellerie et ancien avocat au
parlement de Flandre. Monsieur Piilot, eonseiller
& la cour d’appel de Douai , que tout le monde
connait par son excellente histoire du parlement
de Flandre , nous parle d’un livre de George
Ghewiet intitule : Institutions du droit Belgique tant
par rapport aux dix-sept provinces qu’an pays de
— 313 —
iJbge , avec me thdthode pour etudier la profession
d'avoeat, in-4®, reedit6 plus tard in-18. Le pri-
vilege resulte de lettres-patentes donnees a Bruxelles
le 27 septembre 1758. Dans cet ouvrage* M. de
Ghewiet cite sa jurisprudence du parlement de
Flandre > qui parait cependant n’avoir pas ete com-
plelement imprimde. Les deux premiers feuil lets seuls
sont un carton d’imprimerie surcharge de notes el de
corrections , qui du reste ne porte aucune date.
La jurisprudence du parlement de Flandre est
Un recueil d’arrets rendus en ce parlement , et
voici les raisons que donne 1’auteUr pour justificr
le titre qti’il a adopts ;
« J’ai intitule cet ouvrage du nom de jurispru-
dence du parlement de Flandre a cause des regies
et maxinies qu’on y trouve , pour pouvoir former
cette science, au moyen de laquelle on est capable
de discerner les chose6 justes d’avec cel les qui ne
le sont pas, par rapport au grand nombre de re-
solutions et d’arr&ts de cette cour souveraine jus-
qu’a Tan 1724. » Puis il donne en abrege This-
toire du parlement de Flandre. Ghewiet passe
ensuite a des considerations generates sur la Flandre,
son pays , qu’il parait aimer beaucoup , et il rap-
porte, en fmissant, ces deux vers qui font , dit-il ,
allusion aux quality des habitants de la Flandre:
Miltiades animo , Cimon pietale , Pericles
Consilio , probitale So!on , gravitate Lycurgus.
40
— 3U —
L’ouvrage ne porte pas de dale , mais il est a
remarquer que tous les arrets sont anterieurs a
an.
>'• 26. cote -1448.
Arndts du purlement recueilHs par MM. Deflines pkre,
de Blie , Bar all e , Heinderiex , de Mullet , Pollet,
Dermamille et par moi , Georges de Ghewiet. Ma-
nuscrit in-4® d’un millier de pages. (Prov. de
St-Winoc),
Ce manuscrit, qui forme un enorme volume io-P*,
pa rail litre la continuation du precedent. Les arrets
sont suivis de huil dissertations de jurisprudence :
la premiere traile de la portion congrue des cures;
la seconde les malieres de fidei commis ; la troi-
sieme a pour objet les coutumes ; la quatrifeme le
droit d’indemnite ; la cinquieme les tallies , leur
nature et leurs privileges ; la sixieme Phypotheque
des mineurs ; la septieme les usages de Flandre
pour la reception des kulles , etc. ; la huitieme
dissertation enfin a rapport aqx sommations , aux
executions , aux saisies , etc. selon les usages de
Flandre. Tout cela est ecrit en latin et en francais,
charge de notes et de renvois ; les caracteres sont
Ires fins comme dans tous les ouvrages de M. Ghewiet,
ce qui en rend la lecture fatigante.
N* 27. — c6te 1454.
les coutumes , slils et usages de la ville et citf de
— 315 —
Tourney, pouvoir el banlieue d’icelle, comments
par M. Gh. Manuscrit in-f° compose de 2 vol,
d’un millier de pages chacun. (Provenant de
St-Winoc).
Cet ouvrage est du m6me auteur que le pre-
cedent, quoique sou nom ne s’y trouve pas en
entier ; on y voit son portrait et sa devise : Sustine
fit Abstine. Les coutumes et usages de Tournai,
ne nous offrent aujourd’hui que peu d’inleret; ces
coutumes au reste ont ete plusieurs fois imprimees;
M. Ghewiet n’y a ajoute que ses commentaires.
N* 28. — c6te 1345.
Ulucubrationes. Grand repertoire de M. Georges de
Ghewiet , conseiller , etc. Manuscrit in-P com-
pose de 6 vol. d’un millier de pages chacun.
(Prov. de St-Winoc) .
Ces elucubrations sont un resume alphabetique
de toutc la science des jurisconsultes. Ce livre ren-
ferme tout ce que l’auteur avail pu apprendre et
recueillir sur cbacun des articles qu’il traite, II est
orn6 du portrait de l’auteur et porte ces mots en
epigraphe : Omnium habere memoriam et in nulla
penitus errare divinilatis magis est quam mortalitatis.
N° 29. — c6te 1 446.
JW we liana. ArrSts de M. Dufief, arrils de M. Cuve-
— 316 —
tier , observations de M. de Masures , reperiorium,
pieces diverses , le tout recueilli et mis en ordre
par M. Ghewiet. Manuscrit in-f* compose de 25
vol. de sept a huit cents pages chacun. (Prov.
de St-Winoc).
Parmi ces vingt-cinq volumes de procedures et
de pieces diverses , concernant la jurisprudence ,
treize seulement sont manuscrits ; les autres con-
tiennent des arr&ts , des ordonnances et des plai—
doyers imprimes. Tous les ecrits qui composent ce
volumineux recueil ne sont pas de la meine
6poque ; il en est qui remontent au commencement
du 47® siecle , mais aucun n’est posterieur a 4760.
11 est inutile d’ajouter que la plupart, pour ne
pas dire tous, sont entierement denues d'interet.
. Fra DE LA PREMIERE PARTIES
MEHIOIRES
DE
LA SOClfiTfi
DES
ANTIQUAIRES DE LA HORINIE.
MEMOIRES
DE LA
seen***
sa a aaaa
DE LA
mohrii*
TOME 9- — 1854*
Doctrina invetligando resiiluet.
DEUXlEME PAHTIE.
A St-Omer
A Paris
Tumerel , Libraire , rue Nationals.
Legier , Libraire , Grand'Place.
Deracbe , successeur de Lance , rue
du Bouloy , N° 37.
M DCCC L1V.
HISTORIQUE ET ARCHEOLOGIQUE
SUE LE
PBIEURR DE SAINT MICHEL DU WAST,
ORDRE DE CLUGNY ,
DIOCESE DE BOULOGNE ,
par M. l’abbe HAIGNERE, membre correspondant.
Le bourg du Wast , qui fait partie des eom-
munes du canton de Desvres, est situ6 k trois
lieues k l’Est de Boulogne-sur-mer , prfcs de la
route royale de Lille , dans une plaine agreable
et pittoresque , arrosee d’une petite riviere a la-
quelle les historiens boulonnais Henry et Ber-
trand (1) , ont donne le nom de Wimereux. Ce
cours d’eau revolt dans la localite le nom de tous
les villages qu’il traverse ; et , prenant sa source
k Boursin (2) , il porte successivement les noms
— 2 —
de riviere de Boursin , du Wast , de Belle , etc.
Les hisloriens que nous avons cites lui ont donne
le nom de Winter eux , parce que c’est dans cette
bourgade qu’il se reunit a la mer.
Le bourg du Wast ne manquait point d’im-
portance au moyen-age. Depuis un temps imme-
morial , il est en possession d’une foire annuelle,
qui se tient le 28 septembre (3) , et qui a ele
fort fr6quentee. Les villes de Boulogne , Guines ,
Calais, les bourgs de Samer , de Tournehem, etc.,
Itaient relids avec le Wast par des routes dont
quelques-unes ont conserve leur nom de Route du
Watt. Aujourd’hui le Wast est encore une des
localites les plus commer^antes du canton , et il
possfede sous le rapport industriel le premier rang
fiprfes le chef-lieti. Depuis environ douze ans , on
y a elabli un marcbd, qui se tient le lundi de
cbaque semaine.
L’origine du bourg du Wast est d’une antiquite
assez respectable. Nous lisons , en effet , dans la
vie de la bienheureuse Ide , comtesse de Boulogne,
§crite par un moine du Wast peu apres Fan 1 1 30,
que « cet endroit dtait fameux par ton antiquiti ,
» et avait autrefois possede de grands biens tem-
> porels ; mais , que , par les peches de ceux qui
» l’habitaient, il dlait presque reduit a neant (4),*
au moment ob cette sainte comtesse entreprit la
restauration du monastfere. Il resulte clairement
de ce recit qu’avant le XII® siecle, il y avait eu
— 3 —
au Wast un elablissement religieux dont la fon-
dation remonte assez baut dans notre histoire.
C’est ce qui n’a pas 6te soup^onne par Hensche-
nius , dans son commentaire sur la vie de la bien-
heureuse Ide : le savant bollandiste a era que ce
passage regardait 1’abbaye de Samer (5). Cepen-
dant les archives de celte illustre abbaye n’ont point
conserve le souvenir de ce fait; bien plus, Eustache
111 y fit , de concert avec sa mere , en 14 07, une re-
forme d radice , qui n'eut pas ete necessaire , si
vers 1 095 ( car c’est la la date oil i! faut placer
le fait dont il s’agit) , la venerable Comtesse y
avail eu retabli 1'ordre , la discipline et le bien-
fetre. Sans aucun doute , les actes qui concernent
la reforme faile dans 1’abbaye de Samer en 1 1 07,
contiendraient des recriminations contre l’ingratitude
de ces moiiies rebelles. Au reste , I’eusemble et
la contexture du texte nous paraissent se refuser a
V interpretation d’Henschenius. C’est ce qufa Ires
bien compris Dom Brial , qui au tome XIV des
Hisloriem des Gaules et de la France (6) , repro-
duisant ce passage , n’accepte point la note du
celebre bollandiste. Luto , historien boulonnais ,
dont les rapports litteraires avec le P. Lequien ,
fortifient l’autorite, n’admet pas non plus i’inter-
pretation d'Henschenius (7).
Les documents manuscrits et imprimes que la
bibliothfeque et les archives de St-Bertin ont legues
a notre histoire , font mention d’une « eglixe de
— i —
St-Michel de Wachun-ViUer$ • qui dtait une depen-
dance de l’illustre abbaye de Sithiu. Cette £glise
situde sur le terriloire du Boulonnais , avait ete ,
au rapport de Folcuin (8), infeodee par quelqn’un
des comtes de Flandres a un homme qualifie de
tres il lustre , nomme Hugues.
En 954 , Regenold ( ou Ragenold ) abb6 de
StrRertin, retira des mains de ce seigneur Hugues ,
l’6glise de Wachun-Villers , moyennant la somme
de cinq livres de deniers (9). Cette acquisition
fut confirmee par un d£cret de franchise et d’im-
munit4 , que le roi Lothaire rendit le 7 janvier
962 , 8* ann£e de son regne.
L’annee qui pr£c£da cette confirmation ( 961 ) ,
Regenold , attaqu6 d’une maladie terrible , Vele-
phantiatis , avait 6te force , par ordre du comte
Arnoul-le-Vieux , de se retirer dans le monastere
ou prieur6 de Wachun-Villers , afin de ne pas
communiquer h ses frferes le mal dont il Atait
atteint.
Les faits que nous venons de rapporter d'apres
Folcuin, sont aussi relates par Jean d'Ypres , en
sa chronique de St-Bertin (1 0) ; mais , ce dernier
chroniqueur ajoute que le Comte Arnoul-le-Vieux,
attaqu6 du meme mal que Regenold , se retira
aussi & Wachun-Villers ; ce qui n’est appuye d’au-
cune autorite, bien qu’aveuglement acceple par
Malbrancq (11). Luto reproduit cette erreur (12);
— 5 —
mais Folcuin , qui est plus ancien et plus rapproch£
des faits que Jean d’Ypres , nous parait plus dign«
de creance , et nous nous en tenons k son r6cit.
Les monuments de St*Bertin ne sont pas les
seuls qui nous aient signale l’existence d’une loca-
lity qui portait le nom de Wacliun-Yillers , dans
le Boulonnais. Nous trouvons en effet , dans les
actes de la translation des reliques des saints abbes
de Fontenelle , la mention d’un patrimoine de
Wachone-Villers , situe sur le territoire de Bou-
logne (1 3) ; on ne peut gueres douter que ce ne suit
le m£me village que celui dont nous parlent les
archives de Sithiu. Pendant que les reliques des saints
abbes de Fontenelle reposaient dans une £glise de
saint Quentin , pres de Boulogne , une jeune fille
de Wachone-Villers, qui etait tourmentee du demon,
fut guerie devant la chksse de saint Ansbert (14),
vers l’an 954.
Nous aurions eu assez de peine k nous decider
a placer au Wast le patrimoine de Wachone-Villers
et Viglise de St-Michel de Wachun-Villers , si Jean
d'Ypres ne nous avait affirm£ que cette 6glise etait
sortie des possessions de son abbaye , pour tomber
au pouvoir des moines de Clugny : Hie est , qui
nunc dicitur Pworatus de Wasto, qui post in jus
Cluniacensium cessit (1 5) ; car , si cette autorite
nous manquait , il y aurait a cet egard beaucoup
moins de certitude. Le nom du village que Folcuin
orthographic Wachun-Villers (13). que les actes de
6 —
saint Ansbert appellentjWachone-Villers , a quelque
peu change en route pour devenir Wast , syno-
nime de lieu ddvasti , desert , sant culture ; ( le
Watt , la Watine ou Wastine , sont dans notre
ancienne langue des mots absolument identiques)
(17). Les actes de la bienheureuse Ide, Merits,
ainsi que nous 1’avons dit , peu apres 1130, di-
sent: ad locum Wast appellatum.
Quoiqu’il en soit , si Jean d’Ypres n’a point sa-
c rifie 1’ exactitude historique & la pretention d’attri-
buer & son monaslfere une possession qui ne lui
aurait jamais appartenu , nous savons qu’au temps
de la bienheureuse Ide , « les biens du prieure
• avaient ete alienes ( calumniata ) , 1’eglise ruinee,
• les batiments claustraux renverses et detruits. »
(Test pourquoi , apres la mort de son epoux,se-
condee par les pieuses liberalites de son fils,
Eustache III , la venerable comtesse , desireuse
d’augmenler dans ses domaines le nombre des eta-
biissements monastiques , ces asiles de la priere ,
de la charite, de la civilisation, porta toute sa
sollicitude sur le prieure du Wast.
« Par de grandes et devotes prieres, nous dit
l’auteur de sa vie , elle demanda un certain lieu
dans le pays de Boulonnais ; et 1’ayant obtenu de
eelui a qui il appartenait , elle parvint a le res-
taurer (18). S’y etant done rendue, la venerable
Ide, forlifiee par l'assenliment et les conseils du
tres-pieux Gerard ; eveque dc Teiouanne , racketa
— 7 —
tous les biens qui avaient ete alienes , rebatit i’^glise
qui avait ete detruite , et l’enrichit de livres et
d’ornements. Elle s’occupa ensuite de la recons-
truction du cloitre et des cellules, et dota cette
maisou de nombreux revenus. De plus elle y vint
souvent habiter , et elle illustra ce lieu par sa pre-
sence (19), »
« Pendant ce temps , en effet , elle pria saint
Hugues , abbe de Cluny , de lui envoyer quelques
religieux de son abbaye , pour orner ce lieu nomm6
Wast , d’un etablissement monastique ; et , par des
prieres devotes et multiplies, elle le sollicita de l’ad-
niettre au nombre de ses filles d’adoption , et de
l’associer aux prieres des frkres de son ordre. Le
saint ami de Dieu , Hugues , apprenant ces choses
et connaissant la saintete et la devotion de la ve-
nerable comtesse, satisfit au desir et k la demands
de la devote Dame. 11 lui envoya quatre freres et
un prieur , qu’elle re?ut d’un air affable et d’un
coeur plein de contentement. Elle se montra tou-
jours a leur egard pleine de sollicitude et de bienveil-
lance (20). »
Cette petite communaute , composee comme nous
venons de le dire , etait obligee « a celebrer chaque
jour une messe a note , ainsi que tout l'office divin.
Les dimanches , lundis et samedis , on devait y
ajouter une messe basse. Les moines y faisaient
aumone de chair le jour de carnaval , recitaient
trente psaumes et portaient le froc (21). »
— 8 —
Nous n’avons ' trouve nulle part d’une manure
precise , la date de la fondation de ce prieure.
L’auteur de la vie de sainte Ide , deja citk , y faisant
intervenir les conseils et l’assentiment de Gerard,
evfeque de Terouanne , qui mourut en 4099 , et,
d’un autre c6t6 plagaat ce fait apres la mort d’Eus-
tache-aux-grenons , mari de sainte Ide , arrivee ,
selon les auteurs les plus certains (22) , vers 1093,
c’est entre ces deux annees, c’est-a-dire vers 1096,
qu’on doit placer la date que nous cherchons. 11
reste cependant une difficult^. L’auteur de la vie
de sainte Ide rapporte que l'abbaye de Capelle fut
fondee apres la mort d’Eustache aux Grenons , et,
en cela , il est contredit formellement par Lambert
d’Ardres (23) et par Jean d’Ypres (24) , qui aa-
signent 4 cette fondation la date de1090 ou1091.
Bien que les deux auteurs dont nous parlons aient
vecu assez longtemps apres les fails qu’ils rapportent,
ils ne laissent pas de tenir l’historien en suspens,
et d’empkcher qu’il ne se prononce avec trop de con-
fiance sur des questions douteuses.
Laissant done la date de cette fondation Hotter
entre 4083 et 1 099, limites de l’episcopat de Gerard,
nous dirons que les donations qui furent faites
a Dieu et k saint Michel, pour l’entretien des pauvres
et le soin des frferes, etaient assez considerables
au rapport des contemporains. Outre celles qui pro-
venaient des Iib4ralit6s de la bienheureuse comtesse,
on peut citer les revenus et les droits des comtes
— 9 —
dc Boulogne sur la terre de Peuplingues, (village
voisin de Calais) , donnes par un Eustache que
Lambert d’Ardres croit 6tre le mari d’Ide dc Lor-
raine , et qui pourrait bien etre son fils (25). Ajou-
tons k cela les possessions allodiales de Warin de
Fiennes , dans le Boulonnais , qui durent avoir
une certaine importance. Si cet homme , plein de
gen6rosit6 , ne s’etait point retire dans l’abbaye
d'Andres , pour y devouer sa vie tout enlifere
au service des pauvres et des Strangers, il aurait
encore donne au prieure du Wast le reste deses
biens ; mais il en disposa au profit de l’abbaye oil
il s’enferma pour le reste de ses jours (26).
Ainsi dote et enrichi , « le prieur6 du Wast,
devint florissant par l’etablissement des moines de
Clugny et par la perfection des mdrites de la trfes
sainte comtesse. Du vivant de la bienheureuse Ide,
veuve trcs parfaite et tres agreable k Dieu , ce lieu
ktait renommk au loin et au large , » suivant les
expressions un peu emphatiques de l’auteur de sa
vie (27).
Nous avons dejk dit, en citant les paroles du
m&me auteur, que la bienheureuse comtesse ha-
bitait quelquefois le prieurk du Wast. Plusieurs
ecrivains, entre autres Philippe Luto (28) et M.
P. Hedouin (29) , ont cru que les comtes de Bou-
logne avaient un chateau au Wast. L’anterioritk
de rassertion appartient a Charles Regnard, sieur
de Limoges, qui a laisse un memoire manuscrit
2
— 10 —
sur l’hisloire de Boulogne , souvent cite sous le
nom de manuscrit de 1650 , quoiqu’il soil de 1658.
Regaard s'exprime ainsi : « Aucuns disent que la
» mere de Godefroy de Bouillon , estant enceinte
» de luy, en fit sa couche dam le chdteau du
» Wail, a present prieure (!) ; les autres, dans
» la ville de Boulogne , dans l'hostel qui est sur
» la place de la ville, et auquel on a esleve un
» beffroy ou clocher , pour ssrvir a ladite ville
• pour les decouvertes ; autres , qu’il est ne dans
» 1c bastiment vis-a-vis , qui a ete depuis dedie
• en abbaye nominee St-Wilmer (30). » II est tres
facile de voir que Regnard n'adopte pas l’opinion
qui lui est attribute , mais qu’il se borne a la
relater comme le dire d'aucuns ; or, ce dire popu-
late et traditionnel n’a aucun fondement dans
1’histoire. II suffit pour expliquer son existence de
savoir que sainte Ide liabita le prieure du Wast
et qu’elle y fut enterrSe ; il y a lk plus qu'il n’en
faut pour donner naissance a de bien plus grandes
suppositions.
Revenons k notre recit. La venerable servante
de Dieu , qui r^sidait habituellement dans l’abbaye
de Capelle , pendant les dernieres annees de sa
vie , tomba malade pendant le car&ne de Fan 1113.
Les moines du Wast , ayant appris que leur bien-
aimee fondatrice toucbait au terme de sa carriere ,
se rendirent aupres d'elle , afin d'assister d ses
offices, ainsi que parle l’auteur de sa vie, c’est-
— M
a- dire , a {’administration des derniers sacrements
que I’Eglise cathoiique accorde aux mourants. Aprfes
s'etre acquittee avec piete des derniers devoirs da
chretien , « la sainte et venerable veuve , anim6e
de l’esprit de prophetie, dit aux religieux qui etaient
venus pres d’elle : Allez , et tenez pour certain que
dimanche prochain , vivante ou morte , j’irai fixer
ma demeure , dans l’£glise du Wast (31). »
Le 13 avril de 1’an 1113, au milieu de la nuit
du dimanche de Quasimodo , sainte Ide mourut dans
son abbaye de Capelle. Les religieux de St-Wulmer
de Samer, les chanoines reguliers de St-Wulmer
de Boulogne , les moines de l’abbaye de Capelle,
se disputaient ses reliques ; mais « ils ne purent
prevaloir contre la prophetie de la sainte , qui avait
dit que son corps serait depose dans l’eglise du
Wast. Sa depouille rnortelle y fut done portee au
milieu d’un grand concours de religicuses personnes,
et d’une multitude infinie de peuple. Apres que les
assistants , les pauvres surtout , qui perdaient eu
elle une mfere, eurent verse d’abondantes larmes,
et se furent repandus en gemissements et en cris
de douleur, le corps de la sainte fut enseveli
honorablement. Pendant qu’elle vivait , continue
l’auteur que nous citons , la servante de Dieu avait
aime de coeur et d’ame le prieure du Wast , et
l’avait fait prosperer en toute maniere ; maintenant
qu’elle est morte , elle le protege et le defend par
ses merites et ses eclalants miracles. Tous les mal-
— 12 —
heureux , en effet , et tous les infirmes qui s’appro-
chent avec copfiance de son tombeau , y regoivent
la guerison de leurs maux (32). »
La renommee des miracles qae la sainte operait
dans l’eglise du Wast, se repandit jusqu’en Alle-
magne et parvint aupres de ses parents , qui re-
sidaient en ce pays. Ayant envoye au Wast des
gens affides, pour enlcver le saint corps, ils n’y
purent reussir. Gependant , quelques doutes s’etant
6lev6s k ce sujet , les moines du Wast ouvrirent
le sepulcre pour rassurer les habitants de la pro-
vince, que ces tentatives d’enlevement avaient ef-
fray6s. Ils y retrouvferent intact le corps de la
servante de Dieu , que la corruption avait epargne.
Les vetements dont on 1’avait revetu , n’avaient
souffert non plus aucune alteration.
L’auteur de la vie de sainte Ide a qui nous em-
pruntons , en les abr£geant , ces derniers details ,
raconte assez longuement la guerison de trois per-
sonnes tounnentees du demon. L’une d’elles etait
d’un village qu’il appelle Vertum , et qui pourrait
bien etre Verton (canton de Montreuil). Deux mi-
racles d’un autre genre , la guerison des fievres ,
lui sont aussi attribues par le mgme ecrivain. L’un
fut opere sur la personne de la niece m6me
de la sainte , Mathilde , comtesse de Boulogne ,
marine plus tard a Etienne , corote de Blois et de
Mortain , roi d’Angleterre. Cette princesse mourut
en 1 1 53. L’autre miracle a etc opere sur un moine
— 13 —
nomine Hugues , « qui avait ete la nuit et le jour
devot serviteur de sainte Ide. » II attribuait cette
grace « k l’amitie vive et oificieuse qu’il avait eue
pour la sainte pendant qu’elle vivait , aussi bien
qu’apres sa mort (33). »
II est assez probable que ce moine Hugues 6tait
un des premiers religieux qu’avait envoyes le saint
abbe de Clugny , lors de la fondation du prieure,
puisqu’il avait connu sainte Ide et avait assez v6cu
avec elle pour l’aimer. Nous sommes porte k
croire qu’il est l’auteur de la vie que les bol-
landistes ont publiee. Le r6cit du miracle qui le
concerne est place au dernier paragraphe de
ce travail. II nous parait assez nature! que ,
malgre I’humilite monastique avec laquelle il nous
a cache ce titre a notre reconnaissance , il ait voulu
mettre quelque part son nom dans cette oeuvre, qui
lui a coute tantde labeurs, mais qui devait.illustrer
celle qu’il aimait d’une sainte amitie. Yoici le juge-
ment que les auteurs de l’histoire litteraire de France
ont porte sur le merite de cette vie :
« Si l'auteur n’etoit pas contemporain , il etoit
» bien voisin du terns de la B. Ide. II paroit bien
» instruit de sa vie , de ses actions et de sa famille.
* Son ouvrage n’est point charge de ces lieux com-
» muns qu’on prodigue ordinairement dans ces
» sortes d’ecrits. Le style, quoique rampant, en
» est supportable. La vie est prece'dee d’un pro-
» logue dans lequel l’auteur fail voir qu.’il n’y a
u —
» aucun 4tat ni aucune condition , soit sous 1’an-
» cienne loi, soit sous la nouvelle , qui n’ait fourni
• des exemples de vertu et de saintete (34). »
Cet eloge , quelque maigre qu’il soit , est assez
important , relativement k l'epoque oil il a ete ecrit.
Henscbenius a public cette vie sur un manuscrit
du XIV* siecle , quij reposait cbez les jesuites de
Bruges , et qui se trouve maintenant a la biblio-
theque royale de Bruxelles, c* 1773.
L’biatoire ne nous a conserve que peu de docu-
ments sur le prieure du Wast (35), depuis l’epoque
de 8a fondation jusqu’a nos jours. j\ous allons con-
signer ici le peu de notes que nous avons recueillies
sur les faits qui se sont accompiis dans cette localite.
1H2. Le bienbeureux Jean de Commines, eveque
de Terouanne , se rendit au prieure du Wast , oil
il signa , a la prifere du Comte Eustache III , et
de Marie , son epouse , la donation de l’eglise de
Frevent au monastkre de St-Martin-des-Cbamps (36).
1 H9. Hadnon, prieur du Wast, signe avec un
de ses moines , nomm6 Etienne , une donation que
fit Adelaide de Fiennes k l’abbaye d’Andres (37).
1197. Convention faite entre Iterius , abbd d’An-
dres , et Simon , prieur du Wast , touchant cer-
taines possessions de ladite abbaye. Voici la traduc-
tion de cet acle dont le texte est inedit. (Voir aux
pieces justificativcs).
« Moi, Hogues , par la misericorde divine, bumble
— 15 —
minis! re de l’eglise de Clugny , fais savoir a lous
presents et a venir , que , de la volonte et de
l’assentiment de l'6glise de Clugny , dont Dieu
m’a fait le serviteur , j’ai donne mon consentement
& une convention faite entre lterius , abbe d’ And res,
le chapitre de cette abbaye , et les prieur et cha*
pitre du Wast , de la maniere suivante :
« L’eglise d’Andres avait re<;u, de I’ancienne lib6-
ralite des fideles, certains biens situes pres de l’6glise
du Wast et de la paroisse de B ouxin (aujourd’hui
Boursin), savoir , le bois de Clerbois, une aulnaye
et le pr£ Ulier, qui etaient des possessions eloi-
gnees de l’eglise d’Andres. Or , le susdit prieur
avec son chapitre payera , sous cens annuel , pour
chaque quatre mesures du bois de Clerbois avec
ses appendices, cinq boistels de froment , annuelle-
ment , a la mesure de Ghisnes ; et , pour ce qui
appartenait k l’eglise d’ Andres dans l’aulnaye et le
pr£ , il payera de meme , par chacun an , quatre
polkins et demi d’avoine, a la mesure de Bou-
logne ; et parce que ces eglises sont eloignees l’une
de l’autre , de crainte que les envoy£s de l’eglise
d'Andres n’eprouvent dommage des frequentes allees
et venues , les deux parties ont fixe le terme du
payement de la rente annuelle aux douze jours qui
suivent la fete de Noel. Que si , par hazard , l’eglise
du Wast ne paie pas dans ces douze jours a 1’eglise
d’Andres la rente qu’elle lui doit, elle paicra lejour
suivant ou un peu aprfes une amende de deux sols.»
— 16
« Or, pour quc cetle convention demeure ferine
et stable , moi , Hugues , abbe , et l’abbe d’ Andres
nous l’avons confirmee en copie double; la partie
de 1’eglise d’Andres a ete munie de mon sceau ,
et de celui du chapitre du Wast ; et la partie du
chapitre du Wast a 6te scellee du sceau de l’abbd
et du chapitre d’Andres. Ge fut fait, cette annCe
de l’lncarnation de N. S. mil cent quatre-vingtr
dix-sept. Les temoins sont : Henry , prieur; Galfrid,
prdvot ; Willelm ; un autre Willelm , aumdnier ;
Henry , chanlre ; Willelm , vinier ; Robert , celle-
rier ; Willelm , notaire, tons moines t de I’dglise
d’Andres. . Etienne , Willelm , Micliei , Walter ,
moines du Wast; Pierre, pritre , curd d’Andres;
Willelm , pritre , curd de Bouxin ; Radulpb , Wi-
tard , Gilles , chevaliers , et beaucoup d’autres.
Ces revenus de l’6glise d’Andres ont ete con-
firm6s dans une bulle d’Innocent III , en date du
42 des kalendes de janvier 4208 (38).
4207. Simon, prieur du Wast, et grand-bailli
de Renaud , comte de Boulogne, est 6)u abbe
d’Andres, apres qu’Iterius eut ete transfere dans
l’abbaye de Ham. Mais com me son Election n’avait
pas ete faite librement par les religieux , il aima
mieux renoncer h cette dignity , que de se main-
tenir par la violence dans une position oh il n’avait
pas 616 reguliferement appele (38).
— 47 -
4246. Au mois d'avril , date d’Oye. « Bauduin,
fils de Mahault de Saint-Omer-Capelle , et Sibille
sa femme , donnent a Simon , prieur du Wast , et
a tout le couvent , 150 razieres d'avoine, qu'ils
re?oivent tous les ans sur la dixme de Hove (au-
jourd’hui Offekerque , dans la terre de Merc) et
declarent que cette donation a et6 faite en pre-
sence du seigneur Eustacbe de Oyes et de Bauduin
son fils , dont cette dixme 6toit tenue en fief. Bau-
duin et Sibille ont prie le roi de France de con-
firmer ces lettres (40). »
1217. Le prieur Simon parait avoir ete confir-
ms dans sa charge de bailli du Boulonnais par le
roi de France, apres les SvSnements qui suivirent
la bataille de Bouvines. En effet, aprSs un com-
bat soutenu en Angleterre par Louis, fils aine
de Philippe-Auguste , vers 4 21 7 , quelques-uns
des siens, au rapport de la chronique (41),
« revinrent d Roumcniel ; d'illuec envoibrenl-il lor
messageus en Bouleignoif au prieus del Wait , 1
tnoine de Cluigny , qui baillius estoit de Boulenois,
de par Looyf. •
4220, 27 juin. C’est probablement comme bailli
du meme prince que notre prieur fit k Hesdin
l’acte suivant, que nous trouvons dans le car-
tulaire de l’abbaye d'Auchy-les-Hesdin , public par
Dom Betencourt (42) :
« Je, Symon, prieur du Wast , a tous ceux qui
3
18 —
ces presentes leltres verront , salot en celui qui
est l’auteur du Salut. Sacheot tous que, un dif-
ferent s’etant eleve entre 1’eglise d’Auchy et les
hommes du meme village sur la peche dans les
eaux d’Auchy, et beaucoup de personnes ayant
travaille a retablir la paix entre les parties , et
n’ayant pu reussir a ramener la concorde ; Moi ,
en presence de mon seigneur Louis, fils aine de
mon seigneur le roi de France , ayant entendu
les temoins des deux parties , et ayant etudie
avec soin les privileges de 1 eglise , du conseil
d’honorables personnes , savoir , mon seigneur
Enguerran de Hesdin et mon seigneur Banduin ,
chatelain de la dite ville , et beaucoup d’autres ,
j’ai promulgue la sentence definitive, d’apres le
mandement de mon seigneur Louis. Est a savoir *
Nul , avec quelque engin que ce soit , ne doit
ui ne pent pecher dans toute l’eau d’Auchy ,
sans la permission de l’abbe d’Auchy, ou de ses
rooines. Fait a Hesdin, en l aitre de Sl Fuscien,
1’an du Seigneur , mil deux cent et vingt , en la
veille des Apotres Pierre et Paul , le jour du
Dimanche , environ la troisieme heure , presents
et entendants , Jean , abbe d’Auchy, et quelques
uns de ses moines , et Jean Maletrace , mayeur ,
et les 6chevins de Hesdin , et les hommes d’Au-
chy qui 6taient venus pour entendre la sentence,,
et beaucoup d’autres. »
Au has de cet acte pendait a un lacs de par-
— 19 —
cliemin un reste de seel , oil Ton voit un hom-
me vetu d’une robe monastique, tenant un livre
et un baton fleurdelise ; et un contrescel , ou est
unc tete , avec quelques lettres qui ne forment
plus un sens complel.
1233. « Philippe (Ilurcpel) , comte de Boulogne,
et Maliault sa femme , confirment une aumone de
200 raziferes d’avoine , que les heritiers de feu
Eustache de Oyes avoient faite au prieure du Was
en Boulonnais. Date de Yerberie , ( pres Com-
pifegne) » (43).
1243. Amortissement de certaines terres depen-
dantes du prieure. Baudouin , abbe de la Capelle,
signa 1’acte qui se fit a cetle occasion (44).
1260 (au mois de mars). « Les prieur et re-
ligieux du Wast cedent it 1’abbaye de Licques 3
raziferes de froment de rente , sur des heritages a
Bainghem et a Surques (45). »
1272 (en parlement). ■ Le comte de Boulogne
ayant demande qu’un sergent , mis par le bailli
d’Amiens dans le prieure du Wast, en fut retire ,
parce que ce prieure £tait dans sa comte, etavait
ete fonde par ses predecesseurs les comtes de
Boulogne , pretendant aussi que ses predecesseurs
les comtes de Boulogne etaient et avaient ete en
possession de la garde de cet endroit ; d’autre part,
le procureur des prieur et couvent du dit lieu
disant qu’ils etaient de la garde de monseigneur
— 20 —
le Roi , et non dudit comte , et alleguant qu’ils
etaient en possession d’avoir la garde de monsei-
gneur le Roi, et que monseigneur le Roi etait
en possession aussi de les garder , et montrant an
privilege royal pour prouver que monseigneur le
Roi avait certainement charge de les garder ; cela
6tant , et vu que ledit bailli aurait dit avoir , a la
v£rite place an sergent dans ce prieure , mais Fen
avoir deja retire depuis quelque temps ; la Cour
a repondu audit comte que monseigneur le Roi
n’avait pas presentement de sergent dans le dit lieu;
c’est pourquoi il n’etait point fonde dans ses plaintes.
II a ete aussi enjoint au bailli , que si le sergent
y etait encore, il le retirat (46).
4348. (En Parlement). < Une discussion s’etant
elevee dans notre Cour, entre notre ame et feal
le comte de Boulogne , d’une part ; et religieuses
personnes l’abbe et le couvent de Glugny et leurs
prieurs de Rumilli, de Bongessant (Beussent) et
du Wast , ordre de Clugny , en leur nom et au
nom des dits monasteres , comroe aussi le bailli
d’ Amiens , d’autre part ; sur cc que le dit comte
disait avoir la saisine et propriete de la garde et
du ressort des dits prieures et de leurs appartenan-
ces, et demandait qu’on la lui adjugeat (par arret),
et presentait a cette fin beaucoup de raisons dans
les articles par lui donnes a ce sujet ; de leur cote les
dits religieux et bailli sus-nommes affirmaient le
contr'aire, savoir, que la saisine et propriete des
— 21 —
dits ressort et garde n’appartenaient qu’a Nous ,
presentant aussi , afin de ce prouver , de nom-
breuses raisons dans les articles par eux donnes,
et demandant it voir le comte de Boulogne de^
boute des fins de sa requete. Notre Cour , ayant
vu avec soin les enqueles faites a sa requisition
sur ce sujet , et ayant trouVe , par le rdsultat de
ces memes enquetes , que le dit comte n’avait
point prouve ses pretentions , notre dite Cour a,
par son jugement , absous les dits religieux et
bailli de 1’attaque du dit comte , imposant k ce
mkrne comte un perpetuel silence k cet egard. »
« Du IV avril. M* Ive de Prevost , rapporteur ,
(47). .
1376, 22 mars. Jean de Nutry, ( ou de Mitry),
prieur du Wast, donne quittance k l’abbaye de
Licques , pour les arrerages de cinq polkins de
bie que 1’abbaye devait au prieure , a raison de
certaines terres que cette abbaye avait sans doute
pris a rente, de la ineme maniere que le prieure
1’avait fait lui-meme a l’egard de I’abbaye d'An-
dres, comme nous l’avons vu plus haut. Ces biens
arrentes, que possedait l’abbaye de Licques, lui avaient
ete confirmes des 1164, dans une bulle d’Alexan-
dre III, et se trouvent repris dans une charte de
Didier, eveque de Terouanne de l’an 1170 (48).
« Thomas le barbier , parait avoir succede a
Jean de Nutry. Ce Prieur nous est revele par les
catalogues latins des moines benedictins de la ri-
— 22 —
che et populeuse abbaye de St-Bertin , oil nous
trouvons cette mention : Thomas barbitonsor, prior
de Wasto. II a ete admis dans la famille berti-
nienne entre les ann6es 1334 et 1363, sous la
prelature d’Aleaume Boistel , natif de Frencq. Le
Barbier occupe la quatrieme place sur une liste
chronologique des religieux vetus par Boistel , en
suite de la presentation de l’eveque des Morins ,
peut-etre le cardinal morin , Gilles Aycelin de
Montagu , 1 335-1 365. Le 3e religieux de cette re-
ception est Jacques de Condete , boulonnais , qui
devint le 59* abbe de St-Bertin, apres la mort du
chroniqueur Iperius, 1383-1387. »
« L’eloignement de la maison mere et le mal-
beur des temps ont souvent aniene une grande
perturbation dans la nomination aux prieures nom-
breux, semes sur le sol du Nord de la France,
si souvent desole par la guerre ; c’est ce qui ex-
plique la nomination de Le Barbier, qui etait sur
les lieux et appartenait a une communaute puis-
sante (49). »
1 431 , 21 mai. « Compcomis entre Nicolas ,
abbe de Licques, et GuEBAnD Favelin, (ou Fanelin),
prieur du Wast, a l'occasion de la dime qu’ils
pretendoient respectivement sur 4 mesures de terre,
nommees la terre Galot , en la paroisse d’Herve-
dinghem ; sur un courtil en la paroisse de Bour-
sin , tenant a la rue qui mene vers Alembon , a
I’ opposite du manoir de Wiart de la Remonderie , et
— 23 —
sup 4 mesures au terroir de Sanghem , tenant
vers midi au bois dudit prieure (50). »
1452 — 1471. « Nous trouvons k cette £poque
un Baudouin de Wast, ou du Wast, abbe de St-
Jean de Valenciennes , ordre de St Augustin ,
congregation d’Arrouaise , que nous citons pour
mkmoire , bien que nous ne sachions rien sur sa
naissance, ni sur son origine, comme religieux (51).»
1502 — 1518. « Gerard de Cuynghem , de
Lille , moine de St-Bertin , obtint le prieure du
Wast par le credit de son abbe, Antoine de Berghe ,
en 1502. A quelques annkes de lk , «e m6me pre-
la t ayant cede son abbaye de St-Tron k Guillau-
me Bollart, celui-ci k son tour se d£mit de la
crosse abbatiale de St-Amand , en faveur de no-
ire prieur Gerard de Cuynghem , aux termes du
marche passe avec de Bergbe. Cet arrangement
fut sanctionne par Leon X , le 5 des kalendes de
Decembre 1518. Cependant , Gerard eut le cha-
grin de se voir repousse par des raisons polili-
ques ; et , avant sa benediction , il fut contraint
d’abandonner Saint-Amand au jeuBe cardinal Louie
de Bourbon , qui lui donna en ^change un de
ses nombreux benefices, 1’abbaye de St-Faron de
Meaux. C’est dans cette maison qu’il mourut en
1532. »
« Sanderus a connu notre prieur qu’il appelle
Gerard de Ouingbem ou de Vinghem (52); mais
— 24 —
i! l’a cree prevot de Watten , ordre de Si Augus-
tin , en confondanf les noms des deux localites
qu’il n’cst pas toujours facile de distinguer (53). •
<604. Arret du Parlement qui condamne Fab-
baye de Licques a payer au prieur du Wast ,
Nicolas Allart , le reslant de six annees echues
4 Noel 1593, des cinq polkins de ble froment ,
de rente, dont nous avons deja parle (54).
4680. 2 aout. Transaction notariee, entreDom
Jean Francois de la Rochequibal , prieur du
Wast , et l’abbaye de Licques , laquelle reconnait
devoir au prieur cinq razieres de ble , grande
mesure de Boulogne, chaque annee (55).
Ce prieur resigns son benefice en 1693, moyen-
nant une pension annuelle de 800 livres. Iletait
docteur de Sorbonne et prieur claustral , de N.-
D. de Longpont.
■ 4694. Dom Louis de Pestinien de Cuvilly ,
grand prieur de l’Ordre, pourvu en Cour de
Rome du prieur6 du Wast, prit possession par
procuration le 47 juin 4694.
Le prieure 4 tail en commende, n’avait point
de charge locale et n’exigeait point la residence.
Nous ne saurions dire a quelle epoque cette lepre
de la commende l’avait atteint; mais nous pen-
sons que Girard de Cuynghem pouvait bien etre
dejk prieur commendataire au commencement du
— 25 —
XVI® stecle. Quoiqu’il en soit , les religieux de
Clugny luttaient de toutes leurs forces contre les
invasions toujours croissantes de ce mal qui tuait
les ordres monastiques. Ils cherchaient a en pa-
ralyser les elfets desaslreux , en retenant dans
leurs mains les benefices qu’ils pouvaient ravir a
l’avidite des commendataires. Ceux-ci de leur cote
saisissaient toutes les occasions de seculariser les
revenus qui leur etaien.t donnes par la complai-
sance des monarques; mais a Clugny, plus qu’ail-
leurs, ils eprouvaient une vigoureuse resistance.
De lit tant de proefes , de luttes deplorables qui
acheverent de deconsiderer en France les saintes
et sociales institutions de la vie monastique. Ainsi,
lorsque le prieur resignataire , Jean-Frangois de
la Rochequibal , vint a mourir , le cardinal de
Bouillon (Emmanuel-Theodose de la Tour d’Au-
vergne) , qui 6tait abbe commendataire de Clugny,
regardant sans doute comme nulle la nomination
de Louis de Peslinien de Cuvilly , donna le prieure
du Wast a Antoine-Alexandre Le Yaillant , clerc
du diocese de Paris.
Ce nouveau prieur prit possession par procu-
ration le 3 fevrier 1696. II s’en suivit un proces
couteux qui eut bien vile absorb^ les revenus
qu’on se disputait. Force fut done de s’arranger
a l’amiable ; ce qui eut lieu. Le Yaillant se
desista de ses pretentions moyennant une pen-
sion annuelle de 300 livres sur les revenus du
4
— 26 —
prieure. Cet accord fut approuve a Rome le 7
des kalendes d’oclobre de l’annee soivanle.
1724. Dom Joseph de Fransure de Villers ,
prieur du Wast , presente a la cure de Boursin.
En 1729 il fut pourvu du prieure d’Ardres, dont
il prit possession le 1 9 novembre. Bientot il per-
muta son prieure du Wast contre celui de St-Jean
de Fontaines , au diocese de Lugon , avec Dom
Martin Laillier , religieux de Clugny , abbe de St-
Martin-de-Bois-Aubry , au diocese de Tours.
1729. 21 decembre. Dom Martin Laillier, prend
possession du prieure du Wast , par procuration.
Il avail ete deja pourvu d’un prieure du diocese
de Boulogne , celui de Beussent , dont il avait
pris possession le 29 septembre 1724, mais qu’il
resigna en 1725.
1745. A Dom Martin Laillier succeda un prieur
sur lequel nous n’avons aucun renseignement ;
c’est M* Delavigne.
Nous trouvons ensuite Dom Nicolas-Aime de
St-Yincent , dont la demission pure et simple
amfene a la jouissance du benefice le pretre s^culier
qui va suivre.
1 788. Rene- Louis-Joseph Sannier , cure de la
paroisse de Gallion , diocese de Rouen , nomme
au prieure du Wast par le cardinal Dominique de
la Rochefoucauld , Archev&que de Rouen , abbe
commendataire de Clugny. Le visa de cette nomi-
— 27 —
nation a ete delivre par I’eveque de Boulogne ,
(de Partz de Pressy) , le 1 8 avril.
1789. Jean -Alexandre Baroche, chanoinc de
Bouen , echangea avec le precedent son prieure de
St-Nicolas de Cotte-Cotte , au diocese de Rouen ,
contra le prieure de St-Michel du Wast , en s’en-
gageant a payer une pension annuelle de 1200
livres tournois h l’ancien prieur. Le visa de M.
de Pressy sur la bulle de la Cour de Rome qui
fut expediee a ce sujet , est du 21 fevrier (56).
La Revolution Frangaise consomma les iniquites de
la commende. Ne nous etonnons point ccpendant
du peu de regrets que laisserent apres eux beau-
coup de monasteres. « Aucune chose ne peut vivre
sans les conditions de son existence; et e’est une
derision amere que d’accuser le vent de la tempete
d’ avoir jete a terre l’arbre mutile qui n’avait plus
ni racines ni feuillage. II n’etait resl6 a Clugny
que des biens , et ces biens meines ne lui appar-
tenaient plus. Au lieu d’etre consacres a d’im-
menses misericordes , a de grandes entreprises
catholiques , a la multiplication des maisons et des
bonnes coutumes claustrales , ils n’etaient plus que
le patrimoine de I’ambition , la dot des families
de cour , la feuille des benefices d’un cardinal
Dubois ou d’une vile favorite. Prenons-y garde :
lorsque l’Assemblee constituante rendit sou decret
celfebre, le 13 fevrier 1790 , qui detruisait de
fond en comble redifice nionastique, elle ne fai-
— 28 —
sail guere que proclamer une ruiae deja accomplie
et promulguer un decret de la Providence (57) »
11 se trouvait cependant encore des ames gene-
reuses pour etablir des fondations nouvelles , des-
tinees au bien de la religion et au soulagemeut
des classes necessiteuses. La demoiselle Jeanne-
Marie Guillard , fille de Christophe Guiliard et de
Marguerite Marin, nee a Dunkerque le 10 avril
4693, marchande de drap dans la meme ville,
legua a sa mort une somme considerable pour eta-
blir au Wast plusieurs ecoles , ainsi qu’on va le
voir par la leneur de son testament , dont nous
devons la communication a I’obligeance de notre
savant collegue, M. Louis Cousin.
« Jeanne-Marie Guillard donne et legue k la pa-
roisse du Wast 8,000 livres tournois, pour y
fonder une ecole publique pour les pauvres de la
dite paroisse et des paroisses voisines ; laquelle
somme ses executeurs testamentaires placeront en
rente sur un lieu tel que les chefs de la dite pa-
roisse du Wast trouveront convenable ; pour aider
a l’entretien d’un bon maitre d’ecole qui enseignera
gratuitement tous les pauvres qui se presenleront
lanl de la dite paroisse que de celles voisines ;
en rapportant audit maitre d’ecole un certilicat
d’indigence delivre par leur cure ; lequel maitre
d’ecole sera pareillement oblige d’enseigner gratui-
tement le plain-chant , au parfait , a six ganjons
qui scront a cet effet choisis de parents vertueux
— 29 —
et de bonnes moeurs par MM. les cures et pre-
ires, desserviteurs dans l’eglise et prieure du dit
lieu , afin d’en former de bons maitres d’ecole ;
ajoutant la testatrice qu’il serait meme a souhaiter
que les seigneurs eveques et autres superieurs s'y
donnassent tant de soins que la dite paroisse du
Wast devienne comme le noviciat des bons maitres
d’ecole, dont les pauvres ga irons et filles ont tant
besoin. »
« Elle donne ct legue en outre a la meme pa-
roisse du Wast, pareille somme de 8,000 livres
pour y fonder une autre ecole pour les filles sous
la direction de deux soeurs de la doctrine chre-
tienne , somme a placer en rente avec les memes
precautions que ci-dessus; lesquclles religieuses
seront tenues d’enseigner gratuitement aux filles
de la dite paroisse et de celles voisines , la doc-
trine chretienne , catholique , apostolique et ro-
maine , et de leur apprendre a lire et a ecrire
jusqu’a l’age 16 ans. »
« Elle donne et legue a la dite paroisse du Wast
2,000 livres, a placer egalement en rente comme
les autres , de l’intervention des sieurs cure et
margueilliers de la meme paroisse , a I’effet d'y
fonder une confrerie du St Sacrement ; a condition
que sur les cent livres de rente qui en provien-
dront , 50 livres seront employees chaque annee
pour l’entretien de cierges de cire verte qui seront
brules sur l’autel pendant l’office , et que les autres
— 30 —
50 livres seront remises chaque annee a titre de
retribution au pretre desserviteur du prieure de la
dite eglise ; lequel sera oblige , an moyen de cette
somme, toute modique qu’elle soil , de chanter le
salut du St Sacrement , tous les dimanches et fetes
et tous les jeudis de l’ann£e ; auquel salut le maitre
d’ecole assistera et chantera gratuitement , comine
il est d’usage es-paroisses des campagnes ; re-
tention de la testalrice etant que tous ceux et ceiles
qui voudront etre agreges a la dite confrerie , de
telle paroisse qu’ils puissent etre , y soient admis
et refus en payant pour leur entree 3 livres une
fois ; qui serviront pour les menus entretiens de
l’autel et pour une messe de requiem , au deces
de chaque confrere ou consoeur de la dite con-
frerie ; et qu’on oblige les confreres a avoir chacun
leur flambeau en propriete a leurs depens , pour
accompagner le St Sacrement aux processions et
dans les occasions convenables ; la testatrice espe-
rant que les charites et aumones des confreres et
consoeurs seront assez abondantes pour former et
entretenir la retribution d’une messe chaque se-
maine , qui scroit chantee solennellcment tous les
jeudis par le desserviteur du prieure de la dite
eglise ; ce qui le mettroit au pair du cote de l’in-
teret , avec le cure de la meme eglise paroissiale;
atlendu que le desserviteur ne jouit, comme on le
8 tit bien sur les lieux , que d’unc ires petite pen-
sion de l’abbe commendatairc du dit prieure. »
— 31
Ce testament a ete passe dcvant les notaires Six
et Jeaussoone , le 23 mai 1753. La testatrice mourut
a Dunkerque , rue et paroisse St-Eloi , munie des
sacrements , le 10 mars 1757, et fut enierree le
lendtmain dans l’eglise des religicuses Clarisses de
cetto ville , auxquelles el le avait legu6 1,200 livres.
Le premier legs , concernant l'ecolc des gar^ons,
a etc reconnu et adoptc par les administrateurs de
la province du Boulonnais le 22 avril 1777 (58).
Un pretre habitue, J. Delerue, portait en 1765,
le titre de « chant re et desservileur de la fonda-
tion de la demoiselle Guillard ; * et nous trouvons
en 1 776 le nom du premier maitre de cette ecole,
M* Pierre-Nicolas Pagnerre (59).
La difficulte de faire des recherches suivies dans
les archives du tribunal civil de Boulogue , a cause
de la reconstruction du palais de justice de cette
ville , ne nous permet pas d'etre aussi complet
que nous voudrions l’etre , sur 1’epoque precise ou
ces fondations ont ete definitivement acceptees et
etablies. Nous dirons seulement que , vers 1783 ,
nous voyons dans la paroisse du Wast, trois soeurs,
(dont la superieure , soeur Barbe , est morteapres
la revolution), donner leurs soins a 1’instruclion
des pauvres filles (60).
Un autre grand bicnfaiteur des pauvres dans le
diocese de Boulogne , Jean-Baptiste-Olivier-PIacide
de Meric dc Montgazin , originate du diocfese de
Toulouse, abbe de Cellcfrouin , au diocese d’An-
— n —
gouleme , grand vicaire de M. de Partz de Pressy,
depute du clerge a l’Assemblee nationale, placa
aussi sur 1’administration du Boulonnais 8,000 lt-
vres , pour etablir au Wast , une ecole destinee a
l’enseignement gratuit des filles pauvres. Apres
avoir fait mention de ce bienfait dans son testa-
ment , il ajoute dans un codicille , ecrit le 28
janvier 1789 : < Aiant des vues particular es que
j’ai communiquees a Mgr. l’Eveque , pour faire de
l’etablissement ou sont les soeurs de la charite
au Wast, un noviciat de mattresses d'icole pour
tout le dioceze , en y mettant des soeurs qu’on ap-
pelle , si je ne me trompe de et dont la
maison-mere et dans la ville de Rouen, je donne
et legue a cet effet une somme de douze mil li-
vres , laquelle , au cas que mon projet ne put avoir
lieu , servirait a augmenter le bien que font au
Wast les trois soeurs de la charite (61). »
Nous avons trouve dans les registres aux insi-
nuations des donations entrevifs, pour l’anl784,
une autre liberalite de M. de Montgazin en faveur
du Wast. Par acte passe par devant Me Dutertre,
notaire a Boulogne, le 4 juin 1770 , autorise par
lettres-patentes du mois de decembre 1768, re-
gislrees au Parlement le 3 aout 1771 , ce vene-
rable pretre donnait « aux habitants corps el com-
munaute du bourg et paroisse du Wast deux mai-
sons , pour le logement du maitre et de la mai-
tresse d’ecolc; promettant lc donateur et s’enga-
geant de faire valoir et garantir cette donation do
tous troubles et autres empechements generalement
quelconques , et meme d’affranchir les dits habi-
tants du bourg et paroisse du Wast, de tous droits
seigneuriaux, d’indemnile, d’amortissement , etc. ;
les dites deux maisons estimees par experts nom-
ines d’office , en vertu de l’arret du Parlement du
4 janvier 1770 , valoir annuel lenient, la premiere
45 livres et la seconde 90 livres.... En capital, sur
l’etat actuel des lieux, 1 ,050 livres pour la maison
du maitre d’ecole, et 2,700 livres pour celle de la
maitresse ; pour des dittes deux maisons jouir per-
petuellemeut et k toujours par les maitre et mai-
tresse d’ecole, que les seigneurs eveques de Boul-
logne voudront bien nommer k cet effet , et qu’ils
auront la liberte de destituer toutes et quantes fois
ils le jugeront k propos (62). »
La Revolution ne permit pas a cet homme de
Dieu, qui avait institue les pauvres du Diocese de
Boulogne ses legataires universels , d’executer tout
le bien qu’il meditait. Les chagrins de I’exil , les
douleurs de l’Eglise sa mere et de la France sa
patrie, joints aux infirmites de la vieillesse, mi-
nerent son existence et le conduisirent au lombeau,
le 16 janvier 1793, a Heinsberg, dans le duclie
de Juliers (63).
Quant au Prieure , il fut vendu avec ses de-
pendances, comme bien national. L’eglise seule
retourna a la commune apres le Concordat. Le
— 34 —
cimetiere fut meme retreci ; car, en 4760, on
trouvc ia mention d’une inhumation faite * au mi-
lieu , derribre I'bglise, > et aujourd’hui ce terrain
est en culture (64).
Les prieurs du Wasl etaient seigneurs de cette
localite, et presentaient a la cure de Boursin,
dont le Wast etait alors le secours. L’eveque dio-
cesain avait le droit de procuralion dans ce prieu-
re, d’aprcs le pouille de Terouanne du moine ber-
tinien Alard Tassard (65). II avait encore, aux
termes d’un autre pouille de ce meme diocese, le
droit de visiter l’eau, visilationem aquce ; nous ne
savons en quoi consistait ce droit singulier. L’ar-
cbeveque metropolitain (de Reims) joignait au droit
de procuration celui de visite (66).
Lors de la redaction des coutumes de Boulogne,
en 1 550 , le Prieur du Wast fut appele & coin-
paraitre en la Senechaussee, comme fai3ant partie
des 6tats du clerge ; mais il ne se pr^senta point
a la premiere convocation. Nous croyons qu’il com-
parut & la seconde seance , le 20 oclobre ; car il
n’y est plus signale comme defaillant. (67).
Aux Etats du Boulonnais, convoques en 4588,
pour faire l’election de trois deputes, a l’assem-
blee de Blois , nous voyons comparaitre , pour
l’Elat du clerge, au nom du prieur du Wast, Me
Pierre Dcsmaretz , procureur en la Senechaussee ,
et Jehan du Crocq, « fermier general dela dicte
prieure » et pour le Tiers au nom des habitants du
— 35 —
bourg , « Jehan du Crocq I’aisne , 1’un des dictz
habitans, et recepveur de )a prieure du diet lieu (68)»
II nous serait difficile d’etre complet sur les
prerogatives seigneuriales du prieur du Wast.
Voici les seuls renseignements que nous ayons
jusqu'ici trouv^s sur cet article. L’abbaye de
Notre-Dame de Licques , k cause du fief de
Cateinbosq , s£ant a Bainghem , Hocquinghem et
Surques (qu’elle tenait du prieur^ du Wast, pour
la rente dont nous avons deja parle,) s’engageait en
4 680, k donner < homme vivant et mourant , au
deceds duquel relief 6cheoira. * De plus le
17 janvier 1684 , elle reconnut « tenir en fief
du prieur du Wast, une seigneurie , consistante en
droit de justice , haute , moyenne cl basse , cen-
sives et rentes foncibres seigneurialles , reliefs, droits
de lots et de rente , et tons autres droits seignmi-
riaux (69). » En vertu de 1’axidme : nemo dat quod
non habet , nous sommes en droit de reconnaitre
que le prieur du Wast avail toutes ces prerogatives.'
C’est ce qui resulte encore plus clairement dc la
declaration que I’un d'eux , Dom Joseph de Fran-
sure de Villers , nous a laissee sur les revenus de
son benefice.
Le 12 mars 1729 , ce prieur envoya a la chambre
ecclesiastique du diocese , un relevd des revenus
qu’il percevait cliaque annee. « Ces revenus con-
sistent , dit-il , en dixmes , terres labourables ,
droits de lots , de rentes , rentes en bled , en
— 36 —
avoine , en volaillcs , cens , rentes et droits de
justice. » (70)
La somme des revenus du prieure a varie selon
les temps. Au XV® siecle , d’apres le pouille de
Tassard , nous le trouvons taxe a 300 livres pour
declines , lorsque l'abbaye de Notre - Dame de
Boulogne est taxee a 1500 livres et l’abbaye de
Samer a 2000. Au XVIII® siecle , dans le « relevd »
que nous avons cite, le prieur accuse 1000 livres
de revenus, provenant des dixmes, rentes et droits
dont nous avons parle, plus « d’un vieux bail-
ment et un jardin , tous lesquels revenus en
entier etaient affermes moyennant cette somme ,
franc et net argent , et toutes charges acquit-
tees , excepte celles des eglises oil sont situees les
dixmes. » Mais , continue-t-il , « il y a sept branches
de dixmes dans sept diflerentes Eglises. » (Ces
eglises etaient celles de Belle , Houllefort , Har-
dinghem , Le Wast , Boursin , Colembert , et une
autre que nous n’avons pu trouver). Le prieur
etant oblige de contribuer pour sa quote part aux
reparations de ces sept eglises, comme a celles
de la maison prieurale, il estimait a 200 livres
au moins, chaque annee, les charges que ces re-
parations faisaient peser stir ses revenus ; de sorte
que le produtt net de son benefice ne depassait
pas 800 livres. C’est a ce taux , en eflfet , qu’il
est porte dans les pouilles du diocese, anterieurs
a 1760.
— 37 —
A cclte cpoque , les revenus , sans doute mieux
administres , s'eleverent a 1800 livres, et furent
taxes par reduction a 201 livres 10 sols, pour
les impositions pr61evees sur les revenus du dio-
cese.
Lors des impositions qui suivirent , en 1 761 et
1770, le prieure du Wast ne fut plus estimequ’k
1 450 livres , et paya la meme taxe ; en 1 781 ,
toujours a la meme estimation, il paya 218 livres
5 sols, 6 deniers; eten 1787, 232 livres 1 7 sols.
Le Wast 6tait annexe , pour l’administration
spirituelle, k la paroisse de Boursin. Le pouille
de Tassard, au XVI® sifecle, mentionne, dans le
Doyenn6 de Wissant, Boussin et S. Micael de
Wasco , qui 6tait taxe pour les decimes a vingt
livres. Le cure de Boursin y allait « dire la
messe , les jours d’obligation , et une fois ou deux
par semaine, et administrer les sacrements aux
infirmes, quand il 6lait besoin. » En 1721 ,
Pierre de Langle, 6v6que de Boulogne, aurait,
si nous en croyons une note ecrite sur les regisr
tres paroissiaux de cette m6me annke, drige
en cure l'eglise du Wast. Nous n’avons pas vu
dans les registres de l’evecb^, la preuve de cette
assertion. En 1 724 , J. Lorgnier , pr&jedemment
desserviteur du prieur6 (71), fut nomme k la cu-
re de Boursin et Le Wast; et, les choses demeu-
rercnt dans l’etat ou elles etaient dcpuis longtemps.
Lc mauvais vouloir des prieurs , la pauvrete du
— 38
bourg, oil il n’y avait alors que 30 feux, out
pu contribuer a faire abandonner ce projet.
L’eglise prieurale et I’eglise paroissiale du Wast,
onfondues dans le meme edifice, etusant du me-
me autel , n’avaient point le meme patron : la
premiere etait sous le titre de St Michel, la se-
conde, sous celui de St Cloi.
Ce monument qui subsiste encore tel qu’il etait
au XVIII* siecle, n'est plus qu’un reste mutile
de l’eglise primitive. Nous ne saurions dire a
quelle epoque le prieure du Wast fut mine. II y
a grande apparence que cette destruction eut lieu
pendant le XVI* siecle, alors que les Anglais,
maitres de Calais, bataillaient sans cesse avec
nous, pour augmenter l’etendue de leur domination
sur notre territoire , et pour repousser les attaques
dont ils etaient l’objet. Les batiments claustraux
de ce prieure furent assez vastes; car ses fonda-
tions, qui ont ete remuees, il y a quelques an-
nees , par les possessors du sol sur lequel il
etait bati , couvraient un assez grand espace de
terrain. Il en reste une petite maison d’une ap-
parence peu monumentale, batie a la fin du XVII*
siecle, mais dont la partie basse conserve deux
arcades romanes, qui appartiennent sans contredit
a la construction primitive. Cette maison se trou-
ve presque en face de l’eglise , et porte encore
le nogi de Priori.
— 39 —
L’eglise, avait autrefois trois nefs: il n’en est
reste qu’une. Les arcades en maconnerie sur les-
quelles s’appuyaient les colonnes qui soutenaient
la voute, ont ete bouchees; mais les colonnes sont
reslees, avec leurs chapitaux coniques sans orne-
ments. Le trace des arcades se distingue encore
facilement ; on y peut constater que le plein-cintre
se brise, et tend a se transformer en ogive. Le
benitier de l’eglise, pose sur des treteaux en bois,
affecte la forme d’un chapiteau du XII® siecle. Nous
ne pouvons dire si, comme cela arrive frequem-
ment , on s’est servi d’un veritable chapiteau ,
dont on aura ainsi change la destination ; ou bien
si l'on n’en a adopte que la forme : mais , sur la
partie superieure du tailloir, on a grave des des-
sins qui ont I’air d’appartenir a la meme epoque.
II n’est peut-etre pas impossible que le benitier-
chapiteau ait ete autrefois engage dans le mur de
1’une des nefs , pour i’usage auquel il sert actuel-
lement, et qu’on l’ait rapporte plus tard dans la
seule partie de I’eglise qu’on a restauree , apres
la destruction du prieure.
Les fonts baptismaux n’ont rien de remarqua-
ble: ils sont octogones, et paraissent etre de la
fin du XVI® sifecle.
La cloche de l’eglise date de l’an de grace 1 850 ;
elle a ete fondue k Tournehem. Celle qu’elle a
remplacee portait en inscription :
— 40 —
f IE. MAPPELLE. ELISABETS. POVR. PARIN.
LOVIS. MARIE. LE PORCQ. DSERLAN. ET.
MAREINE.
f ELISABETS. MVTINOT. DIMBRETVN. HV-
BERT. RENARD. MA FAICT. A. LILLE. 1667.
Outre cette inscription, (dans laquelle la lettre
H avait ete, par I’inhabilete du fondeur, remplacee
par un S, dans les mots d’HERLEN et ELISA-
BETH ,) on voyait sur cette cloche des armes
miries d' argent et de sable, de cinq traits , qui ap-
partiennent a la famille du prieur, dom Louis
de Pestinien (ou Pestivien) de Cuvillers, qui ha-
bitait le Soissonnais.
Le morceau d’architecture le plus important que
cette eglise puisse offrir a l’histoire de l’art, est
le beau portail romano-byzantin , dont le plan a
6te public dans la collection des Antiquites depar-
tementales, avec exactitude pour l’ensemble, mais
de nombreuses incorrections de detail. Les pie-
droits des baies sont ornes de trois colonnes aux
chapiteaux divcrsement sculptes, assez semblables
a ceux de l’ancienne cathedrale de Boulogne. Ces
colonnes supportent avec elegance et legerete, une
triple archivolte en retraite. La plate-bande de
l’archivolte superieure , est couverte de chevrons.
Ces trois arcades sout couronnees par une corni-
che, decoree d’une double rangee de poinles de
diamants , au-dessus de laquelle s’eleve un fronton
aigu, plus communement appele gable ou pignon.
— 41 —
Le tympan de ce pignon a conserve un reste de
sculpture, dont il ne nous a pas et£ possible de
definir l’intention (72).
Cinq travkes seulement sont rest6es debout de
l’ancienne nef centralc; elles forment la nef ac-
tuelle de l’eglise du Wast. Le choeur se compose
des bases m£connaissables de la tour, qui dut se
trouver au centre de la crois£e. Le mur qui fer-
ine rectangulairement, k Test, l’dglise actuelle, est
bati dans l’arcade , encore visible , qui ouvrait
1’entree de l’ancien choeur,
C’est lk, au chevet de l’eglise actuelle, k l’entrke de
l’ancien choeur, et du cdte de TEvangile, que reposa
pendant cinq sikcles et demi , la sainte femme qui
porta dans son sein le hkros des Croisades, Go-
defroy.de Bouillon. Ce que la fureur des guerres
laissa subsister de l’6glise du Wast, aprfes la
ruine du prieurk , n’abritait plus le tombeau de la
bienheureuse comtesse. On construisit en conse-
quence un petit Edifice , separe de l’eglise , oil les
fidfeles purent continuer d’aller venerer la bonne
sainte qui les guerissait de la fikvre, ce mal re-
belle que la science ne savait point combattre en
ces temps recul£s.
Cependant , par la negligence coupable de ceux
qui ktait charges d’entretenir ce pieux sanctuaire,
il se trouvait en 4 669, dans un 6 tat d’abandon et
de ruine, qui fut cause de 1’ enlevement des saintes
reliques. Un cordelier , nomine le pkre Salure ,
6
42 —
y etant alle dire ia messe, fut indigne du pea
de soin avec lequel on conservait ee precieux de-
pot. On en parla a Mme la duchesse douairiere
d’Orleans , Marguerite de Lorraine , qui avait avec
la sainte comtesse de Boulogne quelques relations
de parent^. Cette princesse obtint un ordre de
la Cour, pour transporter & Paris le corps de
sainte Ide, et elle envoya a Boulogne M. Batail-
ler , eveque de Bethleem (73) , pour s’entendre
avec Francois de Perrochel , a l’effet d’operer la
translation des ossemens veneres. Le pieux ev6que
de Boulogne ne put resister aux ordres forruels
qui lui etaient intimes. S'etant rendu au Wast, le
28 septembre de cette mime an nee 4669, il ap-
porta a Boulogne les restes de la sainte , et les
remit a I’envoye de la duchesse d’Orleans. .
Les reliques de sainte Ide, furent deposees
chez les religieuses benediclines de l’Adoration
perpetuelle , rue Cassette, a Paris. Soustraites a la
profanation revolutionnaire , on les a depuis trans-
poses a Bayeux, dans un couvent du meme or-
dre, ou on les conserve aujourd’hui avec le res-
pect qui leur est du (74).
Bernard , dans ses Annales de Calais (75) , a
parle de la translation de 4 669 , d'une maniere
fort inexacte; mais nous ne pouvons nous arreter
ii le refuter. Notre notice servira de rectification a
ses erreurs, et a bien d’autres encore (76).
— 43 —
Nous devous dire, pour achever l’histoire de
la chapelle oil reposait le corps de sainte Ide ,
au chevet de l’eglise du Wast, que, inalgre le
soiu qu’on avait eu d’y renvoyer de Paris une
cote de la sainte , dans un petit reliquaire d’ebe-
ne, enrichi de rinceaux d’argent, ce petit edifice
ne fut pas mieux lenu qu’auparavant. Les arcbi-
diacres de Boulogne, dans leur visite de 4715,
la trouverent comme abandonnie , sans autel , sans
pavi , el, le plus souvent , la r e trail e des bcstiaux
pendant I’dti, ce qui decida l’eveque Pierre de
Langlc a l’interdire. Rien n’y fit , cependant ; car
en 1725 le cure de Boursin la signale, dans un
rapport sur l’etat de sa paroisse , comme etant
en mauvais ordre. Cette chapelle est detruite depuis
le commencement de ce siecle.
Le P. Malbrancq nous dit qu’Eustache III eleva
a sa mere un magnifique tombeau. La supposition
nous parait assez naturelle; on voit encore d’ail-
leurs, prfes de l’eglise du Wast, une pierre sculp-
tee, qui a du en faire partie. Cette pierre pro-
vient de la chapelle ; d’oii Ton avait otee , dans no-
tre siecle insouciant et prosai'que , pour en faire
la voute d’un pont. Graces a I’intervention de
quelques amis de I’histoire et de l’art , on l’a
dernierement soustraite a celte indignite. La sainte
y 6tait representee en semi-relief, presque de
grandeur naturelle; mais le ciseau vandalc dcs
arcliitcctes du pont du Wast a tellement mutile
— 44 —
la sculpture , qu’on pent & pone reconnaitre la
destination primitive de ce monument , qui appar-
tient k l^poque romane. La fignre 4tait dejk fort
degrades au milieu du siecle dernier; et cette
mutilation est d’autant plus regrettable que c’e-
tait lk peut-etre le seul portrait un peu fidfele
qu’on eut conserve de la sainte comtesse (77).
L’ emplacement du tombeau de sainte Ide , long-
temps respecte , recouvert meme il y a quelques
ann^es , par une dalle de Stinkal, est aujourd’hui
profan6. Aucun indice ne le signale au pelerin qu’y
conduit la pi6te ou l’bistoire ; et cette terre , sa-
cr6e a tant de titres, est maintenant sillonn^e par
la charrue! — N’avons-nous pas laisse
d£truire k Jerusalem par des schismatiques , en-
nemis de la France, le tombeau de Godefroy de
Bouillon ? Comment aurions-nous souci du tombeau
de sa mfere?
NOTES,
SOURCES, ET ECLA1RCISSEMENTS.
(1) Henry, Essai bistorique, p. 150. Bertrand Hist,
de Boulogne t. II p. 221.
(2) Ou au pied des inonts d’Alembon, car il est dif-
cile de dire quelle est la tete principale de cette petite
riviere.
(3) Dans ses M6m. mss. sur l’Histoire de Boulogne ,
t. I" p. 27 , Philippe Luto dit que c’est la foire de
Bellebrune qui se tient au bourg du Wast le 28 sep-
tembre. 11 y a la une meprise evidente. Notre estima-
ble collegue, M. Courtois, nous a communique une note
tiree des Archives de Tournehem, qui pourrait bien
mettre sur la trace de quelque fait, source de l’erreur
de Luto. Dans le compte de la chatellenie de Toume-
hem pour 1473, extrait des registres de Guillaume
Fasselin par Jehan de la Caurie, receveur en 1543, (piece
71, cotee hhh), on lit: « (Refu) de Antboine de le Motte,
seigneur de Bellebronne, fils et h^ritier de feu Messire
Robert de le Motte, en son vivant chevalier seigneur
dudit Bellebronne , pour le relief d’un fief tenu dudit Tour-
nehem; et se comprend ledit fief, la nuit et le jour
sainct Michiel, chacun an, en la ville du Wast en
Boullonois, durant la franche feste d’icelle, en et sur
tousles tonlieulx, foraiges, droitures et aultrement ,
qui durant lesdits deux jours peuvent venir et escheoir
audit lieu du Wast , amendes et touttes fourfaictures ;
et duquel fief est deub a mon dit seigneur, quand le
— 46 —
caa y eschict , X livres parisis et XX sols crisis de
cbambellage. »
En 1543, ce fief appartenait a Messire Philippe Blon-
del , chevalier et seneschal du Ponthieu , baron de
Bellebronne.
La tradition locale a conserve le souvenir de ces droits
seigneuriaux ; et , de plus , elle attribue au curd de
Bellebrune le droit d’avoir cbaque an nee , a la foire du
Wast , un chapea i et une j aire de gants.
(4) Yit. B. ldae,ap. Bolland., Act. SS aprilis, tom. II,
Die XIII, p. 142, n® 7.
(5) Ibid. not. e , p. 143.
(6) Rerum gallicarum et francicarum scriptores. T.X1V,
p. 114.
(7) Ph. Luto , op. jam cit. p. 369.
(8) Chartularium Folcuini, ( documents inedits) , pp.
148 , 150 , 153 et pisef. p. 47. Luto, jam cit. 1. pp.
275 , 369.
(9) II est presque impossible de determiner quoi que
ce soil, sur la valeur de la livre de deniers en 954*
Cs. Ducange et les monetaires.
(10) Chronicon sithiense S. Bertini , ap. Martenne ,
Tbes. nov. Anecdotor. T. III. coll. 556 , 559.
(11) De Morinis . Lib. VII , p. 569.
(12) Op. cit. loc. sup. cit.
(13) Act. SS. ord. S. Bened. auct. Mabillon. Saec. II ,
p. 552, n® 13.
(14) Cf. Boll. Act. SS. Julii T. V. , p. 285 , col. 2.
(15) Op. cit. col. 556.
(16) Dans son edition de Folcuin , M. Guerard a
ecrit une fois Wachimvillare. Au reste , bien que Fol-
cuin derive partout Wachun-villare , qui se trouve
identique avec le Wachone-ViUare du moine de Fonte-
nelle , Iperius orlbographie d’une autre manicre. Le Ms.
— 47 —
sur lequel Dom Martenne a fait son Edition portait
Wascon-villare , (le?on adoptee par Malbrancq) et Was-
tavillare. Trois autres manuscrits , consultes par nous,
nous ont donne tantdt : Wasconvillare , WascuviUare ,
tant6t WastoviUare , Wastuvillare , Wastonvillare et
Wastumvillare. (Bibl. Boulogne s.-m., Ms n° 147 ; Bibl. de
de St-Omer, Mss. n®‘ 739 et 740)
(17) Cf. Ducange, verbo Vastum.
(18) II y a ici une lacune dans le Ms qui a servi de
teste a Henscbenius. Void ce texte: « Ida.... locum
quemdam expetit ; cujus assensum et auxilium pia mater
promeruit II y a la un cujus , qui , grammaticale-
ment ne se rapporte a rien : il faut done que le co-
piste ait oublid ici un membre de phrase. Henschenius
nc parait pas avoir remarque cette particularite.
(19) Vit. B. ldae. in op cit. n° 7.
(20) Vit. B. ldae. ibid.
(21) Biblioth. Cluniac., Col. 1716. Cf. Luto , jam cit.
p. 370.
(22) Luto , toties cit. p. 361 , et alibi. Art de verifier
les dates (des comtes de Boulogne) t. n. p. 762 col. 2.
(23) In chronic. Ghisnensi , cap. 31, ap. Boll., op. quo
sup., in analect. Henschenii , p. 148 , n° 7.
(24) In chronic. S. Bertini , cap. 39 , § 2 , Ibidem.
(23) Lamb. Ardensis, qui sup., ap. Ludewig , Reliq.
Mssorum , T. VIII p. 508 , et Luto pp. 281, 370.
(26) Gulielmi Abbatis Andrensis chronic., ap. d’Achery
spicilegium , edit, in f°, t. II, p. 786, col 2. Cf. Luto ,
pp. 345, 371.
(27) Vit. B. ldae ubi sup. n® 9.
(28) P. 369.
— 48 —
' (19) Godefroid de BouiUon, lieu de sa naissance.
(Dissertation imprimee dans la derni&re Edition del’Hist.
de N.-D. de Boulogne (1839), pp. 244 et 245).
(30) Une copie, assez ancienne, du Ms de Regnardse
trouve a la Bibliotheque de P Arsenal, a Paris (Mss.
fran$ais, hist, n* 251). II en existe une autre copie
dans les Mss. de J.-F. Henry , et dans la Bibliotheque
de Boulogne.
(31) Vit, B. Ids. ubi sup. n* 11.
(32) Ibid, n” 12.
(33) Ibid. n“ 13 — 18.
(34) Hist. litt. de France t. XI, p. 134.
(35) LTustoire de ce prieure est d’autant plus incon-
nue , que les auteurs qui en parlent se soot tres sou-
vent fourvoy£s h Particle du Wast. Ainsi, par exem-
ple, L’Art de verifier les dates, cite plus haut, le
confond avec St-Vast d’ Arras ; L’histoire litt&raire de
France Pappelle Prieure de Sl-Wast , d’autres Pont
confondu avec la Pr6v6M de Watten , etc., etc.
(36) Bibl. cluniac. sup. eft., col. 555. Gf. Luto. item
cit. p. 371.
(37) Chronic. Andr., ubi sup. , p. 788. , col. 2 , in
fine.
(38) Chronic. Andr. , ubi sup. , p. 845. col 2.
(39) Id. Ibid. pp. 840-841. Gall. Christ. X. col 1605.
(40) Godefroy, Inventaire des ebartes d’ Artois. T. I.
n* 58.
(41) Histoire des dues de Normandie et des rois
(PAngleterre , public par Francisque Michel, p. 184—
187. (Communique par M. A. Hermand , president de. la
Societe).
I
— 49 —
(42) Cartulaire do l’abbaye d’Auchy , p. 000.
(43) Godefroy , qui sup. n° 84.
(44) Charte du prieurd du Wast , cite dans un factum
ou liste des abb& de Vabbaye de Merit , depute Vannie
1090 jusques en Vannie 1638 , pour montrer que ladite
abbaye n’a jamais itt unie. (Petit ms in-t°).
(45) Etat des titres et papiers de Vabbaye de Licques,
en 1776 , f® 6 v® , (Archives de Calais).
(46) Documents inedits sur l’bistoire de France , pu-
blics par le ministere. Olim , t. l*r p. 906.
(47) Olim , quae sup. t. Ill p. 1395.
(48) Inventaire des papiers de l’abbaye de N.-D. de
Licques , dressd en 1784 , par Gamier , notaire a Ardres.
Copie notariee , biblioth. de Boulogne-s.-m. f® 3223.
(49) Nous devons & Fobligeance de notre collegue, M.
Dufaitelle, les renseignements qui concement Thomas
le Barbier.]
(50) Etat des titres de l’abbaye de Licques en 1776,
sup. cit. f* 14 r®.
(51) Gall. Christ. Gosse , hist. d’Arrouaise , p. 365.
(52) Fland. illust. Ill , p. 105.
(53) La Notice sur Gerard de Cuynghem nous a ete
communique par M. Dufaitelle , a qui nous devons
beaucoup de reconnaissance pour les bons et utiles ser-
vices qu’il nous a rendus dans la composition de notre
travail.
(54) Inventaire des papiers de N.-D. de Licques , par
Gamier , sup. cit. fol. 3224 — 25.
(5b) Ibid, f® 3227— -28.
(56) Les registres du secretariat de I'totcM de Bou-
logne , (dans la bibliotheque de M. l’abbe Haffreingue),
7
et les registres aux insinuations ecclisiastiques da mdme
diocese , (dans la m£me bibliotheque et aux archives
municipales) , nous ont mis k m£me de dresser la lisle
des derniers prieurs, telle que nous venons de la donner.
(57) P. Lorain , hist, de l’abbaye de Ctuni , p. 265.
(58) Une copie de cet acte , pour premiere grosse &
la minute , demeurie is mains de M. Le Porcq , no-
taire a Boulogne , est conservee dans la bibliotheque de
M. l’abbe Haffreingue.
(59) Registre de la paroisse succursale du Wast. (An
1765 et 1776).
(60) Almanachs de Picardie , 1783 et annees suivantes.
(61) Papiers divers, concernant Fadministration et l’his-
toire du dioeese de Boulogne , pendant le XYlll* S. et
la Revolution Franfaise , (bibliotheque de M. l’abbd
Haffreingue).
(62) Registre aux insinuations des donations entre vifs.
Archives du tribunal civil de Boulogne.
(63) Papiers divers , dejA cites a la note 61.
(64) Registres de la paroisse du Wast. Sup. dt. an. tit.
(65) Ms. n* 732 , (bibliotheque communale de St-Omer).
t. 1 f 202.
(66) Cart. E. du chap, de Reims , ecrit vers 1346.
Cite au tome II , V part. , p. 639 , des Archives ad-
ministratives de la ville de Reims , publiees par P.
Yarin. (Documents inedits).
(67) Proces-verbal de la coutume de Boulogne.
(68) Proces-verbal Ms. des Etats de 1588.
(69) Inventaire des papiers de N.-D. de Licques, par
Gamier , sup. cit. f° 3229 — 30.
(70) Releve des Revenus du diocese de Boulogne en
1729. (Archives municipales).
— 51
(74) Void la liste des desserviteurs ou sous-prieurs qui
nous sont connus : Pierre Duhamel , 1662 ; — Parrel ,
1678; — Antoine de Langaigne , 1681; — Robert Noel
des Carrieres , 1689 ; — Dom Francois Drouhyn , reli-
gieux , prfitre , de l’ordre de St-Benoit , 1706 ; mort
l’annee suivante et inhum4 dans le chaw de l’eglise
(3 octobre 1707) ; — Jacques Lorgnier , 1707 ; — J. Ben,
1725 ; — Andr£ Le Febvre , 1732 ; — De Maadinicr de
Varennes , 1734 ; — Pierre Raymond Le Sage , 1742 ;
— C. Tassart , 1750 ; — A. Hochart , 1768.
(72) On peut consnlter les dessins de M. L. Gaucherel,
dans la Statistique monumentale du Pas-de-Calais , et
une trop breve notice de M. l’abbe Parenty.
(73) Francois de Batailler , fut nomine a l’evccbe de
Betbleem le 25 juin 1664. Le territoire de ce singulier
diocese se reduisait au faubourg de Panthenor-lez-Cla-
mecy , ou Bethleem sur la rive droite de l’Yonne , qui
le separait de Clamecy dans l’intendance d’Orloans. Ba-
tailler etait fort lie avec Marguerite , soeur de Charles,
due de Lorraine, femme de Gaston, due d’Orl^ans et
frere de Louis XIII , douairiere d’Orleans , apres le ma-
nage de Philippe , frfere unique de Louis XIV , avec
Henriette d’Angleterre. Cf. Expilly, Dictionn. geog. de
la France , t. 1 , p. 621 , au mot BethUem ; et Walc-
kenaer, hist, de la Fontaine , p. 151 et sqq.
(74) On trouve des details 6tendus et assez exacts sur
cette translation , dans la vie de Sainte Ide , imprimee
en 1692 , probabiement a Paris , et r&mpriinee a Bou-
logne chez Charles Battut, au milieu du XVIII* siecle.
Nous en avons deja fait usage dans le L<5gendaire de la
Morinie , lorsque nous pretions a ce recueil notre colla-
boration. On y trouvera des details auxquels nous ren-
voyons le lecteur , p. Ill et 112.
(75) PP. 103. 101. 11 y parle de gens qui vinrent la
— 52 —
nuit avec des memoires qui indiquaient le lieu oil re-
jiosait le corps de la saiute ; qui fouillerent au milieu
de Veglise , etc. Nous ne croyons pas que l’eveque de
Boulogne ait agi de cette maniere. En effel , la notice
de 1692 dit que d’apres le procis-verbal de la transla-
tion , Francois de Perrochel se rendit au Wast accom-
pagnd de Vevfque de BethMem , d’un archuliacre de
son e'glise , d’un de ses grands vicaires , d’un pritre
et de son secretaire.
(76) Trompd par Malbrancq et par Bernard, M. Har-
baville , dans l’article le Wast de son Memorial du Pas-
de-Calais , accumule au snjet de ce bourg et de ce
pricure les erreurs les plus singulieres. Vid. t. II p. 44.
(77) Nous ne connaissons d’autre ancienne representation
de la comtesse Ide , qu’un sceau du Xle siecle, appendu
a une charte de donation de la m&me epoque. Le dessin
de ce sceau se trouve dans un Afflighemum illustration,
Ms. de la bibliotheque des PP. benedictins d’Afflighem ,
pres de Termonde , en Belgique , qui nous a ete signale
par notre savant ami le Rev. P. Dom Pitra , de Fabbaye
de Solesmes.
H est aussi tres difficile de rencontrer des gravures ,
ou des images populaires , qui representeraient notre
sainte d’apres un type conventionnel. Son culte ne fut
pas tres repandu , hors de l’eglise oil reposait son corps.
II n’a meme commence a elre universel , dans le dio-
cese de Boulogne, qu’en 1727 , sous 1’episcopat deJ.-M.
Henriau. La legende generate des saints, par les PP.
Ribadeneira et Rosweide , (edition in-f°, Anvers , 1649),
nous offre , au XIII avril , une image de Sainte Ide ,
representee debout tenant une eglise. (Guenebault , Icono-
graphie , edit. Migne , col. 283).
PIECES JlSTIFICiTIVES.
Convention de 1197.
La clironique d’Andres , iinprimee dans le Spicilege ne
donne de cet acte qu’une analyse , et ne lui assigne
aucune date. Mais comme elle place ce document cntre
plusieurs autres qui furent ecrits en 1194 ou 1195,
Malbrancq (de Morinis , lib. XI , cap. X , p. 388) le met
resolument a l’an 1194. Les auteurs du Gallia Chris-
tiana ont soupfonne une erreur , et ont propose la date
1176 (t. X , col. 1605). Nous avons ete assez heureux
pour rencontrer a Amiens une copie integrate de cette
convention , datee de 1197. Elle se trouve dans le Ms.
n° 496 , a la suite du texte de la chronique d’Andres.
Nous croyons pouvoir attribuer a Hugues de Clermont,
abbe de Clugny, la signature de cette piece.
En voici le texte :
« Ego Hugo , divina misericordia ecclesiae Cluniacensis
humilis minister, notum facio tarn praesentibus quam
futuris , quod , de voluntate et assensu ecclesiae Clunia-
censis , cui , Deo actore , deservio , assensum praebui
conventioni facta; inter J. 'abbatem et capitulum Andrensis
ecclesia; et priorem et capitulum de Wasto, hoc modo.
Erant itaque Andrensi ecclesiae , ex antiqua fidelium
largitate , quaedam bona penes ecclesiam de Wasto et
parrochium de Buxin , nemus videlicet de Clerbois , alne-
tum et pratum Ulier , quae ab Andrensi ecclesia longe
erant suscepta ; praedictus prior cum capitulo suo , sub
annuo censu , pro singulis q' iiij raensuris nemoris de
Cleirbois cum appenditus , persolvet ecclesia de Wasto
Andrensi ecclesia; V bustellos frumenti annuatim ad
mensuram de Ghinis; pro eo quod Andrensis ecclesiae
fuit in alneto et prato , persolvet itidem , per annos
singulos , iiij polkinos et dimidios avenae , ad mensuram
Boloniae ; et, quia altera ecclesia ab altera distat , ne
Andrensis ecclesiae nantii , prae crebros redilus , grava-
men incurrant , terminum persolvendi census annui po-
suerunt infra XII dies Natalis Domini. Quod si forte
ecclesia de Wasto Andrensi ecclesiae infra hos dies non
persolverit censum debitum , sequenti die vel postmodum
per legem et emendationem duorum solidorum sibi per-
solvet; et, si in prioris et ecclesiae suae defectu debita
termini pcrsolutio steterit , Andrensis ecclesiae nuntiis ,
ut in sumptibus et nccessariis providebit.
Ut autem baec conventio flrma et inconcussa perma-
neat , cam , per chyrographum divisum , ego H. abbas,
et abbas Andrensis ecclesiae , confirmavimus ; et pars
Andrensis ecclesiae sigillo meo et sigillo capituli de Wasto
munita est, et pars ecclesiae de Wasto, sigillo abbatis
et capituli Andrensis roborata est.
Actum est hoc anno dominicae incarnationis M* C* no-
nagesimo septimo. Hujus rei testes sunt : Henricus ,
prior ; Galfridus , prcepositus ; Willelmus ; item et Wil-
lelmus , eleemosinarius ; Henricus , cantor ; Willelmus ,
vinarius; Robertus, ceUerarius ; Willelmus, notarius ,
Andrensis ec clesioe monachi ; Stephanus , Willelmus ,
Michael , Walterius , monachi de Wasto ; Petrus , de
Andrensi ; Willelmus , de Buxin , presbyteri parochiales;
Radulpbus , Witardus , Egidius , milites ; et multi alii.
55 —
Acres DE PRISE DE POSSESSION DU PRIEURE.
Aujourdhuy dix sept* jour de juin XVI cent quatre*
vingt quatorze , avant midy , en la presence et compa-
gnie de Louis Correnson , nottaire royal appostolicque ,
immatricuM en la seneschaussee et 6vesche de Boulogne
sur la mer, et en la presence des temoins cy-apres
nommez et soussign£s , M* Hugues Le Porcq d’lmbretun,
advocat au parlement et en lad* seneschaussee de Boul-
lenois demeurant en lad* ville de Boulogne sur la mer,
au nom et comme portcur de procuration passee par
devant les conseillers du Roy et nottaires au Chatelet
de Paris le 24 may dernier de Dom Louis de Pestinien
de Cuvilly , religieux de l’ordre de saint Benoit, pourvu
en Cour de Rome du pryeure simple non-requerant resi-
dence de St Michel du Wast , dud. ordre , de ced. dio-
ceze, s’est presente au devant de la porte et princi-
palle entree de l’eglise dud. pryeure de St Michel dud.
lieu du Wast , de cedit dioceze , ou estant entr6 , pre-
nant de l’eau benitte , se prosternant k genoux devant
le grand autel , y faisant sa priere , baisant iceluy , et
gardant les autres ceremonies en tel cas requises et
accoustumees ; pour , et au nom de Dom Louis de
Pestinien de Cuvilly, en consequence de le signature et
provision par luy obtenue en cour de Rome , dudit
pryeure de St Michel du Wast , en datte du 25 de de-
cembre dernier, et du visa de monseigneur l’iilustris-
sime et reverendissime evesque de Boulogne , en datte
du 28 dud. mois de may dernier , a prise de possession
reelle, corporelle et actuelle en personne dud. pryeure
de St Michel dud. lieu du Wast , et de tous les droits,
fruits , proffits , revenus et d^pendances generallement
quellesconques , laquelle prise de possession ainsi faite,
led. Correnson , nottaire , auroit publiquement et haut-
tement d^claree aux paroissiens et habitants k ce pre-
— 56 —
««nts , et a laquelle personne ne s’cst oppose , dont et
de tout ce que dessus led. d’lmbretum , aud. nom, en
a requis actc aud. nottaire et a luy octroye le present
pour servir et valloir a qui il appartiendra ce que de
raison. Ce fut fait passd en lad* eglise du pryeure de
St Michel du Wast , lesd. jour et an que dessus , en
presence de Jacques du Crocq , greffier dud. lieu , et
Pierre Dandres , clercq dud. lieu , temoins pris et ap-
pel£s au deffaut d'un second nottaire , qui ont signe
avec led. sr d’lmbretun et led. nottaire et plusieurs
autres personnes apres lui avoir nottifle l’edit des Insi-
nuations , la minute des presentes demeuree en l’estude
dud. Correnson , nottaire susdits et soussign£s ; laquelle
a estA deuement controlle par Ballenet. Ainsy signe
Correnson.
(Insinuat. Eccl£s. du diocese de Boulogne).
Le procureur d'Antoine Al. Yaillant prend possession
avec les ceremonies suivantes qui competent les ren-
seignements de la piece precedente :
« Michel Leveque , pretre habituA en l’eglise cathd-
drale Notre-Dame de Boulogne , » a pris a au nom dud.
s' Yaillant possession corporelle reelle et actuelle dud.
prieure, par l’entree libre qu’il a faite en l’eglise pa-
roissiale dud. lieu du Vaast, ouled. prieure est desservy,
par le moyen de l’eau benilte qu’il a prise et dont il a
aspergi les assistants , apres avoir a genoux adore le
tres St Sacrement de l’autel , baize l’autel , sonne la
cloche , touche le livre des SS. Evangilles , s’estre trans-
porte aux lieux et bastiments dud. prieure , et fait toutes
les autres ceremonies ordinaires et accoutumees. » Ibid.
3 f£v. 1696.
Jacques Ben, desserviteuc du prieur4 , charge de
prendre possession pour Don Martin Lallier , sonne la
cloche , puis fait sa priere au grand autel , chante le
Veni Creator , « Le tout revetu de surplis et orne de
tulle ; » apres quoi le notaire , « en presence des t£-
moins et de la plus saine partie des peuples dud. lieu
assemble en lad. 4glise au son de la cloche , fait lec-
ture a haute voix des provisions et visa dud. prieure ,
et declare qu’il met et installe le sr Laillier en la per-
sonne dud. Ben t en la possession dud. prieure. » a Puis
led. notaire a reitere la prise de possession en la clia-
pelle de Ste Yde attenante k lad. eglise , une des depen-
dances du chef dud. prieure. » Ibid. 24 dec. 1729.
Presentation a la cure de Boursin.
Par devant les notaires royaux residens a Boulogne-
sur-mer soussignEs , est comparu Dom Joseph de Fran-
sure de Villars , prEtre religieux de l’ordre de Ciugny ,
demeurant ordinairement a St-Cliristophe pres Senlis ,
diocese de Beauvais , prieur. du prieure de St Michel du
Vuast en Boulonnais , de present en cette ville , lequel
en la dite qualite a nomine et nomine par ces presentes
pour titulaire et cure de la paroisse de Boursin , et du
bourg du Wast son secours, la personne de M* Jean
Lorgnier , prStre et cure dud. prieure du Wast et de
la paroisse de Boursin , pour par led. sr Lorgnier ac-
ceptant en personne jouir du benefice desd. cures de
Boursin et du Wast , vacans par la mort de M* Alexandre
Bernard , en tous fruits , profflts et j revenus ordinaires
et accoustumez , priant et requerant M” les grands vi-
caires de ce diocese de l’y vouloir recevoir et admettre
aux droits et profflts cy-devant dits , par la vacauce du
7
— 58 —
dioc&se , et de luy en debvrer les lettres de provisions
a ce n£cessaires. En foy de quoy led. s' de Yillers a
sign£ aud. Boulogne ce 17* aoust 1724. Ainsy sign6 :
D. Josephe de Fransure de Villers , prieur du Wast ,
prieur de Loche , et de St Christophe , J. Lorgnier ,
prfitre , Brisset et Moguion , avec paraphe , et en marge
est 6crit : Control^ & Boulogne le 19* aoust 1724. Receu
six livres , signe Lbeureux avec paraphe. Lecouvreur.
(Ibid. 19 aoOt 1724).
RECHERCHES HISTORIQUES
SUR
LA LEULE^K.
RECUERCHES HIST0R1QRES
SLR
LA LEULENE ,
( Voie romaine de Tirouanne d Sangate et d WittantJ.
I.
ORIGINS DE LA LEULENE.
Rome et Sangate 1 la capitate de l’ancien monde,
la ville toute puissante et eternelle et la cbetive
bourgade des dunes de la Morinie , Sand-gate (1),
(1) « Sangate , en latin S angata , autrefois secours de St-Martin de
» Sclives dont il ne reste plus aucuns vestiges tire sa denomination
» et signifie en bas flamand , langage ordinaire du pais , trou de
» sables, arenas foramen ... »
(Petit Pouille du diocese de Boulogne; Lambert d'Ardjres).
II est Rut plusieurs fois mention de St-Martin de Sclives dans
le cartulaire d'Andre. Malbrancq en parle aussi comme £tant Tune
des locality traverses par la Leulene et cette paroisse est indiqu^e
sur la carte de Delisles.
L'emplacement de l'^glise appartient aujourd’hui h un char-
pentier. G'est prfcs de 1& qu’est 4tabli le telegraph© de Sangate* sur
la ligna de Calais & Boulogne.
— Ga-
le trou ou la baie des sables , comme Toot appele
ses anciens habitants ; ce sont Ik sans doute deux
extremes bien opposes ! Extremes k tous egards ,
en effet , sous le rapport de la distance et de la
position , comme sous celui de la grandeur de
l’une et de l’eclat qui s’attacbe a son nom , du
neanl de l’autre et de son obscurite.
Et cependant , comme si ce vieil adage let ex-
tremes se touchent devait toujours avoir raison ,
ces deux extremes) si opposes Rome et Sangate
se touchaient en realite. 11s etaient unis par une
chaussee la plus longue peut-etre de l’Empire.
Cette chaussee c’est celle qu’on appelle encore
aujourd’hui la Chaxmie de Brunehaut au-dela de
Terouanne , et la Leulene, a partir de cette ancienne
ville jusqu’au detroit. (1). Elle partait de Rome,
passait a Milan , k Vienne en Dauphine , a Rlieims,
a Cambrai, a Arras et a Terouanne. C’est ainsi
qu’elle est indiquee sur les cartes et les itinerai-
res de 1’Empire. C’est aussi dans cette direction
qu’on la retrouve encore, sinon dans son inl6gri-
te, du moins par tron$ons, dans ce long par-
cours a travers la France et le nord de lltalie (2).
(1) Leulene , Leuline , Leulingue , tel est le nom donee a ce
chemin dans tous les terriers , dans tous les titres, dans les cou-
tumes du comt£ de Gulnes et celles de la chatellenie de Tourne-
hem et tel est encore le nom qu’il porte dans tout son parcours
depuis Terouanne jusqu'a Sangate.
(2) Cette chaussee est ainsi indiquee dans ritineraire d 'Antonin :
Quant au prolongement de cello chaussee jus-
qu’au point de la c6te oil est aujourd’hui Sangate,
ii n’est pas 6galement indique sur les cartes et
les itineraires , specialement destines, comme l’on
sait, a servir de guide et a faire connaitre les
principaux centres d’occupation oil les Romains
enlretenaient des postes et des garnisons dans
chaque contree. Or, comme les cdtes de la Morinie
avaient pour chef-lieu Gessoriacum , appele depuis
Boulogne , c’est la chaussee qui conduisait de
T6rouanne 'a J cette ville qui est indiquee , du
moins dans Fitin^raire d’Antonin , comme etant le
Iter a portu Gessoriacensi...
Tarvennam M. P. XVIII...
A Ter venn a Durocortorhi (Rheims) :
« Nemetacum (Arras) ;
« Cameracum ( Garabrai) ;
« August. Viromandorum (St-Quentin) \ etc.
Suit la nomenclature des lieux par ou passe la chaussee depuis
Rheims jusqu’i Mediolanum , Milan et de cette derni&re ville k
Rome.
Quant k la carte de Peutinger ou il n’y a aucune proportion gar-
d4e , les lignes indiquant les chemins et les tours indiquant les
villes y sont si singuli&rement placees , qu'on ne saurait dire si
pour alter de Gessoriac a Tdrouanne il faut passer par Cassel , ou
si pour alter k Cassel il faut passer par Tdrouaune.
Quoijqu'il en soit , si sousj Tempire Romain la voie de Terouan-
ne k Boulogne dtait le principal prolongement de la chaussee Bru-
nehaut , on verra que dans le moyen-Age il n’en £tait plus ainsi ;
que cette chaussee, au rapport dlperius, confirmd par une foule
de documents, se continuait par la Leulene jusqu^ la mcr et k
Wisstnt.
— 64 —
prolongement ou, si l’on veut , la continuation et
I”extr6mit6 du cbemin de Rome au detroit de la
Gaule.
Cette absence d’indication sur les cartes et Ies
itineraires m’avait d’abord porte k me poser cette
question : Le chemin de T6rouanne a Sangate , la
Leulene , comme on l’appelle depuis les temps
les plus recules, est-elle la continuation primiti-
ve du chemin de Rome , ou bien est-elle d’une
origine plus recenle et posterieure k l’epoque
Gallo-romaine ?
Cette question je l’ai examinee autant qu’on
peut le faire, en l’absence de tous documents con-
temporains et precis, et je crois pouvoir en con-
clure que, si cette section du chemin de Rome
^tait, par rapport k celle de Terouanne a Boulo-
gne, une voie secondaire, elle est neanmoins de la
meme epoque que cette branche principale et le
reste de la chaussee.
Void sur quels indices je base k cet 6gard
mon opinion.
II existe a quelque distance de St-Omer, sur
laLeulene, un hameau appeld Eiirihcm. Ce ha-
roeau est mentionne dans une cbarte du cartulaire
de St-Bertin a la date de 723 sous le noro de
Stbato. Ces deux localit^s sont bien identiques ,
car il s’agit dans cette charte de la donation de
Setque, Sethiaco avec ses adjacences, cum adja -
eeneiit Kelmiat et Strato , c’est-k-dire Quelme et
Estr6hem qui sont en effet voisins de Setques.
Or Strato, qui dans la langue vulgaire de cette
epoque devait se prononcer et s’lcrire Straet , est
6videmment le mot latin Strata employ^ seul , dans
l’usage , pour Strata via , chemin pave , chaus-
s6e (1).
11 s’ensuit done qu’en 723 la chaussee de Leu-
lene, que nous verrons 6tre encore au douzikme
siecle une route royale trks fr£quent£e , existait
deja depuis assez longtemps puisqu’elle donnait son
nom k une localile qui pouvait fetre deja tres-an-
cienne et remonter , comme semble l’indiquer ce
mot latin , au milieu des autres noms de lieux
qui sont tudesques , k l’epoque gallo-romaine. Du
reste, ce n’est pas basarder beaucoup que de le
supposer ainsi , puisqu’il suffit pour cela d’en re-
porter l’existence k trois ou qua Ire cents ans au-
dela de cette epoque 723.
Ajoutons qu’Estr£hem n’est pas la seule locality
qui ait emprunte son nom k cette ebaussee. Depuis
(1) Dans les chartes on omettait quelquefois le mot hem Equivalent
au mot latin villa. C’est ainsi que nous trourons Tatinga villa , Hoc -
kinga pour Tatinghem et Hockinghem . De mEme ici Strato est pour
Strathem . Cette derni&re orthographe Etoit encore celle d ’Estrthcm au
douziEme siEcle. Et en effet dans un aecord passE en 1260 entre
Iterius , abbE d'Andre , et Guillaume , eh&telain de St-Omer , nous
voyons flgurer au nombre des francs tchevins ou hommes de fief de
la ch&tellenie de St-Omor> Walters b* Stkatum.
8
ce hameau jusqu’a Sangate , on compte deux Leu-
linghem et quatre Leuline , Leulene ou Leulin-
gue (1). Ce noin nous apparait dans les premieres
chartes de l’abbaye d’Andre en 1084 et dansl’his*-
toire ou les vies de saints , selon Malbrancq , ce
que je n’ai pu verifier , des Tan 668.
Voilk une premiere presomption en faveur de
1’origine romaine de la Leulene ; en voici une se-
conde :
Cette cbaussee aboulissait a Sangate. Or , il y
a quelques annees , on a trouv6 dans ce village
des medailles a 1’effigie de 1’empereur Tibere et
l’on pense generalement qu’au temps des Romains
Sangate etait l’un des ports de la Morinie.
(1) Voici quelles sont les localitts que traverse la Leulene depuis
Sangate jnsqu'& Terouanne :
Peuplingue , I’extremitc ouest de Coquelle et dc Frethuiv , les deux
hameaux de Basse et Haute Leulikgue , sur St-Tricat , Boucre? ,
hameau de Haees , l’extremihS de Guines ou elle forme aqjourd’hui
une partie du grand chemin de cc tt j ville & Ardres ; elle se separe
dc ce chcmin entre Campagne et Balixghem , puis elle traverse le
territoire de Ferlixghem , hameau dc Br&me , Lostebarne, Autingces,
Louches , Zouafqves , Leclese , hameau de Tourkeheh , la ligne se-
parative du territoire de cette commune d’avec celui de Nordausque,
le territoire de Nord-Leulinghem ; elle laisse & droite le hameau de
Culhem et Lifques, traverse l’extr^rait^ ouest de Cormette et Lec-
line , hameaux de Zudausque , Estrehem, Wisque, Esquerde, Crehem,
Bientque , Herbelle ct au Mont St-Jean elle se confond avec la
chaussee de Boulogne k Terouanne.
Je dois faire observer que Nordausque , jusqu’au XVI® sifccle ,
*'est ecrit Acsque, Elske , au XIV®, Eisseque , Aubseque ; ad XII*,
El^ekk , en latin Elceka. C’est de ce mot Elceka que Malbrancq a
forge celui dEiCA.N.
— G7 —
La tradition rapportee par Lambert d'Ardres a*
douzieme sikcle vient k l’appui de cette opinion.
Car , an dire de cet historien , a une kpoque re-
culee qu’il ne precise pas , la mer a fait irruption
k travers les dunes. Ses eaux en se repandant
dans l’interieur des terres , comrae un lac , y for-
mkrent un pottqui offrait une station sure et com-
mode aux vaisseaux. Mais dans la suite , les sables
en s’accumulant fermerent peu a pcu l'entree de
ce bassin qui , etant ainsi isole de la mer , regut
des anciens habitants de cette contree un nom quo
Lambert rend en latin par celui de puteus (1). C’est
sans doute le mot put qui en flamand signitie tout
a la fois un puits , une fosse , un lac , une mare.
La direction de la voie de Leulene sur ce point
de la cdte ajoute un nouveau degre de vraisem*
blance a l’existence de ce port. Ou plutot ce sonl
la deux choses en quelque sorte correlatives. L’exis-
tence de la chaussee suppose l’existeuce du port
a priori , comme Torigine romaine du port, appuyee
sur les medailles qu’on y a trouvees et sur une tra-
dition du douzieme siecle , fait presumer l’origine
romaine de la chaussee.
Mais k ces donnees que nous fournissent l’his-
toire , la tradition et 1’archeologie , vient sc joindre
une autre presomption qui en est comme le
complement et qui leur prete une force prcsque
(l) Duchesne; Mnmn de Gaud et de G nines , pteuves, p. 113 et 1 1 H .
— 68
Equivalent® a une certitude ; c’est |e trace meme
de cette ancienne voie en ligne droite et k trovers
champs. C’est k ce signe Eminemment caractEris-
tique qu’on a toujours distingue les voies romaines
d’avec les autres grands chemins allant d’une bonne
ville k une autre , mais en cotoyant ou en tra-
versant toutes les petites villes , les bourgs et les
villages qui se rencontrent dans leur parcours.
C’Etait k ce signe aussi que le celebre Beaumanoir,
qui redigeait sa coutume du Beauvaisis sous le
regne de Louis IX , reconnaissait ces chaussees
qu’il mettait en premiere ligne dans la division
qu’il etablissait entre les differentes classes de
chemins.
« La quinte maniere de quemins qui furent faits,
» dit ce savant bailli de Clermont, ce furent li
» cemin que Julien-CEsar fit fere ; et cil quemin
» furent fet k droite lingne es Hex ou ligne se
» pooit porter sans empecquement de tres grant
« montaignes, de rivikres ou de mares et de
> soixante-quatre pieds de largue. »
A ces soixante-quatre pieds de largeur prks, la
Leulene reunissait en sa faveur toutes ces condi-
tions. II s’en fallait bien du reste que les chaussees
romaines fussent parvenues jusqu’au temps de Beau-
manoir dans ces magnifiques proportions qu’i! in-
dique. « Noz avonz parie de la division des que-
» mins, ajoute-t-il quelques lignes plus bas, por
» ce que noz regardons qu’ils sont> ne s’en faut
» gaires , tout corrumpu par le couvoitise do cix
■ qui y marcissent (qui en sont les riverains) et
a par l’ignorance des sovrains qui les deussent fert
a garder en leur larguece. »
J’ai suivi la Leulene dans une grande partie de
son parcours et j’y ai remarque deux clioses qui
se represented constamment daus les m£mes cir-
constances. G’est d’abord que dans les villages et
les hameaux , oil elle est protegee par d’anciennes
haies , elle est beaucoup plus large qu’en plein
champ. Elle a meme conserve en plusieurs endroits,
comme h Estrehem et a Louches , ses soixante-
quatre pieds. G’est en second lieu que dans ces
liameaux et ces villages elle a pour fond un em-
pierrement de silex tellement compacte et solide,
qu’on le croirait forme d’un seul caillou.
Entre Sangate et Nord-Leulinghem , la Leulene
ne presente que deux solutions de continuity : la
premiere , a Guines , oil elle se confond avec le
chemin de cette ville a Ardres , jusqu’a la hauteur
de Balinghem ; la seconde , au-dessus de Welle
oil, suivant l’expression des anciens terriers, « le
» chemin de St-Omer a Tournehem vient entrer
» dans la Leulene » et se confond avec elle jus-
qu’a l’extremite du bois de le Lo, Mais arrive a
la hauteur de Nord-Leulinghem , on rencontre
d’abord une nouvelle lacune, et it parlir de ce
village non seulement la chaussee est encore en
plusieurs endroits supprimee, mais elle ne pre-
— 70 —
sente plus jusqu’k Cormette qu’un chemin vert
ayant tout au plus la largeur d’une voie et reduit
meme , en beaucoup d’endroits , k l’etat de simple
sender.
J’ai suivi cette partie de la Leulenne avec notre
collegue , M. Edmond Liot de Norbecourt , qui
connait parfaitement le pays et qui a bien voulu
m’accompagner. Nous avons cboisi , pour faire
cette excursion , une belle journce de janvier.
Dans cette saisou oil les champs sont entierement
nus , il nous a ete facile , en nous pla^ant sur la
bauteur de Mentque et sur celle qui separe le
val de Difques du val d’Inglenghem , d’embrasser
le parcours de la Leulene dans un espace d’en-
viron douze kilometres , depuis l’extremile du bois
de le Lo sur le mont de Tournehem jusqu’a Cor-
mette. Cette chaussee se dessine a travers champs
comme une etroite ligne verte gravissant toutes les
cotes et disparaissant dans les vallees. Elle forme
differentes courbes qui toutes neanmoins se meu-
vent , pour ainsi dire, sur un axe commun, sur la
ligne droite qui separe ces deux extremiles, Cor-
mette et le bois de le Lo.
Yoici ce que nous avons principalement remarque
dans cette excursion:
Sur la pente meridionale d’u mont de Mentque ,
au sortir des riez de cette commune , le cote ouest
de la Leulene est sillonne par une large rigole
qui laisse a decouvert une couche epaisse et com-
— 71 —
pacte de marne entrcmelee de silex. Un peu plus
loin , le chcmin tombe dans un ravin profond qui
part de Culhem et se dirige vers Eperlecques.
Nous nous ttions dit , en apercevant ce ravin qui
forme une tranches profonde dans la Leulenne,
que nous devions trouver sur ses bords les traces
de l'empierrement de la chaussee. Notre espoir
n’a pas ete trompe.
Le cote meridional de la tranchde , form4e
par le ravin , presente , a deux ou trois pieds au-
dessous de la terre vegetale , une epaisse couche
de silex entierement semblable a cede qui recouvre
nos grands chemins. Nous en avons mesure la
largeur et nous avons trouve qu’elle etait d’environ
soixante pieds. Nous avons constate que cet empier-
rement ne ressemble en rien au tuf qu'on ren-
contre sous l’argile et la terre glaise.
Plus loin , sur le versant nord de la colline
septentrionale qui domine le val d’Inglinghem , le
chemin est presqu’entierement laboure. La terre
retournee presente dans cet endroit une zdne de
marne d’environ soixante pieds de large au milieu
de laquelle passe l’ancienne chaussee. La Leulene
descend de la dans le val d’Inglinghem oil elle
traverse le nouveau chemin vicinal de Nordbecourt
k la grande route et elle se continue sans inter-
ruption jusqu’a Gormette en passant a Test de
Difques.
Toutefois arriv£e sur la hauteur qui est au nord
— n —
de ce dernier village , la Leulene se confond avec
un chemin de traverse allant de l’ouest au sud-est,
l’espace d’environ cent metres , et & I’endroit ou
ce chemin s’en s£pare, elle opere aa jonction avec
un autre chemin vert venant en ligne directe de
Bayenghem. Ce chemin, qui est designe dans les
terriers du seizieme , du dix-septieme et du dix-
huitieme sifccles et qai est encore connu dans le
pays sous le nom de Petite Leulene , est aussi,
selon nous , une voie d’origine romaine qui avait
pour but d’etablir une communication per com-
pendium entre Terouanne et le poste militaire de
Watten, en ratlachant la Leulene a la voie de Bou-
logne a Cassel , laquelle passait a Bayenghem-lcs-
Eperlecques.
Pour ceux qui ne connaissent pas le pays , la
Petite Leulene semble etre la continuation de la
grande parce que celle-ci , a l’endroit meme oil
l’autre vient y tomber en ligne droite , forme un
coude tres prononce en meme temps qu’elle se
confond avec le chemin de traverse dont je viens
de parler , de maniere a faire croire que cette
section de la chaussee est la continuation du che>
min de traverse. Aussi les ingenieurs qui ont
dresse la grande carte de l’Etat-major s’y sont-ils
laisse tromper. 11s ont donne la petite Leulene
comme etant la continuation de la grande qui
semble ainsi aller aboutir k Bayenghem. II en re-
sulte que, sur cette carte, la Leulene pr^sente ,
— 73 —
entre le fond de Difques et Nord-Leulinghem ,
sinon une solution complete de continuity , du
moins plusieurs lacunes ; elle y est confondue avec
tous les petits chemins ruraux qui la traversent ou
s'y ramifient. A moins d’en bien savoir a l’avance
la direction , il est impossible de la reconnaitre sur
cette carte et de l’y demSIer au milieu du laby-
rinthe que forment avec elle tous ces petits che-
mins de traverse.
Tel est l’ensemble des presomptions , pour ne
pas dire des preuves, qui etablissent suflisamment
a mes yeux l’origine romaine de l’ancienne voie
de Sangate k Terouanne. J’ajouterai que cette ori-
gine est generalement admise par les ingenieurs
et les geographes , comme par les historiens , et
que personne encore , que je sache , ne l’a con-
testee.
Je laisse de cdte toutes les hypotheses plus ou
moins ingenieuses qu’ont baties au gr£ de leur
imagination la plupart de ceux qui ont £crit sur
l’histoire de cette con tree. On sait que tous les
ports du littoral depuis Dieppe jusqu’k Gand ont
dispute k Wissant 1’insigne honneur d’avoir ete le
Portut Itius oil s’est cmbarque Cesar pour la
Grande-Bretagne. Dans cette dispute plus litteraire
qu’archeologique et oti l’esprit de locality et I’affec-
tion pour la terre natale ont bien plus contribue
k decider la question que la situation des Iieux ,
la logique des faits et rintkgr* impartiality de
9
— 74 —
l’historien , le port de Sangate ne pouvait etre
oublic. A l’avantage de la position sur tous ses
rivaux il a a joule celui d’avoir pour lui l’opinion
de Malbrancq. Mais malbeureusement cette opinion,
<|ui ne repose d’ailleurs que sur de pures hypo-
theses , doit perdre beaucoup de son autorite au-
pres des hommes serieux quand on voit cet bis—
torien , abusant d'une presque analogie de nom ,
placer Gessonuc dans un hameau de Blendecques
a Sorieque , au fond de ce pretendu Sinus Itius ,
invention toute moderne dont Fetvmologie de l’an-
cien nom de St-Omer , Silhiu , commentee it la
facon de ces historiens du moyen-age qui voulaient
voir parlout du Troyen , du Grec ou du Romain,
a fait seule tous les frais.
Dans ce systeme topographique , la Leulene qui
aboutissait a Sangate, son port Itius, a lui
Malbrancq , devait necessairement jouer un role
cn rapport avec la celebrite de ce port, repute
le plus frequcnte de la Morinie et le principal lieu
de passage entrc les Gaules et les lies Britan-
niques. Aussi 1’auteur de Morinis appelle-t-il la
Leulene la Voie Itienne , Vi i Itiana , ou la Voie
des Saints , Via Sanctorum , par allusion aux
saints personnages qui l’auraient suivie pour passer
dans la Bretagne , mais un peu sans doute aussi
par une interpretation a sa manicre de ce nom de
Sangate qui, independamment de son veritable sens,
pouvait se preter a plusieurs autres significations
— T6 —
telles que San-Agathe , Sainte Agatlie (1 ) , ou
San- Gate , ce dernier mot dans le sens de I’allc-
mand gasxe, rue des Saints.
Mais sans me jeler dans cc monde ideal et ima-
ginairc , j’ai pense qu'il ne serait pas sans interct
de faire connaitre quelles ont ete , si je puis m’ex-
primer ainsi , les destinees de cette anciennc voie,
pendant la premiere periode du moyen-age , les
laits qui etablissenl la preuve de son declassement
eomme route rovale et son remplaccment par 1’an-
cien chemin d’Ardres, vers la fin du douziemc
siecle, et enfin les causes qui ont amend ce chan-
gement.
Ces details m’ont semble moins indiffV“renls
qu’au premier abord on pourrait le croire. Car
un deplacemeut dans la circulation est toujours la
consequence naturelle d’un deplacement analogue
dans les centres de populations ou dans le com~
merce ou dans la prosperity des divers cantons
d’une meme conlree ou enfin le resultat d’une
amelioration et d’un progres. Cette observation
paraitra d’autant plus juste , en ce qui concerne
la Leulene , que ce n’etait pas , comme on le verra,
meme dans le haut moyen-age , un chemin ordi-
naire, mais une route internationale , dans le sens
propre de ce mot , entre 1’Jtalie , la France et
1’Angleterre.
(1) Et en effet , d’a^res Malbrancq , Sangttte se serait appele tns?i
Sainte Aynthc,
76 —
II.
LA LEULENE JUSQU’a LA FIN DU DOUZl^ME SI^CLE.
Le plus ancien historien qui fasse mention d’une
manifere un peu precise du chemin de Leulene ,
c’est celui que j'ai d6ja cit4 , Lambert d’Ardres ,
qui , suivaut les indications qu’il nous fourait
lui-m£me , a commence en 1160 a ecrire son his-
toire des comtes de Gaines , qu’il a laissee ina-
chevee vers 1209. Yoici comment s’ exprime cet
auteur & l’endroit oil il raconte la construction d’une
maladrerie avec une chapel le par Arnould de
Markene (1) , autrement appele Arnould de Cole-
wide, seigneur d’Ardres (vers 1157), a Lostbarne,
hameau de Loucbes , que traverse cette ancienne
voie.
(1) Mark eke , en latin Markinium , que Duchesne et tons les his-
toriens ont confondu avec Marck qui s’ecrivait au contraire Merck ,
Mercuritium , 4tait, d’apres les pouilles deg dioceses de Terouanne
et de Boulogne, le lieu ou est actuellement l’eglise de Homes. Cette
derniere locality etait alors environ deux kilometres plus has, a
l’endroit appele aujourd’bui rue d* Homes , ou etait le chateau de ce
nom.
Suivant notre col leg ue , M. Dufaitelie , Markene etait St-Tricat ,
et l’eglise actuelle de Hames , Tancien village appele Fontaines *
Mais cette opinion de M. Dufaitelie ne s’accorde pas avec les anciens
pouilles citls ci-dessus ou St-Tricat est ainsi dt s:gne : Ecclesia sancti
Nicasii in Fontenes , D’ou il suit que Saint-Nicas ou Nicaise , aujour-
d’hui encore le patron de l’eglise , etait le nom de la paroisse de
Fontenes et non pcs de Markene. — Quant k Colewide , dont le nom
se retrouve dans Its terriers, e'etait un cbitoau-fort , situd au-dessus
de Rodeliugliem.
— 77 —
■ Voyant quc tout lui avail prospere selon ses
» voeux, Arnould, qui etait riche , n’oublia pas le
» riche de l’Evangile ; il voulut plaire a Dieu
» comme il avail plu en tout au monde et aux
» enfants du siecle. A la sollicitatiou de sa ver-
» tueuse epouse Adeline dout il tenait la seigneurie
> d’Ardres , il fonda , dans le voisinage de cette
» ville , une maladrerie , c’est-a-dire un hdpital
» pour les infirmes avec une chapelle, sur la
» Leodberne (1) qui etait k cette epoque une
» route royale frequentee par une populeuse
» multitude de passants. 11 dota cet etablissement
» de reveuus pour y sustenter les malades ou le-
» preux et la pourvut d’un aumonier pour en
» desservir la chapelle. »
Cette route royale, qui etait si frequence du
temps d’ Arnould de Markene et que Lambert ap-
pelle la Leodberne, est incontestablement la Leu-
lene qui , ainsi que je viens de le dire , traverse
Autingues et Lostbarne , a un kilometre au plus
des reroparts d’Ardres. La chapelle fondee par Ar-
nould existait encore au seizieme siecle. Elle est
designee dans les titres sous le nom de chapelle
de Locdebarne (2). Sur son emplacement s’eleve
(1) Supra viam , tunc temporis regalem et populosd transeun -
tium multitudine frequentatam , Leodeberk am.... (Lambert. Ardens.
mM cap. 68).
(2) Les denombrements des seigneurs de Rodelinghem , de Ferlin-
ghem et de Landrethun , font souvent mention des terres appartenant
a la chapelle de Locdebarne. Ges denombrements sont insert ts tout
aujourd’bui one habitation a usage de ferine et
de brasserie appartenant a M. Bremart , maire de
Loocbes. Le cimetiere des ladres, qui porte encore
ee nom mais qui est depuis longtemps a usage
de pature , etait presqu’eo face , de i’autre cole
du cbemin en tirant vers Ardres ; il est presqu’at-
tenant aux glacis de cette ville.
Joint a d’autres, ce renseignement eehappe par
hasard a la plume de * I’bistorien est comme un
trait de lumiere qui nous revele tout a la fois I’im-
portance et la prosperity de la voie de Leulene
anlerieurement au treizieme siecle , sa decadence
et son declassement , a partir de cette meme epoque.
Et en effet , il resuite positivement de ee recit
de Lambert d’ Ardres que, vers la moitie du dou-
zieme siecle , la Leulene etait une route royale ,
an long dans le registre des fiefs de la cbitellenie de Toqrnehem,
dresse par le procureur fiscal , Jehan de la Caurye , en 1543. —
(Archives de Toumehem , registre n° 71 # eottt hhh. Voir ce que
j'en ai dit dans la deuxicme livraison du Bulletin historique). Ce
registre est trfeg precieux pour determiner la veritable position de la
Leulene. Car il comprend tons les villages , les seigneuries et les
fiefs que parcourt ce chemin , dans une etendue d’environ six lieues,
depuis les possessions anglaiscs , au nord de Rodelingbem et Fer-
lingbeui , jusqu'au-dela de Cormette. La Leulene remplit dans les
titres un double rile, d'abord comme tenant et aboutissant et en-
suite pour la fixation des droits de relief qui, aux termes de Particle
22 de la coutume de la ch&tellenie de Tournehem, sc payaient a
raison de XU sous pour ebaque mesure de terre situee a Test de la
Leulene , et dc VIII sous seulcmeut , pour ebaque mesure situee a
iouest.
— 79 —
el une route royale frequentee , suivant l’expres-
sion de cet historien , par une populeuse multitude
de passants , populosd transeuntium mulliludine ;
que ce fut meme la uo des motifs qui porterent
Arnould de Markene dans un esprit de charitd
chretienne a elever sur ee cliemin une mala'drerie,
en meme temps que son suzerain immediat , Ar-
nould de Gand , en fondait une autre a deux lieues
de la a Espelleke, l’un des faubourgs de Guines (1).
Or , quelle etait la cause de ce grand mouve-
ment qu’on remarquait a cette epoque sur le che-
min de Leulene? C'est ce qu’il n’est pas indifferent
de recliercher. Ce n’etait pas assurement le port
de Sangate qui n’existait plus depuis longlemps
et qui etait a cette epoque, suivant l’expression
de Lambert lui-meme , un lieu obscur et ignore,
sine nomine locus. Ce n’etait pas non plus la pe-
tite ville de Guines qui n’avait rien qui put attirer
un aussi grand nombre de voyageurs.
La cause de ce grand mouvement c’ etait le port
de Wissant , le Portus Itius de Cesar , le port
britannique , comme l'appelle Lambert. Wissant ,
ou plulot kPisan , dont Cesar n’a fait que defigurer
le nom gallo-belge (2) , avait toujours conserve
(1) Arnould de Gand , neveu et successeur de Mauasses , etait ie
7* comte de Guines. — « Sub eodem autem temporis cursu , Amoldus
» comes instauravit et ipse pauperum xenodochium et lepro -
» sorum extrd Ghisnas apud Spellekas.... » (Lamb. Ardens , ibid,
cap. 69).
(2) Wisan dont Ctsar ria fait que defigurer le nom gallo-belge ;
le monopole da passage en Angleterre que lui
donnait naturellement sa position sur le point le
ceci a besoin d'une explication. — Au dixifeme sifccle , Flodoard et
Richer (voir le t. V du monument . collect. Allemand. , p. 385 et
589) eppellent Wissant Portus Guisus. Ce dernier mot est 6videm-
ment employe poor Wisus et la termination latinc us a ete substitute
par ce# chroniqueurs k la terminaison teutonique an que remplace
aujourd’hui en allemand et en flamand la terminaison en. Aussi ,
M. Guizot a-t-ii traduit ce mot Guisus par W isan . II suit done de
la qu’il faut considerer le mot Wissant corame ttant formt du ra-
dical Wit et de la terminaison an qui ttait muette dans la pronon-
ciatiou , comme la terminaison en dans Wat ten , Bergen , etc , qu’on
prononce , malgrt cette orthographe , Watte , Bergue , etc. — Or si
Wissant devait s’ecrire W isan et se pronongait primitivement Wise ,
il est facile de s’expliqner que Cesar , peu familier avee le W teuton
et gallo-belge qui etait etranger a sa langue, ait neglige cette lettre,
comme le suppose le savant Ducange , dans sa dissertation manus-
crite sur le Port Itius , et que, latinisant ce nom comme s’il s’etait
6crit simplement Iss en y ajoutant la terminaison ius , il en ait fait
Itius ou Iccius. C’est ainsi qu'en frangais nous avons fait Odin de
Woden , Eustache de Wistasse , Eussy de Wilciacus, etc. Mais dans
la suite , les Romains , plus familiers avec l'ididme de nos aieux ,
rendirent le plus ordinairement le W par un G ; e’est ce que con-
tinuerent k faire non seulement les chroniqueurs qui se piquaient
d'une bonne latinitd , mais les romanciers eux-mtmes , et par ce mol,
j’entends les auteurs qui tcrivirent dans la langue romane , origine
premiere de notre langue frangaise. C’est ainsi que dans le manuscrit
anglais de la chronique des dues de Normandie , ecrite vers 117#
par le trouv&re anglo-normand Benoit , nous trouvons ce vers :
A Dovre passa de WisgANT.
Mais dans le manuscrit frangais de la biblioth&que de Tours, le
W est rcmplact par un G et VS par un N:
A Dovre passa de GuiNgANT.
La charte de Guillaume Cliton , en 1127 , conserve encore k ce
nom son ancienne terminaison , apud Wits ah. En patois on prononce
Wissein , en faisant sonner la derniere syllabe comme dans le mot
dessein. Si Ton me demandait pourquoi cette terminaison s’est main-
plus rapproche des c6tes britanniques. Sa celebrity
sous ce rapport, pendant la premiere periods du
tfcnue , tandis <|ae celle des notns de Desvrene , Wellerte , Yeuzene*
etc. , qu’on prononce et qu'on 4crit mjourd’hui Desvres , Welle *
Yeuze , a disparu , je r^pondrais avec Horace , ainsi Va voulu l’ usage ;
a «... Si volet usus
» Quem penes arbitrium est , et jus et norma loquendi. »
C'est ainsi que nous pronongons la termaison ent dans les mote
eon fluent , Evident , excellent , etc, , tandis que nous ne la pronon^ont
pas dans les verbes ils confluent , ils evident , ils excellent .
Quant k l’etymologie du mot Wisan y suivant moi, elle est fort
simple. G’est notre mot huis que Beaumanoir ^crivait encore par un
\\ au douzi^me sifccle , Wis , en italien uscio et en latin ostium *
signiflant, comme ce dernier, porte et embouchure d9une rivitre, Havre*
baie , Les mots flamands wyck, inwyck ont encore cette demure
signification. De Ce mot on a fait en fran$ais guichet , issir et issue*
en italien uscire , uscita j ce qui prouve l’identitl du radical et rient
confirmer ce que j'ai dit plus haut sur la formation du mot ltius
que G6sar a Ccrit ainsi au lieu de Wissius , comme nous avons fait
issir , issue , au lieu de w issir 9 w issue* Wisan plac4 k i'embouchure
du riu de Sombre signifiait done le lieu, la bourgade du Havre •
C’est ainsi qu’on disait autrefois 1'ww ou Vhuy de Waldam, pour
designer le petit port que formait en cet endroit un ruisseau sa
jetant dans la mer.
Le po&te Le Nort a m£me era voir dans cet wis de Waldam le
Portus ltius et dans le nom d'Oye une alteration du mot voie , in*
diquant que c’6tait par ce Tillage dont dlpendait le petit port de
Waldam , qu’avait lieu le passage* Voici en effet comment il g’e*»
prime s
<c Le village , encor aut de Waldam nomm4 Oye
» Se dCpouillant <Tun V pour ne plus dire voie-.. »
11 est a remarquer du reste que sur toute la cdte du d£trOit il
n’y a pas une embouchure de rivifere ok l’on ne trouve un nom de
lieu en wis , ghis ou wick. Wis-an k l’embouchure du riu de Sombre*
W is-mille , Wis-mereux , k I'embouchure de cette riviere, Ghis-oriakon
( dans Ptollmle ) i l’erobouchure de la Liane > Quant-wick , k I'ern-
10
moyen-age, est un fait trop connu pour avoir besoin
d’etre demontr£.
Or , la Leulene qui , en se continuant par la
chaussee de Brunehaut, traversait la France et
conduisait en AUetnagne aussi bien qu’en Italie ,
aboutissait a Wissant par deux embranchements
dont 1’un , qui est aussi & mes yeux d’origine
romaine, prend naissance un peu au-dessous de
Landrethun et l’autre , d’une creation beaucoup
poster ieu re , a Guines (4). Iperius , qui attribue
bouctaure de la Ganche et de l’autre cdte du ddtroit Sand-wick qu’on
prononee Sand-ouiche. Nous avons vu quelle 4tait la signification de
Wisan. Les autres noms peuveut se traduire ainsi : le moulin , le
he du havre ou de la baie , le chef-lieu dee havres , le hdvre ou
la baie de la Canche , le havre des sables .
Je ferai remarquer encore que les autres ports du littoral ont une
signification analogue , tels que Sand-gate , la baie des sables , Ca-
lais et Escalles des mots cale et escalle qui en terme de marine
s’emploient encore dans le sens de crique , anse. Ambleteuse , au-
trefois Amfleat du verbe anb-leiten , conduire dedans , signifie em-
bouchure. Les endroits de la cote ou se jettent les ruisseaux de moindre
importance , prennent en general le nom de cren y synonime de
ms et de gate , mais indiquant une plus petite ouverture . a Le littoral ,
» dit M. Harbaville , est coupd de dix-sept ruisseaux ou ravines qui
» se font jour & tracers les dunes et les falaises et qui sont appeles
» ru , riu et even . » J’ajouterai que de Calais i Audresselle , dans
un espace d’environ cinq lieues, on compte huit points de la cdte
$ui portent ce nom de Cren .
(1) La premiere de ces voies conduisant , per compendium , de la
Leulene et de Landrethun k Wissant , ressemble , sous tous les
rapports , a la Leulene : m&me direction en ligne droite h travers
champs et sans deviation vers les villages voisins ; m£me largeur
— 83 —
la construction de la Leulene et celle de la voie
de Terouanne a Cambrai a la reine Brunehaut,
nous dit en effet que cette chaussee conduisait a
la mer ( c’est-a-dire b Sangate ) et It Wissant :
« Stratam publican de C&meraco ad Atrebatum ,
dans les lieux habites el mime empierrement qui se rcmarquc encore
a la descente du mont de Fiennes.
Quant a la seconde qui ne presente pas les memes caracteres ,
elle a d& ctre creee pqr les comtes de Guincs , dans un double but :
afin d’avoir pour eux-memes une voie directe de Guines k Wissairt,
et ensuite pour centraliser en quelque sorte le droit de travers ,
qu'ils faisaient payer, dans leur ville. La premiere voie n’etant plus
entreteuue , on dut done passer par Guines.
A ce premier tribut , les comtes de Guines , dans lc principc ,
en avaient ajoute un autre , le droit de sauf-conduit , que devaient
payer les voyageurs qui voulaient etre preserves des attaques d’une
bande de brigands qui , ayant etabli leur repaire dans la foret dc
St-Inglevert que traversait le chemin dc Guincs A Wissant , deva-
lisaient les passants et quelquerois les assassinaient. In illo etenim
loco , dit Lambert d’Ardres , si quid vero creditur , inspiliatores ,
( PROPTER QUOS APUD GhISNAS TRIDUTLM , UT AlUNT , PR1MO COXSTITL’M
f.st et solltum ) , olim in concavis terree locis et in abscond it is
latitantes et transeuntibus quibuslibet insidiantes aliis onus decu-
tiunt , aliis gestatoria deripiunt , aliis mortem comminantur , non-
null is etiam , ablatis rebus , rumphoeis et oceultis spatulis vel cani-
pulis sicut siccarii , imb verb siccarii , mortem ingarunt. — Quelques
lignes plus haut , Lambert d'Ardres appellc St-Inglevert , dont le
veritable nom Itait Santinghevelt , un lieu couvert de b.ois , locus
nemorosus .
GvS brigands furent expulses, vers le milieu du onzieme siecle ,
par Oylard de WimiUe qui etablit un hopital pour . les voyageurs sur
les bords memes du chemin , inter Ghisnas et Witsand. — Si ces
faits sont exacts , ils font naturellement suppose r que , si les comtes
de Guines n’etaient pas d’intelligeiice avec les voleurs, ils les tole-
raient du moins dans l’interet de limpet qui leur cn reveuait.
— 84 —
> hint ad Morinum et usque in mare, usque ad
• With-sandum fecit, que Calceia Bruneehildis
• nominalur usque in hodtermm diem. » De son
cdte , Guillaume d’Andre qui ecrivait sa chrooique
environ un siecle et demi avant Iperius , appelait
le chemin de Leulene qui passait a deux kilome-
tres au plus k l’ouest de ce monastere , « la chaus-
» SEE PUBL1QUE ALLANT DE FnANCE EN AnGLETERRE ,
• stratum publicum d F rancid tendentem in Angliam. »
Ailleurs lorsqu’il parle de la construction d’une
aumdnerie dans le monastere d’Andre , par Gille-
bert , son premier abbe , il dit que cet hospice
etait specialement destine * aux pauvres pelerins
» qui passaient d’un royaume a l’autre et d’une
• nation cbez un autre peuple : ad opus paupe-
» rum peregrinorum et de regno in regnum et de
» gente ad populum alter um Iranseuntium. » II ap-
pelle plus loin l’embranckement de la Leulene. qui
conduisait a Wissant; « le chemin de la Mer >
via Maris.
J’avais done raison de dire que la Leulene etait
une route inter-nationale dans le sens propre de
ce mot.
De lk cette populeuse multitude de passanls , sur-
tout pendant le douzifeme siecle qui , il ne faut
pas l’oublier , fut celui des croisades et des pele-
rinages.
Cette expression de 1’historien des comtes de
Guines n’a rien d’exagere , mcme pour les temps
— 85 —
qui lui sont anterieurs. Car avant son epoque ,
surtout pendant les deux siecles qui ont suivi le
regne de Charlemagne , alors qu’il n’y avait au-
cune police sur les chemins , infestes d’ailleurs par
les Normands, les voyages de long cours ne se
faisaient que par caravanes. Les particuliers qui
n’avaient pas de suite , attendaient sur la route le
passage de ces societes de voyageurs auxquelles ils
se joignaient. Souvent meme une caravane s’unis-
sait a une autre , lorsqu’elles se rencontraient, et
elles cheminaient toutes deux de compagnie jusqu'k
l’endroit ou chacune d’elle devait changer de di-
rection. C’est ainsi que dans une histoire des mi-
racles de St-Bertin , ecrite vers 900 , nous voyons
un jeune novice du monastere de Sithiu, qui vou-
lait aller a Rome , attendre le passage d’une ca-
ravane d’Anglais ou Saxons d‘ outre-mer , comme
les appelle l’hagiographe , et se joindre k elle. Ces
Anglais suivaient le chemin de Leulene qui etait
d’ailleurs le plus direct vers 1’Italie, car ils pas-
serent a Langres qui se trouve en effet dans le
parcours de celte ancienne voie. Arrives au-dela
de cette ville , ils rencontrerent une autre cara-
vane composee de marchands de Verdun qui se
rendaient en Espagne pour leur negoce. Ces deux
societes de voyageurs se reunirent et firent route
ensemble jusqu’a l’endroit ou le chemin de 1’Es-
pagne se s^parait de celui de l’ltalie (1).
(1) « At non Ion go post toedere ccepit , professusque est cordi sibi
— 86
Les bourgeois de St-Omer en particulier fre-
queutaient beaucoup le port de Wissant , com me
le prouve la charle qui leur fut octroyee par Guil-
laume Clitou en 4127. < Si je me reconcile avec
» Etienne, comte des Boulonnais , porte l’art. 47
» de cette charte , je ferai inserer dans 1’accord
» qui interviendra entre nous l’exemption a votre
» profit du tonlieu et du sewerp ( rejet de mer ,
• c’est-a-dire le droit d’epave) a Witsan et dans
» toute sa terre. » II est evident que si les Au-
domarois n’avaient pas frete des vaisseaux a Wis-
sant en destination pour l’Angleterre , Guillaume
Cliton ne leur aurait pas fait cette promesse. Et
en effet , dans la vie de St-Bernard le Penitent,
ecrite au douzieme siecle , nous voyons des mar-
chands de St-Omer parcourir les cdtes d’Angle-
terre sur leurs vaisseaux pour y faire des echanges
ou debiter leurs marchandises et aller de la dans
les ports de l’Ecosse exercer le meme trafic (1).
II est h croire que les cites industrielles d’Arras,
» fore Romam pretendi. Acceptdque licentid , junxit se Saxonibus ultrb
» marinis Romam pergentibus. Cumque und cum illis pervenisset ultrd
» Lingonum civitaicm consociaver unt se eis Viridunenses negoiiatores
» eamdem viam tendenies usqub ad diverticationem vice ducentis
» Hispaniam. n (Vit. Su-Bert. cap. 3S ).
(1) Lc livrs des coustumes de la contd de Guisnes , que la Societe
des Antiquaircs de la Morinie fait imprimer en ce moment, nous
donnc une idee des marchandises qu'on importait d’Angleterre et qu’on
en exportait. Ce sont des laines , des draps de St-Omer , de Douai,
du Brabant , de Flandres , des couvre-chiefs , des peaux de mouton,
des chcvcux , etc.
— 87 —
de Verdun , de Reims et une foule d’autres fai-
saient un commerce du meme genre avec la Grande
Bretagne. Ce commerce donnait nlcessairement
beaucoup de vie et d’activite a la Leulene , k la
route royale qui conduisait de toutes ces villes ,
suivant l’expression de Lambert, au port britan-
nique , britannicum apud portum , c’est-k-dire Wie-
sant.
Parmi les personnages les plus celkbres qui ont
suivi cette chauss6e soit pour vcnir en France,
soit pour passer en Angleterre , l'histoire fait men-
tion de St-Dunstan , St-Anselme, St-Thomas et
Richard , tous quatre archeveques de Canterbury,
Alfred Afire , fils d’Etbelred , roi des Anglo-Saxons
lequel ,
a A Dovre passa de Wisfant, »
Louis Vll et Louis Vlll , rois de France.
Au rctour de son exil en 1169, St-Thomas de
Canterbury prit cette voie pour aller a Guines et
s’embarquer ensuite a Wissant. Sur Tinvitation du
comte Bauduin II , Pierre , abbe d’Andre , 6tait
alle processionnellement avec toute sa communaut6,
k la rencontre de cet illustre pr6lat jusqu’k St-
Omer. Arriv6 k la hauteur de l’abbaye d’Andre,
ce saint archevgque , a la prifere de l’abb6 , se
tourna vers le monastere et , levant la main vers
le ciel , il le benit. Depuis ce jour , dit Andre de
Marehiennes, Dieu entoura ce lieu de ses graces
et de ses benedictions : Ad petitionem m item ab»
— 88 —
batit , dum a parte oeeidentali hujus loci per stra-
tum publicam iter faceret , elevatd dexter d
locum hunc benedixit , etc.
Aussi la Leulene 6tait-elle d’un grand revenu
pour Ies comtes de Guines , a cause des droits
de tonlieu et de travers qu’ils percevaient sur tous
les voyageurs et les marchandises. Ces droits do*
vaient 6tre assez onereux , car nous yoyons Ar-
nould 1er, aulreraent appele Arnould de Gand,
en exempter , comme une grande faveur , par une
cbarte de 1 451 , les abbes de St-Bertin pour eux
et pour tous ceux qu’ils jugeraient a propos d’en-
voyer en Angleterre. Ce comte accorda une pareille
exemption aux abbes de Clairvaux et de Clair-
marais pour tous les droits , est-il dit dans la charte,
qu’on exigeait de ceux qui passaient en Angleterre
ou qui en revenaient : qua d Iranseunlibut in
Angliam , site redcuntibus exigitur. Le cbemin de
Leulene et le port de Wissant devaient etre aussi
tres-frequentes par les Anglais eux-memes , car en
1213, lorsque Fernand, comte de Flandre , en-
vahissant le comte de Guines, se fut empare de
cette ville , les Anglais de son armee , au rapport
de la chronique d’Andre et de St-Bertin , brute-
rent le chateau de Guines , par ressentiment , k
cause du droit de passage qu'ils y avaient long-
temps paye.
Ainsi c’etait Wissant , le port breton , le Portus
ltius de Cesar qui faisait la fortune de la Leulene,
cette vieille cbaussee construite , suivant toutes les
apparences , par les empereurs romains. Mais a
la fin du douzieme siecle les choses avaient d6ja
bien change de face , et cela par des causes qui
sont faciles a deduire.
D’abord la fondation d’Ardres, vers 1069, avait du
naturellement creer une voie de communication plus
directe entre celie ville et Guinea, comme aussi entre
eette meme ville et St-Omer.
En meme temps que la fondation d’Ardres plagait
ainsi , en dehors de la ligne traversee par la Leu-
lene , un nouveau centre de population , Calais
qui , au onzieme sifecle , n’etait encore qu’un petit
port dependant de Petresse (St-Pierre) avait pris,
vers la fm du douzifeme , un developpement qui
devait bientot en faire le principal port du detroit
et la clef de la France (1).
(1) Rien n’est plus authentiquement constatd que le prodigieuz d^relop-
pement que prit Calais dans l’espaee d'un demi-si&cle.
D’apr&s une charte de Manass&s, comte de Guinea, Calais, en 1124, se
confondait encore avee Peterse (St-Pierre).
En 1181, les Calaisiens obtinrent une quore ou Ichevinage k part et la
banlieue de eette tille est limitde au eimetiire de St-Pierre.
En 1190, ils obtiennent la permission difaire un port dans lbur ville;
en 1196, cello de se eonstruire une Guildhalle, mi h6tel-de-ville.
En 1200, leur echevinage est enfln s^pare de eclui de la terre de M&rch
qui comprenait quatre villages.
En 1228, leur ville est fortifies par leur seigneur, Philippe le Hurepel,
frfere de Philippe-Auguste et comte de Boulogne.
Get accroissement ai rapide couta cber k Calais, car nouO voyons, d'apr&l
12
— 90 —
A cote de Calais , Thierry d’Alsace venait de
creuser le port de Gravelines et de canaliser FAa
qui mettait ce port k la portee de St-Omer.
Quant a cette derniere ville , qui s’6tait aussi
considerablement developpee depuis deux siecles ,
a tel point qu’elle 6clipsait deja depuis longtemps
la vieille capitate des Morins , tout k la fois comme
place de guerre et comme cit£ marchande, elle
se trouvait , par rapport k la voie de Leulene ,
dans une position analogue et tout-k-fait corres-
pondante a celle d’Ardres et de Calais. II en etait
de m£me , plus avant dans l’interieur , des villes
egalement modernes d’Aire , Lillers et Bethune
qui s’eloignaient encore davantage de l’ancienne
chaussee. Celle-ci , qui avait ete particulierement
construite dans cette direction pour relier entr’elles
la cite des Atrebates et celle des Morins et pour
eommuniquer avcc un port qui n’existait plus, de-
vait perdre de son mouvement et devenir moins
frequence au fur et a mesure que les nouvelles
villes de l'Artois et de 1’ancienne Morinie s’ele-
vaient et acqueraient de (’importance.
Toutefois 1’avantage qu’avait la Leulene par son
embcanchement avec Wissant de relier I’Angleterre
avcc l’ltalie et I’Allemagne par plusieurs autres
les archives d ’Artois, oil se trouvent tous leg actes dont je viens de parlcr,
quc le magislrat de eette ville dut emprunter frequemracnt, dang le courg
du XIII* siecle , des sommcg d’argent assrz iruportantes a des bourgeois
d’Arras. (V’. i invent ni re des chart as d’ Artois, par de Godefroy ).
— 91
embrancbemeuts et de traverser toule la France;
joint a cela que ce cbemin etail parfaitement entretenu
par les comtes de Guines qui avaient interet a le
faire et que d’ailleurs les habitudes une fois prises,
surtout quand elles sont aussi anciennes, ne se
perdent pas facilement , toutes ces circonstances
avaient seules preserve la Leulene de l'abandon
qui la menagait.
Mais quand Wissant eut ete depossede de ce
jponopole du passage dont il jouissait depuis tant
de siecles ; quand Calais et Gravelines,' parlageant
avec lui ce privilege, eurent attire a eux le trans-
port exclusif des marchandises dans toute la con-
tree situee & Test de la Leulene , contree qui etait
sans contredit la plus commergante ; quand une
voie de communication plus directe , l’Aa pour
Gravelines et le cbemin d’Ardres pour Calais ,
eurent mis ces deux ports en relation avec les
villes de I’interieur ; quand Paris , d’autre part ,
fut devenu le centre de toutes les routes royales
tant pour l’interieur de la France que pour l'elran-
ger ; que Philippe-Auguste , revendiquant la pro-
priete des grands cbemins du royaume et se char-
geant de leur entretien , eut investi des commis-
saires royanx ( missi dominici ) du droit de regler
tout ce qui interessait la stabilite et la surele des
routes (4 ) ; quand enfin , a la meme epoque , des
(1) Cotelle, droit admi nisi rati f} t. l9r, p. 224.
— 9* —
corporations religieuses s’&ant form£es sous le
nom do Frbe s pontifex , c’est-i-dire faiseurs de
ponts , eurent pris a charge d’etablir des ponts
ou des bacs aux points de passage les plus fre-
quents des fleuves (1) et qu’ainsi de nouvelles
voies de communications allant d’une province a
une autre eurent avantageusement remplace les
chaussees romaines considerablement deteriorees sur
plusieurs points , faute d’entretien, et ne repondant
plus d’ailleurs aux besoins . de l’epoque , & eaus(
de leur direction a travers champs et loin des
villes populeuses qui depuis s’etaient parlout 6le-
vees ; — e’en fut fait de la voie de Leulene. Wis-
sant, par suite de cette force des habitudes dont
j’ai deja parle , lui survecut encore pendant en -
viron un siecle el derni, comme port de traversee,
pour les Anglais qui venaient en France et les
voyageurs qui passaient de France en Angleterre.
Mais ce port n’etait plus que l’ombre de lui-meme.
Deja, des le commencement du quatorzieme siecle,
Calais etait en possession de fournir a l’Artois ses
vins et les autres denrees qui venaient par mer
et se consommaient dans cette province. C’est ce
que prouvenl les comptes des baillis de St-Omer
a cette epoque (2). Les chartes par lesquelles
(1) Cotclle ibid.
(S) Miscs etcommuns despeng (1332).
« Pour 111 tonnes dc vin blanc accatdes a Calais par le bailly, XVIII 1.
» la tonne et pour une tonne de vin vermeil accatde ft memo par le dit
» bailly, XLl liv. Xu....
— 93 —
Richard Coeur-de-Lion, Jean-sans-Terre ct Henri III,
accorderent aux Calaisiens le privilege d’etre trails
dans tous les pays de leur domination, com me
leurs propres sujets , prouvent m6me qu’il y avait
deja plus d’un siecle que les marchands de Calais
etaient en relation de commerce , pent-tore moins
encore avec l’Angleterre qu’avec le Bordelais ,
province qu’Eleonore de Guyenne avait apport£ en
dot a Henri II (1).
II me resle main tenant k parler de 1’ancien che-
min d’Ardre3 qui , dans cette contree , a succede
a la Leulene, et a exposer en peu de mots les
faits qui toablissent ce deplacement dans la circu-
lation , du vivant meme de Lambert d’Ardres.
» 1311. — Pierre de la Mallifcre, baillj de St-Omer pour VI tonnes de
» tin vermeil accatees k Calais pour lui k Willaume Renaud IX lib. la
» piece, dont II des tonnes furent mises k Tournehem , II tonnes k la
» Montoire et II autres tonnes au eastel de Ruhout etc. a
(Registrc original appartenant k M. L* de Givenchy).
(1) Les Calaisiens se livr&ient deji au commerce des vins d&s le com-
mencement du XIII* siecle. Car en 1229 ils rachet&rent leur ville des
mains de Fernand, comte de Flandre, qui menac&it de la bruler, moyen-
nant mille cinq cents livres et 20 tonnes de tin , pretio mille quingen -
tarum librarum et viginti doliohum vini. Mais il ne devait pas en etre
ainsi au siecle precedent , car les moincs d'Andre, si voisins de Calais, al-
laient faire leurs provisions de vin k St-Omer, oft ces liquides arrivaient
sans doute par Gravelines. Ces vins etaient transports dans des outres o&
tonneau x ferres que les moines envoyaient k qet effet k St-Omer : litres
vel cadi fert'ati mittebantur. (Chronic. Andrens. Spicii Achery , t. 9).
— 94 —
III.
ANCIEN CHEMIN D’ARDRES QUI A REMPLACE LA
LEIILENE COMME ROUTE ROTALE. — ETYMOLOGIE
des mots Leuleingue et Bruneh ut.
On a du remarquer dans le passage que j’ai
cite plus haul que, quand il fait mention de la
Leulene ou Leodberne comme etant une route
royale tres frequeritec , Lambert d’Ardres parle an
passe. 11 fait allusion & un etat de chose qui exis-
tait du temps d’Arnould de Markene tunc temporis,
et qui par consequent avail deja cesse a l’epoque
oil il ecrivait. Iperius s’ exprime egalement au passe
quand il raconte qu’en 1213 les Anglais de l’armee
de Fernand brulerent le chateau de Guines pour
se venger de ce qu’ils avaient ete forces longtemps,
lonrjo tempore, d’y payer le droit de travers(l).
Les faits qui suivent viennent prouver que deja
k cette epoque , Uancien chemin d’Ardres avait
remplace la Leulene.
(1) Anglici illius exerctius castellum Ghisnense c ombusserunt in ultio-
nem , quia ibidem-iongo tempore passagium solvere cogebantur, (Cbro-
nicon Sithicnse ad ana. 1213).
Oppidum Ginensc, cum castello et mansionibus comitis evertit et com-
bussit et ad hoc faciendum omnes Anglicos in exercitu commorantes p
pro eo quod tarn ipsi quam eorum compatriota: in eodem castro peda -
gium scepius persolverant , quasi in ultionem sui crudeliter as civ it et
gvocavit, (Cbronicon Andreuse ad ana. 1214).
Vers 4174, Pierre, abbe d’Andre, que ses af-
faires appelaient souvent a Terouanne et k St-Omer,
traversait frequemment le Tillage de Nordausque
( Elceka ) , en suivant la voie publiqoe qu’inondait ,
pour la plupart du temps, les eaux de la riviere
de Tournehem sortant de sou lit (1). Les habi-
tants de Nordausque , il est vrai , etaient toujours
disposes k passer les voyageurs en voiture ou en
bateau , mais ce n’etait que moyennaut une retri-
bution , ce qui elait un grand obstacle pour les
pelerins et les indigents. Pour parer a cet incon-
venient , l’abbe Pierre fit venir sur les lieux
maitre Aimon , son architecte , qui venait de re-
construire l’eglise de 1’abbaye d’Andre et lui donna
l’ordre de faire un pont, ce qui fut execute. On
employs a cet effet des pierres de taille qu’on
avail fait venir , k grands frais , de lointaines car-
(!) Eodem tempore Petrus abbas ad castrum S. Audomari et ad ur-
bem Morintnsem frequenter transitum ptv negotiis domesticis faciens et
sub villd Elcekd in strata publica flvvium de Tomehem serpius inundan -
tem et naturalem alveum frequenter egredientem prospiciens ac per hoc
advenas et peregrines pauperes et debites et omnes prcecipue pedites
moras et pericula pati compatiens, magistrum Aimonem qui ecclesiam
preesentem construxerat , qui de novo domum eleemosynariam consum -
marat , cum quibusdam ccementariis et aliis operariis ibidem trans -
missit et dei fultus auxilio, nultius tamen fretus adminiculo, de bonis
hujus eclesice eteganti opere pontem incepit et ad multorum subsidium in
brevi tempore consummavit, tapidibus duns et quadtatis de remotis
tapidicinis ad opus sumptuosce structures, etc ... Ipsius villa homines
cicm pons inibi non esset nunc vehiculo, nunc navigio, non tamen gratis,
vkitores asportabant..i . (Chronieoo Andr*nse, tpitilegium Acberj).
— 96 —
riferaa , et le pout qui en fut coustruit reunit l’ele-
gance a la soliditk.
C’etait au passage de ce pont qu’on payait les
droits de travers k l’entree du comte de Guines.
Les mayeur et echevins de St-Omer eurent , rela-
tivement a cet impfit qu’on percevait au pout de
Nordausque , un proces qui donna lieu k une
transaction pass4e entre eux et Marguerite , com-
tesse d’Artois en 1367 (1).
Ces faits nous prouvent 6videmment que dejk
dans les dernieres annees du douzieme siecle , on
avait abandonne la Leulene, qui traversait la ri-
viere au-dessous de Zouafque ( Suaveca ), pour
suivre le chemin de Nordausque.
Vers la fin du sifecle suivant , Robert d'Artois ,
qui peril si malheureusement a la bataille de Cour-
trai, avait consacrd une soirnne de mille livres
tournois k la reparation des chemins dans le bail-
liage de St-Omer. Dans le compte que rendit le
bailli en 1311 de l’emploi de cette soirnne, figu*
rent au nombre des chemins Spares : « le pas
» entre Houlle et Aske ( alias Ausseque , Nor-
t dausque ) ; . le malvais pas qui estoit depuis le
» moot de Bauinghem (Bayenghem-lez-Eperlecque),
> au quemin qui va de St-Omer a Arde.... le pas
» qui estoit en cel meme quemin entre Auske et
» Zuavesque (Nordausque et Zouafque). »,Des
(1) \,\t 8* Tohnae, p. $ V7; des Mtmmres de* Antiq. de la Morinie.
— 97 —
reparations sont $galement faites aux chemins qui
se trouvent dans la chatellenie et l’^chevinage
de Tournehem et dans tout cela il n’y a pas un
sou depense pour le chemin de Leulene.
II s’ensuit done qu’fc cette epoque la revolution
etait accomplie ; le chemin d’Ardres avait defini-
tivement remplace la voie romaine.
Ce fut le premier et non le second de ces che-
mins que suivit Philippe- le-Valois quand , en 1346,
il partit de St-Omer pour aller au secours de
Calais assiege par Edouard III. Il alia coucher 4
Ausque avec son oit , pour arriver le lendemain
a Guines.
En rapprochant ces faits du recit de Lambert
d’Ardres qu’ils viennent confirmer , il en resuite
que e’est dans la derniere moitie du douzifeme siecle,
sous le regne de Philippe-Auguste , que ce de-
placement dans la circulation , dont nous connais-
sons d’ailleurs les causes , s’est accompli. Depuis
lors , la Leulene dechue de son titre de route
royale n’a plus gufere 6t6 que ce qu’on appelle
commun6ment un chemin de pays.
Bignon , intendant de la province d’Artois sous
Louis XIV , signalait ainsi , en 1 698 , le mauvais
etat oil cette chaussee etait deja depuis longtemps :
« Les autres chemins moins frequentes sont ceux
» d'Arras k Calais par la chaussee de Brunehaut
» qu’on dit avoir ete. faite par Brunehaut ou Bru-
— 98 —
» nebilde , reine do France. Quelqu'es autros sont
> encore attributes a celte meroe princesse , comme
» celle d’Amiens a Montreuil. Ces cbaussees ont
> ete elevees au milieu des campagnes. . On peut
> dire en general que ces chemins , entre lesqnels
> il y en a d’impraticables , sont en tres -mauvais
> etat. >
11 n’est peut-etre pas sans interet de faire re-
marquer que l’ancien cbemin d’Ardres (1) qui a,
(1) L'&neien chemin d’Ardres, au lieu de gravir les hauteurs, comme la
grande route actnelle, en suivait le pied, a peu de distance de celle ci.
1! traversal! les villages de Tilques et de Houlle et p* **it sur le roont de
Bavcnghem pres du moulin de Monnecove, d*ou il descendait dans Nor-
daisque.
Ce chemin 4tait lui-meme tris-ancien. C’est celui que suirirent les
Normands, aprfcs avoir deva&te le monastere de St-Bertin et le bourg de
Sithiu en 861. Parmi les eaptifs que ces barbares trainaient apres eux ,
etait Regenard , l’un des quatre moines qui etaient restes seuls dans le
monastere. On conn ait ce touchant episode racontd par un hagiographe
presque contemporain et re pete, un siecle apres, par le chroniqueur Fol-
quin. Arrive a Monnecove qui etait le lieu de naissance de Regenard, ad
villam proprice humanitiis de moire profuiionis , distantem d monasterio
itrtio miliario ad aquilonem plagam . dictam Mnrcio , ce jeune moine
s’etant jete la lace contre terre en secriant qu il voulait mourir la pour le
Christ, et s'etant refuse a les suivre quelque effort qu’ils pussent fiure
pour l’y forcer, les barbares le perce rent de leurs traits.
L*uidication si precise du lieu on ce fait s’est passe se rapporte on ue
peut plus eiactement 1 Monnecove qui est sur I’ancien chemin d’Ardres,
a trois lienes an nonl de St-Omer et dont le nom se compose des deux
mots Moniek ou Month et hove, la metairie ou le hameau du moine.
Au mot Murtnio qui se trouve dans lliagiographe , Folquin a substitae
celui de Munninio. Cette variante s'explique. En fUmand, le mot moine
s’ecrit de trois maniercs : moninci, moniek p month, et le bifin rua-
(ique qu’otr parlait alors dans les monasteres, ce meme mot s’eerivait
— 99 —
pour ainsi dire , supplante la Leulene , il y a pres
de sept socles , a ete supplante a son tour , il
n'y a pas encore cent ans , par la grande route
actuelle de St-Omer a Calais et que cette der-
niere vient de subir a peu pres le memo sort
depuis Petablissement du chemin de fer. Quelle
sera la nouvelle voie qui supplantera le rail way,
c’est ce qu’il serait difficile de prevoir.
La Leulene etait autrefois une ligne de demar-
cation qui etablissait une difference dans la quo-
tite des droits seigneuriaux. Aux termes de Part.
40 de la coutume de Guines , les fiefs situes a
Test de cette chaussee ne payaient que buit sous
de relief, tandis que les fiefs situes a l’ouest en
payaient douze. Dans la chatellenie de Tournehem
c’etait Pinverse. Pourquoi cette difference? Je n’ai
pu jusqu’ici en trouver une raison qui me paraisse
satisfaisante.
— Mais quelle est la signification de ce mot
Leulene , Leuline et plus anciennement Leuleingue ?
Telle est sans doute la question que le lecteur
s’est depuis longtemps posee.
Je ferai d’abord remarquer que dans le bail—
liage de St-Omer , le Calaisis et le nord du Bou-
munnes , mones. Nous en avons la preuve dans le mot ladmones qui re-
vient si frequemment dans le breviarium de 850, pour designer les robes
des moines (de lead, klead vStemeni). Ges variantes nous expliquent celle
de Folquin. Quant au root hove, il en £tait comrae du mot hem ; on le
laissait souvent de cOte, ainsi quo je l’ai demontre plus haul.
— <00 —
lonnais , ce mot parait avoir ete un nom commua
qui s’appliquait autrefois aux routes royales et en
general a tous les grands chemins.
On trouve en effet dans les terriers , indepen-
damment de la Leulene proprement dite , une
Leulene qui mene a St-Omer , une Leulene qui
mfene de Tournehem a Mentque (<) , la Petite-
Leulene de Bayenghem k Difques dont j’ai deja
parle (2) , une autre Petite-Leulene autrement ap-
pelee le Pottrewegh et le Wattrewegh allant de
Tournehem au moot de Bayenghem en passant au-
dessus de Welle et de Nordausque , dans la di-
rection de Watten (3). Dans le Boulonuais, il y
a la Leuleingue ou chemin vert partant de Wis-
sant et passant sur le terxitoire de Leulinghem
(1 — 2) « Pour une mesure au Vierberq (au-dessus de Tournehem)
» abou tan t west au chemin de Loeullyne qui maine de Tournehem &
» Menteque ....
» Item ung enclos contenant six quartiers audit lieu de Belleverdure
» (hameau de Tournehem)... listant nort au chemin de Loeullyne qui
» maisne h St-Omer,,, .
» De Maryne de Zeghers.... pour trois mesures de terre seant au ter-
» roir de Bayenghem,.,, aboutant west a la Petite Loeullyne. » (Archives
de Tournehem> registre d’Adolphe Delehelle, n° 64 cote hhh bis, 1578).
(3) c Guy et ses dits heritiers pour une autre pieche contenant six quar-
» terons.... gisans au Poitrehout, listant west 4 la Petite Leulinne ou che-
» min du Poitrehout (sur le territoire de Tournehem). » — « Jean Bue,
» fils et heritier de Lievin.... pour cinq quartiers de terre gisans au Poi>
» trehout, alias Petite Leulinne. » (Ibid, regist. Monsigny, 1673). — Le
Poitrehout s'ecrit ailleurs et notamment dans le rapport du seigneur de
Welle de 1317 Pottrewech,
— toi —
auquel cette aneienne voie a donne son nom (1),
la Petite-Lealene qui passait entre Bainghem ,
Surques et Rebergues (2) et la Leulene ou che-
min vert entre Belle et Colemberf (3).
Dans leur traversee dans les villages ou ils for-
maient une rue, les grands chemins prenaient
aussi assez generalement le nom do Lostrat. Delk
les deux hameaux de Lostrat situSs, 1’un sur la
Leulene , k l’entree d’Esquerdes , Pautre sur Pan-
cien chemin d’Ardres , entre Nielles et Louches.
Cette dernifere grande route portait encore le
nom de Lostrat a Nordausque et k Bayenghem-
lez-Eperlecques (4). 11 y a en outre une rue dite
(1) « Leulinghero, — Ce village est situ6 prfcs de la voie romaine de .
j> Therouanne k Wissant, dont l’extremite porte encore le nom de chemin
» vert ou de Leuleingue. » (M. Harbaville, Memorial historique ).
(2) Ce chemin qui parait etre la continuation de la chauss^e de Wissant
k Terouanne, s’appelait par corruption la Petite Welinde. « Item le se-
» cond fief que je tiengs de Mgr. se comprend et estend en quatre me-
» aures de terre k labour gisans k Bainghem. .. aboutant west au chemin
de la Petite Welinde,.*. » (Rapport du seigneur de Westrehove , an-
cien hameau compris entre les trois Tillages de Surques, Bainghem et
Rebergues 1547).
(3) « On se trouvait alors dans un chemin vert , parfaitement droit ,
» qu’on nommait dans le pays Leveline et qui mene (de Belle) jusqu’4
» Cotembert. » (Puits Art^sien , 1841 , p. 208 ). — Ce chemin que M.
Dilly, dans ses chevauchtes au XIV ® sitcle , a 4erit Leveline au lieu de
Leueline, sans doute par suite d’une mauvaise lecture , porte encore ,
m’a-t-on dit, le nom de Leulene.
(4) « Item, trois quartrons de terre a labour s£ant audit dismage de
» Nordausque.... aboutant de nord k la rue de Leostraet..,. (Rapport du
— 102 —
Lostrat 4 Bilques , une autre a Journy. La pre-
miere qui porte encore ce nom , est l’ancien grand
chemin de St-Omer k Terouanne , la seconde celui
de St-Omer k Boulogne (1).
Dans le voisinage de ces grands cbemins , de
ces Leulenes et de ces Lostrats , on rencontre sur
les anciens terriers d’autres cbemins designes sous
le nom de Boerwegh , c’est-a-dire chemin de poi-
sons ou de cullivateurs (2). On en trouve plu-
sieurs notamment aux environs de Surques et de
Bainghem (3) ou passaient les anciens chemins
de Terouanne b Wissant , et de Guines a Mon-
treal dont Lambert d’Ardres fait mention (4).
seigneur du Ploitz, 1543). — « Guillaume le Walle doibt XI s. p. et II
* chapons dont l'eglise dudit lieu (Bayenghem-lez-Eperlecques) prend et
» rescript les dits XII s. pour eertains obiis assigoez sur sou manoir ma-
» nable.... aboutant west k Lehostraet... » (Rapport du Sr de Bayenghem
1543).
(1) « Le premier Ref consiste dans le lieu et enelos ou est construit et
» IdifGee ladite 6glise (de Journy) tenant.... vers Occident k la rue dite
n Lostrat qui conduit de St-Omer et de la Grande Eclitre k Boulogne. »
(Rapport du Sr de Journy, 1773).
(2) Des deux mots boer , paisan, cultivateur, en allemand batter et weg
ou wechy chemin.
(3) a Et primes, Simon Lips en tient de mon dit fief une mesure de
» terre k labour gesant entre Bainghem et Westrehove, listant zut a Jac-
» ques de Bersacque et aultres, nort & Jehan Lips et aboutant oest & de>
» moiselle Claire d’Audenfort ct west au chemin nommd Boerwech.
» Henin Zeghers en tient aussy cincq quartiers huit vergues , gesans
» audict lieu.... aboutant oest et west a deux chemins nommez Boerwe-
» gues.v (Rapport du Seigneur de Westrehove, 1547).
(4) Voir le 8e volume des Memoires des Antiquaires de la Morinie ,
p. 543.
— 103 —
11 y avail aussi dans le voisinage de 1’ancien che-
min d’Ardres un boerwech & Bayenghem , un k
Eperlecques et un autre k Moulle qui a donne
son nom a un hameau de cette commune (1).
De ces observations il resulte : 1° que ces mots
Leulene et Lostrat avaient , dans i’ancienne langue
vulgaire du pays, une signification analogue k cello
de grand chemin , grande rue ; 2° que cette langue
vulgaire ctait un dialecte tudesque , semblable au
flamand auquel appartiennent les mots straet et
boerwech ; 3® que ces memes noms Leulene , Los -
traet et LeoJbertie ont un premier radical com-
mun. C’est, suivant moi , le mot saxon leod, dans
l’allemand moderne , leute , signifianl peuple , pu-
blic. Quelques auteurs, dil Brodeau , dans sacou-
tume de Paris , sous le mot aleu , tirent cette ex-
pression < du saxon leod qni signifie le peuple ,
» ou une chose populaire , k l’usage commun du
» peuple , » et il cite l’autorite de Spelman k
l’appui de cette interpretation (2). En admettant
cette etymologic , le nom Lostraet , contracts de
(1) « Item, huit mcsures de terre. sans y comprendre les chemins ge-
» sant zut dudit lieu (de Northout k Bayenghem-lez-Eperlecques) et abou-
» tant west au Borwech.... » (Rapport et denoinbrement de Jehan da
Northout, 1543).
Le Boumwech d’Eperlecques porte encore ee nom sur le plan cadastral.
Il est contigu k la grande route.
« Les hamcaux de Moulle sont : Boisque , Borweque , etc. » (Piers,
Peiites histoires des communes de I'arrondiss. de St-Omer, p. 17).
(2) Coutumes de Bt'Odtauy t. !•% p, 48 4> 6dit. dc 1689.
— 404 —
Leoditraet , signifie done chaustie publique et sera
la traduction parfaitement exacte des mots latins
$trata publica , dont se sert Guillaume d’Andre
pour designer la Leulene. Cette £tymologie ne peut
plus paraitre douteuse , lorsque nous voyons que,
dans les contrees voisines oil le flamand a ete usite
presque jusqu’a nos jours , la syllabe lo a ete rem-
place par le flamand plus moderne lien, contrac-
tion de lieden qui est identiquement le meme mot
que l’allemand leute et l’ancien saxon leod (1).
Ainsi , sans aller si loin , il existe, sur la com-
mune d’Audruicq, un petit hameau , situe sur le
chemin de cette ville a Ardres, qui js’appelle Lien-
Straete. Le principal cbemin qui conduit k Mar-
dick porte aussi ce nom , qu’on a traduit par
chemin de Liene ou Liane (2). Par une trans-
formation semblable mais en sens inverse , dans
le haut Calaisis oil le roman wallon s’est mele
beaucoup plus tot au tudesque que dans les con-
trees plus rapprochees de la Flandre , on a rem-
place le mot leu , leod par son equivalent wallon
peupel et l’on a dit peupel-leingue peupleingue :
e’est le nom qu’a pris et que porte encore le pre-
mier village que traverse la Leulene , au sorlir de
Sangate.
(1) V. dans le dictionnaire de Darsy, 6dit. de 1682, les mots lien et
lieden , et dans le dictionnaire ollemand de Schuster, ddit. de 1845, le
mot leute, en gothique lauths,
(2) M. de Bertrand, hietoire de Mar dick, p. 14.
— 105 —
fteste maintenant & rechercher le radical du mot
leingue et le rapport de synonimie qu’il peut avoir
avec le mot straet.
Je laisse d’abord de c6te la finale ingue qui n’est
qu’une terminaison. Ce qu’il faut rechercher c’est
la signification du radical qui doit 6tre le ou it*
Or, suivant le dictionnaire du vieux langage {ran-
fois de Lacombe , lie signifiait « un chemin large
• dans un bois (1). » Ce mot est reste dans notre
langue avec Cette signification , mais il s’ecrit au-
jourd’hui laie ; ce qui est beaucoup plus conform©
& son 6tymologie.
Dans le grand dictionnaire flamand-franfoit de
Darsy , edition de 4 682 , publiee par Thomas La-
grue (2) , le ye , leyde , veut dire conduit , du
verbe leyen , leyden conduire , dans le sens du
mot watter-leyd , conduit d’eau.
Ce mot est essentiellement germanique , car il
se trouve dans toutes les langues derivees du teuton,
dans l’allemand leiten , Tanglais lead , le danois
lede , et le su£dois leda.
Dans le dialecte tudesco-wallon ou bas flamand
qu’on parlait encore dans l’ancien comt6 de Guinea
(1) Dictionnaire du vieuto langage frangm enrtchi de passages tirts
des manuscrits en vers et en prose , des actes publics , des ordonnances
de nos rois , etc., etc*, par M, Lacombe , Paris , 1766, chez Paockoucke,
V. le mot Ue.
(2) Imprlml h Amsterdam, chef la' veuve J.-J. Scbipper, anno 1663,
44
au seizieme siecle (1), qu’ona parl6 presque jus-
qu’a nos jours dans les villages voisins de la rive
gauche de l’Aa et que 1’ou parlc encore aujour-
(1) L’art. 6 cl c la coutume d’Ardre, r6digce en 1507, cst ainsi codqu :
« Item, pceuent lesdis bailly ct eschevins, renouvcler leur loy, lenir leurg
» plais, faire leurs jugemens bn flamencq , cn la m&nidre accoustume ,
» etc. »
Au XIV6 sifccle, Ipdrius donnant Implication du mot colvekerli, noms
qu’on donnait k ceux qui e talent soumis k la capitation, dans lc comtd de
Gulncs, ajoute : nam eorum vulgar* eolve clavaqi . et kcrli I'usticum so -
» na*, » ce qui veut dire : « car dans lcvr ididme eolve signifle massue
» et kerle paisan. » Ces deux mots ont en effet ce sens en flamand. — -
Vers 1214,. Guillaume, &bb£ d’Andre, avait M depute par son monastfere
a la moison-m&re de Charroux, pour obtenir le droit de choisir un abbd
dans lc monast&re memo d’Andre, au lieu d’etre tenu, comme les moines
de cette abbaye I’avaicnt M jusquc-U, de nommer un moine de Ctarroux.
La principalc raison qu’en donne Guillaume, e’est que dans le comtd de
Guines les affaires sc discutaicnt et se jugeaient en flamand : qua; omnia
non nisi Flandrensi idiomate discut i debent et tei'minari. Je pourrais
citcr une foule d' autre 8 preuves k l'appui de ce fait.
A St-Omer, la plus grande partie des rues portaient encore, au XV®
siecle, dcs noms terminds en straet : Arkestraet , Tccnstraet , Potstraet,
Wakestract, etc. — Dans un procfcs-verbal dressd en 1324 par le doyen
et le chapitre de l’eglisc collegiale de St-Omer , constatant la reconnais-
sancc et l'ostention faites par eux, du corps de St-Omer, il est dit que les
authentiques trouvdes dans la chftsse du saint ont lues au pcuple et
affichees dans le chocur ct sur le doxal en francais et en flamand : quae
eciam dido populo legi et publicari fecimus et easdem erponi in idioma-
tibus GALLICO ET flamingo, tam infrd chorum cliche ecclesice quam super
dossale . (V. le 4* vol. des M4moires des Antiq. de la Morinie, pieces
justificatives, p. xxxi de YEssai sur les chartes confirmatives des institu-
tions communales de la ville de St-Omer , par M. L* de Givenchy. —
L’art. 7 de la coutume de St-Omcr, rddigee en 1509, porte que les dche-
vins de ccttc ville « ont accoustume faire randigier leurs dictes sentences
o criminellcs en langaige flamang. »
Malgre ces preuves ct une foule d’autros, qu’il scrait trop long de pro-
— <07 —
d’hui dans les faubourg^ de St-Omer , lay lei,
let qu’on prononce comme si ce mot s’ccrivait U
par un e ferine , avait une signification identique
au mot flamand water-leyd. C’6tait I’ expression
usuelle et vulgaire qui. servait a designer les prin-
cipals voies d'eau et plus particulierement les ri-
viferes que la main de l’homme avait enfermees
dans un lit.
Ainsi en remontaut de la cote du detroit dans
l’interieur des ter res , nous avons le Nieu-lay qui
est l’egout des marais de Guines , la Leda ou ri-
viere de Guines & Calais , la Houd-leda (le IIou-
let) , la Nieuer-leda aujourd’hui le Tirlet qui a
donne son nom a l’ancienne cense de Muncq-
Nieurlet, la Nieuer-leda designee dans les ebartes
du onzi&me siecle d’abord sous le nom de Simonis-
led , puis par le mot latin novum fossalum (e’est
le canal du Haut-Pont a Nicurlet) , YHcndringc-
led autrement appele Boninghem-suab , aujourd’hui
duire> on n'en persistera pas moins dans l’opinion que les habitants des
faubourgs de SUOmcr, parcc qu’ils sont restds fideles a l'idiome aussi bien
qu’& la simplicity de Icufs ancetrcs , sont issus d’une population etran-i
g£re, d'unc colonie de Saxons , transplants sous nos murs par Charle-
magne, bien que cctte opinion n’ait de fondement que dans l’imagination
des drudits qui <mt inventc ou aide k propager cette fable. On ne rdfle-
chit pas que cctte difference dc langage entre les habitants dc la villc et
cellc dc nos faubourgs n’est pas speciale a St-Omcr , mais qu’ellc cxistc
partout, non seulement dans les villcs et les bourgs de la Flandrc flamin-
gantc fran$aise, mais encore dans cclles de la Belgique ; que la aussi la
population aisee parle fran^ais, taiulis que la population pauvre et outriere
continue a parler flamand.
— 408 —
It rm&rp de Boninghem , et enftn la Leia , eo
flamand Leye et en franeais la lap.
Mais eu mfime temps qu’il signifiait vote d’eau ,
aquedue , ce mot signifiait aussi vote de terre ,
viadue , car en patois late s’emploie , comme en
frangais , pour designer une route coupee dans un
bois , et en flamand, d’apr&s le dictionnaire cite plus
haul , laen veut dire ruelle. Lane en anglais a
la mSme signification.
On peut done logiquement en conclure que le
mot flamand leydingue qui n’est plus guere usit6
dans cette langue que dans le sens moral de di-
rection, conduite , etait employe dans le dialecte
de la Morinie sous une forme analogue a sa pro-
nonciation , celle de Li-ingue , Leingue , dans le
sens physique et materiel de vote , chemin (1).
11 est facile de s’expliquer comment ce mot,
en passant du tudesque dans le patois wallon ,
s’est prononce lene ou line. Au surplus l’ortho-
graphe n’en a jamais ete bien fixee que parmi lea
gens de la campagne qui prononcent generalement
Leulene (2).
Ce mot par opposition k celui de boerweeh qu’on
(1) D’ailleurs le verbe leyen plus usltd encore vulgairement que leyden
devait avoir aussi son substantif, le mot leyingue qui devait se prononcer,
par contraction, leingue •
(2) GraveLptES se prononce en patois Graveum? , et s'ecrivait autrefois
(JraveLiNGUE, primitivement GraveniHGUi,
— 4 09 ~
donnaii aux. divers cliemins qui n’etaient qu’k
l’usage des cultivateurs et des gens du pays ,
n’etait done qne la traduction en langue vulgaire
du mot latin via publica ; il indiquait une voie a
l’usage de tout le monde indifferemment. II y. avait
cette difference entre les mots Leulene et Lostraet
que le premier signifiait grand chemin et le second,
grande rue. C’est en effet ainsi qu’on les tradui-
sait dans les titres.
Quant au mot bernc ou barne , il signifiait levee
de terre , chaussee et par consequent Icodberne
etait synonime de Leulene et Lostral (1).
Ces recherclies elymologiques m’ont conduit na-
turellement & en faire de semblables sur le mot
chaustdes Brunehault , que portent la plupart des
grandes voies romaines et qu’on donne aussi dans
l’usage a la Leulene , bien qu’elle ne soit desi-
gnee ainsi dans aucun litre.
Je laisse de cote 1’histoire de ce devin troyen
nomine Bavo et oncle du roi Priam qui , suivant
un pofete du treizieme siecle , Nicolas Reucleri ,
aurait construit tous les grands chemins de la
Gaule-Belgique , aprfes avoir d’abord fonde la ville
de Bavai. Je garderai la m6me reserve sur la
(1) Ge mot est, suivant moi, une alteration soit du mot benn, lcv4e dc
terre, chaussee, soit du mot baen, chemin large et applani. Dans cette
derni&re hypo these, on aurait prononc4 heme et barne commc nous pro-
non^ons en fran^ais borne ct homer , au lieu dc bonne et bonner qui etait
encore au treizieme siecle l'orthographc usitee dc ces monies mots,
munificence du roi Brunehaldus qui , s’il fallait
en croire Lucius de Tongres et 1e pere de Guise,
aurait donn6 son nom & ces anciennes cliaussees.
Ce* sont la des fictions poetiques en dehors de
toute discussion CO-
Quant & l’opinion generalement admise par nos
historiens que ce serait la reine Brunichilde qui
aurait, sinon construit , du moins repare ces memos
cliaussees, je la regarde comme n’etant ni plus
vraisemblable ni mieux fondee. Comme le fait ju-
dicieusement observer le savant Bergier, les his-
toriens contemporains , ni ceux des siecles suivants
ne disent pas un mot de ces pretendus travaux
fails aux chemins par Brunichilde (2) . Iperius est
le premier qui se soit avise d’attribuer a cette
princesse la construction , non pas de toutes les
cliaussees Brunehault, mais seulemeut de la chaussee
qui conduit de Cambrai par Arras et Terouanne a
Wissant (3).
A cette premiere observation , j’en ajouterai une
(1) V. lc r6cit de ces auteurs dans Bergier, Histoir t des gr and che-
mins de Vempire.
(2) Bergier, ibidem.
(3) Voycz plus haut cc passage d’lperius. — « Jc nc scay pas sur quel
» auteur, (lit Bergier , loco citato , ceiut qui a basti cette chronique se
» peut estre fonde, veu que St-Gregoire de Tours qui viYoit du temps de
» Brunehaut, Aimon, le moine Sigebert ny aucuns des historiens fran<;ois
a ne luy attribuent I'invcntion de tels ouvrages , quoiqn'ils n’nient pas
a oublie a rjntarqucr quYlle airnait a bastir. »
— m
autre qul roe parait p£remptoire. Brunichilde 6tait
reine d’Austrasie , c’est-i-dire de la partie des
Gaules comprises entre la Meuse ct )e Rhin, aug-
mentee des vastes contrties que Thierry et Th6o-
debert son fils avaient conquises au-delk de ce
fleuve , sur toute la lisifere de la Germanic. Quant
a la Belgique , la Flandre , l’Artois et la Picardiet
oil sont les chaussees Brunehault , ces provinces
faisaient partie de la Neustrie qui comprenait la
Neustrie proprement dite et le royaume de Pois-
sons (!}. Dans cette partie de la France r£gnaient
Chilperic et Fr6degonde , la celebre rivale et l’tm-
placable ennemie de Brunichilde. Cette dernifere ,
il est vrai , exerga pendant quelque temps son au-
torite dans le royaume de Bourgogne , commc tu-
trice et regente sous son petit-fils , mais elle n’en
eut jamais aucune dans le royaume de Soissons
avec lequel elle fut en guerre presque toute sa
vie et dont le roi Clotaire II , le fils de Fred6-
gonde , la fit perir du supplies le plus cruel et
le plus ignominieux.
(3) Void en effet ce que dit Eginard dans sa vie de Charlemagne, chap.
XV : lllnm regionem qua septentrionem versus inter Mosam et Rhenum
jKtrrigitur , Austrian, *7 lam quee A MosA ad Ligerim prootenditur ,
Nkustriam vocitarunt, — Qu’on lise d’ailleurs , dans la collection de Dom
Bouquet les gest. reg . franc . au chap. 82, on y verra que Sigebert, roi
d’Austrasic, ayant declare la guerro h Chilperic , alia Tassidgcr & Tournai
et que s’etant avance jusqu’d, Vitry, entre Arras ct Douai, pour y rccevoir
les serments des habitants qu'il venait de soumettre, il y fut assassind par
les cmissaires de Fredcgonde. — Done Tournai ct la Gaule-Belgique fai
saient partie du royaume de Chilperic.
— 41* —
Or , en presence de ce fait, supposer qne la
reine d’Austrasie soit venue dans la Gaule-Bel-
gique , dans un royaume ennemi , faire aux che-
mins des travaux qu’elle ne parait mdme pas avoir
fails dans ses Etats , et supposer en outre que les
habitants de ce royaume ennemi , oh on l’a fait
mourir du dernier supplice , aient accorde h cette
meme princesse , en donnant son nom a toutes
leurs grandes chaussles, un honneur qu’etle n’a
pas re?u de ses propres sujets , c’est evidemment
supposer , je ne dirai pas une chose invraisem-
blable , mais une absurd ite. On pourrait s’etonner
que des historiens , meme du premier merite ,
soient tomb6s dans cette grossiere erreur, si Ton
ne savait quel est (’empire des idees accreditees
et revues.
Aussi ceux qui se sont serieusement occupes de
l origine des cbaussees Brunehault ont-ils rejete
celle-la , comme la precedente , et ont-ils eu re-
cours , pour l’expliquer , a l’etymologie.
Parmi les diverses significations qu’on a donnees
a ce mot Brmehaull , je n’en citerai que deux.
Les uns Font traduit par cailloux hauls , les autres
par borne haute. D’ou il suit que chaussees Bru-
neliaull signifieraient chaussdes des cailloux hauts ou
de la borne haute.
Ces etymologies ne me paraissent pas acceptables.
Car d’une part je ne comprends pas comment
toutes les populations d’un grand pays comme la
— 113 —
Gaule-Belgique se seraient accordees partout a
donner a leurs grands chemins un noin aussi peu
significatif et d’un sens aussi detourne que celui-
la et , d’autre part , dans le vieux frangais com me
dans toutes les langues du nord , le qualificatif ,
surtout lorsqu'il consiste en un monosyllabe comme
l’adjectif haut, precede toujours et ne suit jamais
le substantif.. Ainsi nous avons dans nos alentours
plusieurs hameaux qui s’appellent le Haut~Mont et
non pas le Mont-Haut. En allemand et en flamand
on dit de meme hoch-weg , hoch-straetc , le haut
chemin. Weg-hoch et siraet-hoch seraient dans ces
langues une inversion aussi peu harmonieuse, aussi
cboquante que le serait en fran^ais le chemin grand,
la route grande.
J’ajouterai que notre mot borne ne s’est jamais
ecrit burne. L’orthographe primitive de ce mot est
bien connue , c’est bon n. Beaumanoir l’a ecrit par-
tout bonne , comme il a ecrit partout aussi bonner
pour borner.
Je crois , pour ma part , que ce mot Brunehault
ou , comme on le prononce en bien des en droits,
Burnehault , devait exprimer un caractere g^nerique
et specialement propre a toutes les grandes voies
romaines. Sans quoi on aurait peine a s’expliquer
comment cette denomination se serait generalises
dans toute la Gaule-Belgique. Beste k savoir quel
etait ce caractere generique.
19
— 114 —
Je n’ai pas bcsoin dc le faire observer , ricn
n’est si rare qu’une bonne 6tymologie. C'est sur-
tout en pareillc matiere qu’un champ libre est ou-
vert a l’imagination el qu’il serait vrai de dire ,
avec l’auteur des Meditations Poeliques :
a Le reel est elroit, le possible est immense ! *>
Je ne me flatte done pas , il s’en faut bien , de
rencontrer juste ; ma seule pretention est d’arriver
& une etymologie raisonnable et satisfaisante.
Ce que les voies romaines avaient de plus re-
marquable, e’etait non-seulement leur largeur que
la convoitise des riverains , comme le fait observer
Beaumanoir, avail deja considerablement amoindrie
de son temps , mais e’etait surtout le lien de
communication qu’elles etablissaient entre les prin-
cipales villes et les forteresses. « Et la cause por-
» quoi, ajoute le baiili de Clermont au passage
» que j’ai rite plus haul , ils furent fet si large
» ( les cliemins qu’il attribue & Jules-Cesar) doit
» estre entendue que loutes cozes terriennes et
* vivans dont lions et feme (homines et femmes)
» doivent vivre , y puissent estre menees et por-
» tees et cascuns aler et venir et soi porveoir de
» toz ses aisements en le larguece du quemin et
• aler par chites et par chastiax porcacier ses
» besongnes (1). >
(1) Les Coutumes du Bectuvoisis , par Philippe de Beaumanoir, nouvelle
edition, par le comte Beugnot, t. ler, p. 358 -359.
— 115 —
Ce lien de communication entre les cites ct les
chateaux etait aussi , suivant le memc auteur , le
caractere dislinctif des quemins royal qui furent
crees par la suite et par mi lesquels les chauss£es
Brunehault tinrent longtemps encore le premier
rang ; < Et par cele voie , dit-il encore en parlant
» des routes royales, poent aler careles , et bestes
» y poent paistre et arester et repozer sans melfet
» et totes marqueandises corre , car elles vont
» PAR LES CITES ET PAR LES CAST1AX .. »
L’ancienne coutume du bailliage de St-Omer ,
dans son art. 29 , definissait de memo les routes
royales : « les grands chemins Allans de bonnes
» villes a autres , « qu’elles distinguaient des
chemins vicomtiers « eslans es villages et allans
» de l’uu a 1’autre. » A cette definition la cou-
tume d’Hesdin , art. 43 , subslitue celle-ci : « un
» CHEMIN ROYAL QUE L’ON D1T LES CUAUSSEES DE
» Brunehault. «
Ainsi pour les habitants de nos campagnes, un
grand chemiti allant par les cites et les chateaux
ou de bonnes villes a autres et les chaussees de
Brunehault etaient une seule et meme chose.
C’est d’abord une premiere presomption que le
mot Brunehault ou Burnehault pourrait bien ex-
primer ce caractere dislinctif et commun qu’avaicnt
les voics romaincs et les routes royales.
A cette observation j’en ajouterai une autre. Le
— 416 —
mot Leulene s’employait generalement seul et en
outre ce nom est deveuu celui de plusieurs villages
et hameaux situes sur cette voie.
Le mot Brunehault au contraire ne s’emploie
jamais que precede du mot chauss^es et si , parmi
les nombreux villages et hameaux situes sur ces
anciennes voies , il y en a plusieurs dont les noms
expriment I’idee de grand chemin, il n’en est pas un
seul' dans la denomination duquel entre le mot
Brunehault.
C’est It mes yeux une preuve tres concluante
qu’il n’en est pas de ce mot comme de celui de
Leulene , que rien n’y rappelle l’idle de chemin.
C’est done ou un nom propre ou un qualiOcatif.
J’ai donne les raisons qui repoussent l’opinion qui
en fait un nom propre. Ajoutons y ce fait que
chaussies de Brunehault etait synonyme de chemin
royal. Il faut done en conclure que Brunehault on
Burnehau.lt est un qualificatif equivalent au mot
royal. J’ai indique d’ailleurs le sens presume de
ce qualificatif, sens que nous trouvons dans la
definition meme du chemin royal dont le caractere
distinctif etait de conduire par les cites et cha-
teaux ou de bonnes villes a autres. Reste a savoir
si le mot Brunehault ou Burnehault est suscep-
tible de cette interpretation.
Chez les Francs , comme chez tous les autres
peuples d’origine germanique , il n’y avait qu’un
mot pour designer une ville forte et uu chateau :
c’Gtait le mot burg qui fait au pluriel burgen. 11
n’en existait meme pas d’autre pour exprimer une
viJle du premier ordre , une cite. C’est ainsi que
les Allemands disent encore par habitude le bourg
imperial de Vienne , pour designer la capitale de
l’Autriche (1).
Or burgen se prononce en allemand a peu prfes
comme on prononcerait en fran^ais le mot bur-
ghne (2). Mais chez nous, le g suivi d’un n se
mouille , en patois il se supprime (3). Burgen,
surtout dans un mot compose , devait done , en
passant du tudesque dans le roman-wallon , se
prononcer comme s’il s’etait ecril burne.
Ge premier radical trouve et admis , du moins
par hypothfese , reste le mot hault qui peut venir
tout a la fois de hild , hald ou halt. Car les noms
propres de femme Brunichilde , Mathechilde , ont
fait en roman-wallon, Brunehault, Mahault, comme
les noms propres d’homme Archembald , Clarem-
(1) Die kaiserliche burg in Vieme., — Ge mot a consent longtemps
cctte signification, ra£me dans nos contrees. Ainsi pour n’en citer qu’un
exemple, Lambert d’Ardres appclait Lille cash llum sive burgum insulas
dictum , et St-Omcr burgum Sancti Audomari .
(2) C’est ainsi que les noms de lieux Markenes , Ferkenes , s’forivaient
aussi Marcnes , Fercnes. Mais, lorsque la prononciation wallone qui n’ad-
mettait pas des sons aussi durs eut entidrement rcmplacc la prononciation
tudesque, on supprima Vn ct Ton pronou^a Marc, Ferques.
(3) Boulogne, campagne, montagne, etc., se prononcent en patois Bou-
lonne, campanile, montanne.
— U 8 —
bald , etc. , ont fait Archembault , Clarembault.
I Hide ou child e signifiait belle enfant , gracieuse
jeune fille , et hald correspondait a notre adjeclif
rapide et par consequent ni l’un ni l’autre ne
peuvent s’allier a Burgen. Le second d’ailleurs est
un adjectif et comme c’est une regie constante dans
les langues du Nord de tou jours placer le quali-
ficatif et meme le mot regime avant le substantif,
sous ce second rapport encore nous devons le re-
jeter.
Quant au mot halt il s’est conserve dans notre
langue comme le mot burg. II s’emploie encore ,
surtout dans le langage militaire pour indiquer :
1® le temps d’arret , la pause que font les gens
de guerre dans une marche ; ii s’emploie en alle-
mand dans le meme sens; 2° le lieu oil se fait
celte pause, la halte, la station. C’est dans ce
sens qu’on dit faire preparer une bonne halte,
arriver a la halte avant la nuit. On se servait
aussi autrefois du verbe halter , dans le sens de
s’arreter. En aliemand le verbe halten qui veut
dire a proprement parler tenir , se tenir , s’emploie
aussi avec cette signification.
Le mot halt peut done tres bien s’allier avec le
mot burgen. Car place au singulier apres ce mot
pluriel , il signifie litteralement la halte ou la
station des villes , des places fortes ou des cha-
teaux et, le faisant preceder du mot chaussecs ,
nous aurons : les chaussecs de la station des villes.
119 —
ou ce qui revient au meme , les chauss6es qui
aboutissent aux villas ou aux chateaux.
Si cette 6tymologie n’est pas physiquement cer-
taine , elle reunit du moins en sa faveur la plus
grande somme possible des probability.
Sous le rapport du sens , il est parfaitement
connu , car les deux mots dont elle se compose,
bien que la signification en ait ete legeremeut mo-
difiee , sont encore frangais.
Sous le rapport grammatical , elle ne laisse rien
a desirer. Le mot regime precede le mot regisseur,
ce qui est parfaitement conforme a la syntaxe des
langues du nord et meme du vieux frangais dans
les noms composes. C’est ainsi qu’on dit Abbeville,
Ruisseauville , au lieu de Ville de l’Abbe , du
Ruisseau.
Sous le rapport de la prononciation , elle est
6galement irreprochable. Je pourrais citer une foule
de mots analogues qui ont exactement subi la meme
modification en passant du ludesque en frangais.
Ainsi , par exemple , nous ecrivons aujourd’hui Re-
naud et Renard les noms propres d’homme qu’on
6crivait autrefois Regnault et Regnard , en latin
Regenaldus et Regenardus , d’apres l’orthographe
tudesque Regenald et Regenard.
Si Ton m’objectait qu’il n’est pas bien demontre
que la prononciation Burnehault ait jamais et6 en
usage , j'invoquerais un cartulaire de Valoires ou
— 420 —
le mot chaussie Burne haulle cat employe plusieurs
fois pour designer la voie romaine de Boulogne
a Reims (4). Tout porte k croire que cette or-
thographe reproduit exactement la prononciation
primitive et que si dans la suite celle de Brune-
hault a prevalu, c’est a cause de l’analogie que
presen tait ce mot avec le nom de la reine d’Aus-
trasie. Au cas particulier , comme dans une infinite
d’autres , 1’erudition loin d’eclairer , a , (’imagi-
nation aidant, induit en erreur.
Et cela s’explique. Dans l’Europe moderne
comme dans le monde ancien , l’bistoire a com-
mence par le roman et l’epopee. Aussi voyons-
lious la plupart de nos premiers liistoriens , l’ima-
gination pleine des fictions de la Grece et de Rome,
crcer tout un essaim de h^ros inconnus soi-disant
echappes du siege de Troie h 1’instar du bon Enee
ou egares sur les flots par la temp&te , comme le
prudent Ulysse , ou pris parmi les lieutenants de
Cesar , pour en faire des fondateurs de royaume
ou de villes et cette manic des noms propres alter
si loin qu’il n’y eut plus de bourgade si obscure
qui ne put se glorifier d’avoir eu pour fondateur
ou un roi ou un saint, ou un lieutenant de C6sar
ou un beros troyeu. Cette 6cole historique qui date
surtout de la Renaissance et qui a marque la
transition du roman a l’bistoirea ete fort en honneur
dans les provinces et principalement dans noscon-
(1) Voir lc t. 1U des Memoircs des Antiquaires de Picardie, p. 17.
tr6es. Elle s’y est en quelque sor.te personnifiee
dans le pfere Malbraneq , homme d’une profonde
Erudition , mais dont l’esprit etait naturellement
epclin au mys%isme et au merveilleux. Son De
Morinis, qui fait encore autorite et a et6 le point
de depart de la plupart de nos histoires locales ,
peut etre considere coqime une 4popee oil toutes
les legendes , touies les fables, toutes les tradi-
tions fausses ou r£elles > en un mot tout ce que
l’imagination de ses devanciers avait cr4e et in-
venti avant lui a ete religieusement recueilli ,
qommente , amplifie meme , 6lev6 k la dignite de
l’bistoire et a pris place a cote des documents
authentiques qu’il avait puises dans les archives
et les cartulaires des anciennes abbayes.
C’est bien certainement sous 1’empire de cette
ecole qui tendait en quelque sorte k illustrer et
k po^tiser les denomination? mkme les plus vul-
gaires, et: que le livre de Malbraneq, cit6 par
tous les Mstoriensde 'cette con tree comme l’evan-
gile mfemede l’histoire, a singulikrement popularises,
qu’est »6e l’idee d'attribuer k Brunichilde la cons-
truction'de- toutes les chaussees qui portaient, un
•noin analogue a eelui de cette princesse. Sans
douto cette opinion itait r^pandue longtemps avant
Malbraneq , mais cet historien n’a pas peu centcibue
k.la propager et k la faire prendre au serieux.
Bergier , son contemporain , mais dont Yhistoire
des grands chemins de l' Empire a precede la pu-
16
— m —
blication du De Morinit , s’exprime ainsi : « Da
» bruit tout commun des batiments de Brunehault
» peut bien estre venu que quelques esprits des
> sifecles suivants se soient laisstz persuader que
• ces chaussees , estant de son nom , soient aussi
» de sa fa?on. Je n’en at toutefois jamais bien
» veu par escrit , sinon dans la chronique de la
» grande et riche abbaye de St-Bertin au Pais-
» Bas, chronique non encore imprimee et de la-
» quelle j’ay une copie.... » Apres avoir cite le
passage d’lperius que j’ai reproduit plus haul ,
Bergier ajoute : « Je ne s$ay pas sur quel auteur
» celui qui a basti cette chronique se peut estre
» fonde , veu que St-Gregoire de Tours , qui vivoit
» du temps de Brunehault , Aimon , le mmne
» Sigebert ni aucuns des historiens frangois ne
» luy attribuent 1’invention de tels ouvrages ,
» quoyqu’ils n'ayent pas oublie a remarquer qu’elle
» aimoit & bastir. En tout cas , la chronique de
• St-Bertin ne lui donne qu’une bien petite partie
» de ces grands chemins : et faudroit que 1’appel-
» lation de chaussee de Brunehault donnee h cette
» partie (celle de Carobrai A San gate et k Wis-
• sant par Terouanne ) , se fut , par erreur ,
» estendue sur le tout; joint 1’opinion commune
» de ses hautes et admirable* entreprises. *
11 est k remarquer que ni la chronique d’ Andre
qui fait plusieurs fois mention de la Leulene, ni
Lambert d’Ardres qui lui donne le nom de Leod-
— 423 —
berne qu’elle portait auprfes d’Ardres , ne disent
pas un mot de cette prktendue origine. Beauraa-
noir lui-meme, qui a fait un chapitre entier sur
les chemins et qui met les voies romaines au pre-
mier rang parmi les routes royales * en attribue
la construction k Jules-Cesar et non k la reine
Brunichilde qu’il ne nomme meme pas. C’est a
mea yeux une preuve frappante et decisive quedu
temps de Beaumanoir on ne s’ltait pas encore avise de
lire le nom de cette princesse dans le nom vul-
gaire que portaient les chaussees romaines et que
cette fable, mise en avant pour la premiere fois ,
envirqn ub siecle aprfes par Ip6rius , mais quant a
la voif de Cambrai k Terouanne seulement, n’a
pris qours et ne s’est propagee qu’k la longue,
qu’a flprce d’avoir 6t6 r6pet6e par les krudits.
II f»ut done regarder le mot Bumehault ou Bru-
nehau\t , non pas comme un nom propre , mais
comme un qualificatif qui 6tait le corr^latif de
viconfier. Comme le fait remarquer Nicolas Gosson
dans son commentaire de I’art. V de la coutume
d’Aptois , ce mot viconte , vicontier n’a aucun
rapport avec son homonyme vicomte employk dans
le sens de lieutenant du comte , gerens vicem co-
milis. C’est un terme coutumier derivk du latin
vims, village, comme son equipollent , le mot vicinal
qui etait employ^ dans d’autres coutumes et que
la loi du 21 mai 1836 a definitivement consacrk (1).
(t) Cette etymologic qui cst conforme du rcste t la defluitw n que donne
— 124 —
Ainsi de mSme que chemins vicomtiers signifiaient,
suivant la coutume de St-Omer et d’Artois , • les
> chemins estans fes villages et allans de l’un h
> l’autre ; » de m6me aussi chaussies de Brune-
Hault , synonime de chemins royaux , designaient ,
suivant les m6mes coutumes, a les grands chemins
> allant de bonnes villes h autres, » ou ce qui
revient au mgme , ayant leur halte , leur point
d’arr&t , leur issue dans les villes.
Nous avons vu que le mot Leulene , voie pu-
blique ou du peuple , avait aussi son correlalif
dans le mot boerwech , chemin de paysan.
A quelle 6poque remontent ces denominations ,
je l’ignore. Mais ce qu'il y a de certain , c’est
qu*elles ne semblent £tre qu’une traduction des
denominations romaines. En effet le Digeste divise
les chemins de l’empire en trois classes : les votes
publiques , le votes privies et les voies vicinales (I)*
« Nous appelons voies publiques , dit Ulpien, celles
la coutume, a 4t£ admise par Maillard et tous les jurisconsultes art&iens.
Mais peut-£tre serait-il plus exact encore de faire driver cette expression
du droit coulumier des deux mots tudesques wickenstier, du verbe stieren
metier, conduire ou gouxerner , ce qui rendrait parfaitement compte du
double empioi du root vicontier : applique au seigneur, il signifterait celui
qui qouverne les villages, et au mot chemin, qui conduit au village.
(1) Viarum queedam publicce sunt f queedam privates , queedam vici-
nales. Publicas vias dicimus quas Grceci basilicas id est regia$t% nostri
preetorias, alii consulares vias appellant . Privates sunt quas agrarias
qnidam dicunt. Vicinales sunt vice quee in vicis sunt, vel qui in vicos du -
runt. (D. lib. 43, t. 8, 1. 22 ct Sqq).
— 125 —
» que les Grecs appellent voies royalex et qui sont
» aussi connues chez nous sous les noms de voies
» pritoriennes , voies consulaires ou militaires. Les
» voies privies sont celles qu’on appelle aussi voies
» agraires. Et quant aux voies vicinales , ce sont
» cellesgqui sont dans les villages ou qui y con-
# duisent. >
Dans nos contr£es les chemins se divisaient aussi
en trois grandes classes qui Itaient : les Leulene,
Lostraet ou Lienstraet, les Boerwech et les che~
mins vicomtiers. Ces trois denominations corres-
pondent parfaitement , com me on l’a vu d'apres
leur etymologic, aux trois denominations romaines
vice public a , via agrarice , vice vicinales.
Ges trois classes de cbemins, considerees sous le
rapport des lieux ou ceux-ci allaient aboutir , se
reduisaient & deux : les chemins de campagne et
leschemins de ville : vice ruslicce , vice urbicae (1).
Cette derniere classe comprenait les voies publiques
proprement dites , c’est-i-dire les voies pritoriennes
ou consulaires ou militaires qui avaient leur issue,
leur point d’arret , soit dans les ports de mer ou
de riviere , soit dans les villes ou les voies mili-
taires qui y conduisaient (2). C’etait Ik ce qui les
(1) Hoc interdictum tantum ad yiAfl rusticas pertinet , ad urbicas veri
non. (D. ibid. 1. 34).
(2) Vue vicinales qum ex agris privatorum collatis fact re sunt quorum
— 126 —
distinguait specialement des voies vicinales et
agraires dont quelques- unes settlement avaient leur
issue dans les voies militaires et dont la plupart
expiraient sans aucune issue dans les champs (1).
Cette division correspond parfaitement a celle
qui a existe dans nos campagnes ou Ton distin-
guait particulierement les chemins de traverse
ou de pays et les grands chemins ou routes
royales , primitivement les ehaussies Bumehault.
On reroarquera le rapport frappant qui existe entre
cette denomination tudesque (2) , interprets comme
je 1’ai fait ci-dessus , et celle de via urbica que
memoria non extat , publicarum viarum numero sunt. Bed inter eas et
cceteras vias militares hoc interest qudd vice militares exitum ad mare
out in urbes,aut in flumina publica, aut ad aliamviam militarem habent.
Harum autern vicinal turn viarum dissimilis conditio esi. Nam pars earum
in militares vias exitum habent, pars sine ullo exitu intermoriuntur .
(II iJ. tit 7, 1. a).
(1) Ibid.
(2) Cert an faitpoar rooi demontre que la Gaule-Belgique, k partir de
la Seine, parlait primitivement un dialecte tudesque. Mats cet ididme ne
tarda pas k s’alterer au contact du latin qui fut pendant plus de quatre
siecles la langue officielle dans tontcs les Ganles. De ce melange du tu-
desque et du latin naquit une troisifcme langue qu’on appela le dialecte
bas-tudesque, has thiois (S)prekard on (S)peeckard , en frangais le pa-
tois picard. De 14, dans la suite, cette division de la France, sous le rap-
port dcs langues, en pays de langue d’ocq (le midi), pays de langue (Toil
(la France du centre), pays de patois picard , ou Picardie (toute la Gaule-
Bclgique , moins la Flandre maritime), pays de langue thioise ou pays
thiois (la Flandre tudesque ou maritime et les provinces rb£nanes). Les
Flamands tudesques donnuieut k leurs voisins de langue picarde le nom de
Wallons .
— m —
le Digeste definit : les votes qui ont leur issue,
ieur point d’arrSt dans les villes , vice qua exitum
in urbes habent,
Quoi qu’il en soit , je ne pretends pas , je le
repfele , donner cette etyraologie com me certaine
mais seulement comme vraisemblable et satisfai-
sante.
J’avais d’abord eu la pensee d'ajouter, comme
appendice , k ces recberches sur la Leulene un
apercu: 4* sur un cbemin direct de Terouanne k
Wissant, cbemin qu’une foule d'indices me por-
tent I regarder comme une voie romaine destinee
a ouvrir la contree montueuse et trks accidence
qu’elle traverse; 2° sur un cbemin de Terouanne
a Cassel qui est k mes yeux une section de la
voie romaine de Boulogne k Bavai , indiquee dans
l’itineraire d’Antonin comme suivant cette direction;
3° sur la voie de Boulogne k Cassel , pour en in-
diquer le parcours , d’apres quelques documents
que j’ai recueillis , depuis Watten jusqu’k la Tour
d’Orde ; 4* enfin sur une voie de Cassel , non
pas k Mardick qui , k mes yeux , n’existait pas
encore meme au neuvieme siecle (4) , mais aux
(1) Inddpendamment de* preuves negative* qui resultant de ia direction
de la chaussde de Cassel en ligne droite sur Synthe et faisant angle avec
la branche de rapport qui la relie avec Mardick; de l’absence de tout ves-
tige d’antiquitd et de toute espece de document qui fasse mention de cette
prdtendue ville gallo-romaine antdrieurementau douzi&me siecle; de l'obs-
Curite profonde qui l’enveloppait encore k une epoque ou Marck, dont on
pretend usurper le nom k son profit , etait le chef-lieu d’un ministerium
— 128 —
Santenes , aujourd’hui les deux Synthes , oil tout
me porte a croire qu'il y avait du temps des
Romains des marais salans, Arenarii salinarum que
je retrouve au onzifeme siecle possedees ab initio
pafr les comtes de Flandre, eh ni&me temps qu’il y
ou vicomte qui s’etcndait sur tout le littoral entre Sangate ct TAa et com-
prenait ciuq ou six paroisses, parmi lesquclles ^taient Calais et St-Pierre,
tandis quc Mardick qui depeodoit de Beurbourg Detail mime pas erigd en
commune ct dtait encore si peu connu , merae a la fin du douzienie
siecle, qu’un chroniqueur contemporain, Tun des continuateurs de Siinon,
faisant remuneration de toutes les populations maritimes qui occupaient
Ic littoral depuis Sangate jusqu'4 Dunkerque > mentionne nomm^ment
celles de Calais, de St-Picrre et de Gravelincs, illos de Calesio et Petressa ,
illos de Gravelingis ct ne daigne metne point parler de la population de
Mardick qu'il confond avec les autres habitants de cette c6te dans cette
expression collective t et omnes maritimos de Broburgenti castelktrid, •—
indlpendamment enfin du d4faut absolu de toute donnee s4rieuse qui
puisse, en dehors de cette transformation pudrile , arbitraire et inadmis-
sible des mots Marcis, Merki ou Merkisa en celui de Mardick , justifier
d'une maniere telle quelle Popinidn qui fait de cette petite ville du
moyen*&ge un port florissaot au temps des Domains , neus: trouvons
dons une charte de Charles-le-Chauve de 877 aux moines de St-Bertin,
une preuve positive, et, a mes yeux, peremptoire de sa non-existence au
neuvieme siecle. Cette charte indique expressement le village de Look
comma dtant sitad 4 cote de Synthe; et Loom ad Sentina?. Or, lesderri-
toires de Loon et de Synthe sont se pares dans toute leur etendue par celui
de 'Mardick. II s’ensuit done de deux choses Tune : ou qu'& cette epoque
Mardick n’cxist&it pas encore et que son territoire, cornrne semble Tindi-
quer du reste sa configuration , a dtd pris et ddcoupd depuis lors
entre ceux de Loon et de Synthe^ ou bien que S’il existait ce n’etait en-
core qu'une bourgade obscure et innommee, inferieure an village de
Synthe puisque e’est le nom de celui-ci qui, maigre la plus graude proxi-
mity et la eontiguitd mime 4e Mardick, est designe dans la charte de
Charles-le-Chauve pour indiquer la position deLqon. Je defie gu’ou puisse
repondre 4 cette objection , quon puisse passer entre les deux proposi-
tions de ce dilemme.. .
— 129 —
avait a la mkme epoque ties salines k Bourbourg.
Mats j'ai refleclii ensuite que quelques reslreints
que pussent fetre les d6veloppements que j’aurais
a donner a ce travail accessoire il aurait toujours
trop detendue , eu 4gard k la place qu’il occu-
perait, <et qu’il serait peu logique de greffer ainsi
sur l’histoire d’une seule voie romaine une notice
qui en embrasserait k la fois plusieurs autres. J’ai
done cru devoir y renoncer.
Nous avons tout lieu d’esperer que le temps
•n’est pas loin oil la question des voies romaines
qui ont existe dans nos contrees sera resolue aussi
complktememt qu’elle est susceptible de l’etre.
Dejk en 1840, la Society des Antiquaires de
Picardic avait congu l’excellent projet de faire
dresser une carte de toutes les voies romaines qui
sillonnent cette ancienne province , y compris I’Ar-
tois. Elle a nomme k cet effet une commission
prise parmi ses membres. Dans deux rapports
pleins d’interkts dans lesquels il rend compte des
travaux de cette commission , M. J. Gamier a
pr6sente un r4sum6 succinct de toutes les recher-
ches , de toutes les opinions , en un mot do tout
ce qui avait etk ecrit ou public soit sur I’ensemble
de ces anciennes chaussees , soit sur quelques-
unes d’elles en particulier. Plusieurs de nos col-
legues , k qui la commission presides par M. Gar-
nier a fait appel , ont pay£ leur utile tribut k ces
reeherches , en ce qui concerns les voies romaines
17
— 130 —
ties arrondissements de St-Omer ei de Boulogne.
Tels sont nommement MM. Alex. Hermand, Du-
faitelle et Cousin.
Le premier a fixe d’nne manure definitive le
trace de la voie romainc de Casset k Boulogne
par Watten. Je partage entierement son opinion
et j’ai recueilli dans les aneiens terriers, les re-
gistres de comptes et autres documents , joints a
une connaissance particuliere des lieux , des indices
qui me semblent de nature a determiner le par-
cours de cette chaussee dans le trajet quo je viens
d’indiquer , en m&me temps qu’ils nous font con-
naitre qu’elle a continue d'etre trfes frequence
pendant tout le moyen-age. De Cassel k Watten ,
il n’y a pas de difficulty , car cette chaussee existe
encore. Je la trouve indiquee dans une charte de
Charles-le-Bon de 1124 sous cette denomination
tres* remarquable : via publica qua , steen strata
dicta , Casletum respicit. Je regrette que M. Her-
mand , en rejetant avec raison , comme il l’a fait,
une pretendue voie romaine de Boulogne par St-
Omer a Cassel , n’ait pas song6 a la chaussee de
Terouanne a cette derniere ville par Renescure.
Cette chaussee , l’une des mieux conservee que
je connaisse , va de Terouanne a Clarque , donne
son nom k la Cauchie d’Ecque et a Quiestkde,
traverse le grand chemin de St-Omer k Aire a la
Belle-Croix, Wardrecque , le Neuf-Fosse sur le
Pont-Asquin, Renescure, l'extremite d’Ebblinghem
- 131 —
et arrivee a peu prfes a la hauteur de Staple , elle
se confond avec le grand cliemin de St-Omer a
Cassel jusqu’a, cette viUe. C’est sans doute cette
dermere circonstance qui a induit en erreur dom
Grenier ou celui sur la foi duquel ce savant be-
nedictin a admis une voie romaine de Boulogne a
Cassel par St-Omer (t).
(1) On a beaucoup discubi snr la question de savoir s'il y avait deux
voies romaines de Boulogne k Cassel. M. Gamier, dans ron second rap-
port, conclutpour la negative. Je ne partage pas son opinion. La difficulte
consiste k concilier la carte de Peutinger et l’itineraire d’Antonin qui ne
se contredisent pas. La carte de Peutinger indiqueune voie directe de Bou-
logne k Cassel; cette voie, on la connait, e'est eelie qui passe par le Waast,
Tournehem et Wattes. De son cdte l’itineraire d’Antonin qui, suivant
1’opinion generalement admise, n’dtait qu’un livre de poste, tragant l’iti-
neraire que suivaient les postes romaines pour allcr de Boulogue k Bavai ,
indique ainsi les prineipaux points que ces postes desservaient et ou etaieut
leurs prineipaux relais :
« Iter a portu Gessorucensi Bagacijm usque :
» Tarvennam
» Castellum
» Viroviacum
» Pontem scald*
» Bagacum
M. P. XVII.
M. P. IX.
M. P. XVI.
M. P. XII.
M. P. XII. »
Bien que cet itin^raire ne suive pas la voie dirccte de Boulogne k Cassel,
il est loin cependant de l’exclure, On con$oit en effet que Terouanne etant
une station centrale et intermldiaire par laquelle devait necessairement
passer la poste de Boulogne pour aller k Arras et de la soit a Cambrai ct
St-Quentin, soit k Tournai, on se soit servi de cette meme poste , par
correspondance , entre Terouanne et Bavai par Cassel , afin d’eviter lo
double emploi qu’aurait fait une seconde poste sur la voie directe de
cette demi&re ville k Boulogne.
La difficult^ pourrait done, suivant moi, se resoudre ainsi : la carte de
Peutinger indique la voie la plus directe a suivre pour allcr de Boulogne
k Cassel, et l’itinlraire d’Antonin, la voie que suivait la poste.
— 132 —
M. Cousin , de son cdte , a jete un nouveau
jour sur les trots grandes voies qui rayonuaient
de Boulogne dans les trois directions de Terouanne,
d'Ctaples et d’Amiens. 11 est a regretter aussi qu’il
n’ait pas era devoir diriger Igalement ses recher-
cbes sur le chemin direct de Wissant a T6rouanne,
ni sur la ligne que suivait, a pariir de la Tour
d’Orde , la voie de Cassel dont je viens de
parler (1). $
D’oilleurs, eoncevra-t-on qu’il n’j aurait paa eu de vole directe entre
deux points aussi importants et aussi rapproebes que Terouanne et Cassel ?
La direction de ce cbemin en ligne droite > sa largeur qui , par endroits ,
depassc soixante pieds , surtout dans Benescure ou il est connu et
d&igne dans les litres sous le nom de rue de Tirouanne ou rue menant
de Cassel & Ttrouanne , le rapport de son parcours quant k la distance,
avee celle indiquee dans l’itin^raire , son anciennetd constatee non-settle-
ment par des noms de lieux mais encore par ce fait que e’est par la qu’en
lest l’empereur Otbon Tenant d’Arras avec une nombreuse armee, ferine
usque ad Arkam , s’est prdsentd pour entrer en Flandre lorsqn’il en tronva
le passage ferm£ par le Neuf-Fossd que venait de construire Banduin de
Lille, les denominations mdme de W ardrecques et A’Asquin qui signifient
cn flamand le passage du boulevard et pont de sortie , tous ces indices et
une foule d’autres qu’il serait trop long d’dnumlrerme semblent pins que
suflisants pour admettre la rue de Tdrouanne au nombre des voies romai-
ues. Get honneur lui est d’autant plus llgitimement dft, qu'avec tous ccs
carac teres elle est la seule voie qui puisse rlpondre k la section de U
chaussee de Boulogne k Bavai entre Tdrouanne et Cassel, indiquee dans
I’itinlraire.
(1) II eut 4te bon aussi , ce me semble, de dire an mot foseptemvium
qui, suivant moi, a donne son nom au village les Zoteux^l# Seheedew(eg)9
le carrefour). Plusieurs indices me portent k croire que le Septemvium ,
situe comme ii Test , sur Tun des points les plus eleves de la Morinie,
etait lc centre non sculemcnt d’un reseau de voics romaincs , mais encore
de plusieurs li^ues de signaux de feu.
— 133 —
Quant a M. Dufaitelle , l’homme qui possede le
mieux l’hisloire du Calaisis , il a judicieusement
rectifie plusieurs erreurs de Dom Grenier, et in-
dique , preuves en main , le veritable trace de
l’extremite de la lieulene et d’une autre chaussbe
moins connue de Wissant b Sangate et de lb b
Marck.
La Society des Antiquaires de la Morinie a done
dbjb fait un grand pas dans 1'btude des voies ro-
maines de sa circonscription. Ce qui lui reste b
faire , e’est beaucoup moins encore d’aller b la re-
cberche de nouvelles decouvertes que de s’efforcer
d’apporter de nouvelles lumiferes sur ce qui est
dejb connu. C’est lb pour ma part ce que j’ai
voulu faire. Comme dit un vieil adage qui, ainsi
que les autres, est devenu trivial b force de vb-
rite , tl nest si peu qui naide. Aussi j’ose es-
perer que ce faible tribut que je viens joindre b
celui que les savants collegues , dont je viens de
parler, ont dejb si largement payd, ne sera pas
tout-a-fait stbrile et qu’il ne laissera pas de con-
tribuer tant soit peu a la construction de l’edifice
qu’une societe voisine , sceur de la ndtre , et , je
le crois du moins , sa plus intime allibe , a en-
trepris d’elever , a frais communs ; a I’cxdcution
de cette carte des voies romaines que nous desi-
rons voir bientot s’acbever si toutefois , ce que
j’ignore , elle ne Test pas dbjb depuis longtemps.
LA
imnme Mnu
ATAWP IX nWBAJTT
Li DOMINATION ROHAINE.
LA
FLANDRE MARITIME
AVANT ET PENDANT
LA DOMINATION DOMAIN ,
par M. Louis De BAECKER, Membre correspondant.
I.
La Flandre maritime francaise, ancienne contree
que bornaient k Test lcs Pays-Bas , au midi la
Lys , a l’ouest la riviere d’Aa , au nord l’Ocean ,
est enclavee de nos jours dans les arrondissements
administratifs de Dunkerque et d’Hazebrouck. Elle
est situee entre le 1 0me — 25me degre longitude et
le 51 me — 35° et a treize lieues de longueur sur
six de largeur.
La surface de ce pays est g£n6ralement plane;
cependant dans sa partie centrale, elle est parse-
mee de diverses Eminences jalonnees sur une ligne
qui va de l'occident a l’orient. Ces Eminences sont
18
— 438 —
les coteaux de Watten , St-Momelin , Ravensberg ,
Bonsberg , Cassel , Uwenberg , Boeschepberg ,
Catsberg , Kemmelberg , le Mont-Noir et le moot
de Lille. Son territoire est arrose, 4° de sept ri-
vieres ou ruisseaux qui sont : la Lys qui suit en
partie les contours du departement du Pas-de-Calais
et de l’arrondissement de Lille ; l'Aa qui prend sa
source dans le Pas-de-Calais ; 1’Yser qui prend la
sienne a Rubrouck ; la Peene qui nait dans les
coteaux de Cassel et se jette dans l'Yser pres
Wylder ; la Colme qui passe k Bergues ; la Lawe
qui vient du Pas-de-Calais et se jette dans la Lys
au-dessous de Lagorgue ; la Bourre qui nait au
village de Borre et deverse ses eaux dans le canal
d’Hazebrouck ; 2° de onze canaux de navigation ,
le Neuf-Fosse , la Nieppe , le Preavin , le canal
d’Hazebrouck, celui de Bergues a Fumes ou Basse-
Colme , celui de Bourbourg , celui des Moeres ,
de la Cunette , de Dunkerque a Bergues , de Mar-
dyck et celui de Dunkerque k Fumes ; 3* de sept
canaux de communication vicinale qui sont la becque
de Vieux-Berkin , la Metterbeke , le ruisseau de
Steenwerck , la becque de Nieppe , la vieille riviere
et deux becques qui se jettent dans l’Yser ; 4° de
deux-cent quarante-trois canaux de dessechement
dits Wattergans ; et 5° de trente-cinq petits cou-
rants d’eau qui filtrent a travers les champs etvont
grossir les rivikres. •
, Si nous ajoutons a cette quantite de ruisseaux
— <39 —
la quantity tie inarais qui couvraient la Flandre
maritime , nous serons autorise a dire que cette
region , comme tout le littoral du nord de la France,
a ete, durant de longs siecles, occupee par 1’element
liquide.
Elie de Beaumont nous apprend en effet qu’a
cette epoque de la creation , que la science geo-
logique appelle tertiaire , un immense lac couvrait
les lieux oil dcpuis s’eleverent Paris , Bruxelles et
Londres , et qu’ils ne furefat exondh que par un
soulevement du sol. Ce fut dans cette p£riode de
retraite progressive des eaux, qu’apparurent les terres
nouvellea du continent. Enfin, un temps arriva oil la
mer fut d peu prh releguee dans le bassin qui la
renferme aujourd’hui ; nous disons d peu prh ,
car il parait qu’avant de se tracer ses limites ac-
tuelles , elle baigna encore pendant des siecles ,
la chaine des col aes que nous avons plus haut
enumerees el qui ne sont autres que d’anciennes
dunes. • L’on volt partout , dit 1’abbe Mann , que
» cette elevation de terrain n’est pas comme les
» montagnes ordinaires , dont la declivite s’etend
» communement a quelques licues dans le pays;
» ici le changement est subit et l’ascente commence
» tout d’un coup, comme on le voit presque par-
» tout aux bords de la mer. Ce qui peut encore
» servir a faire connaitre i’ancienne cdte elevee ,
» c’est la grande difference qui se trouve entre le
» terrain qui est dans l’interieur de cette cote et
— 140 —
» celui qui est entre clle et la c6te nouvelle , l’un
> 6tant ou sablonneux ou mar6cageux ; l’autre
» 61ev6, pierreux et in£gal (1). » Suivant l’opi-
nion du meme auteur , adoptee par MM. Belpair (2)
et Schayes (3), « l’ancienne c6te de la Belgique
» commencait entre Calais et Boulogne , passait
» sur la droite de Guinea et d’Ardres par le mont
» de Ruminghem jusqu’k Watten , oil du temps
» de C6sar et jusqu’au Xme sikcle, il y avail un
> golphe qui s’6tendait jusqu’k Saint-Omer, Blan-
» decques et Wizernes. De Watten , la cdte se
» dirigeait sur Cassel par Ravensberg , Balemberg ,
» Domberg ; ensuite elle passait par Eecke , Cats-
» berg , Cainberg , Locre , Swartsberg , Mont-
» Kemele , Witsecatte , Messine , Rosenberg , La
» Hutte jusques vers Warneton. De lk, cotoyant
» la gauche de la Lys , elle s’etendait par Houthem
» jusqu’a Yilvorde , oh il doit y avoir eu un golphe ,
• et jusqu’k Bruxelles par l’allee verte (4).
Ce n’est pas tout , Malbrancq rapporte qu’a
Guisnes , Ardres , Ste-Marie-Kerke , Watten , etc.,
on ne rencontre, k la profondeur de sept ou huit
(1) M^moire sur l'oncien 6 tat dc la Flandre maritime, page 74.
(2) Mlmoire sur les changements de la cote depuis Boulogne jusqu’i
Anvers , ins6r4 dans les nouveaux memoires de Tacademie de Bruxelles.
(3) Les Pays-Bas avant et durant la domination romaine, Tom. I€r
pag. 323,
(4) Schaycs , ibid.
— U1 —
pieds, que du sable de mer rempli de coquillages
et autres substances marines. On a trouvk des
ancres et des debris de navires dans plusieurs
endroits de la Flandre, trfes eloignes de la mer , a
Glairmarais , Blandecques , Wizernes et meme sur
le mont Cassel. La plaine entre Hame et Ardres
6tait , dil-on , autrefois une montagne ; mais au-
jourd’hui elle est k peine une faible colline , tant
les terres environnantes se sont exhaussees par
les alluvions de la mer (1).
11 y a quelques ann6es , des ouvriers en creusant
Ie sol pres l’hotel-de-ville de Bergues, ont exhumk
un humerus de baleine (2) ; d’autres ont extrait
d’une carriere de graviers k Wormhout une niolaire
d’Hippopotame petrifi^e (3). A Cassel et au mont
des Cattes ou Catsberg , on trouve encore tous les
jours des coquillages petrifies ; le terrain de ces
monticules est un terrain d’alluvion , et selon
M. I’ing4nieur Poirier de St-Brice , il se compose
cn majeure partie d’un sable quarlzeux dont les
couches horizontales sont de diverses couleurs ct
renferment assez frequemment des cailloux routes.
Ces faits demontrent de la manikre la plus
(1) Malb. de Mor. et reb . Morin . tom. 1. pag. 54. — Dom Grenier.
— Introduction & l’hisloire de Picardie , p. 57.
(2) Consent dans le cabinet d’kistoire naturcllc dc M. Dcmcezcmaker,
ancicn maire dc Bergues.
(3) Id. id.
irrecusable que la partie septentrionale de la Flandre
fut , dans I’antiquite la plus reculee , le domaine
de l’Ocean. 11 est impossible de dire quand ses
Dots se retirerent de cette contrde ; cet 6venement
se perd dans la nuit des temps. Des auteurs 1’at-
tribuent au deluge cimbrique ; le savant Schayes
rejette bien loin cette opinion , par le motif que
ce deluge n’arriva qu’environ cent-cinquante ans
avant l’ere vulgaire , et qu’alors les Gaules etaient
dejk habitees depuis un temps immemorial. L’hy-
pothese la plus vraisemblable selon lui , l'abbe
Mann et Belpair , est celle qui explique cette re-
traite de la mer par la rupture de l’lsthme qui
unissait jadis la France & l'Angleterre (1).
Cette plaine sablonneuse , surgie du sein des
flots , ii faudra encore des sifecles avant que Thomme
puisse l’habiter; il faudra que sa surface se consolide ,
(1) M£moire deji cit4. — L’eldvation des mages de France et
d'Angleterre , la nature des terres , la correspondance mutuelle de
leurs couches, leur coupure perpendiculaire contre l'ordre qu’on
remarque dans les montognes et les hauteurs situ^es sur les autres
cotes , qui sont presque en pente vers les vallees , tons ces rap-
ports frappants ont porte M. Buache ( M&n. de l’acad. des sciences,
de 1752 , pag. 412 ) & dire que la montagne qui est coupee a
Wissant par le ddtroit , et qui au deli s’etend assez avant en An-
gleterre , en suivant la mfone direction , n’est que la continuation
d'une branche de montagnes qui traverse les provinces du centre
de la France. M. Guettard (Mem. de l’acad. de sciences 1746 ,
p. 362) a observe la memo interruption par rapport aux mines dont
les bandes «chisteu>es et mameuses pa?saient dc meme de Picardic
en Angleterre. — Dom Grenier. — Introd. k l'bisi. dc Picardie.
se durcisse ; que des vbgetaux la couvreut , quo
des forets l’ombragent; que l’atraosphbre qui l’en-
toure se purifie. Alors des pas humains se ha-
sarderont sur ce sol tremblant et marecageux , oil
l’Ocban conservera deux lits pour y penbtrer &
son gre et submerger , quand il lui plaira , la
terre conquise par la vbgbtation. Des hommes
partis , on ne sait d’ou , peut-etre du cdte du
fleuve Tanais , viendront cinq ou six cents ans
avant 1’ere chretienne , visiter ces cdtes inconnues
et s’y fixeront. Ces hommes seront de la race
Celtique ou Gallique. Nous n’avons pas h nous en
occuper , car il n’en est rest6 sur notre sol aucune
trace historique. Les premiers habitants dont l’his-
toire a garde souvenir , sont les Menapieus, d’origine
ludesque.
II.
Nos c6tes ne furent v6ritablement peupl^es que
lorsque les Teuclitres et les Usipbtes chassbrent
les Menapiens des rives du Rhin (4). Alors, cette
peuplade germanique, poussant plus avant vers
l’occident , prit possession de ce pays , auquel on
peut , avec M. Schayes, assigner les homes sui-
vantes : au nord , 1’Escaut et la Meuse qui la
separaient des Bataves ; b Test l’Escaut la sbparant
(1) Cmar , Bell. gall. lib. -/F. cap . 4.
— 1 44 —
des Nerviens et des Toxandres; k Vouest, l’Ocean
el les Morins delimites par la riviere d’Aa ; au
midi , la Scarpe , la Deule , la Lys et la Marne ,
qui paraissent lui avoir servi de limites , du cdte
des Morins et des Atrebates. Ces homes ont etc ,
au moins pendant une certaine partie du moyen-
age, celles du pagus mempitcut ou menapiseut (4).
En effet , on lit dans une cbarte de Charles-
le-Chauve , de l’an 847, donnee en faveur de
l’abbaye de St-Bavon, que ce monastfere est situd
in territorio Menapiorum quod nunc Mempiscum
appellant. Enschenius , dans ses notes sur la vie
de Saint Amand , assure que Tournay s’y trouvait.
Scion le biographe de Saint Anschaire et de Saint
Rembert, Torhout y etait aussi. Roulers y est
place par un diplbme de l’empereur Louis, de Van
822 : in pago qui dicitur Mempitcut, in loco
nuncupante Rostelar. Une cbarte de Cliarles-le-
Chauve de 877 , y met Poperinghe ; une autre
du meme prince, de Van 864, fait mention de Helsoca
in pago Mempitco , que Von croit etre un village
aux environs de Cassel. Yperius dans sa chronique
de Van 860 , constate dans le Mempiscus, VY terce
portut qui fut Nieuport. Une charte datee del 085,
par laquelle Robert-le-Frison fait une donation k
St-Pierre de Cassel, coroprenait cette ville dans
(2) Schayes , les Pay$-Ba$ avant et durant la domination romaine.
T. 1. p. 425.
— 145 —
le pagus Menapitcus. Meyer, dans ses Tomi X, cite
un Rigobert de Lederzeele , et dans ses Annales ,
nomine Wormhout , deux villages qu’il dit enclaves
dans le Mempiecut (1). Si nous r6capitulons les
noms des lieux relates dans ces actes authentiques
comme faisant partie du pays des Menapiens , nous
verrons que ce peuple occupait encore , vers le
IXe sifecle, toute la contr£e qui s’etend de Lederzeele
k Gand , c’est-k-dire , de la rivifere d’Aa (Lederzeele
y touche) jusqu’k l’Escaut. II y a plus , un auteur
du XIe siecle , cite par M. Alex. Hermand, Ebrard ,
moine qui a dcrit vers l’an \ 080, la cbronique du
monastfere de Watten , aprfes avoir qualifie cette
ville de tres antique demeure des Menapiens , dit
de la manifere la plus precise et la plus claire que
Ieur limite k l’occident etait la riviere d’Aa. Est
ergb inter Legiam fluvium et jlandrinenses maritimos
Men apia cognominatut, cujus incolce generali vocabulo
ab historiographis Menapi denominantur Pagi
autem ipsius longitudo ab oriente extenditur atque
ab occidente Enula videlicet fluvio finem exdpiente
terminator . Ce fleuve Enula n’est autre quel’Aa (2).
Nous pouvons done dire que si les Morins et
les Menapiens 6taient voisins et situds sur les bords
de la mer, ainsi que nous l’enseigne Strabon (3),
(1) Ad arm. DW. VI.
(2) Sanderus ( Fland . illustr.). et Malbr . De Morin.
(S) Strab. tom. 1 pag. 296. Edit. Amst.
19
— UG —
Is etaient separes par ce golphe qui pcnetrait
encore au XII* siecle jusqu’au pied de la colline
de Sitbiu (1). Les Meuapiens en occupaient le
cdt6 oriental , les Morins celui vers l’occident. C’est
pour cette raison que Virgile appelle ceux-ci :
Exlremi hotmnum , et Pomp. Mela : Ullimi galli-
carum gentium (lib. 3. cb. 2).
Ce golphe est un de ces deux lits que la mer
s’etait conserves et dont j’ai par 16 plus haut.
Lorsque celle-ci s'en fut retiree, l’Aa s’en saisit
et l’approfondit en s'y precipitant ; le second lit
auquel j’ai fait allusion , est cet autre golphe ,
dont les eaux baignaient le Groembeg et que rem-
plaga un canal qui descend de cette Elevation
perpendicul rement a la cote dans le bassin de
Dunkerque.
Maintenant que nous avons determine avec quelque
exactitude l’em placement des Menapiens, examinons-
les sous le rapport des moeurs , car c’est-la qu’est
la vie des peuples. Cesar , Dion-Cassius et Strabon
ont laisse sur ce point historique des details pleins
d’interet.
Leur pays etait couvert d’immenses forets et de
(1) Ce golphe est citd dans un diplome que Vredius a extrait
des archives de rancien eveche de Thlrouanne , co nservees autrefois
dans celles de la cathedrale d'Ypres. Co mute Mirseus et son conti-
nuateur ne Tont point connu , ce diplome^ nous croyons devoir
renvoyer le lecteur a VHistoire ancienne des Pays-Bas autrichiens ,
par Des Roches 9 p. 107 9 ou cette charte est reprpduite.
— \ 47 —
mar^cages inaccessibles (1). Les bois de Nieppe ,
de Catsberg , d’Uwenberg, avec ceux situes entre
Casscl , Wormhout et Steenvoorde , et les marais
connus sous le nom de Moeres entre Bergues et
Fumes , sont des vestiges des forets et des ma-
recages primitifs. Les aulres ont disparu devant
les progrfes de l’agriculture, et des noms de villages
rappellent seuls les lieux couverts autrefois de leur
ombrage touffu et de leurs eaux croupissantes (2).
Les arbres 6taient de peu de hauteur ; on en
entrelagait les tiges flexibles pour se defendre contre
les invasions armies. Les marais formaient de petites
iles ^parses , du moins dans la partie voisine de
la mer ; c’est Ik que les M6napiens se retiraient
avec toutes leurs families au moment du danger.
Lorsque le temps etait humide , its pouvaient
aisement s’y assurer un refuge; mais la secheresse
survenant , il 6tait facile de les atteindre (3). Les
forets renfermaient de vastes plaines et de fertiles
paturages. Les Menapiens s’appliquaient principa-
Iement a la culture des champs ; ce qui le prouve,
c’est que les lieutenants de Cesar les devasterent
et coupkrent leurs bles (4). 11s entretenaieut de
(1) Continentesque silvas ac paludes habebant ; Goes. lib. 8. ch. 28.
— Perpetuis paludibus silvisque muniti ; id. lib. 6. ch. 5.
(2) Voy. Les Flamands de France. Etudes sur leur langue , leur
literature et leurs monuments.
(3) Strabon. Tom. Ier.
(h) Omnibus earum agris vast at is , frumentis succisis axtificusquc
insert vis. — C*vs. lib. h i\ 38.
— U8 —
si grands troupeaux de brebis et dc pores qu’ils
fournissaient k Rome quantity de viandes salees et de
laines fagonnees (4). Martial chante, dans ses vers,
les jambons de la Menapie (2). Gruler dit qu’il
existe k Rimini une inscription dddiee k Vespasien
par le corps des sauniers Mdnapiens : Salinatoret
civitati* Menapiorum (3). II peut se faire que ce
peuple ait eu des salines sur les bords de la mer,
aux environs de Dunkerque ; car , non loin de cette
ville , il y a un village qui a nom Zudcote et
que d’anciennes chartes nomment Soutcota , nom
flamand qui correspond , selon nous , k cette ex-
pression : Cabane au Sel. Au surplus / des actes
du XI* siecle, font mention de marais salans qui
existaient alors le long de la cdte entre Mardyck
et Gravelines (4).
Les Menapiens n’avaient point de villes , ils
n’habitaient que des chaumikres ^parses , construites
de planches et de branches (5). Cassel , quoique
designe par la carte de Peutinger , sous la deno-
mination de Castellum Menapiorum, ne fut pas une
(1) Tam copiosi sunt iis pecudum et suum greges , ut sagorum
et salsamentorum copiam non Roma tantum suppeditent , sed et
plerisque Italics partibus. Strab. t. Ier p. 301,
(2) Mart. lib. 13. Xcn. 50.
(3) Edit, de Groevius', pag. 1096.
(4) Annuaire du departement du Nord, 1835.
(5) Non in urbibus sed in tuguris habitabant. — Dio Cass, lib, 39*
— 149 —
forteresse batie par les M6napiens , mais par les
Romains sur le territoire m6napien. Ces derniers
l’appelferent ainsi pour la distinguer du Castellum
Morinorum , qui devint la ville d’Aire au dela de
la Lys (1). Aussi , C6sar do dit-il pas que les
Menapiens , fuyant devant lui , se re tirerent dans
des chateaux-forts , mais qu’ils se cache rent au
fond de leurs forgts et s’enfoncferent dans leurs
marais (2).
« Leur vetement est le Sagum , dit Strabon ;
> ils laissent croitre leur chevelpre. Ils ont des
» habits ouverts et & manches , qui descendent
» jusqu’a la cuisse. Leur laine est rude leurs
> armes se composent d’un long glaive suspeudu
» h droite , d’un grand bouclier , d’une lance et
» de la mdris , espece de pique; quelques-uns se
» servent d’arcs et de frondes. Ils ont aussi des
» pieces de bois en forme de javelots qu’ils ne lancent
• pas avec une courroie , mais avec la main et
» qu’ils emploient principalement a la chasse des
» oiseaux. Ils couchent k ter re,... leur nourriture
» consiste en laitage et en diverses especes de
» viandes, surtout en chair de pore fraiche ou salee.
• Le peuple elit chaque annee un prince et un
» chef de guerre.
(1) Voy. Schaycs. M4m. de la socidtd des Antiquaires de la Morinie
tom. 2. — Flandria Ethnica de Vredius.
(2) Omnes se in densissimas silvas abdiderant..,. ac paludes ha -
bebant , eo se suaque omnia contulcrunt.
— 450 —
» Sous le climat des Menapiens , il regne le
» plus souvent quelque brume , de sorte qu’il
» n’y a que trois ou quatre lieures , vers le midi ,
* pendant lesquelles on puisse apercevoir le so-
• leil (1). »
Quant k la religion et aux institutions civiles
et politiques des Menapiens , elles sont les mftnes
que celles des anciens Germains; nous renvoyons
done aux anciens auteurs qui ont 6crit sur la
Germanie et surtout au profond ouvrage de M.
Schayes , intitule : Les Pays-Bas avant et durant
la domination romaine, ainsi qu’& ceux de J. Grimm,
Deutsche Mythologie , et de Mone , Geschicte des
Heidenthums m Nordlichen Europa.
III.
Les Menapiens, dit M. Dewez , qui se croyaient
inaccessibles aux entreprises des Romains, par les
avantages que Ieuroffraient leurs immenses forSts,
etaient le seul peuple de la Belgique qui n’eut
pas demande la paix (2). Ils avaient pris le parti
d’Ambiorix , roi des Eburons , et lui avaient offert
un asyle dans leur pays. Cesar marcha en per-
(1) Strabon , geo. lit. IV. ~ ■ Keroyn de Lettenhore ; hist, de la
Fiandre , tom. 1. pag. 13.
(2) Cjbs. lib. 3. c. 2S ; et lib. 4. cli. 38. — Cjbs. lib. 6. c. 3 et 6
sonne contre les M6napiens. Les ponts qu’il pra-
tiqua sur l’Escaut, lui facilitferent Pen tree dans le
pays avcc d’autant moms d’embarras et de resistance,
que les Mdnapiens , n’ayant pas eu le temps
d'assembler des troupes , ne purent emp£cher les
Romains de les poursuivre dans leurs for6ts.
L’arm4e romaine, divis^e en trois corps, marquait
tous ses pas par l’incendie et la devastation ; et la
lueur de l’embrasement qui consumait un village,
annongait au village voisin l’approche de l’ennemi.
Les malheureux qui fuyaient ne pouvaient echapper
aux vives poursuites des troupes legferes , qui , dfes
qu’elles les atteignaient , ne leur offraient que la
desesperante alternative de la captivite ou de la
mort. Ceux que n’avaient point atteints le fer des-
tructeur ou la flamme devorante, n’eurent quo la
ressource de se soumettre au joug. (1).
Mais les dissensions civiles qui suivirent la mort
de Cesar , ne permirent pas aux Romains de
s’occuper immediatement de leurs nouvelles con-
quetes ; leur domination ne so consolida dans les
Gaules que sous l’empereur Auguste. Par ses
ordres , des citadelles furent elevees sur le sommet
des montagnes de Cassel et de Watten, le port
de Mardyck se creusa , des voies militaires
traversfcrent le territoire menapien , et pour Sparer
(1) Diet. gdog. ?. Mdnapiens pagi 807*
— 152 —
les vides pratiques par les armees des legions de
Cesar , il y fit transporter un grand nombre de
prisonniers de guerre que Drusus et Tibere avaient
faits sur le Rbin. Des Bataves furent 6tablis a
Walten (1) en qualite de letes ou serfs, et des
Caltes au Castberg ( Mont Caltorum ) entre Steen-
woorde et Bailleul, et peut-etre aussi aux environs
de Bourbourg & un endroit , nomm6 Kattfliet par
Malbrancq. La forteresse de Watten correspondait
avec celles de Cassel , d’Eperlecques , de Sithiu ,
de Tournehem , de la Montoire et de Rihoult , et
devint le centre de quelques habitations. Deux
grandes routes venaient y aboutir. La premiere,
suivant parallel ement le rivage de la mer, arrivait
de Loo; la seconde allait vers l’occident a Bou-
logne ( Getsoriacum) (2).
Nous avons fix6 le r&gne d’ Auguste, comme
l’epoque a laquelle fut batie la forteresse de Cassel,
parce qu’on y a trouve, b la place qu’elle occupait,
des medailles b l’effigie de cet empereur et qu’on
n’en a pas vu de Jules-C6sar (3). 11 y a quel-
ques ann6es on remarquait encore la cl6ture antique
(1) Miscere enim vetutmirm Bataves cum guatinensibus. — Ebrard
Not. de M. Heim and sur Watten.
(2) Notice sur Watten, de M. Heratand.
(3) Scrikius rapporte , orig. rerumq, celt . lib. 7 n° 23 , que Floris
de Staples , grand bailli de Cassel en 1600 , possedait une medaille
d* Auguste avec cette inscription : diyus august, et a l’exergne , un
temple ferine et ces lettres, S. C.
— 153 —
de ce chateau-fort ; la durete du mortier , l’ar-
rangement des pierrea, la profondeur des fondements,
tout indiqnait qu’elle 4tait de construction ro-
maine (1). Un buste de Galba en bronze , une
statuette de V6nus , un dien Lare , une petite
louve et un tr6pied de Bacchus de m£me m4tal ,
d^couverts k Cassel en 1827 et 1841 (2) , joints
k la quantity de m£dailles que le sein de la terre
recelait , m£dailles frappees du temps d'Auguste
k Arcadius , prouvent k Evidence le s6jour et la
duree du s4jour des Romains sur cette colline (3).
Ils eurent encore une station sur les bords de
la Lys , k Minariacum qui fut dans la suite Es-
taires. 11 est fait mention de ce lieu sur la carte
Th£odosienne , et Scrikius , qui en a 6t6 grand-
bailli en 1600 , affirme y avoir vu nombre de
poteries et de m4dailles romaines > entre autres
quelques-unes en bronze k la face 4’Antonin, et
d’autres portant cette inscription : Diva Faustina
Pia , et LueUla aug. (4). La dtaouverte de sem-
blables debris k Estaires est une refutation com-
plete de 1’opinion de M. de Valois qui pla$ait
(1) M. Deimytter , qui est de Cassel , adit aussi : le d^partement
du Nord poss&de k Cassel une antiquitd pr4cieuse qui devrait 6tre
restaurde. Top. de Cass., p. 71.
(2) Topog. de Cassel ; Mdm. de If. Vdnem , de la Soci4td des
Antiq. de la Morinie , 1841.
(8) Ibid.
(4) Scrik. , orig. rer. celt. lib. XII , n° 89-40*
SO
— <51 —
Minariacum a Merville, et de celle de Desroehes ,
qui le mettait a Zudberquin (1). D'apres Meyer,
la ville de Bailleul fut fondee sous la domination
romaine (2) ; la Flandre maritime fut aussi , a
cette epoque , percee de quatre voies militaires dont
il est facile de suivre les traces.
Une partait d’Aire et aboutissait a Mardyck, en
traversant Thiennes , Stenbeke , Sercus , Wallon-
cappel , Oxelaere, Cassel , Zermezelle, Ledririghem,
Zegerscappel, Ekelsbeke , Crocbte , Steeoe et Spyc-
ker. — Une deuxieme, commen?ant h Arras, se pro-
longeait par Pont-d’Estaires , Zudberquin , Nord-
berquin , Strazelle , Castre , St-Sylvestrecappel ,
Ste-Mariecappel Cassel , Hardifort , Herzelle ,
Wylder , Westcappel , Hoymille , Teteghem et Lef-
frinckouke. — Une troisieme venant .de Therouanne
et une quatrieme de Gessoriacum ou Boulogne, se
rencontraient k Watten oil elles se separaienl de
nouveau en. deux branches , dont l’une sous le
nom de chemin de Loo , confinait a cet endroit en
touchant & Millam , Looberghe , Drincham, Crochte,
(1) Remarques sur la carte de l’ancienne' Belgique ; hist, ancienne
ties Pays^ Bas , par Desroches , p. 181.
(2) .Suivant Meyer } des Beiges jeterent les premiers fondem^Dts de
la ville de Bailleul : Habeo authores qui hos progenium fuisse con-
fident eorum Bel g a mm , qui ex Nemiis ab Romanis olim pressis
in sylvas et Astuaria dimittebantur , eosque ad odoacri usque adven -
turn littora Morinorum , ubi nunc Flandria est , incoluisse ac Rel-
qiolum pro montibus condidisse , id quod nunc Baliolum dicimus
(tom. X).
155
Sox , Quaedypre , Warhem , Hondschoote, Leyse’e,
Giverinchove et Polincbove , et I’autre s’etendait par
Busscheure , Nordpeene , Wemarscappel , Cassel
Steenvoorde jusqu’au delk de Poperioghe a Wervick.
11 est a remarquer que toutes ces lignes , a
1’ exception de celle du chemin de Loo , conver-
geaient a Cassel , ce qui demontre I’importance
que les Romains attachaient a cette position. De
cette forteresse , ils dominaient la mer , I’Aa et
la Lys , surveillaient les Menapiens , et dans une
journee de marclie , ils pouvaient , en cas d’insur-
rection des Morins , porter secours k leurs frires
d'arroes etablis dans la Morinie.
Au reste , il ne semble pas que les Romains
aienl exerce une grande influence sur les desti-
nies de la Minapie. Aucune de leurs lois , aucun
de leurs usages ne leur a survecu. Les Menapiens
quoique vaincus , n’avaient pas ete soumis et ils
etaient demeures fldeles a lours coutumes.
A entendre les auteurs de Rome, vanter le genie
de cette reine du monde , on s’imaginc facilement
que la civilisation devait eclore partout ou ses
enfants portaient leurs pas vainqueurs , que les arts
et Tindustrie devaient y produire des cliefs-d’ceuvre.
Illusion ! Dans la Menapie , on ne connut Rome
que par l’odieux de son gouvernement despotique.
Quant a ses bienfaits , ils furent nuls. Les Mena-
piens restirent ensevelis au milieu dc leurs bois
— 15G —
et de leurs marais insalubres. La deboisement de
leur pays ei le dessfechement de leurs eaarais ne
s’opererent que par la vertu du ehristianisme.
D’apres un ancieo 6crivain, cite par Aug. Thierry,
des hommes partis de cette contree qu’on nomine
aujourd’liui la Flandre , obliges d'abandoDDer sans
retour leur pays natal , & cause d’une grande inon-
dation , vinrent , sur des vaisseaux sans voiles ,
aborder dans la petite lie de Wight et sur la cote
voisine , premiferement comme bdtes de bonnes
graces et ensuite comme envahisseurs (t). Aug.
Thierry place eet evenement immMiatement avant
l’invasion de la Bretagne par les legions de Cesar.
Nous avons des raisons de croire qu’il n’eut lieu
qu’apres l’envahissement , et ces raisons , les void :
La Flandre maritime garde encore des traces d’une
inondation considerable. La mer un jour a du
deborder avee un fracas 6pouvantable et lancer ses
flots sur les terres menapiennes, avec une force
k laquelle rien n’a pu resister. L’onde entraina
des bois entiers dans sa course , et quand elle se
fut retiree , la vase coiivrit les mines dont la mer
furieuse avait jonch6 le sol. Nous attribuons a
cette cause la formation des vastes et nombreuses
tourbiferes que notre littoral cache dans son sein.
Les ouvriers preposes k 1’extraction des matikres
qu’elles renferment , trouvent de temps a autre ,
(!) Trioedd , n° 6 , Belgae. — Aug. Thierry , his!, de la conquele
d ’Angle terre par les Normands. Paris, 4* edition, p. 33 el 34.
— 457 —
sous la tourbe , des bronzes , des vases cineraires ,
des poteries d’origine romaine (1), De cette cir-
constance ne faut-il pas induire que l’inondation
de la Flandre, dont parle l’illustre historien , a 6te
post6rieure au sejour des Romains dsns ce pays?
Si elle avait 6t6 antdrieure, comment expliquer la
presence de ces objets au fond des tourbiferes , qui
sont, elles , le resultat de ce cataclisme ?
Ce deplorable dvenement tdmoigne de la profonde
indifference, de la coupable incurie des dominateurs
du monde pour les Menapiens qu’ils traitaient de
barbares. Dans leur egoisme , ces fiers conqudrants
n’ont rien fait pour les tirer de cette barbarie
qu’ils leur reprochaient. Ils se sont ainsi vengds
de l’hdroique resistance que leur avaient opposde
ces hommes des marais, Ce qui survecut it ceux-li
fut un souvenir de tyrannie ; c’est aussi le seul
que les Bretons aient garde des soldats venus des
bords du Tibre, souvenir tristement rappele dans
de vieilles chroniques bretonnes. « Aprds avoir
» opprime Tile pendant quatre cents ans , disent-
» elles , et en avoir exige par annee le tribut de
» trois mille livres d’argent, ils repartirent pour
» la terre de Rome , afin de repousser 1’invasion
* de la horde noire (*)•
(1) Le cabinet de M. de Meezemaker, ancien maire k Bergues, ren ferine
des poteries romaines cztraites des tourbi&res des Moeres.
(3) Trieodd-ynys Prydairin0 8, citd par Aug. Thierry dans l histoirc da
la conqu6te d’Angleterre, peg. 85.
ESSAY
SUR L’ARTDES CONSTRUCTIONS
A SAZNT-OMER
A LA FIN DO 15* FT AC COMMENCEMENT DC 16* SIECLE.
ESSAl
SDR L’ART DES CONSTRUCTIONS
A SAINT-OMER 9
A LA FIN DU 15' ET AU COMMENCEMENT DU 16' SlfeCLE,
• PAR
M. Louis DESCHAMPS DE PAS, membre titclaire.
XiA TOUR dm m-OATBiOBAU M SAIHT-CMER.
■■ O • H
L’histoire des constructions religieuses au moyen*
age, nous montre souvent une s£rie de ta tonne*
ments, provenant, sans doute, dans la plupart
des cas , de l’absence d’un plan arret6 d’avance ,
mais resultant surtout de ce quo, les grands mo*
numents de cette 6poque n’ont pu fetre faits , it
quelques exceptions prfes , d’un seul jet } les fonds
necessaires 6tant rarement suffisants pour permettre
d’executer le travail sans interruption. Les coll6-
giales qui avaient g6n4ralement moins de ressources
que les abbayes , etaient obligees de ne pousser
21
— 162 —
leurs constructions qu’en proportion de leurs re-
venus ; les dons etaient presque nuls , et dans les
temps de guerres et de troubles qui agitaient le
pays , ces revenus etaient souvent tres-faibles , de
sorte que Ton 6tait force d’interrompre les tra-
vaux commences jusqu’a des temps meilleurs. Aussi
arrivait-il que , Iorsqu’on pouvait reprendre Poeuvre,
les gouts etaient changes, d’autres besoins s’etaient
fail sentir qui necessitaient la modification du plan
primitif. On se trouvait ainsi enlraine a des de-
molitions et reconstructions d’anciennes parties
pour les faire cadrer avec le nouveau projet. Tou-
tefois , il est juste de dire k la louange des cons-
tructeurs de cette 6poque , qu’ils ne negligeaient
aucune precaution pour assurer la stabilite de
leur oeuvre , et que les chapitres et abbayes cher-
cbaient k s’6clairer sur le merite du projet pre-
sente , en le soumettant aux lumieres d’une foule
de maitre$-bi-muvre$ qu’ils faisaient venir souvent
de fort loin a leurs frais. Ce fait nous explique
comment les monuments du moyen-age , paraissent
avoir encore aujourd’bui un si grand air de jeu-
nesse , que n’ont pas beaucoup de monuments
modernes. Je ne veux pas dire ntanmoins , que
les constructeurs d’alnrs ne faisaient aucune faute;
loin de lk , ils en commettaient souvent de tres-
grossieres , qu’on ne ferait plus aujourd’kui ; mais
on avail soin de faire disparaitre toutes les mal-
fa^ons , en recommencant au besoin k plusieurs
fois , de sorte que 1’ceuvre , telle qu’elle est ar-
rivee jusqu’k nous ,_ est sans vice de construction,
bien que d’un gout plus ou moms pur. Ce que
je viens de dire en g6n6ral s’est reproduit pour
I’eglise col!6giale de StrOmer. Je ne m’occuperai
dans cet essai , que de la construction de la tour
de cette £glise , d’aprfes les documents authentiques
extraits des archives du chapitre (*).
L’eglise de St-Omer Itait presque completement
terminee vers la fin du XV* siecle ; on venait
d’achever les portions du transsept nord attenant
au cloitre , lorsque I’idee vint aux chanoines de
modifier l'ancien clocher situ6 k l’extrdmitS ouest
de la nef. Jusqu’alors , celui-ci se composait d une
tour basse surmontee d’une aiguille en charpente.
Le soubassement £tait accompagn6 de clochetons ,
peut-6tre comme a Chartres et autres endroits (1 ) (**) .
Le clocher de, l’eglise ressemblait done, par sa
forme , a toutes ]es filches adoptees a cette epo-
que (***). On ne s’explique pas bien les motifs
qui ont porte k changer ce clocher en une tour
carree. Peut-etre avait-on 1’intention d&s-lors ,
d’Stablir une nouvelle sonnerie , et l’espace dont
(*) Les comptcs de la fabrique renferment une foule de renseignements
sur la construction de 1’cglisc; ce sont eux principalemcnt qui m’ont fourni
les matdriaux de cet essai.
(**) Les chiflfrcs servent de renvoi aux notes placdes it la fin aprfcs les
pieces justificatives.
("•) II 6tait surmonte d’un coq comme le constatcnt diverses depenses
faites pour dcsccndre, dorer et remontcr ledit coq. Aunee 1463-1464.
on disposait , ne pouvant suffire , pour meltrc le
nombre des cloches qu’on desirait avoir , on pensa
a faire une construction plus spacieuse et plus
solide. Mais les. documents que nous analyserons
plus loin , nous demontrent que les nouvelles clo-
ches ne furent faites qu’en 1474 et 1475, et que
dfes 1471, il etait dejk question de la reedification
de la tour. II n’est done pas probable que l’on
ait pens6 si longtemps d’avance k cela , et nous
sommes oblige de chercher une autre hypothkse ,
de laquelle il r^sulterait que loin de voir dans la
nouvelle construction , une consequence de (’aug-
mentation du nombre de cloches, ce serait au
contraire cette derniere qui aurait 6t6 inspiree par
l’erection de la tour. Nous croyons avoir trouve
cette explication dans la rivalite qui a existe de-
puis l’origine entre la collegiale et l’abbaye de
St-Bertin ou monastere d’en has. Au moment dont
nous nous occupons , Feglise de cette dernikre
etait en pleine construction. La tour restait seule
a elever , et le plan en etait arrete. Tout le monde
connait par l’admirable fragment qui reste de cette
eglise , avec quelle unite son plan fut suivi presque
sans alteration , malgre le long espace de temps
qu’il fallut pour l’executer. Qu’y aurait-il d’eton-
nant que les chanoines , ayant eu connaissance des
projets de ceux de St-Bertin , n’aient pas voulu ,
par esprit de jalousie , rester en arriere , et voir
un monastere dont ils contcstaicnt l’antcriorite , so
— 165 —
signaler aux ycux des Strangers arrivant a &l-Omer,
d’une maniere plus apparente que leur eglise, et
qu’ils se soient efforces .d’imiter la construction
rivale , on substiluant une tour carr&e a leur clocher
primitif- La comparaison qu’on peut faire de ces
deux monuments , suffit au reste pour cbnvaincre
que le second n’est qu’une pale imitation du pre-
mier, et que dans tous les cas, il a ete inspire
par lui.
Quelque soit , au reste , le motif du change-
ment qu'on desirait effectuer , le chapitre ne ne-
gligea rien pour assurer la stability de son oeuvre.
Dans le cours de l’ann^e 1471-1472, un conseil
de maitres magons fut convoque pour donner son
avis sur ce qu’il y avait de micux a faire. Ce
conseil compost de Jehan Sterbecque , Jehan Pin-
chon , Raoul Pesiere , Jehan de Meldre , auxquels
fut adjoint Jehan Hughes, maitre charpentier , re-
digea une instruction assez detaill&e , indiquant la
marche a suivre, et les travaux a effectuer, pour
etre certain de la reussite (*). Les principals mo-
difications a apporter a l’ouvrage existant, consis-
tent , d’apres cet avis , a construire , sur chacune
des faces du soubassement de l’ancien clocher , au
nord , a l’ouest et au midi , une seule arche en
pierre dure reposant sur les gros piliers places
(*) Voir les pieces justificatives a la letlre A, cet avis auquol jc rcnvoic,
pour le rictiil complet, n’en donnaut ici que le resume.
— 166 —
aux angles de la tour. Ces arches qui existent en
effet , quoique non apparentes a l’exterieur , ont
pour resultat de reporter tout le poids superieur
sur les angles, sans charger le pilier interme-
diaire. Cependant le cdte sud paraissait en mau-
vais etat , les maitres masons pensent , qu'il y a
lieu de le consolider en reconstruisant a neuf le
pilier, ainsi que le contre-fort et l’arc-boutant et
cela , pource que le pierre ett fort uiie laid dure
comtne blanee. Moyennant ces reparations conforta-
tives , ils sont d’avis qu’on pourra monter la nou-
velle magonnerie sur les vieux murs de la tour ,
aussi haut qu’on le voudra (*).
Cet avis etait parfaitement etudie , et nous ver-
rons qu’il fut suivi en tous points. Quelques-uns
des travaux indiquls ne furent point, il est vrai,
executes de suite , on ne sait s’il faut l’altribuer
a des vues d’economies faites mal a propos, puisque
plus tard on se trouva oblige d’y revenir. Peut-
etre aussi ces economies etaient-elles imp6rieuse-
ment necessitees , par l’etat d’hostilites regnant entre
la France et la Flandre ; les troupes des deux com-
petiteurs qui ruinaient tour a tour le pays, pri-
vaient souvent les chanoines de la collegiale de
St-Omer d’une forte partie de leur revenu. D’un
(*) L'on verra par la suite que le c6te sud a et6 toujours celul qui a
donn£ le plus d’inqutetude, soil qu’il ait ei£ mal fonde, soit que, se trou-
vant expos4 aux vents dominants, la pierre d’asscz mediocre qualite qui y
etait employee, se soit deterioree plus vite.
167 —
autre co(6 il fallait achever les parties commencees,
de sorte que la construction de la tour ne pouvait
avancer que tres-lentement ; ce qui se presentait
du reste , dans toutes les constructions un peii
importantes.
Les maitres masons conseillaient de renforcerle
pilier d’angle de la tour et le pilier intermediate
du cote du midi. On commen^a ces travaux l'annee
suivante (1473) (2).41 n’est pas possible de savoir
s’ils furent acheves dans le cours de cette ann£e ;
le compte de 1474 manquant. Pour les executer,
on n’avait pas eu besoin de s’inquteter de la flfeche
en charpente , aussi n’est-on pas 6tonn6 de voir
seulement que dans le cours de l’annee 1474, on
s’apprSte 4 demonter l’ancien clocher , pour per-
inettre d’&eVer les nouvelles magonneries. La fin
de l’entreprise que Ton commen$ait 4tait si loin
de pbtivoir fetrb pr6vue , que dans l’avis dont nous
allons parler , il est dit que le nouvel ouvrage
se fera au plaist de Dieu. Cet avis concernant 4
la fois le d6montage de l’ancien clocher , et la
charpente necessaire 4 la reconstruction du nou-
veau , fut redig£ de concert par Jehan de La-
vesne , maitre charpentier du due de Bourgogne,
4 Hesdin ; Guillaume Boidin , maitre charpentier de
StrBertin ; Jehan Cornehotte , maitre charpentier
de la ville de St-Omer ; Jehan Blommart et Guil-
laume Hughes , maitres charpentiers de l’eglise de
— 468 —
St-Omer ; et enfin Jacques Blommart , maitre char-
pentier de l’abbayc de Watten (*).
Suivant les conseils contenus dans l’avis ci-dessus,
le beffroi , de monte piece k pifcce , fut remonte a
terrc , afin de pouvoir y suspendre les cloches , en
attendant que la tour fut pr£te k les recevoir.
Mai3 , l’enclos du chapiire se trouvaut trop petit,
eu egard k l’encombrement produit par 1’approvi-
sionnement des materiaux , n^cessaires a ladite
construction , les chanoines s’&aient adresses au
bailli de St-Omer , pour obtenir de lui l’autorisa-
tion d’etablir le beffroi provisoire , sur la motte
chatelaine , appartenant au due de Bourgogne , ce
qui leur avait eti accord^ moyennant le paiement
de deux ebapons de rente pour tout droit et re-
connaissance. Cependant il parait que le chapitre
ne se pressait pas d’acquitter cette dette, quelque
faible qu’elle fut ; peut-^tre esp4rait-il qu’on ne
viendrait rien leur rlclamer. Mats il n’en fut pas
ainsi , car le 26 avril 4476, le lieutenant du
bailli leur fait signifier on exploit , k l'effet de
faire cesser immediatement les travaux jusqu’k ce
que le paiement du droit convenu ait 6te assure,
et le terrain occupe , d£limit6 (**). Cette signi-
(*) Voir piece B.
(’*) Voir piece C.
Cette piece scmblcrait prouver que la construction de la nouTelle tour
dlait ndeessit^e parce qu’on n’aurait pu asscoir sur Pancien beffroi tout uu
accord dc cloches que le chapitre avait fait faire. Ge motif pouvait alors
— 169 —
fication eut son effet immediat ; le compte do
1'annee 1 475-1 476 renferme la mention suivante :
« A Rolant Godreboeur, lieutenant du bour-
» grave , pour l’ottroy de ia place ou est assis
« ledit beffroy , lequelle place est prise a rente
» & Messr* les officiers du prince pour le pris de
» deux cappons au terme de Noel , chacun an
» vaillichans 1111* par lead. deux cappons ensemble
» tant qu’il plaira au prince , fut donnd audit
» Rollant XX11I1* »
11 resulte de cette mention qu’il n’y avait pas
de terme fixe pour la fin de la redevance, aussi
voit-on le chapitre la payer longtemps apres 1’en-
levement du beffroi et I’erection de la tour (*).
Pour achever de remplir les engagements qu’ils
avaient pris , les chanoines firent planter une haie
pour delimiter l’emplacement occupy par eux (4).
Les cloches £tant descendues , le chapitre Youlut
Mre lc v6ritabie, puisque qu&tre cloches avaient 6t6 fondues dans Tannde
1475 (3), et que la plus grosse avait dtd donnde l’annde prfo^dente par
M* Baughois le Beghin. Mais cela ne detruit pas la supposition d'imita-
tion pr6m6ditee de la tour de St- Berlin; que j’ai assignee dans le commen-
cement pour veritable cause de l’drection des nouvelles constructions.
(*) Le paiement de cette redevance est indiqud ainsi dans les comptes
subsequent :
« Au rechepveur de Sainct-Aumer pour deux eappons doubz chacun an
a h Monsr l’archiduc de Bourgongne pour ad cause du lieu du beflroy ou
» pendent les grosses eloeques , au terme de Noel chacun capon IIs va-
» lent 1111* »
L’on gtablit ensuite sur cet emplacement; pour l’utiliser, une maison-
nette; pour le valet de la fabrique.
22
— no —
de nouveau s’assurer de l’etat des magonneries. A
cet effet , dans le cours de l’annee 4 477-1 478 ,
une visile fut ordonn6e , el elle fut faite par les
maitres magons et charpentiers de St-Omer, St-
Bertin , Wallen et Clairmarais (5). Nous n’en con-
naissons pas le resultat , rien n’ayant ete retrouve
dans les archives. Neanmoins il est perniis de
penser , que s’il avail eu quelque importance , on
l’eut signals au moins sommairement dans les
comptes de la fabrique.
A partir de ce moment , la construction de la
nouvelle tour parait etre res 16 en suspens jusques
vers l’annee 1493-1494 (6). Diverses causes em-
pecherent probablement de donner une suite imme-
diate a cette entreprise. Ind6pendamment des tra-
vaux commences qu’on voulait achever , et d’autres
depenses urgentes et inattendues , le principal motif
de ce retard 6tait l’etat permanent de guerre ou
se trouvait alors le pays. La ville subit plusieurs
sieges ; prise par les Frangais , reprise par les
Bourguignons , Ton congoit que cet etat de cboses
devait mettre en souffrance toutes les ressources
dont disposait le chapitre. Ces ressources 6taient
devenues tellement minimes , que Ton ne pouvait
trouver moyen d’achever le petit clocher place au
centre de la croisee de la nef et des transsepts ,
lequel se faisait avec une partie des vieux bois
provenant de la demolition du grand clocher. Dans
ces conjonctures , on fut heureux de trouver un
— 171 —
chanoine , mailre Wallerao Peppin , qui donna
coinplant k la fabrique , la somme de trois cents
livres , monnaie de Flandre , pour Otre employee a
poursuivre le travail commence , a la seule con-
dition que le chapitre acquitterait quelques fon-
dations pieuses , enoncees dans 1’acte de dona-
tion (7). 11 etait bien entendu que lorsque la
fabrique pourrait restituer cetle somme , elle devait
l’employer en acquisition de rentes pour servir a
l’exccution complete du veeu du donateur , ce qui
fut fait en l’annee 1490.
Ce n’est done qu’a partir de l’annee 1 493 qu’on
voit reprendre les travaux d’achevement de I’eglise
avec quelque activity. 11 est bien question dans
les comptes de cette annee , de la construction
d’arcs-boutants du cote nord , mais rien n’indique
si cela regarde la tour , ou simplement le trans-
sept nord , non encore complement acheve. Mais
ce qui a rapport incontestablement au sujet qui
nous occupe , e’est l’achat des gros sommiers des-
tines a recevoir les planchers des divers etages de
la lour. Un devis detaille du bois necessaire a ces
ouvrages avait ete dr esse (*) , et conformement a
ces provisions un marche fut passe avec Jehan
Maillard et Colard Brunei , marebands de bois k
Mons , pour la fourniture de dix-huit sommiers de
chOne (8) , qui ne fut achevee completement que
(*) Voir piece D.
— 172
vers Fannie 1 499, c’est-a-dire au moment de leur
emploi.
II y avail pou riant un travail preliminaire , in-
dispensable & faire avant d’exhauSser la vieille ma-
gonnerie , c’etait de la consolider de manifere k la
rendre capable de supporter le poids de la nou-
velle. Le premier avis donne par les maitres ma-
sons , dont j’ai parle en commen^ant en indiquait
une partie. Mais cela ne suffisait pas au chapitre •
qui parait avoir eu pour principe qu’il fallait de-
mander conseil a plusieurs architectes renommes ,
afin de controler les divers avis Fun par l’autre.
A cet effet il fit venir d’abord les maitres masons
de Doullens , Aire et Tournehem ; puis un nomme
Pierre Tarisel , maitre ma^on de l’eglise d’ Amiens;
et enfin Gerard Ledrut , maitre ma^on k Lille.
Cette reunion d'hommes du metier , fait voir assez
Fimportancc que l’on mettait k avoir des rensei-
gnements precis sur ce qu’il y avait de mieu* k
faire. 11 est probable que chacun des maitres ainsi
convoques avait une connaissance suffisante de son
art , pour Itre a meme de donner un avis par-
faitement etudie ; mais il paraitrait que Me Gerard
Ledrut Femportait sur les autres en talents ; car
non contents de lui rlclamer le sien par ecrit ,
les chanoines le font venir pour de plus amples
renseignements , et se decident a executer ce qu’il
recommande (*) (9). S’appuyant sur ce que la
(*} Voir pioct' E.
— 173 —
base du clocher , sur laquelle on devait monter la
nouvelle lour , n’avait pas 6te constrliite en force
suffisante pour cela , il fait observer que les mon-
tees a vis , qui foment conlre-fort a l’exterieur ,
ne peuvent etre exhaussees dans leur etat actuel ;
qu’il faudrait en augmenter l'epaisseur des murs;
et comme on ne pouvait les demolir en entier
pour les reconslruire a neuf , sans danger pour
l’ouvrage existant , il propose de les reprendre en
sous-oeuvre , par parties , en augmentant l’epaisseur
de trois pieds , de manure a former en avant un
pilier carre sur lequel regneraient les memes mou-
lures que sur l’ouvrage primitif (*). Il prescrit
aussi de faire dans l’interieur desdites mouses a
. vis , des portions d’arches , s’appuyant d’un c6t6
sur le noyau , et de l'autre sur les murs de la
tourelle. Ces arches dirigees suivant l’alignement
des piliers de l’eglise , existent et sont surmontees
de magonnerie jusqu'a la rencontre des marches :
elles sont destinees a augmenter la resistance & la
poussee , tout en laissant libre l’espace necessaire
pour arriver au sommet de l’edifice. Revenant en-
suite a 1‘idee des premiers maitres masons consultes
en 1471, M® Gerard recommande de faire sur
chacun des trois cotes de la tour , une arche a
pointe , reposant sur les gros piliers , afin que le
(*) Le portail ayant 6te fait po8t4rieurement, et les piliers au devant des
tourelles encore rallong^s de nouveau , il n’est pas possible de savoir si le
travail prescrit par M® Gerard Lcdrut a etc execute, e’est cepcndaut pro-
bable.
— 174 —
poids de la maeonnerie superieure fut reportee
sur ceux-ci.
La concordance de cet avis avec le premier que
le chapitre avail demands, etait de nature k lui
inspirer toute confiance dans le rksultat auquel
devaient conduire les travaux 4 entreprendre. Aussi
voit-on des cette annee (1 493-1 494) reprendre les
months 4 vis en sous-ceuvre et fonder les piliers
qui devaient leur etre accolks. L'approvisionne-
ment de pierres dures pour les grandes arches fut
commence, et bien qu'on ne trouve dans les an-
nkes suivantes aucune mention particulifere k ce
sujet il est hors de doute que tout ce travail de
consolidation fut termini pour 1’aunee 1498 (*) (10).
Alors les chanoines se mettent en mesure d’ex-
hausser la tour , pour laquelle ils avaient jusques
ici approvisionnk des pierres et des matkriaux de
toute espece , depuis plusieurs annees. Mais au-
paravant ils voulurent s’assurer encore si le sou-
bassement , apres les travaux qu’on y avait exe-
cutes , etait capable de soutenir , sans danger , le
poids superieur. Ils s’adresserent k cet effet k
Jehan , maitre magon d’Hesdin , et k un nomine
Colart de Haudrechies, qui donnkrent chacun se-
(*) Les grandes arches dont il est question dans 1’aris de M° Gdrard
Lcdrut, ne sont apparentes qu'i l’interieur de la tour, au-dessos de la
voute de la nef. Je fais abstraction d’une arche tr&s-surt :e, qui se wit
k l'exterieur sur le cdtd sud, k pen pr&s au-dessous des galeries : ellc pro-
vient d'une reparation dont jc n’ai pu trouver la trace. Les premieres sont
au contraire a pointe ct Torment ce qu'on est convenu d’appelcr arc ogival.
— 475 —
parement leur avis par 6crit (41). Bien que nous
n’ayons pu retrouver ces avis dans les archives ,
il est probable qu’ils etaieut de nature k dissiper
les inquietudes qu’on pouvait avoir , puisque I’annee
suivante ( 4 495-4 499) la premiere pierre du nouvel
ouvrage fut posee en grande ceremonie par les
abbes de St-Bertin et de Glairmarais. Les magons
regurent k cette occasion un demi-ecu d’or de gra-
tification (12). Alors seulement on fit les engins
pour monter les materiaux. La grue dont on se
servit , etait muc par le poids des hommes agissant
sur une grande roue , dite roue k chevilles. Les
details fournis par les comptes ne laissent aucun
doute k ce.sujet. Cette machine fut souvent em-
ployee an moyen-kge k cause de la facility aveo
laquelle on la mettait en mouvement ; on la voit
representee sur des gravures etdes miniatures de
1’epoque.
La precaution prise par le chapitre de ne laisser
commencer les nouveaux ouvrages que lorsque les
approvisionnements seraient complets , devait pro-
duire un trks bon resultat sous le rapport de la
rapidite de l’execution , mais . aux depens de la
solidite du travail , ainsi que nous le verrons plus
loin. Apres avoir use de tous les moyens possibles
pour se procurer les sommes necessaires , par voie
d’emprunt tant aux diverses bourses du chapitre
qu’aux particuliers (*) , on se mit activement a
(*) On fit des emprunts a'tix bourses dn chapitre (bourse commune, des
— 176 —
I ’oeuvre , et le travail fut termine cette memo
annee ou au plus tard dans le commencement de
l’autre , du rooms en ce qui regarde la cage en
ma$onnerie. Quoiqu’il en soit , la tour porte la
date de 1499 repetee sur trois cdles , accompa-
gnee des armoiries du chapitre. Le compte de cette
annee , special k cet ouvrage , mentionne cette cir-
coustance en ces termes :
• A Jehan Berken paintre pour avoir paint sur
• trois pierres les armes de Mons T Sainct Aumer .
• et sur trois autres pierres escript Van et datte de
• Vouvraige de la tour par mar chid fait, etc. I* (*).
Cette rapidity d’ex£cution n'est peut-etre pas aussi
gtonnante qu’on pourrait le croire ; car la quantite
de maconnerie k faire n’etait pas 6norme , puisqu’on
n’avait k elever que la parlie de la tour corres-
pondant k la chambre des cloches , et k celle au-
dessous ; l’ancienne construction devant s’elever au
moins jusqu’au faite de la nef. II faut encore
ajouter qu’a la chambre des cloches devaient se
trouver huit grandes fenetres , dont on ne fit les
meneaux que les annees suivantes.
L’on con<joit du reste quelle hate devaient avoir
anniversaires et des foranites), an ebapitre de Thdrouanne eCk des parti-
culars. Ccs emprunts devaient 6tre amortis par dea rentes. On y ajouta
les sommes proven ant de dons divers, et on parvint k r^nnirj nne soznme
de 11“ XLW XVI* IX*.
(*) II est probable que dans ce prix se trouve compris celui do la gra-
▼ure de la pierre; aucune autre mention n'y a rapport.
les chanoines , de pouvoir replacer dans Jeur nou-
velle tour les cloches qui etaient rest£es jusqu’alors
dans leur emplacement provisoire. On doit toutefois
leur rend re cette justice , qu’ils ne negligent rien
de ce qu’ils crurent possible pour assurer la duree
de leur oeuvre , et il est probable que les degra-
dations qui survinrent presque aussitdt aprfcs la
construction , provinrent de ce que Ton n’avait pas
suffisamment consolide la. vieille ma^onnerie, et
aussi peut-etre de quelques fraudes dans l’ex4cu-
tion, chose qu’il a ete de tout temps trfes-difti-
ciTte d’empecher. II est curieux de suivre sur le
compte de cette an nee le detail des travaux fails ;
nous en donnons dans les notes les extraits qui
nous ont para les plus curieux (13).
Suivant le desir du chapitre , tout fut pret pour
la fin de l’annee 1 499 , et Ton put demonter le
beffroi provisoire , pour le remonter dans son em-
placement definitif et y suspendre les cloches (1 4),
Cependant prealableraent k cette grave operation ,
les chanoines voulurent s’assurer de nouveau si
l’ouvrage etait bien fait. 11s firent , en consequence,
venir de Lille , maitre Gerard Led rat , qui leur
avait donne de si bons conseils pour la consoli-
dation de l’ancienne tour , et convoqukrent en rndme
temps deux maitres masons de Montreuil. Cette
visile eut lieu le 5 aoftt. Une autre visite cut en-
core lieu posterieurement le 4er octobre de la
rnkme annee , par deux maitres magons de Mon-
23
— 178 —
treuil et de St-Josse , accompagnes de ceux de
St-Bcrtin et de la ville de St~Omer (15). 11 m'a
kte impossible de connaitre le resultat de celte
reunion d’hommes experimentes dans l’art des cons-
tructions, et si ce fut par leur avis, ou malgre
leur conseil , que les cloches furent mises en place.
Au reste on esperait sans doute que les travaux
de consolidation effectues au soubassement primitif
sufficient pour mettre k l’abri de toute crainte sur
la soliditk de 1'ouvrage.
A parlir de cette annee , la tour etait done
terminee, car il ne restait plus qu’a effectuer les
remplissages des fenetres , a couvrir definitivement
la partie superieure , et peut-ktre k achever le
couronnement des monies k vis. Mais k peine
acheve , on s’apergut que 1’ouvrage menagait mine
sur plusieurs points surtout dans la vieille ma$on-
nerie. Tel fut du moins l’avis de Jehan le prevost,
ma$on , demeurant k Amiens , Jeban Duquesnoy ,
de Cassel , et Pierre Brisset , de St-Josse-sui^Mer.
Une visile faite par eux , aux fetes de Pentecote
1501 , constate que les degradations existaient
toutes dans le soubassement. 11s conseillent pour
y remddier , de refaire k neuf touto la partie de
l’ancienne tour qui etait restee. Dans ce systeme
on aurait substituk deux verrikres accolees a l’ex-
tremitk de la nef, au lieu de la rosace qui g’y
trouvait.
D’apres ces dispositions , tout ce qui ktait ancien
— m
disparaissait pour faire place a de nouvelles cons-
tructions ; mais cela exigeait qu’on descendit de
nouveau les cloches, qu’on enlevat les orgues , et
que Ton fit d’autres travaux; en un mot, 1’on
remettait les choses au point ou elles etaient ,
lorsqu’on comments la nouvelle tour.
II est probable que celte perspective, qui eloi-
gnait encore l’epoque oil ils pourraient jouir du
fruit de leurs depenses, effraya les chanoines, et
qu’ils ne donnkrent aucune suite a l’avis precedent
Du moins, rien ne fait prosumer , dans les comptes
de la fabrique , qu’on ait execute des travaux dans
ce but. Pendant quelques annees , lesdits comptes
ne mentionnent que quelques ouvrages accessoires
pour l’achkvement du nouveau travail , tels que la
pose des meneaux aux fenfires de la tour , et des
ameliorations apportees aux autres parties de l’eglise,
dont nous n’avons pas ici k nous occuper. Mais il
parait qu’en I’ann6e 1505-4506, les inquietudes
que causaient les degradations toujours croissantes
furent assez fortes pour que le chapitre fit venir ,
k deux reprises differentes , M* Jacques Derond ,
maitre ma$on de Dieppe, qui leur conseilla de
remplir les deux montkes de ladite tour du cote
de la maison du doyen, travail qui fut execute (16).
11 est assez difficile d’accorder ce fait avec ce
qui existe : l’une des deux montees seulement ,
celle du cdte sud est remplie a peu pres jusqu’au
niveau de la voute de la grande nef. L’autrc est
— 180 —
completement libre. Peut-etre le reraplissage de
celle-ci ne fut-ii que provisoire , et fail sans mor-
tier , pour augmenter l'epaisseur da pilier contre-
butant !’ effort de la poussee lateral e , en atten-
dant que Ton eut oper6 les consolidations defini-
tives ; et qu’ensuite on enleva cette espece de ma-
connerie a pierres sfeches. 11 est impossible de dc-
viner la verity & cet 6gard. Je cite simplement le
fait que j’ai rencontre.
Independamment du travail precedent , il s’en
faisait un autre qui certainement dtait definitif ;
on construisait un pilier ou contre-fort du cote
de la maison du doyen , ainsi que le constate la
mention suivante :
» Mises pour avoir parmonU le pilier envert la
» maison de Mons* le doyen pour fortification de
» la grande tour de Viglise. »
La construction de ce pilier & neuf avait ete
prevue dans l’avis des premiers maitres masons
en 1471. On commen^ait a s’apercevoir qu’on avait
eu tort de ne pas executer ce qu’ils avaient re-
commande , ce qui aurait peut-^tre prevenu les de-
gradations auxquelles il fallait maintenant porter
remede. Cependant comme ce n’etait point la une
raison pour laisser degrader les nouveaux ouvrages
on acheva les fenetres commences precedemment
ainsi que le plancher de dessous les cloches (17).
L’annee suivante (1506-1507) vit s’ouvrir la
— 181 —
serie des consolidations qui devaieut permettre
I’aehevement de la tour. Daos l’espace de trois
annees consecuuves , le cliapilre fit repreudre en
sous oeuvre les piliers iptermediaires de la tour
pour les construire en gr£s, ainsi que les demi-
piliers places coutre Jei murs de reglise , et les
ares doubleaux reposant sur leurs cbapiteaux, In*
dependamment de ces travaux , il fit reroplir
complement 1’arc-boutant correspondant au pilier
intermediate du cote sud. Ces restaurations etaient
tres-delicates et offraient beaucoup de difficultes.
II est vrai que les grandes arches pratiquees dans
les nouveaux ouvrages reportaient le poids de la
partie superieure sur les piliers des angles. Mais
comme ces arches etaient etablies au-dessus du
niveau des verrieres regnant dans le haut de la
nef, on avait encore toute la partie inferieure
correspondant auxdites verrieres et aux galeries
au-dessous , qui venait presser sur le pilier qu’on
voulait rgparer , et sur les arcades qui le reliaient
k ceux des angles. C’etait ce dernier poids . qu’il
s’agissait de soutenir pendant la reprise en sous
oeuvre. A cet effet on remplit l’ouverture des
deux dernieres arcades , de grosse magonnerie
montant du sol au-dessous des arches. On formait
ainsi un soutien artificiel de la majeure partie du
poids superieur , et Ton n’avait plus qu’a placer
des etais solidement etablis , pour contrebuter la
portion correspondant a 1’intervalle entre ces deux
murs auxiliaires , oil se trouvait le pilier a re-
• le prouffit de lad. eglise que les ordures fussent
> emmy dans les champs , vous en ferez votre
» devoir de les faire oster , si vous voulez le bien
• et le prouffit de lad. eglise ; je vous en diz ce
» ce qu’il m’en semble , et que j’en ay ouy les
» opinions des maistres du meatier en l’art de
> machonnerie. •
Les degradations les phis importantes cxistaient
aux pitiers des angles interieurs de la tout* , soil
que la ma^onnerie se fut trouvee ebranlee par fa
reconstruction & neuf des piliers intermediaires ,
soit que n’ayaqt pas ete augment's en epaisseur ,
ils aient ete trop faibles pour supporter le poids
suppleroentaire de ma$onnerie ajoutee an-dessus de
1’ancienne. II parait que ces piliers faisaient l£ge-
rement le ventre a l'interieur , ce qui. prouvait
que les reins eta ent trop charges. Pierre Le Melel
propose pour y remedier , de construire une nou-
velle arche en pierres dures , partant du larmier
qui regne immediatement au-dessous. des galeries ,
e n ayant soin de faire un arc suffisamment surbaisse
pour augmenter la poussee , et par suite le con-
trebutement des piliers. Le dessus de cette arche
devait etre rempli h claire voye , afin de ne . pas
oter la lumiere venant de la verriere a rextremite
de la neif. II aurait bien propose de mettre des
entraves de bois , mais il dit avec raison que ce
n’est point ici le cas. Un autre moyen est aussi
presente par lui , ce serait d’ancrer la tour au
— <86 —
tnoyen d’un tirant passant & travers les gros piliers
au-dessus des basses voutes ; n&nmoins il prSfbre
le premier mode de consolidation (*). Cependant
II paralt qu’on se d£cida k suivrS le dernier moyen ,
d’autant plus qu’une autre visite ayant 6t6 faite
cette m&me annde par Jean Yah der Poele , celui-
ci conseilla prtcisement cette ta&me operation. II
est pourtant probable que le travail n’4tait pas
aussi urgent qu’on le diaait , puisqu’il se passa
encore quelques annkes avant qu’on le fit, ainsi
que nous le verrons plus loin.
Les seuls ouvrages qui furent jug£s indispensables
qu’on ne pouvait retarder, et qui se trouvfcrent
ex6cut6s dans le cours de cette annde, sont : le
remplissage de la moitid des verrikres des c6tes
nord et sud , et des allies au-dessous de ces fe-
n&tres (**); k I’ext^rieur on boucha la communication
existant k travers les eontreforts , et qui permettait
de faire le tour des verriferes (19). II est possible
que les divers menus travaux portes dans le procfes-
verbal de Pierre Le M61el , ont 6t6 executes en
mkme temps ; je n’ai pu m’en assurer et je n’ai
indiqu6 ci-dessus que ceux apparents pour tous
aujourdMiui. Ail reste fi est encore beaucoup de
reparations dont parle ce procfes-verbal et auxquelles
(*) Voir pifcce F.
(*•) Ce travail n'est pas indiqud dans 1c proc^s-verbal de visite prdcitd j
il 4tait probablement la consequence da la'reprise en tous oeuvre des piftfem
intennddiaires.
*4
jl parait qu’on ne jugea pas a yropos de donner
suite. Quelques<-unes soot indiquees dans l’extrait
que nous donoons; j’ai cru convenable d’en agir
ainsi , pour donner une id6e de l’etatde la tour
a cette epoque.
II resultait de ces diverses visites , que le pa-
rement ouest de la tour depuis le sol jusqu’au
dessous de )a grande voute , £lait en fort mauvais
6lat; la grande verrifere rompue en divers points ,
et d'autres degradations non moins importantes s'y
faisant remarquer. D’un autre cdte les chanoines
voulaient cojppl&er le travail commence d’une
maniere convenable. L'lgKse de Tabbaye de St-
Bertin , leur rivals en tout , qui achevait de se
const rui re , les excitait encore k poursuivre leur
entreprise. Bien souvent, les maitres masons qui
avaient vjsite les travaux leur avaient dit, qu’ils
devaient mettle a l’extrpn ie de leur eglise , on
beau portai) ; mats aucun ne s’etait prononce sur
le mo(lele qu’il 6tait bon de suivre. 11 est vrai
de dire qup la chose qe leur etait pan demandee.
JSnfin on se df^eidn a s’adresser k Jean Van der
Poele , maitre ma$on a Bruges, afin d’avoir un
devis pour l’edification du nouveau portail. Pour
raider dene ce travail , on lui envoya le dessin de
1’etat des lieux (*). Le devis Ires details qu’il
. (") Un patron pour le portail exi&te dans les archives du chapitre, maia
il m'est impossible dire s’il represente r4eUemeut I’etat des Ueux ei si
c’est celui qu’on a envoye a larcliitecte.
— 48 1 —
adrfessa , rOunit ^approbation da cbftpitre et Vow
dtjcida qu’on lui confierait la construction. Utf
marche fat passe par devanrt les mayenr et eche-i
vins de St-Omer , par lequel fe cAapitrfe s’en'gagea!
a payer audit architecte la1 sonamte totalg <te deux
cent livres de gros valant dettze Cenfts' liVres mon-
naie courante en Artois (*). Dans' le travail qu’on
allait entreprendriey lWaitre Jean VaiidOr Poele avait
fait preuve de tact df d’originalitd ; ayant a cons-
truire un portail a une tour 6tablie sur le module
de celle de St-Bertin , il a su eviter l’imitation
servile , tout en conservanf avec celle-ci un air
de ressemblance qui devait satisfaire mSrtie les
chanoines les plus jaloux de ta dupdrioritO pre-
tendue de leur * egttse sur 1’abbaye. L’aspecl des
deux oovrages suffil pour convaidere de Ce fait.
D’aprOs la convention dont il vient d’etre ques-
tion , le portail devait etre achevd et livre dans le
delai d’un an , se terminant a la $t-Michel 1542.
Il est probable que divers empechements' retarderent
cette epoque ; il est possible aussi que devant des
obstacles materials , imprevus , et’ en presence de
la bonne volonte de I’entrepreneiir ,• on fut plus
tolerant sur les retards apport&s , ce qui arrive
encore ; frequemment de nos1 jours. Ces obstacles
r (*) Voir aux pifeees jostUkatives G et H Ids devfe et le marcK4 dont ilest
parle* Les* tfavaux furent exeeut£s? a peu de chose pres , conformemeut
au devis qui , lu avec attention , donne une idee exacte du portail , et
indique ce qui manque pour le computer.
— 488 —
etaient de plus d’une oatiht et pouvaient provenir
de l’approvisionnement dee materia ax. On itiit con-
venu en effet d’employer pour l’ext£rieur de la
pierre dure de Brabant , b provenir dec earriires
de Dielghem , Affelgbem et Dielbesse , qu’on devait
transporter en bateau jnsqu’aa Haut-Pont , d’oii
le chapitre les faisait transporter jusqu a l’eglise.
Ce dernier s’btait en eutre cbargi de fonrnir lea
moelions , le sable et d’6tanconner 1’ouvrage. Ce
melange de travaux ex£cut£s par des individus dif-
ferent s , pour le mfeme ouvrage , devait necessai-
rement fetre une cause d’entraves : on sait en effet
que c’est lb un faux system e dent on s’est toujours
trfes-mal trouvb , sinbn en ce qui regarde la soli-
dite des ouvrages , dn moins en ce qui concerne
la promptitude de l’ex&cution et la responsabilite,.
Cependant , je dois dire qu’il ne parait pas que
dans ce cas , il y ait eu d’autre inconvenient qu’uu
peu de retard ; au reste , 1’examen des comptes
de la fabrique , que nous allons reprendre , nous
montrera ce qui a et£ fait successivement.
La premiere annee (4 54 4 ) fut consacree aux de-
marches necessaires pour la eonclusion du marche
avec le maitre macon (£0), mais il ne parait pas
que l’on ait commence b approvisionner les pierres;
peut-etre s’occupa-t-on de les extraire, car on voit
que Jean Vander Poele revolt deux cents livres ,
qui ne Ini auraient probablement pas et6 dtfivrees,
s’il n’avait pas reellcment fait quelque chose.
— <89 —
La second? annee (ISIS) , on ne-fit gueresque
des apprOvisionnemenis de mat&riaux et do boia
pour 6tau$onner la tour (81). Mais ee fut Fannie
suivante quo I’on mit riellement et activement la
main a l’oeuvre (22). Lea comptesde la fabrique
nous montrent qu’on donna aux ouvriers quatre
lots de vin , lorsqu’on comments les fondations ,
it autant lorsque les ma?onneries sortirent hors de
terre. Le retard apporte & l’epoque fixee dans la
convention pass£e devant les mayeur et 4chevins
de St-Omer , fut profitable a l’ouvrage , puisque
tous les materiaux etant approvisionnes , du rooins
en grande partie, la construction du portail marcha
rapidemcnt et fut achevee en entier dans le cours
de l’annee 4 54 4 (*). Le travail fut re<;u aprfes
examen de trois maitres masons , savoir : Ansel
Dedricq , maitre ma<jon de la ville de St-Omer ;
Antoine Leroy , maitre ma$on de St-Bertin , et
maitre Jean Gosset (23). L’ouvrage commence par
M® Jean Yander Poele , fut termine par son ills ,
(’) Les statues qui devaient flgurcr au portail n'y furcnt placces quc
beaucoup postlrteurement dans le cours de I'ami&o 1584-1585 , ,ainsi que
le constatent les deux mentious ci-jointes ;
A Obert le Baccrc, pour XXI piet de pierre de Avcnes qu’il a livre pour
faire les trois ymagcs au pillcr du grand portail IX1 X*
A George, tatllcur, pour avoir taillid trois ymages , ossavoir : Nostre-
Dame , Sainct-Oxner et Saioct-Herquembaude et assis au piller du grand
portail x . XY1 X*
Dc ccs trois statues, deux n’existcnt plus , ct celle qui sc trouvo sur le
tncneaii central, qiioiquc mutilco et privec de sa tete, n’est certcs pas cclle
dc la Vicrge.
— 490 —
Josse Vender Poele , man ce ne fut pas satis con-
testation de la part de ee dernier; au snjet des
pierrts appartenant k Pdglise qu’on l’afait fired de
rep rend re, Le differend flit vidd par M* Ansel
Dedricq , et M* Jean Gosset , qui re$urent chacun
IIP pduT leu re peines (*).
Par la construction du portail a l’extremite de
la nef , la tour se trouvait terminee k peu de chose
pres ; restaient k achever les consolidations qu’on
avait negligees pour s’occuper des travaux neufs,
II est probable que la chose fut jugee plus ur-
gente depuis qu’on ayait rapporte aux chanoines
que la tour to fendoit fort du c6U zut , a la suite
duquel avertissement une visite avait eld ordonnee
d’etre faite par Bl* Ansel Dedricq , . accompagne de
M* Jean Hermel' et Jean de le Venne , maitres
macon et charpentier de l’eglise. Je n’ai pas
trouve I’avis qui en results ; mais il est assez vrai-
serablable que ce fut alors qu’on se decida a ancrer
les deux gros piliers interieurs , ainsi que les arc-
boutants qui y correspondaient , moyen que pous
avons vu plus haut avoir ete conseiUe par Me Jean
Vander Poele. On se mit en consequence a 1’oeuvre
(*) La grande verriere ui-dessus du portail ne fut achcvcc que Tonnce
suivantc, ainsi qnc le constate lit mention* des ferrures pour Cette verriere.
fl est probable qti’elle fli{ vitrde pen’ apres , car elle porte nu centre les
armoirics de Francois de Mtfun ,* alors prdvftt dc 1’eglise > et qui* eessa de
TOtreen 1521.
Meiitiotiiioris ici , en passant, que celte verriere flit rmnpue par les
grands vents, I'annec 1513 et que Toil fut oblige d’v reraetlrc une. pierre.
— 191 —
pendant l’anp^e 1315 a percer ies piiiejrs et les
arcs-boutants , mais 1’ancre qui avail 6te faite par
un serrurier de Bruges > ne fut posee que l’annde
suivante (*). Elle pesait 5142 livres et devait £tre
payee a raison de dix-huit deniers la livre ; soil
une somme. tetale de U)c 1111“ V1 XIII* monnaie
courante. Elle portait aux deux extr^mites une
t&te de dragon en plomb et une boule au milieu
le tout dor6. On paya pour droit de tonlieu a
Bruges une somme de V1 XYIII*. L’ancre fut ap-
port4e par bateau 4 St-Omer , moyennant le prix
de IIII1 XIIII* IIIId y compris un pot de vin de
VI*. Le serrurier vint la poser lui-m£me avec un
de ses ouvriers. Une visile fut faite pour la recep-
tion de l’ouvrage par deux maitres serruriers de
la ville , Jean Tonnoille et Jean Orloge (24).
II ne restait plus que tres-peu de chose a faire,
pour achever d^finitiveraent l’ouvrage commence.
Le sommet de la tour et les tourelles de couron-
neipeot n'avaient point encore de plancher defi-
ning ; le tou{ etait couvert provisoirement d’estrain.
Qn s’occupa en consequence de faire ces ouvrages
dans le cours des deux annees 1 529 et 1521. On
termina en meme temps les grandes fenStres,
(*) Pendant l’opdration du perccment, iL parai trait que Ton aurait conga
de nouvclle? craintps, car deux visiles furent faites du froa pilicr cdtd sud;
la premiere le 17 dtaerobre 1515 par M* Ansel Dedricq et Jean Vander
Poole; ct la sccondo le 28 du m£mc mois, par Jean Rebus, magon, et Jean
de le Yonae.
— 1 92 —
probablement cel les donnant jour dans la chambre
des cloches. Nous renvoyons aux notes pour le
detail des divers travaux qui furcnt executes a
cette occasion et dont les plus importants furent
certainement I’achfevement de 1’ancrage de la tour,
decide peut-klre a la suite de la visite qu’en fit
en 1819 Jean Gousset, mattre ma^on (25).
Je n’ai pas l’intention de pousser plus loin 1’exa-
men des travaux faits h la tour de notre ex-ca-
thedrale. Sans doute il y a 6t6 fait ulterieurement
bien des modifications , mais dies n’ont jamais
alters l’aspect de 1’ouvrage qui se trouvait com-
plfetement achev6 en 1521. kNous avons parcouru
toutes les phases de la construction depuis le mo-
ment oil les chanoines songferent h modifier le clo-
cher existant primitivement h l’extr^mite de leur
6glise. Nous avons vu que les Economies mal en-
tendues , qu’on voulut faire dans Torigine , fail-
lirent compromettre gravement la solidite de 1’oeuvre.
Nous avons assist^ k toutes les visites qui ont ete
faites par les archilectes en renom k cette epoque,
daus le pays, et 6coute avec intdrkt les conseils
qu’ils donnaient pour la consolidation , conseils
auxquels on fut oblige de revenir aprfes avoir re-
fuse dans le commencement de les suivre. Nous
avons enfin remarque les moyens employes par les
architcctes et maitres-es-ceuvres , pour opercr cette
consolidation, et les reprises en sous oeuvre ne~
cessaires. Au moment ou Ton s’occupe plus que
jamais de la reparation de nos anciens monuments ,
j'ai pense qu’il pouvait n’fetre pas denu6 d’interet
de mettre sous les yeux du public , l’histoire d'une
construction du moyen-age encore existante denos
jours. C’est le meme motif qui m’a porte a accom-
pagner cette notice de nombreux extraits des comptes
de la fabrique qui m’ont servi dans mon travail.
Tout mon desir est d’avoir, en publiant ces notes,
et£ de quel que Utilite aux architectes de nos jours
charges des restaurations d’anciens edifices, et pour
vous. Messieurs, d’avoir attird votre attention sur
les divers comptes provenant des archives du chapitre,
qui peuvent fournir de si int6ressants renseigne-
ments sur I’histoird de l’4glise. Puisse-je avoir
reussi l
PIECES JUSTIFICATIVE^
PiicE A.
Cy apres s’ensieut l’advis de Jehan Sterbccque , Jeban
Pinchon , Raoul Pesiere , Jehan de Meldre , maistres
machons et Jehan Hughes maistre carpentier sur le fail
de le perfection de le tour de l’6glise de Saint Aumer
ou les cloques sont pour le present.
Et preincrement au les devers midy contre le maison
Mons' le doyen de capitle , faut refonder tout de nouvel
et ralongier le col du piller qui respont & l’encontre
de ledite tour de II1I pCs ou environ de col et de
largheur qqe ledit pijler est de present, et le monter
d’autel haulteur que pour recepvoir son arboutant et
araortir ainsi comme il appartient.
Item au grant pingnon qui est devers maistre Anthonie
de Wissoc, il convient sans rompre l’O et le'.fourmoirie
qui est pour le present avec l’arque, et le gambes de
ledite fourme, faire une nouvelle arche de dure pierre
deseure ledit 0 Et sya ledite pierre dure taillid quarre
Item audit 16s devers midi fault faire une arche de
dur semblable k celle de deseure l’O, sans restouper
les III huisseries des pillers par ou se font les allies
pour aller contre les verrieres , et demouront comme elles
sont de present et les Iyer ensamble bien et souffi-
samment. Et sy convient renforchier le piller qui est en
la moyenne de le tour et y faire un archboutbant contre
ledite tour pour ce que le pierre est fort usee tant
dure comme blance
Item l’autre costd vers mer,' fault faire tout pareil-
lement comine cellui devers mydi sauf qu’il n’y fault
point refonder ne ralongier nul piller, mais il convien t
faire une arcbe par deseure comme au piller vers midi'
Item sur les viez murs de ladicte tour , se peut eligier
sur les II1I pans , sur chascun pan , I mur de telle
haulteur que bon semblera a nosseigneurs de l’eglise
et monter les II monies & vis qui y sont h tel haul*
teur que ledite tour se raontera , avec les deux pillers
des deux aultres comiers tours.
Et par ainsi semble aux dis ouvriers que ladite tour
et ouvraige et tout ce que on y voulra faire , se porra
faire bien et soufflssamment.
piece B.
AVIS POUR LA CHARPENTE DU BEFFROY.
Aujourduy VII* jour de juillet l’an mil III1C et LXXIIU
Jelian de Lavesne , maistre carpentier de mon tres re-
double seigneur Monsr le due de Bourg® en sa ville et
chasteau de Hesdin , Guillaume Boidin maistre carpen-
tier de l’eglise et abbaye de Saint-Bertin , Jehan Come-
hotte maistre carpenthier de la ville de Saint-Aumer ,
Jehan Blommart , Guillaume Hughes maistre carpenthier
de i’£glise de Saint-Aumer , et Jaques Blommart maistre
carpenthier de l’^glise et abbaye de Wattenes. Ont tous
ensamble par la cberge et commandement de mess” de
Cappitle de 1’eglise de Saint-Aumer , fait visitacion bien
et au long en et sur le belfroy , aguille et eloequier ,
ou pendent de present les grandes doeques d’icelle
eglise.
Friinos d’un coinmun accord toot d’oppiniou et advis
a la distinccion correccion et moderacion de mesdits
seigneurs , que tout ledit belfroy et docquier , ave uc
1’aguille sera descoindt au moindre frait que faire se
porra.
Item le bois de l’aguille sera ostey , mis jus a terre
d’un lez a parlui en lieu convenable pour en faire le
prouffit d’icelle Iglise.
Item , le belfroy atnsi qu’il est sera aussi mis jus a
terre aveue aussi les clpcques et tout le bois y servant,
au moindre frait que faire se porra , lequel belfroy ainsi
mis jus et k terre l’en reffera ung belfroy assis a terre
du meisme bois , ouquel belfroy , ainsi reffait on y
mettra et pendera telles eloeques , qu’il plaira 4 mes-
dils s".
Item , en mettant jus k terre ledit belfroy , Ten laira
les sommiers et poutres de bois , qui sont de present
sur lequel ledit belfroy est assis pour les bauchier selon
l’ouvraige de machonnerie pour les ancrer ou machon*
nement nouvel de la tour , qui se fera au plaist de
Dieu. Et sc y conviendra avoir trois aultres nouveaulx
sommiers et poutres holtez et croisi4z sur les vieux
sommiers de X pauch d’esquarure ou environ , de le
longueur de l’ouvraige.
Item , desseure lesdits sommiers qui sera le IF estaige
cn ladite nouvelle tour de pierre , l’cn y conviendra
mettre deux nouvclles poutres de bois de XV a XVI
pauchz d’esquarure ou environ , les ancrer ou macbon-
nement nouvel et sur iceulx , y conviendra avoir qnatre
inoyennes |>outres de Xll a XII11 pauch d’esquarure de
le longueur de l’ouvraige revestus dc solleaulx et d’ais-
selin.
Et ou III" estaige sur lequel le belfroy sera assis , it
— 197 —
conviendra avoir irois bons grans sommiers et poullrca
de XVIII a XX pauchz , d’esquaruro ou environ de le
longeur de l’ouvraige ancrez eq ladite nouvelle machon-
neric. Et V aultres sommiers et poutres. de XVI a XVIII
pauchz d’esquarure de le longeur de l’ouvraige qui
seront croisiez sur. lpsdits trois, grans sommiers brac-
quonnez rechupt de quientea et de bracquons , revestus
de solleaulx et de gros plancquaige.
Tesmoing las saingz manuels des dessus nommez ,
ouvriers et carpentiers mis k cest advis et escript, fait
en l’eglise de Saint-Aumer le jour et an dessusdit.
Suivent les signatures de J, de Eavenne , de J. Blom-
mart, et les croix faites [*ar les autres ouvricrs.
PIECE c.
SIGNIFICATION FAITE AUX DOYEN ET CHAPITRB DE L’EGLISE DE
B‘-OMER AU SUJET DU BEFFROY PROVISOIRE , PAR LE
LIEUTENANT DU BAILLI DE Sl-0*ER , LB 26
AYRIL 1476 aprRs PAQUES.
Donne par coppie le XXVII* jour d’apvril l’an mil
UIIc LXXVI , par moy Clay le Feure sergant a cheval
du bailli de Saint-Omer , ce qui s’ensieut. Rolland Gou-
gebur lieutenant du bailli et chastellain de le bourg de
Saint-Omer pour mon Ires redoubts et souverain sei-
gneur , Mods' le due de Bourg"*, Au premier sergant
de ladicte chastelenie sur ce requis salut ; Com me les
doyen et capitle de l’^glise collegial de Saint-Omer en
la ville d’illec , se soient nagaires traiz devers nous et
les gens du conseil de mondit s' le due en ccstc dictc
ville , et nous aient remonstre qu’ilz avoient marchandc
faire ung bcflroy , pour y collocquicr certain acord de
clocqnes nagaires fait pour raugmeotacion du service
divin , lequel beffroy chergie deed, clocqnes , ne se
pooit lore asseir sur le clocquier d’icelle eglise , parce
qu’il a est6 trouve la foudacion d’iceluy , n’est pas assez
soufQsant pour soupporter sy grans fals , en nous re*
que rant que jusques ad ce qu’ilz auroient fait fortiffler
ledit clocquier en estat pour soupporter ledit beffroy et
clocques , nousleur vaulsissons acorder certaine porciou
de heritage ou pourprins de lad* bourg pour assir ledit
beffroy , et clocques laquelle portion de heritage il?
seroient tenus se mesurer et mectre le mesurage en
noz mains, pour. sur ce faire lettres faisans mencion de
deux cappons qu’ilz en devoient pater au proufBt de
mondit s' de recongnoissance et d’autres droix et devoir?
a ce appartenans; et combien que de raison, lesdita
doyen et capitle , ne deussent faire picquier , fouyr et
ne aucunement touchier audit heritage , sans avoir fumy
aux cboses dessusdites , neantmoins ilz ont fait mectre
toute ladite porcion de heritage h longny, et y fait
drecbier ledit beffroy , a intencion de y eslever lesdites
clocques, sans avoir fait la seurete des choses dessusdites
et les deppendences , qui est et plus porroit estre au
grant interest et dommaige de mondit s' le due reprinse
et deshonneur de ses offleiers de par de$a , se provision
ny estoit mise ; pour quoy , nous vous mandons que
vous vous transportez sur mote d’icelui cbastel de le
bourg , et illec faites eommandement de par mondit s'
le due a tons ceulx que y trouverez de par lesdits
doyen et capitle besoingnant ausdit beffroy qn’ilz se
dep(K>rtent de plus y besoigner et se departent dudit
lieu , jusques ad ce que lesdits doyen et capitle auront
fait les seurtez avant dictes et furny aux deppendeuces,
ou que autrenient en sera ordonne. Ge faictes , sy que
dcffault ny ait , de cc faire vous donnons comraicion.
— 499 —
Donne soubz notrc seel le XXVI6 jour d’apvril Ian mil
llllc LXXVIaprez Pasques. J. Darthb. — Signe Le Feurb.
piiicB D.
CONSTRUCTION DBS PLANCHERS DB LA TOUR. — DEVI8
' DB LA CHARPBNTE.
S’ensieut la devise de carpentrie que ont inteucion de
faire Mess” doyen el ebapitre de l’eglise Saint-Omer pour
faire et furnir trois plancquier qui serviront poor le
tour de leur 4glise lesquels seront fais par la maniere
cy aprfcs declare.
Et primes a ladite tour dedens euvre XXXVI pies en
quarure ou environ et pour le premier plancquier qui
sera assis au dessous de la vaussure d’icelle tour XVIII
pies ou environ , comment espasser et assir deux ou trois
gros sommiers qui seront ancres es murs d’un costet
et d’autre estoffes d’anilles dessoulx les sommiers de
bracons et de anilles pendans qui seront retentes sur
gros corbeaulx de gr&s de telle longueur tant es anilles
comme &s bracons que Feuvre le requera.
Item , et k travers d’iceulx sommiers seront assis trois
auires sommiers espass4s en ladite tour lesques seront
ancres es murs de ladite tour cescun estofer de plates
anilles desous les sommiers et de anilles pendans contre
Ie8dit8 murs assis sur ung eorbel de. grfes estoffes de
bracons cescun sommiers comme il appartient et seront
assis deuix liteaulx contre les deux pans de la tour
lesquelz liteaulx seront retenus cescun de deux ou trois
corbeaulx de grfcs.
Hern >. et sur iceulx sommiers et liteaulx seront en-
— 200 —
pakine les gistes dudit plancquier lo plus part i ceue
d’aronde espasses k piet et demy de point moien a
autre et sur icelles gistes sera fait un plancquier cPais-
selles de quenne dun paus despes frauc soyet feuillie
lune sue lautre conune fl appartient.
Item , pour le second plancquier qui servira a portd
le belfroy des cloches sera assis XVIII pies ou environ
au dessus de celluy desudit , lequel sera estoffe de deux
ou trois gros sommiers ancrds cescun 6s murs comme
il appartient estoffd de doubles anilles de bracons et
corbeaulx de gres conune ceulx dessudits.
Item , et au dessus d’iceulx sommiers seront assis trois
aulres sommiers en croisant iceulx estoffds de bracons
d’ennilles ancres comme les autres cy dessus avec les
listeaulx contre les murs 6 cc servant sur lesqties som-
miers et listeaulx seront empatinds k ceue d’aronde es-
passds 6 XIII pans de point moyen a autre et sus icelle
gistes plancquier d’aisselle de quenne de ung paus et
demy d’espes feullles l’une sur 1’autre conune il ap-
partient.
Item , et pour le troisieme plancquier qui servira a
porter le terrace de ladite tour fault pareillement deux
ou trois gros sommiers estoffes comme les aulres cy
dessus et pareillement trois autres sommiers k travers
d’iceulx tout estoffds de bracons d’ennilles et ancres
comme les autres et avec ce les listeaulx a ce servant
sur lesques sommiers et listeaulx seront empatlnd les
gistes k ceue d’aronde espassds k Xin paus de point
moyen a autre et sur icelle gistes sera plancquier d’ais-
selles de quenne de paus et demy d’espes feuDids 1’une
sur 1’autre comme il appartient.
PAUCHISON DE BOS.
Et primiers les irois gros sommiers du premier estage
— 201 —
tie XX pans de large et de XXII paus de liault et les
trois autres de XVI paus de large et de XVIII paus de
liault les gistes de V paus quares les listeaulx de IX
paus de large et de XVI de hault.
Item, pour le second plancquier les gros sommiers
de XXIII paus de large et XXVI paus de bault et les
aultres sommiers de XVI paus de large et de XVIII paus
de bault les gistes de yi paus quarees et les listeaulx
de XVI paus de hault et de XII d’espes.
Item , pour le troisieme plancquier les gros sommiers
de XX paus de large et de XXII paus de hault et les
autre XVI paus de large et XVIII de hault les gistes
de VI paus quarees et les listeaulx de XVI paus et
de IX.
I Item tous les bos d’anilles de VIII paus d’espes et
de largeur des sommiers servans contre les murs et
cclles desoulx les sommiers V paus d’espes et les bra-
cons de XIIII paus d’esp^s et la largeur des anilles
et sommiers. Tout lequel bos sera livrd de bon quenne
leal et marcbant comme k tel oeuvre appartient.
piece E.
CONSOLIDATION DE LA TOUR ET DES MONTIES A VIS.
ann£e 1494.
S’ensieut l’advis que bailie par escript maistre Grard
le Drut a tres honnoures seigneurs Mess" doiens et cha-
pitre de l’eglise Saint Omer , pour 1’ediiication et ocmen-
tacion de la tour de leur eglise dont la declaration
s’ensieut.
Et premiers apres pluiseurs advis conceus et doutant
20
— 202 —
It* grant dt-tnolissemenl qui sembloit estre necescaire
dee deux montee k virs lesquelle ont cescunne plus de
IlIIx* pi6s de hautt de dix pies de large et de salie
XII pies ou environ , considerant que ce k le r^difler
serait ung grand peril pour ladite eglise et pour tou^
ouvriers qui il meterotent la main, Et ousy le grand
dommage de ladite dglise.
Item pour obvier a ces despenses et inconvinens est
advise par ledit maistre Grard que se il plaist a mes-
dits s" de consentir que les deux tourelles et montees
a virs du coste du grand portail seront lesdites montees
les murs d’icelle respessis de trois pies ou environ et
au quart pardevanl ledite tour jusques au point moyen
d’icelle toureille ou environ par ce ara le teste du mur
de devant qui sera piller ara d’espes VIII pies ou en-
viron.
Item , et seront les trois pids dessusdits fondes avec
la fondacion de la moittie de ladite tourielle de cincq
ou six pies ralongie en fondacion se fonde nest , lequel
convient faire bien et souflsament et en ce faisant de-
molir ladite montee el remachonner ladite montee avec
ledit mur comme il appartient, comme line meyme
oeuvre et bien Iyer la nouvelle machonnerie avec la
viese , en prenant au creus de la montee demy piet on
environ et par ce aront lead. deux pillers XVin pies
de bouture et de VIII pies de large.
Item est advise que se il plaisoit k mesdits sn <hi
porroit des mainlenadt ordonner une fachon de portal
qui se lyroit avec la macbonnerie dessusdite jiour le
par acever en temps advenir. Et en ce faisant seroient
ordohnees les ouvragcs qui scmbleroient estre necessaire
pour ce faire.
Item et en ce faisant lad. ralonge et mur dessud. se
— 203 —
estril de raison que lad. ralonge soil reveslue de mo-
lures comme sont les tourielles de present lequel mur
et ralonge fera piler en conforlant laditc tour, et led.
ralonge s’en yra amortir par flollcs et listes par retreste
ainsy qu’il sera ordonnl de ce fairej
Item et en tant que il touche le demolicement des
deux tourielles ne seront point d^molie du hault en.bas
mais seront demdie jusques au premiers tour des mar-
ches lesquelies seront retenues par estanchons de bos
qui seront mis par dessous icelles marches et macbon-
neries par dessus. Et ensy en sera bit a cescun tour
pour 1’entretenement et beauts deleuvre.
Item est advise que les allies qui sont desous la grande
veriere entre les deux montees avirs qui sont au massis
du mur de la grose tour seront rem plies et machonnes
bien et soufflsament et avoec les trois buiseries comme
une meymes oeuvre.
Item sera faite une arcbe a pointe a telle title que
bon semblera qui se prenra a trois pils des murs qui
servent aux oipntees a viis , laquelle arcbe sera faite
tout au quarl„de;piere dure de l’espesseurs dudit mur
ou au tant que 'bon semblera et sera encommenehio sy
bas que pour sourporter la vausure du grand 0.
Item seront encore faites deux autres arches sy comme
es deux autres pans de lad. tour l’uue vers la merct
l’autre vers midy , lesquelies se prendront leur mou-
vement a II1I ou V pies des pillers faisant boutures aux
gros pillers de ladite tour et seront faites a pointe a
telle title que bon semblera et tous ■ les vausoir au quare
a telle espesseurs que les murs ou autant que ilapper-
tenra et ce pour sourporter le piller d’entre les deux
verieres en cescun pan & cause du grand fais de lad.
tour lesquelies arches se commencheront le plus bas
que faire se porn.
— 204 —
Horn et sy scroit bon de fairc a cescun tour dcs mar*
chcs de cescunne montie h virs faire demy archc mon-
Tans du dedens euvre de la montie boutant contrc le
bourdon et marches qui tenront la lingne et venne de
la nef et led. demy arche remplie de macbonncrie jus-
ques au autres marches par dessoulx du demy tour de
la rnontee k virs et ee pour faire bouture poor lentre-
tenement de la grand tour icelle demy ardte faite de
dure piere comme il appartient siiuf que en la double
montce se faire se pora.
Item et touebant le parfait de ladite tour ensemble
les deux montecs a virs et la joncion du mur desud
avee les loysons des marches et bourdons ensembles les
les macbonneries du residu des montees qui demeure
en leurs entirs poront et demouront fermes et estables
que pour porter les fais des machonnerie qui seront
necessaires estre faites pour le parfait de la hauteur de
lad. tour.
Et au regard des ouvrages a vous necessaires pour le
parfait et retenue de la tour de vostre eglise ledit maistre
Grard s’est emploiis a toutc diligense de pourveir et
remedier aux inconveniens qu’il cust peut venir el pour
evilcr les grans despenses qu’il eust este , vous bailie
ceste devise et advis pour escript afin que vous conchies
en vos afaires a vostre bonne discretion et se aucune
chose y est declaree hors de vostre eulendement ledit
maistre Grard vous en baillera de bouche plus ample
declaration tant a vous comme a l’ouvrier qui aura la
cerge de vostre ouvrage.
piece F.
VISITS l>E LA TOl'R FAITE LE HUIT AVRIL 1S10.
Aujourdhuy VHP davril mil chine cons ct dix apres
— 205 —
pasques a la requestcdc Mess® de leglise de Saint Orner
doyen et chapitle a este veu et visits la tour cncom-
menc£e et nest point encore achervee en la manure qui
s’ensuit par qnoy est grand besoin <Fy be6ongner en
telle sorte que ce qui est fait ne soit point1 perdu , et
pour cc qn’il y a de grandes romptures et domaiges &
ladite tour nous les verrons tons par articles pour y
onner rferoede au mieulx que faire se pourra afln que
lad.* ouvraige se puist parfaire et acbever a l’intencion
de Mess® doyen et chapitle.
( Cette visite comprend 36 articles , plusietirs out trait
d des degradations pen importantes , on a jug( con-
venable de ne donner id que les articles qui ont paru
les plus inter essants. )
Item et pour ce que nous trouvons ledit pillicr ( sur
lequel est fonde le second arc-boutant du ct>te sud ) ,
bon et materiel, 11 est besoing dc mettre jus le flerte
ct fiolc du dcuziestne cstaige et rcmontcr ledit pillier
de pie droit a la liaulteur de six a sept piedz , la a
ceste liaulteur qu’on viendra faire encoircS ung arboutant,
lequel sera fenner au dcssus du larmier des premieres
clercs voyes , qui est assez pres de la premiere gin-
bergbe qui est au dessus dan priant qui tient ses heures.
Et pour ce que l’oeuvre le requiert bien il est de n6-
cessite de faire toutes ces oeuvres, apres que led. pillier
sera monte on remcttra led. flerte et fiole en leur estat
comme elles sont. Et sera une bien bon oeuvre car
j’en ay veu en aucuns lieux de quoy on s’est Ires bien
trouve.
Item cf pour parlor du gros pillier dedens oeuvre ,
— 206 —
lequel porie l’arete et coing de lad. tour , lequel pillier
se bouto et esventre par dedena oeuvre , k causes des
rains qui lui sont fort charges , et est cda cause devoir
rompu l’ardoubleau qui est fondd et pris sur le chap-
piteau dud. pillier , mais pour y rentode donner je suis
davis que on y doit besongner en la sorte que j’en
bailie ladvertissement.
Item , et premier pour Men et seurement enbaiUonner
ledit pillier il fauldroit prendre une area bonne et pais*
sante de Uumilleure pierre quon pourroit trouver de
Marquise on autre pierre, laquelle arce se fauldroit
prendre le pto a la bauteur et niveau dn larmier con-
rant lequel larmier est rempli de feullage a l’antique ;
et fauldroit faire courir led. larmier au pourtour des
deux pilliers , sur lequel larmier et chappiteau se ara-
cberoit l’arce que dit est fouraie de sourvaulx et autres
arce* suivantes sur le crape de lad. arce pour gaigner
es|>oisse de mur, et fauldroit faire led. arce a tille ra-
vallee afin qu’elle eut plus grant boutoe , pour espauler
led. pillier., lequel est fort endommagd , et fauldroit
rernplir ct relier ensemble la machonnerie au dessus de
1’arce avec le pillier, et le monter tout k niveau jus-
ques a la liaulteur de l’encbappement et chappiteau sur
quoy le doubleau k present est pris.
Hern , en ensuhrant l’oenvre sur lad. arce ft fauldroit
faire UDg larmier et iallu portant glacis de pillier k
autre , lequel larmier serviroit de platte bende , et sur
ledit larmier ou millieu de lad. arce fauldroit eliger et
ordonner de gros remplage fourni d’estanfioque de bonne
dure pierre grande et spaeieuse tant en largeur queen
haulteur et serviroit led. remplage de conforter et ayder
la grosse arce sur ■ quoy est fondd a present ung des
pans de la tour. Et pour ce qu’il est besoing de oster
les orgues du lieu dont elles sont on les pourroit bien
— 207 —
remettre et adosser contra Tune des parties de lad. arce
qui seroit une chose hors l’estonnement des cloches ,
et pourroit-on avoir la soufflerie desd. orgucs sur les
basses voultes du costd quia on trouvera le plus coiive-
nable , et ny a remfede que je seusse donner pour con-
forier led. pillier , que ce que fen diz , on l’eust bien
enbaillonne de bois , mais ce n’est point ung oeuvre
tel .que le cas le requiert , On atraveroit bien led. pil-
lier d’ancres de for par le dehors les pilliers , et les
paindre tout au pourtour de deux atraves de fer , avec
un grant tenon qui seroit mis. sur la devanture dud.
pillier, et yroient lesd. ancres reprendre et rerabracer
les .pilliers qui sont hors eeuvre. par dessus les basses
voultes, c’est une chose de quoy vous pourrez con*
seiller entre vous tous .Mess'* pour sayoir lequel seroit
plus prouffitable de ce que on vous a ycy d£claird,et
je suis davis si vous le faisiez de fer , que vous ne
sauriez si bien conforler la grant arce que vous feriez
se lad. arce cy dessus nommes estoit faicte comme je
l’entens , et est le milleur conseil que je vous en sau-
roye donner , pourtant. je m’en aliens a vous.
Item au pids du gros pillier de lad. tour il y a une
forme sur deux meneaux par dedens oeuvre sur les
dalles et allies par ou on va an pourtour de lad. oeu-
vre et lad. forme est par le dehors sur ung meneau
quon dit une estanficque , Et est eonvenable de remplir
et murer lad. forme tout au massis, avec les petits
huis par ou on descend 4 venir sur lesd. dalles, Et
faut aussi restouper et rejoiadre une rompture qui est
au dessus de lad. forme taut par dehors que par dedans
et va lad. rompture jusques a la haulteur dun taber-
nacle et passe lad. rompture par dedens le dossier la
— *08 —
ou la fa$on est pour mettre quelque ymage . II y a
quelque peu de remplage a la forme qui eat aupces de
celle qui fault murer, la ou il y a quelque rompture
sans plus au formemeot , et lea fault remettre et re*
naturer tant quo pour souftlr.
Item le pillior sur quoy porte larboutant do milUeu
de lad. tour 11 y a ung petit buia lequel huis il fault
remurer et remplir tout au maasis qui n’eat gueres grant
ebose , & cause dea romplurea qui y sont.
Item au gros pillier de lad. tour en tirant 4 la croisie
3 y a une huisserie a travers dud. piller , laquellc il
fault remplir tout au massia , & cause qu’il faut murer
et remplir la forme et verriere qui tient aud. piller ,
avec ung petit huis qui tient a lad. forme comme il y
a a l’autre coste , et est besoing de remplir led. huis
tout au massis, a cause qu’il pourrait prejudicier a lad.
oeuvre , et ne trouve en ceste espace la sinon , qu’il
fault remettre une piere ou deux au meneau de leslan-
ficque de la verriere qui demourra ouverte et fauldra
ung petit racoutrer le remplage de lad. verriere qui
u’est gueres grant chose En ce faisant vous ferez gran-
dement le prouffit- de lad. oeuvre Et ne trouve au dessus
desd. verrieres nulles rompturds en mauiere qui soit.
Hem ausai la mont£e qui est commence a remplir
il le fault parmurer en telle sorte quelle est commencee
toute au massis jusques a la derniere marce qui est
faitc h present , avec ce fault murer Ihuis par ou oh
venoit de lad. montee en la tour au deuziesme eatage,
Et pour parler de lad. tour tant dehors que dedens se
ce n’est sur le portail qui fault faire de neuf ouvrage
je ne trouve point que lad. tour soit endommagee en
maniere que la chose en puist de pis valoir.
— 209 —
Item 11 fault parler maintenant du pan entre deux
pilliers la oa ou veut faire le portail du coste Mohs'
Berquelin , Et pour ce qu’il y a encoires de le vielle
macbonnerie beaucoup audit pan , il sera besoing que
en demolissant pour faire led. portail , il fauldra em-
baillonner entre deux pilliers & la haulteur des dalles
qui sont pour les basses voultes , et en mettant quatre
ou chine bailloos de bon gros bois et- les em passer de
quatre a chine piedz l’un de l’autre , et mettre contre
le mur quelque acelle ou croutaux afin qu’on puist
tendre lesd. baillons a force de pinces et cuignetz , Et
pour ce que je ne scay pas la sorte du portail que
Mess" veulent faire je n’en parle point de lad. oeuvre.
Il sen pourront conseiller entre eulx , car je ne scay
quelle despence on y veult faire , mais s’il y avoit au-
cuns de Mess" qui allasset a Paris ou Amiens , ou a
Beauvais , il y en a de belles pieces sur quoy on
pourroit bien prendre patron , car ce n’est point une
chose qu’on puisse si tost faire sans en demandercon-
seil.
Item En lad. devanture il y a une grande forme de
verriere a fapon dun Oteau laqudle forme et remplage
il fauldra le mettre toute jus car de s’en servir on
ne sfauroit , a cause qu’il y en a la plus part toute
rompue et esclattee , par quoy il est besoing de lo
mettre toute jus , Et' ne scauroye que dire de lad.
ouvrage le tout veu et visits par parties et chacun' a
par soy , Mais qu’on il veulle ouvrer en la sorte que
dit est ce sera ung grant bien comme il me semble
et que je Pay veu par experience en des autres ceuvres
en plusieurs lieux , parquoy besongnez y ainfois que
la chose empire , et vous ferez bien sagement. Aultre
chose vous sjauroye que dire de vostre oeuvre sinon
que Dieu vous en doinst parfaite joye en accomplissant
27
— 240 —
lout bon vouloir au proufBt de lad; oeuTre , En vous
disant adieu Par le lout voetre serviteur
Signe. Pieble Melel.
PIECE G.
dev is pour la Goronwcnon do pobtail par Jbah
VaNDE POELK , HA1TBE UAQOX A BRUGES.
Memoire du portail de teglise de Saint Omer sur la
devanture de Moos' Becquelin , Et pour donner raison
et portion a lad. oeuvre je trouve par dedens oeuvre
qu’il est necessaire de faire en faisant led. portail,
que en raachonnerie en comprendant toute oeuvre pour
rejoindre l’un a l’autre contient quatre toizes ou environ,
En laquelle largeur se ellegiront les portaux d’icelle
eglise , lesquelz portaux porteront de bee en jour entre
le pi6 droit el le meneau du raillieu chine piedz on
environ sur la haulteur de douze a treize piedz de
jour.
Item Et pour donner ordre et conduicte a ceste
oeuvre il faut proporcionner la baulteur de lad. dglise
laquelle haulteur contient depuis le rey du pavement
de lad. eglise jusques k la haulteur du dessoubz de
larce qui est faite a present et ne peult on aller plus
bault que dit est a cause que cest ouvraige faicte, il
il y a en lad. baulteur treize toises et demic ou en-
viron sans toucher a la fondacion , laquelle fondacion
il faudra cercher taut que pour soufGr.
Item Et pour parler de lad. oeuvre il y a, touebant
pour le dehors oeuvre entre deux pillierS il 7 a de jour
quatre toizes ou environ , sur l’espasse de douze piedz,
ainsi que les fohdacions sont prinses. Mais s’il est que
les fondacions ne soient souffisantes il les fauldra. visi-
ter et remettre il nature ainsi que 1’ oeuvre le requerra
Et en lad. espoisse le droit de mur contient chincq piedz
et demi Le residu de lad. espoisse ne sert que pour
embrasement pour ordonner de chascun coste trois
custodes lesquelles il faut fournir d’entre piedz et de
tabernacles a la discrecion de lad. oeuvre Et pour four-
nir & lad. oeuvre.
Item Et premier conviendra faire l’essoucement de
lad. oeuvre au dessoubz des basses le soubzbasser et
engresser de grdz ou de la plus dure pierre que Ton
pourra trouver , soit de Marquise, ouquel soubzbassc-
ment il fauldra en l’empattement hors 1’ espoisse du
mur faire unc assiette de siege pour soy assir taut
d'un coste que d’autre Et auront lesd sieges de haul-
teur depuis le pavement chascun en son equalite de
seize & dix huit paux , et sur lesd. sieges au dossier
de derriere il conviendra eslegir au droit du mur dudit
embrasement des coulombes avec les dossiers et mon-
teront lesd. coulombes de pid droit de quatre a chine
piedz , aprfes lad. haulteur les conviendra arquier et
refermer lune a 1’autre tant que pour soufQr et se
feront toutes ces oeuvres ci dessoubz de bonne ronde
molure tant grosse que menue ainsi que l’oeuvre le
requerra
Item En ensuivant lad oeuvre en amont au dessns
desd. arqures il se fera ung esebappement sur lequel
eschappement il conviendra dligir et ordonner de chascun
costd dud. portail sur led. eschappement trois etitrepiedz
a chascun entrepie sa custode fournie de tabernacle
proporcionne a la haulteur que l’oeuvre le requerra ,
pour ce que il y a oeuvre faicte, a quoy nous somincs
contrainctz de obeir.
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Item Aussi il est k noter que sur led cncliappcment toutes
les molures des arces qu’il conviendra faire ondit ou-
vraige , tant d’un coste que d’autre , et elles se pren-
dront de nassance sur led. enchappement , Et les
conviendra monter de pi£ droit , a cause des dossiers
des images et plus hault que le prinse des tabernacles
engardantle droit et l’artde machonnerie, et pourront
monter lesd. piedroiz a la baulteur de six a sept piedz,
et sur lad. baulteur se prendront les arces et voulcures
dud. portail , lesquelles arces se feront toutes de bonne
molure raisonnable a cause que le lieu le requiert , en
ensuivant les piedroiz , et toutes ces molures ic; se
feront rondes, avec les nacelles et filletz pour monstrer
fagon d’oeuvre , et le tant , tout pour souffir.
Item Et pour ce que l’teuvre le requiert, il convient
faire entre les deux portes un meneau qu’on dit es-
tanfleque , sur lequel meneau se fera un entrepie , a
la baulteur de lenchappement dessud. se fera ung petit
dossier sur lad. estanfleque , lequel dossier sera de
baulteur pour y mettre ung image de notre dame qui
peut avoir de bault chine piedz on environ selon que
l’oeuvre le requerra , Et pour l’accomplissement dud.
dossier aprfes lad. haulteur il fault ung tabernacle grant
et spacieux a cause qu’il y a lieu pour le faire , Et
fault , que led. tabernacle soit a raisonner de tout ce
qu’il lui appartient, comme pillier, formette, croix d’ognie,
ginbergbe , arboutans , creste , Hole, flouron, et amortir
en la raison que ung tabernacle doit avoir selon la
largeur et haulteur , ung ouvrier il ne lui en fault
riens dire , e’est 1’entendement des ouvriers , Et toutes
ces oeuvres icy- dessus nommez se feront bien et souf-
fisamment par dit douvriers gens en se congnoissans.
Item , Et pour ce' que nous ctions a parler do la
voulcure du portail il conviendra faire a lad. voulcure
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unc procession de cornettes pendans toutes' a plonc ,
non point a tour d’arce, et seronl lesd. cornettes du
voulceur meismes , afin que ce ne soit point ceuvre
tnise aprfes coup , Et pour araisonner lad. arce il y
fauldra faire une cbambraule grosse et materielle , et
au dessns de lad. chambranle ' la machonnerie qui se
prendra a niveau se fera toute de formement anorine,
avec auscunes grosses creates, qui „seront sur led. ebam-
branle de la pierre meisme.
Hem , Et apres que lad. arce sera aras£e et mise a
haulteur et niveau de la pointe il fauldra eligir ung
larmier gros et spacieus , auquel larmier il y aura
deux gargoulles saillans hors ceuvrs de quatre a chine
piedz ou environ Et conviendra a la haulteur dud. lar-
mier et gargoulle faire une dalle de grande pierre et
littue , sur quoy on ira pour viseter les affaires des
oeuvres tant en machonnerie que en verriere, Et se fera
aussi sur led. larmier une clfere voye qui servira dappuye
sur le dehors dud, portail , sur laquelle clere voye il
conviendra eligir et prendre ung pinacle, lequel pinacle
se montera a la haulteur, que la layeur entre deiix
pilliers est a present et se amortira led; pinacle a Sole
convert d’un rampant portant enchappement tant d’un
coste que d’autre charge de cresles et de flourons , et
a la chime dud. pinacle conviendra faire ung entrepte,
sur quoy on mettra ung image ou statue telle qu’il
plaira a Mess'*.
Item Et pour parler dud. J portail par dedens oeuvre
il le fault foumir de battees bonnes et. souffisantes, avec
les plattes bendes qui viendront porter sur le meneau
du milieu , auquel ineneau il se fera un entrepte pour
mettre quelque image , et de chascun c6te dudit portail
ung entrepie , pour mettre quelque priant , fournis lesd.
lieux de tabernacle , car ce sera une chose bien singuliere
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Et pour voulter led, portail par dedens oeuvre il con-
viendra faire une grande voulcure d’arette 4 autre ,
laquel voulcure se fera en tierch point, et de dessus
le meneau du milieu par derri&re Ie tabernacle il se
eslegira deux petites arces, qui sen iront refermer a
raison de tierch point contre le grant arce, et au dessus
de lad. grant arce il conviendra machonner par siente
et araser et mettre a niveau
Item Et pour ce qu’il est nteessaire d’avoir veue dans
l’lglise par desseure led. portail il conviendra faire ung
enchappemeut et larmier tant dedens oeuvre que dehors,
sur lequel larmier on esligira a la discretion de l’oeuvre
une verriere grande et spacieuse, laquelle verriere se
remplira de formement portant sur grosses estanficques
non point en fa$on de oteau , mais il conviendra faire
en la sorts que nous disons , et le tout bien faire et
souffisamment de bonne mati&re en gardant l’ceuvre qui
est par dessus, car elle est fort pesante, et a mestier
destre confortee et aydee au moins mal que faire se
pourra, Et soit bien garde d’endomager lad. oeuvre sinou
es lieux la ou besoing sera, Et en faisant ainsi ou
mieulx je vous advertiz que vous aurez ung oeuvre qui
sera au prouffit de leglise, et k Ihonneur de ceux qui
s’en mesleront Et vous prie que vous vous y conduissez
en tel sorte que l’bonneur de chascun y soit bien garde
Je seroye bien marri de vous dire aucune chose qui
ne vous fut prouffilable , 11 y aura biaucop de choses
en votre oeuvre que J je